Base de donnée "Yves PIGNIER" du Réseau de Résistance à la Psychiatrie Politique. http://www.aredam.net/yves-pignier-base-donnee-psychiatrie-politique.html
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1 - Un texte de Jacques FEILLARD, psychiatre, directeur de l'Infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris, 2 - suivi d'un article de Libération, relatif à cette infirmerie.
1 - « EXPERTISE DE GARDE À VUE » POINT DE VUE DE L’INFIRMERIE PSYCHIATRIQUE PRÈS LA PRÉFECTURE DE POLICE (I.P.P.P.)
Ces derniers (une trentaine), agissant en toute indépendance, sont experts auprès du Préfet de Police pour la prise des Hospitalisations d’Office. Ils ne se prononcent pas sur la responsabilité. Ils ne sont pas experts judiciaires ; ils précisent la nécessité ou pas de soins, avec le filtre de la clinique selon les différents modes prévus par la Loi. Le Préfet est en charge de la prise de l’arrêté de placement en cas d’Hospitalisation d’Office (H.O.) (1). Il le prend en référence au procès-verbal de conduite à l’Infirmerie qui est descriptif des faits, du certificat médical fourni et de la Loi. Il doit motiver sa décision. Les urgences de l’Infirmerie Psychiatrique associent violences, du registre légal, agitation, du registre médical, avec en corollaire le passage à l’acte. Elles sont médico-légales et ne concernent pas toutes les urgences psychiatriques. L’I.P.P.P. est un point d’articulation avec de nombreuses
instances : En tant qu’entonnoir de débordement, elle intervient
comme filtre vis-à-vis des secteurs psychiatriques. Ce n’est
pas une machine à produire des H.O. Elle admet une moyenne de 2600
entrants par an : Les Urgences Médico-Judicaires de l’Hôtel-Dieu orientent sur l’I.P.P.P. une population en garde à vue, qui est sans cesse en augmentation ; lors de la conduite à l’I.P.P.P., la garde à vue est levée. Le séjour n’y est pas une garde à vue psychiatrique. Il y a privation de liberté, selon la loi du 27 juin 1990, sur 24 heures, pour des soins en phase d’acuité et un avis psychiatrique. L’avis médical est nécessaire pour admettre une personne à l’I.P.P.P. L’I.P.P.P. est un lieu médico-légal à distinguer du Bureau de la Protection des Personnes (B.P.P. ancien 3e Bureau), en charge de la gestion des H.O., des sorties d’essais, des signalements et qui a ses propres médecins conseils. Contrairement à un fantasme persistant, il n’y a pas de « fichier des aliénés » mais comme auprès de tout préfet une cohorte d’H.O., de sorties d’essai, de signalements. Ce fantasme est la porte ouverte au désir de fichier national des H.O. Actuellement se développent, dans le cadre de la judiciarisation ambiante, des conduites à l’Infirmerie Psychiatrique sur avis de l’expert socio-judiciaire requis par le procureur pour un éclairage immédiat quant à la responsabilité et la nécessité de soins. Cette intervention prévue par la Loi Perben quant aux affaires sexuelles, est parfois utilisée par les procureurs de façon exhaustive ; de ce fait, les avis donnés peuvent être contradictoires avec ceux de l’I.P.P.P. : une nécessité de soins ou une reprise par le C.P. immédiate ne préjugent pas des responsabilités et de l’absence de pathologie au long cours qui peut relever de soins ultérieurs (D398 -122-1). En effet, à l’I.P.P.P. le délai prévu par la loi transforme une situation d’urgence en un état de crise ; les vapeurs d’alcool, miasmes de toxiques, l’agitation et l’acuité passent. La justice peut aussi se présenter de façon intrusive. C’est ainsi que des juges viennent successivement un jour à l’I.P.P.P. voulant entendre un psychopathe, dépendu de justesse au dépôt – ou alors, qu’un substitut du Procureur de la République téléphone pour annoncer l’envoi de son propre expert psychiatre, pour un voleur de téléphone portable avec violences, ayant des antécédents psychiatriques, mais qui n’avait pas été hospitalisé en H.O., après une conduite précédente à l’I.P.P.P.
A côté de ces conduites par les U.M.J (4). Il y a des orientations sans mise en garde à vue initiale, du fait de l’incohérence massive, de l’agitation associée ou de l’absence de plainte, lors de passages à l’acte divers (violences dans le métro, filouterie de taxi, grivèlerie d’aliments, clasticité de voitures, jets d’objets par la fenêtre, intrusion dans les palais de la République,…). Des prisons, sont conduits les 122-1 après jugement, non-lieux sur expertises. Ces dernières sont parfois contradictoires, selon le moment où elles ont été faites. L’avis de l’I.P.P.P. d’ailleurs, après le temps écoulé depuis l’expertise, traitement neuroleptique et soins donnés au S.M.P.R. n’est parfois plus en phase avec les conclusions expertales, quant aux modes et nécessités de soins. Le choix de l’expert par le juge est déjà une orientation quant aux conclusions pour des sujets qui flottent entre Prison et Hôpital Psychiatrique, par définition toujours à côté de leurs actes, de leur place. Parfois ceux-ci sont des vieux routiers de la simulation ou de la mythomanie, dans le cours d’une paraprhénisation de leur pathologie mentale et de l’utilisation au mieux de symptômes anciens, hallucinatoires, néologiques ou autres phénomènes élémentaires des psychoses. Dans cet espace que constituent les bords, les failles de la société où se retrouvent les psychopathes et les psychotiques médico-légaux, être expert est souvent une mission impossible. L’Impossible de la psychose. Seules la clinique et la modestie permettent de tenter de redonner une dimension symbolique à ces actes médico-légaux, souvent faits divers. Le problème actuel est que ces sujets médico-légaux ont de moins de moins leur place dans les secteurs psychiatriques ; la médiatisation des passages à l’acte violents de la part de malades mentaux, actes qui ont existé de tous temps, ne peut que renforcer la demande de protection de l’individu sain et de la société ; cette pente se retrouve dans la loi du 27 juin 1990, qui reprenait celle de 1838, dont le but était autre : celui de séparer délinquants et malades mentaux. Les patients médico-légaux risquent de se retrouver sous contrôle judiciaire, la bascule se faisant actuellement des « délinquants sexuels » aux « délinquants mentaux ». La prudence est de mise quant on est expert auprès d’une instance judiciaire, administrative ou autre. Le certificat médical fait à l’Infirmerie Psychiatrique est destiné au Préfet de Police. A son administration d’assurer les mesures légales permettant une H.O. et le suivi de cette hospitalisation ; suivi qui ne relève pas de l’Infirmerie Psychiatrique. Il en est de même pour les contentieux, toujours possibles, et secondairement judiciarisés. Ceux-ci se posent notamment pour les réactions paranoïaques aiguës qui, dans les 24 heures du séjour à l’I.P.P.P., se calment et ne sont pas forcément hospitalisées, mais orientées vers des soins ambulatoires. La société demande de plus en plus souvent son avis aux psychiatres dans un sens où elle pense avoir déjà le sien. De la psychiatrie à la santé mentale, cette demande est tentante pour de nombreux experts. Jacques FEILLARD
N° 147 • septembre 2005
2 - Article de Libération
La préfecture de police de Paris condamnée Toute personne retenue à l'infirmerie psychiatrique aura
droit à un avocat.
mercredi 13 décembre 2006 C'est David contre Goliath. Depuis des années, le Groupe information asiles (GIA) se bat contre l'arbitraire de certaines hospitalisations en psychiatrie. Il vient de remporter une victoire inédite contre la préfecture de police de Paris qui gère, entre autres choses, l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (IPPP). Par un jugement rendu le 23 novembre, le tribunal administratif (TA) de Paris a donné raison au GIA, qui demandait simplement que toute personne retenue à l'IPPP ait le droit d'avoir recours à un avocat. Une victoire anecdotique ? Nullement. Depuis plus d'un siècle, l'IPPP vit dans l'opacité et le secret. Nul visiteur extérieur n'est autorisé à y pénétrer ( Libération du 18 mai). Située dans des bâtiments contigus à l'hôpital Sainte-Anne de Paris, c'est là que les commissariats de police de Paris et d'Ile-de-France conduisent les personnes considérées comme dangereuses «pour elles-mêmes ou pour les autres». Pendant 24 ou 48 heures, elles sont retenues sous la seule surveillance d'employés de la préfecture de police. Le temps qu'un médecin propose ou non une hospitalisation d'office au préfet de police, qui la signe éventuellement. Environ 2 000 patients y transitent par an. «C'est le seul endroit en France où l'on peut retenir quelqu'un pendant de longues heures, sans le moindre regard extérieur», notait récemment un membre du conseil de l'ordre des avocats. Le GIA a eu la bonne idée de déposer une requête auprès du TA de Paris pour enjoindre le préfet de police de «modifier la charte d'accueil du patient, en y ajoutant le principe du droit d'accès à un avocat». Le jugement du TA de Paris est limpide : les juges notent que ce lieu «prive les intéressés de liberté sans qu'ils y aient consenti». Que l'IPPP «présente le caractére d'une hospitalisation d'office alors même que l'IPPP n'est pas un établissement de santé». Puis de noter qu' «en refusant de modifier la charte d'accueil afin d'y inscrire le droit d'accès à un avocat, sous le motif que ce droit ne s'appliquerait pas à de telles mesures provisoires, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit, et qu'il y a lieu dès lors d'annuler le refus contesté». L'IPPP a trois mois pour s'y conforter.
Nota : comme les "prisonniers" ne peuvent pas sortir de leurs cellules, le droit de téléphoner est donc inexistant, donc le droit de contacter un avocat est inexistant.
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