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Réflexion générale au sujet de l'idée de peuple élu.

Exposé sur la création récente d'un peuple élu en Extrême-Orient, le peuple japonais, au 19ème et 20ème siècle.

 

Voici un suite d'extraits d’un livre : « Le zen en guerre 1868-1945 » de Brian Victoria, paru aux éditions du Seuil, écrit en 1997.

Ce livre traite du rapport entre le bouddhisme zen et la modernisation et la militarisation du Japon au 19ème siècle, action opérée sous le règne de l’empereur Meiji, dite « Restauration impériale ». Cette Restauration fut mise en œuvre en réaction à la menace colonialiste occidentale en Asie.

Les premiers extraits reproduits ici, proviennent des écrits laissés dans sa cellule de condamné à mort, d’un moine bouddhiste zen, Uchiyama Gudô, qui refusa l’idéologie de la domination impériale, et son corollaire, la militarisation, alors que les principales sectes bouddhistes japonaises s’étaient mises au service de l’Etat impérial, pour légitimer ses guerres coloniales. Les extraits qui les suivent, sont ceux qui légitiment par la divinité, la suprématie du peuple japonais et l'embrigadement militaire.

 

Au Japon au 19ème siècle, en réaction à la menace coloniale occidentale, s’était développée une idéologie exactement similaire à celle qui empoisonne le mental de l’Occident et qui provoque aujourd'hui sa perte, idéologie de la notion de peuple élu, de guide, de lumière pour l’humanité.

 

Voici à ce sujet un extrait de ce livre (P.118) :

 

« Le principe qui sous-tend l'esprit du Japon est l'illumination du monde par la vérité. De même que nos frères mandchous (ndlr : en réalité envahis, colonisés, massacrés, torturés, violés en masse, exploités, pillés par les japonais) en sont venus à nous suivre avec affection, de même devons-nous guider toutes les nations du monde sur le chemin qui mène à la vertu et établir le paradis sur terre, où prévaudront l’amour fraternel et la paix universelle et où tous les hommes seront des saints bouddhistes. Tel est le véritable idéal de l'esprit du Japon ». (ndlr : cela ne vous rappelle rien la "Lumière des nations" ?).

 

Voici quelques extraits des écrits du moine réfractaire à cette idéologie du peuple élu, Uchiyama Gudô (17 mai 1874 – 24 janvier 1911). Ces textes rédigés dans sa cellule de condamné à mort, ont été remis par l’autorité, qui a « miraculeusement » oublié de les détruire, avec ses effets personnels à sa famille.

 

Principe d’égalité d’importance entre toutes les formes de la vie :

 

« En tant que propagateur du bouddhisme, j'enseigne que « tous les êtres sensibles ont la nature de Bouddha » et que « dans le Dharma existe l'égalité, sans notion d'inférieur et de supérieur ». J'enseigne en outre que « tous les êtres sensibles sont mes enfants ». Ayant fait de ces paroles d'or la base de ma foi, j'ai découvert qu'elles étaient en accord parfait avec le socialisme. C'est ainsi que je suis devenu un adepte du socialisme ».

 

Principe politique d’autonomie et d’indépendance de chaque être, et de solidarité et d’entraide, entre tous les êtres :

 

« Vous devez en toutes choses agir conformément à ce que vous croyez juste. Alors les autres n'ont aucun droit de vous entraver ou de faire obstacle. Autrement dit, de même que vous respectez les intentions des autres, les autres doivent pleinement respecter les vôtres. C'est la condition d'une vie paisible. En bref, le but ultime de l'espèce humaine réside d'une part dans l'indépendance et l'autonomie et de l'autre, dans l'entraide et la solidarité, ou en d'autres termes dans la liberté, l'égalité et le souci du bien-être d'autrui. Vu dans la perspective de l'évolution de la politique, du droit, de la religion et de la morale, on peut dire que le progrès est venu de l'extérieur avant d'être intériorisé par les individus. On apprend à se diriger et à se contrôler tout en mettant sa propre richesse au service de la satisfaction des besoins des autres. Ce faisant, l'être humain va naturellement vers l'accomplissement de sa finalité [...] Nous autres, êtres humains, n'avons rien à voir avec les vaches et les chevaux, qui ne peuvent vivre sans une puissance qui les domine et les contrôle. Au contraire, nous devons être capables de vivre et d'agir en toute liberté, maîtres de nous-mêmes et fermement plantés sur nos deux pieds ».

 

Description des inégalitaires supérieurs, nuisibles, des fauteurs de troubles (c’est ce texte qui imprimé en cachette sous forme de tract dans son temple, puis envoyé par paquet par la poste dans tout le Japon et distribué dans la rue, valu au moine Gudô d’être emprisonné, puis condamné à mort et pendu :

 

« II y a trois sangsues qui sucent le sang du peuple: l'empereur, les riches et les grands propriétaires terriens [...] Contrairement à ce que voudraient vous faire croire vos maîtres d'école et d'autres individus, l'empereur, grand patron du gouvernement actuel, n'est pas le fils des dieux. Ses ancêtres sont venus d'un coin du Kyushu, tuant et volant en chemin. Puis ils ont massacré leurs complices, Nagasune-hiko et bien d'autres [...] Réfléchissez un instant et l'évidence que l'empereur n'est pas un dieu vous sautera aux yeux. Lorsqu'on entend dire que [la dynastie impériale] existe depuis 2 500 ans, on pourrait croire que l'empereur actuel est divin. Il se trouve pourtant que les empereurs ont toujours été la proie des attaques de leurs adversaires étrangers et, sur leur propre territoire, traités comme des marionnettes par leurs vassaux [...] Bien qu'il s'agisse là de faits notoires, les professeurs d'universités et les étudiants, qui sont tous des poules mouillées, se refusent à dire ou écrire quoi que ce soit là-dessus. Ils préfèrent au contraire se tromper eux-mêmes et tromper les autres en débitant des mensonges en pleine connaissance de cause ».

 

Description du principe du Bouddha, soit de ceux qui mettent leur être au service des autres êtres, au service de la vie :

 

« Shakyamuni était un religieux qui abandonna son trône pour devenir mendiant. Diogène était un philosophe qui a passé, dit-on, sa vie entière dans un baquet. Ce genre de vie ne les a pas empêchés de connaître une joie qu'aucun monarque n'aurait pu leur retirer. Cloué sur la croix, le Christ n'en a pas moins été heureux d'offrir sa vie pour racheter tous les péchés du monde. On peut en déduire que le bonheur appartient à ceux dont les comportements sont conformes à leur propre raison. Cela étant, n'est-on pas en droit de dire que les gens qui agissent en accord avec la raison sont ceux qui se consacrent à faire avancer, ne serait-ce qu'un petit peu, la cause de la répartition équitable du travail entre les hommes et de la satisfaction de leurs besoins, en termes de nourriture, de vêtements et d'abri ? Celui qui, après avoir agi conformément à la raison, devrait mourir sur l’échafaud, ou subir l'humiliation de la crucifixion, ou finir ses jours glacé jusqu'aux os dans l'enfer souterrain des mers du Nord, celui-là pourrait rester parfaitement calme et recueilli. C'est de ces gens-là qu'on peut dire qu'ils ont trouvé le vrai bonheur dans la vie ».

 

A contrario, voici quelques extraits du livre « Le zen en guerre », portant sur la légitimation par une religion, le bouddhisme, fondée sur le respect absolu de toutes les formes de la vie, de l’acte de tuer, de la guerre, de la conquête, de la domination. Cette propagande a été élaborée pour conditionner la population japonaise, dès l’ère de l’empereur Meiji, à la guerre de conquête, jusqu’à se sacrifier.

 

« Une guerre de paix ». « Défendre l’amour de l’humanité » :

« II n'existe pas d'opposition absolue entre le bouddhisme et la guerre [...] La paix est l'idéal naturel de l'homme. C'est son idéal le plus élevé. Le Japon aime la paix, si bien que même s'il fait la guerre il s'agit toujours d'une guerre de paix [...] En prônant la paix et l'égalité entre les races nous ne devons pas oublier l'État auquel nous appartenons. Nous ne pouvons espérer une paix véritable si, dans notre amour de l'humanité, nous oublions notre État [...] Quelle que soit notre ardeur à défendre la cause de l'amour de l'humanité, il n'y aura pas de vraie paix si nous oublions notre devoir envers notre pays ».

 

« exercer l’énergie bienveillante consistant à tuer une personne afin que beaucoup puissent vivre » :

« Désireux d'établir la paix éternelle en Asie de l'Est, nous donnons libre cours à la grande bienveillance et la compassion du bouddhisme, agissant parfois avec indulgence et parfois avec vigueur. Nous n'avons pas d'autre choix que d'exercer l'énergie bienveillante consistant à tuer une personne afin que beaucoup puissent vivre» (issatsu lashô). C'est quelque chose que le bouddhisme mahayana n'approuve qu'avec la plus grande circonspection [...] »

 

« réaliser le vrai bonheur d'une humanité en paix et construire une nouvelle civilisation » :

« Nous croyons que le moment est venu de procéder à un changement majeur dans le cours de l'histoire humaine, jusqu'ici centrée sur la race blanche et l'inégalité parmi les hommes. Pour réaliser le vrai bonheur d'une humanité en paix et construire une nouvelle civilisation, il est nécessaire de changer le cap de l'histoire du monde, de façon à la détourner du chemin erroné où elle s'était fourvoyée pour la remettre dans le droit chemin. La mission et la responsabilité du bouddhisme mahayana, enraciné dans cette vision sublime de l'histoire, est de donner corps à la vraie amitié entre le Japon et la Chine ».

 

« la guerre est en accord avec la grande bienveillance et la compassion du bouddhisme » :

« Généralement parlant, on peut dire que les bouddhistes chinois croient qu'il faut à tout prix éviter la guerre, quelles que soient les raisons invoquées pour la faire. Les bouddhistes japonais pensent quant à eux que, pourvu qu'elle soit menée pour une bonne raison, la guerre est en accord avec la grande bienveillance et la compassion du bouddhisme ».

 

 

« La guerre est donc bonne si elle a une bonne finalité » :

« Si le bouddhisme n'a jamais défini la guerre comme bonne ou mauvaise, c'est parce qu'il ne s'intéresse pas à la guerre en tant que telle mais à sa finalité. La guerre est donc bonne si elle a une bonne finalité et mauvaise si elle en a une mauvaise. Lorsqu'une guerre est en accord avec ses valeurs, le bouddhisme ne se contente pas de l'approuver : il lui apporte un soutien qui va jusqu'à l'enthousiasme ».

 

« mener des guerres compassionnées qui donnent vie à soi-même et à l'ennemi » :

Les causes de la guerre disparaîtraient et la guerre elle-même serait supprimée pour peu que le niveau de sagesse des peuples du monde augmente. Mais quand la situation est telle que l'humanité se trouve dans l'impossibilité d'arrêter les guerres, il n'y a pas d'autre choix que de mener des guerres compassionnées qui donnent vie à soi-même et à l'ennemi. C'est par la guerre compassionnée que les nations peuvent s'améliorer et que la guerre parvient à s'éliminer elle-même".

 

« La stricte observance du précepte interdisant de tuer quel que soit le moment et le lieu était absolument impossible » :

La stricte observance du précepte interdisant de tuer quel que soit le moment et le lieu était absolument impossible. De même, il était totalement absurde de renoncer inconditionnellement à la force des armes, car sans elle la société humaine ne pourrait durer ne serait-ce qu'un seul jour.

 

« la plus extraordinaire des saintes entreprises » :

Bouddhistes du Japon ! Mettez-vous résolument debout pour participer à la plus extraordinaire des saintes entreprises. Qu'importe ce que fait la Société des Nations ? De toute façon, pour qui l'Angleterre et les Etats-Unis se prennent-ils ? La flèche a déjà quitté l'arc. N'hésitez pas le moindrement. Lorsque la volonté est ferme, les démons eux-mêmes s'enfuient. La seule chose à faire est d'aller résolument de l'avant.

 

« une guerre juste ». « pas seulement nous qui en bénéficions mais l'Orient tout entier, voire l'univers » :

« Du point de vue d'un adepte du bouddhisme, la guerre en Mandchourie peut être approuvée comme étant une guerre juste. N'importe quel Japonais serait d'accord là-dessus. Ce qui veut dire que personne ne contesterait qu'il s'agit d'un combat pour la défense des droits et des intérêts légitimes du Japon [...] Étant donné que nos actes à l'égard de la Chine sont légitimes, ce n'est pas seulement nous qui en bénéficions mais l'Orient tout entier, voire l'univers. Qui plus est, la Chine elle aussi devrait en tirer avantage ».

 

« Au cours … d'une vie précédente, le Bouddha Shakyamuni participa à une juste guerre » :

« Au cours de sa pratique religieuse d'une vie précédente, le Bouddha Shakyamuni participa à une juste guerre. Ce sont les mérites qu'il acquit ainsi qui lui permirent d'apparaître en ce monde sous les traits d'un Bouddha. On peut donc dire que la juste guerre est l'une des tâches du bouddhisme. De même, obtenir la capitulation du pays ennemi entre aussi dans la pratique religieuse des bouddhistes [...] Je crois que les fruits brillants du combat qui ont été obtenus à ce jour résultent du pouvoir de la foi du peuple dans le bouddhisme ».

 

« sauver le monde et faire le bien des hommes » :

« La guerre de la Grande Asie de l'Est est entrée dans une nouvelle année. Nous célébrons avec vénération l'apparition majestueuse de l'invincible armée impériale. C'est dans ces circonstances que nous publions ici un second volume de matériaux de prédication destinés aux parties concernées par l'enseignement […] Ce faisant, notre intention est de clarifier les principes ayant trait à la nouvelle ère et au bouddhisme en tant qu'essence de l'esprit national. Nous serons très heureux si ces matériaux servent à la propagation de l'esprit du sacrifice suprême pour le pays en vue de protéger l'Etat, sauver le monde et faire le bien des hommes ».

 

« Le but de notre pratique n'est-il pas de sauver les autres avant de nous sauver nous-mêmes ? ».

« La sincérité n'est-elle pas la véritable essence de l'esprit japonais ? :

Le nombre des guerriers qui, depuis les temps anciens, ont pratiqué le zen est en vérité infini, et il est important de se rendre compte du pouvoir que le bushido en a reçu. La popularité que la secte zen connaît depuis peu parmi les soldats est vraiment un motif de réjouissance. Quelque assiduité qu'on mette dans la pratique de zazen, mieux vaut s'en dispenser si elle n'a pas d'application pour la situation d’aujourd'hui. Etes-vous, oui ou non, prêt à mourir en ce moment même? Etes-vous capable d'entrer dans la paix éternelle en riant ? Pouvez-vous faire face au danger sans être perturbé ? Avez-vous suffisamment de courage pour sacrifier vos affections personnelles à une juste cause ?
Je vous demande de vous réveiller de votre sommeil. Je vous demande de renoncer à votre amour des honneurs et de l’argent. Sans le zen les gens ne pourraient pas exister. Mettriez-vous la nation en danger afin de rechercher la renommée et la fortune pour vous-même ? Si vous n'arrivez pas à abandonner cela, qu'abandonnerez-vous ? Le zen contient la totalité du bouddhisme. Le but de notre pratique n'est-il pas de sauver les autres avant de nous sauver nous-mêmes ? [...] La noblesse d'esprit qu’exprime l'empressement à sacrifier sa vie sept fois de suite en vue de rembourser la dette de reconnaissance envers le souverain est plus pure que la neige la plus pure. La sincérité n'est-elle pas la véritable essence de l'esprit japonais ?
La mort n'est pas la fin de tout. La non dispersion de l'énergie et la préservation de la matière sont un principe de l'univers. Les plus forts assureront la survie du grand nombre. C'est une affaire que nous devons prendre à coeur.

 

CONCLUSION :

Bien mieux ficelé que l’idéologie des droits de l’homme !