http://aredam.net/liberation-fr-article-rives-en-seine-25-aout-2020.html

https://www.liberation.fr/france/2020/08/25/je-me-suis-demande-ou-je-me-sentais-le-plus-utile_1797729






Bastien Coriton, maire de Rivesen-Seine (SeineMaritime), le 17 août. Photo Florence Brochoire pour Libération

Politique

Bastien Coriton, suppléant de député : «Je me suis demandé où je me sentais le plus utile»

Par Stéphane Duguet , Envoyé spécial à Rives-en-Seine (Seine-Maritime), photo Florence Brochoire — 25 août 2020 à 19:21



Le vaste et lumineux bureau de Bastien Coriton, le maire de la commune nouvelle de Rives-en-Seine (Seine-Maritime), n’a rien des placards à balais attribués aux députés les moins influents du Palais-Bourbon. Sous le lustre à pampilles, entouré des dorures qui ornent les murs et le plafond, l’édile, assis à son large bureau en bois, est à son aise. Il a préféré rester ici, dans sa commune de 4 200 habitants à mi-chemin entre Rouen et Le Havre, plutôt que de siéger à l’Assemblée nationale, comme le prévoient les règles électorales. Depuis 2017, Bastien Coriton était en effet le suppléant du député PS Christophe Bouillon dans la cinquième circonscription de Seine-Maritime, en Normandie.

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«Quand Christophe a annoncé sa candidature aux municipales à Barentin [une ville voisine, ndlr], j’ai passé quelques nuits blanches à me demander quoi faire», se souvient-il. Mais sa décision de rester maire est prise rapidement : «Aujourd’hui, l’action locale est celle où j’ai l’impression d’être le plus utile.» Il faut dire que Bastien Coriton, 38 ans, est un enfant du pays. Il est issu d’une famille modeste qui a travaillé dans l’industrie locale en pétrochimie et dans le textile, et qui habite aux alentours. «De l’autre côté du pont», indique-t-il en pointant la fenêtre qui lui donne une vue imprenable sur les berges de Seine fraîchement rénovées sous sa mandature. Il a posé ses valises à Caudebec-en-Caux (une des trois communes fusionnées pour créer Rives-en-Seine) en 2005, à la fin de ses études d’affaires publiques à la faculté du Havre. De cette petite ville encerclée par la forêt normande, il a fait son fief politique. «Je suis d’ici et j’ai choisi où j’allais vivre, on n’a pas choisi pour moi», revendique le maire.



Parcours ascendant

Première carte au PS à 16 ans, «Bastien», comme les Caudebecquais l’appellent, gagne haut la main la mairie en 2008 à 26 ans, la refaisant basculer à gauche après vingt-cinq ans passés dans le giron de la droite. Depuis, il multiplie fonctions et mandats politiques : collaborateur en circonscription de la sénatrice socialiste Nelly Tocqueville à partir de 2014, conseiller départemental un an plus tard… Après sa deuxième réélection à la mairie, en 2020, il a embrayé en se présentant sans succès à la présidence de l’agglomération Caux Seine Agglo, dont il est aujourd’hui vice-président délégué au tourisme.

Devenir député, un mandat national, aurait aussi pu venir compléter son parcours ascendant de militant socialiste. Dans son costume parfaitement taillé, lunettes rondes sur le nez, Bastien Coriton explique son renoncement : «Je me suis posé la question de savoir où je me sentais le plus utile. J’ai choisi de rester maire parce que c’est le mandat où on réalise. On décide quelque chose et on l’emmène jusqu’au bout.»

 «Consultation»

Rénovation des berges de Seine, on l’a dit, mais aussi construction d’un collège, rénovation d’un gymnase pour qu’il devienne à énergie positive, l’énumération de ses projets achevés est longue. «Il a rendu la ville dynamique et il la met en valeur», juge Mélanie, qui a habité pendant trois ans dans la commune. «J’ai travaillé dix ans dans une ville voisine sans savoir qui était le maire. Ici on le croise, il discute avec les gens», ajoute Virginie, pharmacienne à Caudebec-en-Caux depuis deux ans.



La décision de rester en Normandie, l’édile l’a prise la veille des municipales en discutant avec sa femme, ses amis et Christophe Bouillon. «Le plus déçu de tous est sans doute mon papa. Il y aurait eu un côté fierté familiale d’avoir un député dans une famille d’ouvriers» , raconte l’homme. Qu’importe, toujours souriant, Bastien Coriton assure que son «cheval de bataille, c’est la proximité». Pour preuve, ses adjoints le surnomment «Docteur Coriton» : «Ils appellent ma permanence du vendredi matin "la consultation". Certains habitants pleurent ici, d’autres m’expliquent leurs situations familiales.» Le maire utilise aussi la messagerie de Facebook pour répondre «entre 22 heures et minuit» aux questions de ses administrés. «L’anagramme de maire c’est aimer, philosophe-t-il. Un maire est là pour apaiser, pour faire en sorte que les gens vivent bien ensemble. L’Assemblée, c’est le débat et la contradiction, alors qu’ici c’est la concorde.»

Stéphane Duguet Envoyé spécial à Rives-en-Seine (Seine-Maritime), photo Florence Brochoire