Interview
de l’auteur anonyme du livre Gouverner par le chaos (à
considérer avec distanciation)
:
http://aredam.net/gouverner-par-le-chaos.html
https://www.payot.ch/Dynamics/Result?author=%20Max%20Milo&cId=0
Complément
au texte :
Complément au texte :
Les racines
pédocriminelles de Netflix, généalogie Freud, Bernays et leurs
descendants fondateurs de
Netflix :
https://odysee.com/@MEDIAPORT:d/pedophiles_propaganda:8
Enregistrée
sur
aredam.net :
http://aredam.net/Les-racines-pedophiles-et-propagandistes-de-Netflix.mp4
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Gouverner-par-le-chaos-10989.html
Publié sur aredam.net le 4 mai 2021
Publié
le : jeudi 22 mars 2012, Modifié le : vendredi 30 mars 2012
NB :
interview commandée par le magazine Nexus, puis refusée à la
publication au motif que des coupes étaient nécessaires et que
les auteurs s’y sont refusé.
1.
Pouvez-vous nous expliquer la genèse de cet essai et le choix de
l’anonymat ?
Comme
beaucoup de monde, j’ai été frappé par ce que l’on a
appelé l’affaire de Tarnac. Pour rappel, fin 2008, une dizaine
de jeunes gens vivant essentiellement dans le village corrézien
de Tarnac se fait arrêter de manière extrêmement brutale et
médiatique par la police et les brigades de l’anti-terrorisme
avec comme chef d’inculpation le sabotage de voies ferrées de
Trains à Grande Vitesse. Le nom de Julien Coupat ressort
particulièrement car il est supposé être le cerveau de ce
groupe appartenant à l’ultra gauche et auteur d’un ouvrage
intitulé L’insurrection qui vient, rédigé sous le prête-nom
de « Comité invisible » et qui annoncerait les actes
de terrorisme à venir.
Cette
publication d’inspiration plutôt situationniste fait suite à
d’autres, notamment celles du groupe Tiqqun, dont la plus
connue est la fameuse « théorie de la Jeune-Fille »
(jeunisme et féminisme comme outils de contrôle social). Ayant
circulé moi-même pendant des années dans les milieux d’extrême
gauche, d’abord à l’université de Paris 8
(Vincennes/Saint-Denis) où j’ai fait mes études, puis dans
les squats et les réseaux anarcho-autonomes-libertaires, pour
finir par l’action syndicaliste sur mon lieu de travail, il
m’est arrivé à plusieurs reprises, dans des soirées ou des
réunions, de croiser la route de certains membres de cette
nébuleuse intellectuelle et militante. Quelle ne fut pas ma
surprise quand je les ai vus placés au cœur de l’attention
médiatique, et en plus de cette façon ! Même si je n’ai
jamais été un de leurs amis proches, j’ai senti le vent du
boulet passer, car nous fréquentions les mêmes cercles. Je n’ai
pas pu m’empêcher de me sentir concerné par ce qui leur
arrivait et j’ai donc commencé à suivre systématiquement
tout ce qui touchait à cette affaire.
Dans
la même période, quelqu’un m’avait demandé de faire une
conférence sur l’ingénierie sociale, thème sur lequel je
travaillais depuis un certain temps. Quand il a commencé à
apparaître que ce groupe de Tarnac n’était qu’un bouc
émissaire, les dégradations de voies ferrées ayant été
revendiquées par des écologistes allemands, je me suis mis à
rédiger un texte qui associerait les deux thèmes qui
m’occupaient. Après l’annulation du projet de conférence,
je suis parti sur l’écriture d’un article assez long, qui a
rapidement atteint la taille d’un opuscule. N’ayant pas
encore d’éditeur à l’époque, je l’ai mis directement sur
Internet, avec le titre « Ingénierie sociale et
mondialisation ». Par solidarité et hommage envers ce
groupe de Tarnac, j’ai repris le prête-nom d’auteur de
« Comité invisible », ce qui a attiré l’attention
de quelques personnes, dont Aude Lancelin, qui en a fait un
article dans Le Nouvel Observateur. Quand les éditions Max Milo
l’ont publié dans une version revue et augmentée, nous avons
demandé à Éric Hazan, l’éditeur du premier Comité
invisible, s’il acceptait de nous accorder la franchise, et il
a refusé. D’où la publication sous anonymat, car l’identité
des auteurs n’a pas d’importance, seul compte le texte, que
j’ai écrit comme un manuel d’introduction à quelque chose
de méconnu, pas pour attirer l’attention sur moi.
2.
Gouverner par le chaos porte pour sous-titre « Ingénierie
sociale et mondialisation ». Qu’est-ce que l’ingénierie
sociale ? En quoi est-elle liée à la mondialisation ?
En
un mot, l’ingénierie sociale, le social engineering, consiste
à considérer le fait social comme un objet. Normalement, le
fait social est considéré comme subjectif. Un groupe social est
constitué par des sujets individuels, qui, ensemble se mettent à
constituer un sujet collectif. Ça, c’est l’approche
classique, qui induit un rapport d’interlocution, puisqu’on
est dans des rapports intersubjectifs, de sujets à sujets. Ces
rapports d’interlocution sont médiatisés par le langage (du
moins par un code) et peuvent être pacifiques, belliqueux,
neutres, ou de toute autre nature. Dans tous les cas, on
s’adresse la parole, oralement ou par écrit, voire on
s’apostrophe, on s’engueule ou on se menace, mais on reste
des « sujets parlants », comme dit la psychanalyse.
En un mot, je produis des signes et j’attends qu’on me
réponde.
À
l’opposé, dans une approche d’ingénierie, la sphère du
sujet parlant est littéralement zappée. Tout est dé-subjectivé.
Ici, on ne se parle plus. Autrui n’est donc plus l’adresse
d’une interlocution mais l’objet d’une gestion, d’un
contrôle, d’un management. Les idées, les émotions, les
vécus, tout est objectivé. Autrui, mais aussi soi-même,
peuvent alors être décrits comme des objets « en
chantier », c’est-à-dire à reconfigurer, à reformater,
à réinitialiser, un peu comme en informatique, en génétique
ou dans le BTP, d’où l’appellation d’ingénierie, qui
n’est même pas métaphorique. Il s’agit bel et bien de
« faire des travaux » sur la subjectivité, de
recombiner les parties, etc. Cette mécanisation de l’humain
vient directement de l’approche cybernétique. Quelque part,
c’est le mépris maximum pour le vivant. En même temps, c’est
le type de relation à autrui que l’Occident libéral-libertaire
essaie de normaliser sous le concept de « mondialisation » :
relation instrumentale, de soi à soi, ou de soi à autrui.
Compte
tenu que sur un chantier il est souvent moins coûteux de tout
casser et de tout reconstruire à neuf que de modifier l’ancien,
on voit où cela peut mener dans les sociétés humaines. Cela
revient à normaliser un rapport à autrui complètement
psychopathe. 1) Le sujet est un objet, 2) je peux le détruire
pour un bien supérieur (ou que j’estime tel). Je sais qu’il
existe en France un diplôme d’ingénierie sociale pour les
gens qui veulent travailler dans le social. Mais justement, le
vrai travail social est aux antipodes de l’esprit de
l’ingénierie et consiste à réinjecter du langage, de
l’interlocution, du sujet parlant, donc du respect, dans les
couches populaires. À mon humble avis, le nom de ce diplôme
devrait être changé.
3.
Qui sont, aujourd’hui, les principaux ingénieurs sociaux ?
On
pourrait reformuler : qui, aujourd’hui, considère autrui
comme un objet ? Je cite pas mal de noms dans mon bouquin.
Ils se répartissent en catégories. Globalement, il faut
distinguer :
1)
les « petites mains », qui font de l’ingénierie
sociale au quotidien dans leur travail et qui sont souvent des
idiots utiles du système, tous ces gens qui travaillent dans le
consulting, le management, le marketing, le business, la
stratégie militaire, le Renseignement, l’informatique de haut
niveau (intelligence artificielle, cryptologie), la robotique, la
sécurité des systèmes, etc. ;
2)
les « concepteurs », qui sont souvent des esprits
très brillants, plus ou moins conscients du danger de leurs
recherches, les Norbert Wiener, Kurt Lewin, Pavlov, Skinner,
Albert Bandura et autres Gregory Bateson ;
3)
les « salauds », eux-mêmes subdivisés en deux
sous-catégories : les financiers dans la haute banque, avec
leur projet de gouvernement mondial, écrit noir sur blanc et
assumé en toutes lettres par un David Rockefeller dans ses
Mémoires ; et les planificateurs tels que Edward Bernays
(et la « com’ »), Milton Friedman (et la stratégie
du choc), Zbigniew Brzezinski (et le tittytainement) ou Georges
Soros (et les révolutions colorées).
Quant
au corpus bibliographique, il est assez vaste et n’est pas
toujours perçu comme procédant d’une même inspiration. On
peut citer quelques célèbres textes aux origines douteuses, ce
qui n’a à ce stade aucune importance car c’est la
méthodologie qu’il faut retenir : Les Protocoles des
Sages de Sion, ainsi que Armes silencieuses pour guerres
tranquilles, voire le plan Pike-Mazini ; ensuite, tout ce
qui tourne autour de la guerre cognitive/guerre
psychologique/guerre culturelle (Gramsci, la mémétique) ;
les publications de l’École de Guerre Économique fondée par
Christian Harbulot ; les recherches de l’historien de la
publicité Stuart Ewen, notamment son ouvrage Consciences sous
influence qui synthétise beaucoup de données.
Deux
textes récents définissent également des programmes : le
mémo révélé par Wikileaks de Charles Rivkin, ambassadeur des
USA en France, qui ambitionne de reformater la culture française
dans un sens plus américanophile en s’appuyant sur les
minorités, et l’étude pour la RAND Corporation de la
féministe Cheryl Benard, Civil democratic Islam. Partners
resources and strategies, qui vise à adapter l’Islam à la
modernité libérale occidentale.
4.
Politique et manipulation ne sont-elles pas traditionnellement
liées ? L’ingénierie sociale possède-t-elle une
spécificité, un caractère de nouveauté ?
Du
point de vue de la morale, la politique s’adresse à des sujets
que l’on cherche à convaincre en s’adressant à leur raison.
Mais du point de vue de la Realpolitik, c’est plutôt la
manipulation qui l’emporte, et depuis longtemps effectivement.
Ensuite, on peut manipuler un corps social de deux façons :
une façon « conservatrice », à la Platon ou à la
Machiavel, et une façon « progressiste », à la
Joseph Goebbels ou à la Bernard-Henri Lévy. Autrement dit, il y
a deux manières de faire du contrôle social : par la
construction d’un ordre conservateur simple, ou par la
construction d’un ordre à partir du chaos. L’ordre
conservateur construit et impose un ordre unique, le même pour
tout le monde, auquel on peut s’opposer de l’extérieur.
En
revanche, l’ordre à partir du chaos, l’ordre progressiste,
détruit pour construire, il impose son ordre en semant le
désordre au préalable. C’est la différence entre contrôle
social simple et ingénierie sociale : la même chose pour
tout le monde, ou alors deux poids et deux mesures. En effet,
dans un cadre d’ingénierie, je ne dois pas être moi-même
affecté par la déstabilisation que je provoque, au risque de ne
plus pouvoir la provoquer. Je dois donc réussir à me dissocier,
à me désolidariser, à me distancier de l’objet social que je
déstabilise. L’opération de calcul de ce découplage a pour
nom « shock testing », test de choc. C’est le
complément organique de la stratégie du choc du capitalisme,
dont la méthodologie doit veiller à faire en sorte que les
chocs provoqués n’affectent pas en retour ceux qui les
provoquent. Luis de Miranda, dans L’art d’être libre au
temps des automates, évoque ce sujet assez confidentiel. Je vais
tenter d’en résumer les grandes lignes.
Quand
l’ordre s’impose à tout le monde et se répète à
l’identique au fil du temps, c’est le signe que l’on se
trouve dans un système de société traditionnel, conservateur.
Mais quand mon ordre et ma puissance s’appuient nécessairement
sur la déstabilisation d’autrui, c’est le signe qu’on est
entré dans le mode de fonctionnement du capitalisme, où les
riches ne peuvent s’enrichir qu’en appauvrissant les pauvres
et en semant le chaos dans leur mode de vie. Pour faire mieux
accepter le chaos et la déstabilisation aux populations, on a
appelé ça du « progressisme ».
Dans
le vocabulaire du management, c’est de la « conduite du
changement », ou changement dirigé. L’ingénierie
sociale est le mode de contrôle social spécifique du
capitalisme, qui consiste donc à dissocier le système en lui
appliquant des boucles de feed-back positif. Pour revenir aux
mécanismes de feed-back de la cybernétique appliqués à la
société, on a l’opposition entre ce que l’on appelle les
« boucles négatives », qui homogénéisent et
égalisent le système avec un effet de thermostat régulateur
qui oriente vers une moyenne, et les « boucles positives »
qui découplent le système en accusant les différences. C’est
cette accentuation des différences aboutissant à une
dissociation croissante des classes sociales qui est aujourd’hui
recherchée.
Ce
travail perpétuel de désolidarisation intentionnelle de
l’oligarchie vis-à-vis du peuple, Bourdieu l’a appelée « la
distinction ». Son analyse est poursuivie par les
Pinçon-Charlot. De nos jours, cette distinction passe par la
création d’espaces de vie physiquement dissociés, en édifiant
des apartheids de toutes sortes, mentaux ou physiques, comme le
mur que les Israéliens dressent en Palestine, ou les gated
communities, ghettos de riches protégés par des milices privées
et qui fleurissent dans de nombreux pays.
L’étude
de ces procédures d’ingénierie sociale permet de comprendre
pourquoi il n’y aura pas d’effondrement économique global à
la « Mad Max », c’est-à-dire hors de contrôle et
qui impacterait toutes les classes sociales, pas plus en France
qu’en Suisse, d’ailleurs. Pour en rester à ces deux pays, la
France permet d’envahir militairement d’autres pays
(Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye) et la Suisse est une place
forte de la finance cosmopolite en Europe. Le tourisme de luxe
est également très développé dans ces deux pays. Pourquoi
voulez-vous que l’oligarchie se mette à casser ses jouets ?
Les pays sont des outils, des instruments, et les diverses crises
actuelles sont toutes provoquées et sous contrôle.
Un
effondrement global impacterait aussi la qualité de vie de trop
nombreux riches, et ce n’est pas le but de la manœuvre. Les
dominants du système ne détruiront le système que dans la
mesure où ils ne seront pas touchés en retour. Ils ne sont pas
masochistes et ne vont pas se mettre à scier la branche sur
laquelle ils sont assis. Ce qu’ils veulent, c’est purger le
système de leurs adversaires mais sans être affectés
eux-mêmes, donc sans détruire intégralement le système, du
moins dans un premier temps, car ils appliqueront la politique de
la terre brûlée s’ils voient qu’ils ont perdu.
Pour
éviter d’en arriver là, le processus de découplage des
classes sociales piloté par l’oligarchie doit se faire sans
heurt et sans risque pour elle. Cette atténuation des
conséquences se modélise précisément en termes de shock
testing par l’application du calcul balistique aux circuits
socioéconomiques afin de répondre à la question :
comment minimiser le choc en retour dans une partie du système
qui inflige un impact à une autre partie du système ?
La
cybernétique a été inventée entre autres pour calculer et
minimiser le choc en retour et l’effet de recul subis par un
véhicule ou un canon au moment d’un tir de missile. Les
résultats des tirs de projectiles ont été ensuite transposés
dans une sorte de balistique sociale, inscrite dans un vrai
programme de calcul des impacts. En effet, à tout choc infligé,
il y a un choc en retour, c’est une loi universelle. Quand on
inflige un coup à autrui, il y a toujours le contrecoup. En
termes balistiques : l’effet de recul.
L’oligarchie
essaie toujours de s’affranchir des limites et des
conditionnements universels, ce qui l’a conduite à se poser la
question : comment frapper autrui sans se faire mal
soi-même ? Comment détruire l’ennemi sans conséquences
pour soi ? Comment réduire le choc en retour quand je
provoque une crise ? Comment faire pour qu’il n’y ait
aucun coût à infliger des coups ? En termes hindouistes,
comment supprimer tout karma ? En termes monothéistes,
comment abolir toute culpabilité ? En termes orwelliens,
comment s’extraire de la décence commune ? En termes
psychanalytiques, comment abolir tout surmoi, toute vergogne,
toute empathie, tout scrupule, et devenir un parfait sociopathe
pervers ? En clair : comment les riches vont-ils s’y
prendre pour éliminer physiquement les pauvres sans que cela ne
provoque trop de remous, révoltes, révolutions, insurrections,
donc une instabilité trop forte du système global dans lequel
ils vivent aussi ? Pour l’oligarchie, la mixité sociale
reste l’ennemi numéro 1.
Afin
de réduire ces effets de choc en retour, il faut donc déjà
dissocier physiquement les circuits des flux de valeurs
économiques et symboliques, les infrastructures matérielles
(eau, gaz, électricité, transports, alimentation, éducation,
etc.), ainsi que les populations elles-mêmes en les faisant
vivre dans des espaces différenciés, avec des quartiers de
riches et des quartiers de pauvres. Cette désolidarisation
existe déjà, mais pas encore suffisamment. Les riches et les
pauvres vivent encore de manière trop entrelacée et imbriquée,
trop solidaire, d’où l’attaque massive de tout ce qui est
facteur d’égalité, services publics, États-nations, afin de
tout privatiser et de morceler la société en fonction du
capital de chacun.
Ce
patient travail de découplage des parties a besoin de normaliser
les chocs afin que le peuple accepte de souffrir. Des
laboratoires de sociologie travaillent notamment sur la notion
d’« acceptabilité du risque », ou comment faire
accepter le risque aux populations ? On peut, par exemple,
communiquer sur « les excès » du principe de
précaution, comme le font Jean de Kervasdoué dans La peur est
au-dessus de nos moyens. Pour en finir avec le principe de
précaution, ou Alain Madelin dans divers éditoriaux. Le
principe de précaution et son arsenal juridique sont des
problèmes pour l’oligarchie car ils protègent le peuple
contre les risques qu’elle veut lui faire courir. Le principe
de précaution, comme tout dispositif légal, induit une certaine
rigidité qui fait obstacle à la flexibilité libérale et à la
« société liquide » (Zygmunt Bauman) que le Pouvoir
cherche à normaliser. Ce principe fait donc obstacle à une
docilité totale, à l’instrumentalisation complète et à la
réduction du peuple à un objet complètement plastique. On
remarquera que cette acceptation du risque est elle-même
toujours découplée. Les producteurs d’OGM ou de pesticides
chimiques mangent bio, comme l’ont prouvé des activistes
américains en fouillant leurs poubelles. Et quand il était
premier ministre, Tony Blair voulait faire interdire des
compléments alimentaires que lui-même et ses enfants
utilisaient.
5.
Quelles sont ses méthodes ? Aidée par les découvertes
scientifiques – notamment cybernétique et psychologie sociale
– l’ingénierie sociale, arme du pouvoir, sait anticiper sur
nos réactions, écrivez-vous. Cela peut même aller jusqu’à
les provoquer. Pourriez-vous développer ?
On
peut effectivement programmer des algorithmes comportementaux.
Comment ? Pour l’espèce humaine, la structure élémentaire
de la perception du monde est un rapport de dualité. Pour que
nous percevions un monde qui fasse sens, quel que soit son
contenu, il faut percevoir une structure d’opposition entre au
moins deux choses : intérieur/extérieur, yin/yang,
papa/maman, jour/nuit, Bien/Mal, ami/ennemi, etc. L’astuce du
management des perceptions consiste à produire, non pas un
discours auquel on peut s’opposer, mais d’emblée les deux
discours situés aux deux pôles de la dualité, afin de mettre
en scène une pseudo opposition complète, un faux débat, ce qui
permet de prendre le contrôle complet du monde de quelqu’un. À
ce stade, on est déjà au-delà de la simple description
scientifique des réactions et des comportements, on passe à
leur conditionnement.
Le
socle théorique de l’ingénierie sociale est fourni par les
sciences humaines et sociales, et plus particulièrement les
approches comportementales ou inspirées des sciences naturelles.
La grosse différence avec ces sciences vient de ce que l’on ne
se contente pas de décrire les choses, on intervient dessus, on
les modifie. C’est ce que l’on appelle aussi une « logique
proactive ». Afin d’anticiper sur les comportements
populaires et de les garder sous contrôle, il faut aller plus
loin que la simple observation et le recueil d’informations, en
un mot le renseignement ; il faut aller jusqu’à provoquer
ces comportements, y compris les comportements d’opposition,
critiques et contradictoires. Cette démarche proactive est celle
de la communauté du Renseignement, en particulier depuis les
années 1950 et le programme Cointelpro (Counter Intelligence
Program), élaboré aux États-Unis dans le cadre du maccartisme
et de la chasse aux sorcières anti-communiste. Les services
secrets américains (FBI, CIA) ont ainsi consciemment créé pour
la jeunesse une contre-culture beatnick et hippie totalement
inoffensive, à base d’expressionisme abstrait (Pollock, De
Kooning), de « bougisme » (Kerouac), d’art pop
psychédélique et de produits stupéfiants incapacitants, comme
un circuit de dérivation hors de l’institution du potentiel de
subversion autrement plus dangereux que représentait le
communisme orthodoxe, qui était situé, lui, au cœur de
l’institution.
La
même méthodologie est employée de nos jours, avec les
Indignés, par exemple. Il y a évidemment des gens sincères
dans ce mouvement, mais ils se font manipuler. Le Système
cherche à éliminer toute incertitude, toute critique ;
pour ce faire, il crée lui-même une pseudo incertitude et une
pseudo critique, lesquelles seront surmédiatisées afin de
monopoliser l’attention et d’attirer les énergies
potentiellement critiques dans une visibilité hors système qui
les neutralise. En termes hégéliens, la thèse produit
elle-même son antithèse ; de la sorte, la thèse est sûre
de garder le contrôle de sa propre contradiction antithétique ;
elle est donc sûre de ne jamais être contredite
fondamentalement, seulement à la marge, et de garder le contrôle
tout court.
Le
Pouvoir en vient donc à organiser lui-même sa propre
contestation. Il met en scène de la pseudo incertitude, avec des
faux terroristes (Tarnac, 11 Septembre, etc.) et des faux
mouvements d’opposition. Par exemple, en France, le Ministère
de l’Intérieur ne se contente pas d’infiltrer les milieux
gauchistes, il organise lui-même les grèves et les
manifestations au moyen de ses indicateurs et agents doubles
(naguère trotskistes, aujourd’hui plutôt libertaires). Depuis
les grandes grèves de 1995 et le « Plus jamais ça ! »
de Juppé, de gros moyens ont été déployés. Toute l’extrême
gauche, que je connais bien, est aujourd’hui complètement sous
influence, noyautée et infiltrée par la police. J’en ai eu
des preuves au fil du temps. On en voit la conséquence dans
l’inefficacité totale du syndicalisme révolutionnaire, qui a
complètement cédé sa place au syndicalisme de cogestion
réformiste.
Le
seul type de grève vraiment efficace serait une grève pendant
laquelle on ne perd pas d’argent. On peut ainsi la poursuivre
indéfiniment. C’est une « grève durable », ce
qu’on appelle généralement une grève du zèle. On vient au
travail, mais on ne fait rien, ou presque, et surtout on organise
collectivement cette absence de travail, évidemment sans préavis
de grève ni aucune déclaration officielle. Ce ne serait guère
que de la désobéissance civile de bon aloi. Arriver à cette
conclusion et commencer à la mettre en pratique est juste du bon
sens, mais tout est fait au niveau des directions syndicales pour
qu’on n’y arrive jamais.
Cette
pro-activité du Renseignement va au-delà de l’organisation de
grèves inefficaces et de manifs purement carnavalesques, et même
au-delà de l’organisation artificielle d’émeutes en
banlieue au moyen de racailles payées en barrettes de shit par
les flics pour les aider à compléter leurs propres effectifs de
casseurs en civil (ou « appariteurs »), cela touche
aussi les idées, avec la diffusion de virus mentaux
incapacitants conçus à l’image du système, tels que la
théorie du genre, nouvelle mouture du féminisme d’antan mais
en plus hystérique encore, à la sauce « girl power »
et « gay friendly ». Le résultat est devant nous :
il n’y a plus de différence aujourd’hui entre la gauche et
les Spice Girls. Hollande, Cohn-Bendit, Besancenot et Lady Gaga :
même combat !
Dans
la continuité, j’observe aussi depuis des années un gros
travail de fond accompli pour que l’extrême gauche devienne
pro-israélienne. On part de loin et cela semble improbable mais
le retournement s’opère petit à petit. Comment s’y prennent
les agents d’influence ? On évite soigneusement de se
mettre à militer explicitement CONTRE la cause palestinienne,
cela paraîtrait louche, et à raison, mais en revanche on se met
à militer à fond POUR la cause des homos et des transsexuels.
Il faut qu’en cas de radicalisation des tensions, si l’extrême
gauche est sommée de choisir un camp définitif entre les
combattants barbus du Hezbollah et la gay-pride de Tel-Aviv, ce
soit la seconde qui l’emporte parce qu’elle aura été rendue
plus familière. Sur tous ces sujets, on lira avec fruit Frédéric
Charpier, La CIA en France : 60 ans d’ingérence dans les
affaires françaises, ou l’article de Christian Bouchet, « À
l’extrême gauche de l’oncle Sam ».
Cela
dit, l’extrême droite n’est pas en reste, question noyautage
et infiltration, comme le prouve l’obsession « identitaire »,
inventée dans les think-tanks du Pouvoir pour remplacer le
« communautarisme » devenu péjoratif avec le temps.
Aujourd’hui, l’ingénierie sociale s’appuie beaucoup sur la
question « identitaire », de gauche comme de droite,
notamment par la production de rivalités identitaires dans les
classes populaires afin de les morceler, d’empêcher leur
organisation et de « diviser pour régner ». Il y a
une théorie identitaire de gauche, avec les questions de genre
et de sexe, et une théorie identitaire de droite, avec les
questions de race et de culture. Pendant qu’on perd du temps
avec ces questions-là dans des débats « pour ou contre »
surmédiatisés et complètement oiseux, les questions
socioéconomiques sérieuses ne sont pas abordées et le Pouvoir
continue d’avancer ses pions. Les bonnes vieilles ficelles sont
usées jusqu’à la corde mais fonctionnent toujours, cela ne
cesse de m’étonner.
En
effet, depuis la nuit des temps, la guerre cognitive menée par
le Pouvoir contre le peuple consiste toujours : 1) à
essentialiser les petites différences identitaires pour les
dresser les unes contre les autres, 2) à coloniser son « temps
de cerveau disponible » avec du bruit informationnel et des
questions anecdotiques ou secondaires comme leurres de diversion
à ce qui est important. La question des identités est au cœur
du lien social, évidemment, comme le montrent les sciences
humaines, mais ces identités ne définissent votre destin que
dans les systèmes pré-capitalistes ; quand c’est votre
compte en banque qui définit vos conditions de vie réelles,
donc tout ce qui vous arrivera dans la vie, il est illégitime
d’en parler autant. Pour approfondir le sujet, je renvoie le
lecteur à l’article « Les rivalités identitaires comme
instrument de contrôle social », publié dans le
collectif Le 11 Septembre n’a pas eu lieu…, aux éditions
Le Retour aux sources.
Cela
dit, il y a encore pire que de recevoir l’étiquette de facho,
qui est bien commode et rassurante finalement, car les rôles
sont clairement définis. D’ailleurs, à ce propos, un contact
m’a attesté que la campagne sur le thème de l’antifascisme
(les anti-fa, Ras l’front, « Conspis hors de nos
villes », etc.) relancée récemment dans les milieux
d’extrême gauche a été en fait élaborée depuis un
brainstorming commun de la DCRI (les ex-RG) et du journal Le
Monde pour tenter de dénigrer toute critique trop appuyée du
système.
Déjà,
son mode d’apparition met la puce à l’oreille, car il est
beaucoup trop concerté et discipliné pour être une émergence
spontanée de l’extrême gauche (laquelle est trop
individualiste et désorganisée pour se trouver en état de
lancer ce genre de campagne), avec tous ses éléments de langage
préfabriqués et livrés « clé en mains » :
accusation de « confusionnisme » droite/gauche quand
on veut faire la synthèse du meilleur (façon CNR ou Soral) ;
accusation des gouvernements « autoritaires » et
« populistes », de Chavez à Poutine, pour dissuader
de les prendre comme modèles ; accusations en vrac
d’antisémitisme, de misogynie, d’homophobie ou de théorie
du complot, etc. Bref, le pseudo débat entre les fachos et les
gauchos est une routine de contrôle social sans risque et bien
huilée, entièrement fondée sur la vieille technique bien
connue de « disqualification avant débat », qui
consiste à attaquer l’auteur du message pour éviter d’avoir
à examiner la pertinence intrinsèque du message.
Maintenant,
si vous voulez vraiment mettre les gens mal à l’aise dans un
dîner en ville, faites un tour de table en demandant à chacun
combien il gagne, puis orientez la discussion sur les différences
de revenus et de capital, les clivages et les hiérarchies que
cela induit en termes de qualité de vie, voire d’espérance de
vie, et est-ce que c’est bien mérité ?! Vous verrez le
résultat. J’ai déjà testé, ambiance marécageuse ou
électrique assurée (c’est selon). C’est encore pire que de
passer pour le facho de service car vous ne correspondez à aucun
rôle prédéfini.
6.
Dès lors, comment éviter le piège du contrôle ?
Justement,
en ne rentrant dans aucun rôle prédéfini. Le principe de la
« gestion de risques », qui est une branche de notre
étude, consiste à réduire l’incertitude, en créant de la
fausse incertitude si nécessaire. Il faut donc réinjecter de la
vraie incertitude dans le système. Réinjecter de la vraie
contradiction. Comment être sûr que c’est de la vraie
contradiction ? Comment être sûr que je ne suis pas une
antithèse générée de manière proactive, une fausse
contradiction ? La seule solution consiste à s’extraire
totalement du système thèse/antithèse. N’être la
contradiction de rien. N’être l’antithèse de rien.
Comment ? Ne pas se situer dans des rapports « pour ou
contre » quoi que ce soit. Pour cela, il faut apprendre à
méta-communiquer : quand je suis face à un débat,
« pour » ou « contre » quelque chose, ne
pas prendre parti mais monter à l’échelle logique supérieure
pour découvrir le tronc commun des thèses contradictoires en
présence.
En
général, le « pour » et le « contre »
possèdent un présupposé commun, qui est au moins la pertinence
du débat en question. Puis, s’extraire de ce tronc commun
également. À ce moment-là, on sort d’un débat d’idées
pour aller voir la structure de ce débat d’idées et si cette
structure correspond à quelque chose dans les faits. Questionner
l’origine du débat plutôt que de rentrer dedans. On fait
alors de l’analyse de systèmes (systémique et cybernétique),
ou de l’analyse de modèles, dont l’ossature obéit à la
théorie mathématique des ensembles : les systèmes se
chevauchent ou s’emboîtent les uns dans les autres et il y a
des systèmes de systèmes, toujours plus intégrateurs, qui
permettent de dégager la structure des structures, etc. C’est
aussi la logique du Concept et de l’Esprit, qui consiste à
subsumer toujours plus.
Cette
procédure de méta-communication permanente sur les idées doit
en outre être confrontée à des faits. La base à laquelle nous
revenons toujours doit être neutre sur le plan des idées :
sortir du jeu des contradictions et des antithèses pour penser
les choses uniquement au regard des faits concrets. Les faits,
rien que les faits, tous les faits. Ça, c’est totalement
irrécupérable. La subversion maximum, à jamais irrécupérable,
c’est juste la bonne vieille méthode scientifique
expérimentale : des raisonnements logiques appuyés sur des
faits concrets.
Attention,
pas de malentendu, je ne parle pas de scientisme ou de
positivisme. Je parle d’une attitude simplement non idéologique
face au monde, c’est-à-dire avec le moins d’idées possible.
Je me méfie comme de la peste des idées et des systèmes
d’idées (les idéologies). Les idées et les théories, on ne
peut pas s’en passer totalement, mais il faut toujours garder
présent à l’esprit que ce ne sont que des hypothèses, plus
ou moins cohérentes et consistantes, mais des hypothèses
seulement. Les idées et les hypothèses doivent toujours être
soumises à l’autorité des faits bruts, l’autorité du Réel,
la seule autorité que je reconnaisse, pour ma part. (À une
époque, je voulais lancer un mouvement baptisé « La
Communauté du Réel », d’après l’article sur la
reality-based community de Ron Suskind, mais l’initiative est
restée foireuse, faute de temps et de moyens.)
Le
Réel, c’est la manière dont les choses sont, indépendamment
de ce que l’on voudrait qu’elles soient. Autres définitions
du Réel, celles de la topologie lacanienne : « Ce qui
revient toujours à la même place », « Ce qui ne se
contrôle pas ». Je milite donc en faveur d’un empirisme
intégral, un « factualisme » avec le moins d’idées
possibles, car ce sont les idées et les idéologies qui se
manipulent, qui se mettent en scène dans des débats « pour
ou contre ». Il faut donc savoir rester « trivial »
au sens épistémologique, c’est-à-dire au ras des
pâquerettes, et sans idées préconçues. Je défends donc une
méthode vide, sans contenu, sans idées, ce qui réduit
considérablement les risques d’être manipulé. Cette vision
de la méthode scientifique, composée d’une méta-communication
sur les systèmes, c’est-à-dire sur nos formes mentales,
associée à un retour constant à la trivialité factuelle, est
également assez proche du bouddhisme zen. Pour tout dire, c’est
juste du « bon sens ».
7.
La désinformation, expliquez-vous, passe notamment par les
glissements sémantiques via la promotion de nouveaux mots à des
fins de propagande. Qu’en est-il ?
Pour
le Pouvoir, la manipulation du langage en général est
essentielle car c’est de cette façon-là qu’il construit une
réalité. Je disais au début de l’interview que dans un cadre
d’ingénierie, on ne se parle plus. Pour être plus précis, on
peut continuer de se parler « en apparence », mais
c’est du pseudo langage, de la langue de bois ou de coton, du
langage qui n’est plus indexé sur le Réel. Les grands
totalitarismes du 20ème siècle ont fait avancer l’art de la
déréalisation au moyen du langage jusqu’à une extrême
sophistication. Orwell a tout dit avec son concept de Novlangue,
mais on le complétera judicieusement par les ouvrages de Victor
Klemperer, Éric Hazan et Christian Salmon.
Pourquoi
le storytelling marche-t-il aussi bien ? Comment se fait-il
que nous soyons sensibles à ce point aux histoires qu’on nous
raconte et que ces narrations souvent fictives pèsent malgré
tout d’un tel poids dans nos vies et sur la marche du monde ?
Cela vient du fait que l’homo sapiens n’est jamais en contact
direct avec le réel brut. Nous n’avons accès au réel que par
l’intermédiaire d’une construction sémantique, langagière,
qui fournit la représentation, la carte du territoire dans
lequel nous subsistons. Cette carte, c’est l’ensemble de ce
que nous savons sur le monde, c’est la grille de lecture
culturelle que nous apprenons et perfectionnons depuis la
naissance et sans laquelle nous ne pourrions survivre. Pour plus
d’explications sur ces affaires de sémiotique appliquée à la
psychogenèse, on se reportera aux recherches de Dany-Robert
Dufour, notamment dans On achève bien les hommes. Je vais
essayer de résumer.
Tout
part du fait que l’espèce humaine est néotène, c’est-à-dire
prématurée. L’héritage génétique seul n’est rien, il a
besoin d’être activé par de la fiction. Dans une vie d’Homme,
la fiction représente une part plus importante que le Réel. La
mise en fiction du vécu humain est inscrite dans notre condition
de sujets parlants. En fait, tout ce qui fait Sens relève peu ou
prou de la fiction. Cela inclut tous les grands récits
identitaires et communautaires, tous les grands mythes
historiques, religieux, politiques, mémoriels, et pas seulement
ceux dont la censure interdit le questionnement depuis quelques
années. Pour comprendre cela, il faut examiner les mécanismes
de l’acquisition du langage, puisqu’il n’y a pas de
production de sens sans un code, sans un véhicule langagier. À
la naissance, sur un plan strictement génétique, le bébé est
capable de produire tous les sons. Or, aucune langue humaine ne
contient tous les sons. Pour entrer dans une langue et commencer
à échanger du sens, le bébé doit donc apprendre à inhiber
certaines potentialités génétiques, certaines potentialités
réelles et naturelles, au bénéfice du renforcement d’autres
potentialités génétiques. L’entrée dans le langage,
l’entrée dans le sens, suppose donc une négation sélective
au sein de l’héritage génétique, dans l’éventail des
potentialités qui nous sont léguées, ce qui constitue une
sorte de dénaturation.
La
nature est trop riche, l’entrée dans la culture et le sens en
constitue une réduction et une orientation spécifique, aux
dépens d’une autre orientation. Cette réduction, ou
limitation, ou dénaturation, ou information (au sens de mise en
forme) du matériel génétique inné, correspond aussi au
mécanisme de la socialisation. L’apprentissage social,
l’acquis post-natal, l’éducation, la culture, en un mot la
« compétence langagière », imposent des limites et
inhibent sélectivement l’héritage naturel, qui sans cette
influence extérieure reste anarchique, amorphe, non-structuré,
« lettre morte ». C’est cette information
inhibitrice qui donne du Sens. Chez les humains, l’héritage
génétique tout seul ne conduit qu’à l’autisme et à une
absence handicapante de socialisation. La socialisation
langagière et sémantique constitue donc en elle-même une
déréalisation : le vécu natif, originel, génétique, du
Réel brut naturel n’est pas pris en bloc, il n’est pas
respecté dans son intégrité totale, on n’en retient que
certaines parties, mais ce mécanisme sélectif passe inaperçu
et la « partie », la construction sélective, est
prise pour le « tout ».
En
effet, pour que le code culturel au moyen duquel nous
communiquons soit crédible et fonctionnel, il doit reposer sur
le postulat illusoire de son adéquation pleine et entière au
Réel : oublier que c’est une convention pour se mettre à
croire que c’est un absolu. Si je commence à douter du langage
que j’utilise, c’est non seulement ma capacité au lien
social qui s’effondre, mais encore tout forme de « sens
de la vie » (processus de la psychose). Pour entrer dans
l’univers du Sens, dans l’univers des symboles et des codes
langagiers, il faut donc nier sélectivement le Réel tout en
croyant qu’on le respecte. Pour continuer à utiliser la carte,
il faut croire qu’elle correspond au territoire.
8.
Pourquoi conclure par « L’Appel des résistants » ?
Stéphane Hessel n’a-t-il pas, comme le rappelle Jean-Claude
Michéa dans Le complexe d’Orphée, fourni plusieurs membres à
la Commission trilatérale via son club Jean Moulin ?
Stéphane
Hessel n’est pas le seul signataire de cet « Appel des
résistants », ils sont une quinzaine. Par ailleurs, quand
j’ai écrit mon bouquin en 2008-2009, je ne savais même pas
qui était Stéphane Hessel, en dehors d’un nom mêlé à
d’autres au bas d’un texte. Rappelons le contexte. L’Appel
des résistants, écrit en 2004, a été rédigé pour commémorer
le 60ème anniversaire du Programme du Conseil national de la
Résistance, écrit en 1944. Ce programme du CNR, de son vrai
titre Les jours heureux, est un texte absolument extraordinaire,
merveilleux, époustouflant d’intelligence et de bonté, tout
le génie français est là, dans cette alliance entre gaullistes
et communistes, qui vous donne la chair de poule et vous fait
monter les larmes aux yeux.
À
moins d’être un salaud, on ne peut qu’être d’accord avec
ce texte et ressentir l’urgence d’en faire la promotion ;
mais bien qu’il n’ait que la taille d’un manifeste, ses
quarante pages interdisent de pouvoir le citer dans son
intégralité. Je voulais néanmoins rappeler son existence et me
placer sous son patronage. Faute de place, je me suis contenté
de reproduire l’Appel des résistants, qui en fournit un résumé
sur deux pages. En plus synthétique encore, notons que l’on
retrouve également tout l’esprit du Conseil national de la
Résistance dans la maxime assez géniale d’Égalité et
réconciliation, le mouvement fondé par Alain Soral :
« Gauche du travail, droite des valeurs ».
9.
Passons au plan géopolitique. Les récents bouleversements en
Italie, Grèce, la loi NDAA d’Obama peuvent-ils s’interpréter
en termes d’ingénierie sociale ?
Du
point de vue de l’oligarchie occidentale, dont Obama et ses
conseillers sont des représentants, un monde multipolaire, un
monde multiculturel, est intolérable car il n’est pas
totalement sous contrôle, sous son contrôle. Un monde
multipolaire rappelle à l’oligarchie le monde réel en la
rappelant à certaines limites, aux frontières, à la
contradiction, au fait qu’elle ne domine pas le monde
entièrement. Pour l’oligarchie capitaliste, le monde doit être
Un et sans frontières. Telle est sa vision de la géopolitique.
Pour y parvenir, elle s’emploie donc à détruire le monde tel
qu’il est pour le remplacer par le monde tel qu’elle voudrait
qu’il soit.
Méthodologiquement,
dans son œuvre de destruction, elle fait usage de la « stratégie
du choc » et du « management de la terreur ».
La Terror management theory est une branche des sciences humaines
née en 1986 sous l’impulsion de trois chercheurs américains
Greenberg, Pyszczynski et Solomon. Cette approche gestionnaire,
rationnelle et scientifique de la terreur propose une analyse des
mécanismes psychologiques et comportementaux de la peur et de la
panique. Au niveau d’une ingénierie, on peut en tirer des
applications permettant de répondre à certaines questions.
Comment terroriser et paniquer autrui de la manière la plus
efficace possible ? Comment rendre les gens complètement
fous, comment les pousser au suicide ou à s’entretuer, sans
que cela ne m’impacte en retour, évidemment ?
Conformément
à ce que nous disions plus haut sur le langage, la
représentation est parfois suffisante pour provoquer les mêmes
effets que le réel. Par exemple, ce que l’on appelle
communément la « dette publique » n’existe que
dans le langage. Mais du fait que l’oligarchie ne pouvait pas y
faire croire du jour au lendemain sans un minimum de mise en
scène, il a fallu passer par le stratagème de la crise de
2007-2008, au moyen de laquelle les banques ont surendetté les
États avec l’argent qui a servi à les sauver, elles.
Créancières et débitrices en même temps, les banques nous
font entrer dans un système circulaire d’auto-confirmation
performative sans rapport avec le réel et de nature profondément
hallucinatoire et psychotique.
Jean-Claude
Paye est très bon pour analyser ces mécanismes de folie
sociale. Si ça marche quand même, c’est uniquement parce que
la police et l’armée sont là pour protéger les banquiers,
qui ne sont que des types dans des bureaux (ou des châteaux), et
sont donc par eux-mêmes totalement impuissants à imposer quoi
que ce soit. Le pouvoir de la finance repose entièrement sur ce
que l’on appelle communément le bluff, comme au Poker.
D’ailleurs, on attribue à Mayer Rothschild, le fondateur de la
dynastie, la remarque suivante : « Prenez l’apparence
du pouvoir, et on ne tardera pas à vous le donner réellement. »
Ce
qui marche pour le pouvoir fonctionne également pour le danger.
La capacité à « faire croire » (au pouvoir ou au
danger) est fondamentale puisque la représentation du danger
provoque à peu près les mêmes effets anxiogènes que le danger
réel. D’où le fait que l’anti-terrorisme, dont le Patriot
act, la NDAA ou nos lois scélérates en France sont des avatars,
n’ait pas besoin de vrais terroristes. D’où le fait qu’il
s’en passe effectivement !
Personnellement,
quand j’entends parler de « menace terroriste », je
souris. Pendant des années, je suis allé à l’École
militaire, située en face de la tour Eiffel à Paris, pour y
écouter des colloques et des conférences sur le Renseignement,
les Forces spéciales, la stratégie militaire, la géopolitique
et la sécurité. Ces événements rassemblent le gratin de
l’armée, de la police, des services secrets, de la politique,
du patronat et du journalisme. La « menace
terroriste islamiste » constitue le fil conducteur de
tous les débats. Bizarrement, on rentre dans ces conférences
sur simple inscription par Internet et présentation rapide d’une
pièce d’identité banale et aisément falsifiable à l’entrée.
Il n’y a aucun portique détecteur de métaux, aucun scanner
corporel ni tapis roulant pour les sacs et valises, aucun chien
renifleur, et je n’ai pas souvenir d’une seule caméra de
vidéosurveillance. Cohérence et vraisemblance semblent donc
secondaires, y compris de la part des professionnels de la
sécurité puisqu’ils ne prennent même pas la peine de se
protéger des dangers dont ils dissertent complaisamment par
ailleurs.
En
réalité, il n’y a AUCUNE menace terroriste islamiste. Zéro,
rien, et ces professionnels le savent pertinemment, raison pour
laquelle ils s’épargnent à eux-mêmes les nuisances
tatillonnes de la paranoïa sécuritaire. Pour ma part, j’ai
suffisamment étudié la question : les seuls risques
terroristes réels en Occident viennent des services secrets
occidentaux eux-mêmes, et en particulier anglo-saxons et
israéliens. Il suffit de se cultiver un peu sur les méthodes de
travail des services spéciaux pour apprendre que l’attentat
sous faux drapeau (false flag), c’est-à-dire faussement
attribué à quelqu’un d’autre, est d’un usage complètement
banalisé depuis des siècles. Les emprunts et les abus
d’identité, ainsi que les identités entièrement inventées
de toutes pièces, ce que l’on appelle dans le jargon des
« légendes », sont le pain quotidien du boulot dans
le Renseignement.
La
menace terroriste en Occident est donc largement une fiction,
comme la dette publique, mais qui s’inscrit parfaitement dans
ce management de la « terreur virtuelle ». Tous les
événements géopolitiques que vous mentionnez sont les
symptômes de ce qu’il faut bien appeler une véritable
ingénierie de la peur appliquée aux peuples, mais sans aucune
raison objective, sans raison réelle, il faut ne jamais cesser
de le dire. La puissance de la « communication »,
c’est-à-dire des médias, fait tout. Ce raffinement proprement
satanique dans le sadisme révèle que l’oligarchie occidentale
atlantiste est passée bien au-delà de la décadence, elle en
est au stade de la dégénérescence et de la sociopathie
généralisée. Pour continuer sur ces sujets, à côté de
l’ouvrage bien connu de Naomi Klein, j’en recommande
d’autres, tout aussi indispensables, Choc et simulacre de
Michel Drac, et La stratégie du chaos de Michel Collon. Si nos
titres font écho les uns aux autres, ce doit être le Zeitgeist…
10.
Quelle grille d’analyse appliquer aux révolutions colorées ?
Il
faut partir d’un principe. C’est un raisonnement
déductif mais appuyé sur des observations empiriques :
toutes les révolutions authentiques, venant vraiment du peuple,
ont échoué ; toutes les révolutions qui ont marché
étaient des « révolutions colorées » menées par
des « minorités actives ». Ce fut le cas de la
Révolution américaine, de la nôtre en 1789, puis 1917 en
Russie. Cela commence à se savoir également pour Mai 68 (cf.
Alain Peyrefitte ; Roger Frey ; L’Express n°2437),
dont le but était d’ouvrir la France aux réseaux
américano-israéliens. Ces minorités actives, composées de
lobbies et de groupes d’influence divers, surfent sur la colère
du peuple, colère parfois justifiée mais aussi parfois
complètement fabriquée, ou amplifiée. « Agiter le peuple
avant de s’en servir », comme disait Talleyrand. Ensuite,
usant des médias comme de caisses de résonnance, ces minorités
actives filment en gros plan une zone circonscrite où les gens
s’agitent effectivement, comme la place Tahrir au Caire,
pendant que le reste de la ville et du pays fait la sieste, ainsi
que me l’a rapporté un contact en Égypte. On a eu le même
genre de manip’ en Libye, avec la place centrale de Tripoli
reconstituée en studio au Qatar, en Russie avec des images
fausses de manifestations anti-Poutine, et en Syrie, évidemment.
Même
quand le peuple souffre vraiment, sa capacité à plier et à ne
pas se révolter « spontanément », sa capacité
d’inertie, est presque infinie. Il arrive cependant parfois
qu’un leader charismatique émerge et provoque une
insurrection, une révolte, une jacquerie. En général, ça
s’essouffle rapidement par manque de moyens, ou c’est réprimé
dans le sang vite fait, bien fait. Quand ça dure et que c’est
couronné de succès, cela veut dire qu’il y a des
professionnels derrière. Car, oui, il y a des professionnels de
la révolution, des professionnels de l’agitation et de la
subversion. Comme il faut quand même de gros moyens pour faire
tomber un État ou un régime, cela prouve de facto qu’on a
affaire à des acteurs très puissants derrière ces pseudos
révolutions, c’est-à-dire d’autres États, dotés de
services de Renseignement performants, ou des fortunes privées
qui peuvent concurrencer les États. Voir à ce sujet Roger
Mucchielli, La subversion, ainsi que les théoriciens de la
contre-insurrection : Frank Kitson, David Galula, le général
Francart.
11.
Pouvez-vous revenir sur l’actualité du concept de biopouvoir
que vous exposez dans votre dernier chapitre ?
Si
l’on poursuit la réflexion de Foucault ou Agamben, on arrive
au brevetage du vivant, c’est-à-dire à sa privatisation, aux
Organismes Génétiquement Modifiés, à l’eugénisme et au
transhumanisme. Malheureusement, tout cela est d’actualité. En
effet, il existe des volontés affirmées au sein d’organisations
supranationales sans légitimité comme l’Union européenne ou
l’Organisation Mondiale de la Santé d’en finir avec la
biodiversité au moyen de textes à prétentions légales tels
que le Catalogue des semences autorisées, le Certificat
d’obtention végétale ou le Codex Alimentarius. Toutes ces
prospectives sont résumées par le concept de Gestell, formulé
par Heidegger, que l’on pourrait traduire par le « disposé ».
Ou encore, au prix d’un néologisme, « l’ingénieré ».
C’est vraiment l’esprit de l’époque, la société liquide,
rien ne doit être « en dur » et rien ne doit durer,
il faut pouvoir tout réécrire, tout modifier, tout recomposer à
chaque instant car tout doit être mis à disposition, tous les
aspects de la vie, y compris les plus intimes, en l’occurrence
le code génétique des êtres vivants, de tous les êtres
vivants, de la plante à l’humain.
À
cet égard, l’initiative commune d’un Bill Gates et d’un
Rockefeller de créer sur l’île norvégienne de Svalbard une
sorte de bunker « arche de Noé » contenant toutes
les graines et semences du monde est plutôt inquiétante.
Pourquoi font-ils cela, que manigancent-ils ? Question
rhétorique, le projet est fort clair : il s’agit de
commencer à privatiser toute la biosphère, ce qui permettra de
la contrôler intégralement après l’avoir intégralement
détruite. Rigidifier après avoir fluidifié, nous sommes au
cœur du Gestell et de l’ingénierie cybernétique, qui
partagent le même horizon : l’automatisation complète du
globe terrestre.
12.
Dès lors, avec les ingénieurs sociaux, quelle humanité pour
demain et dans quelle démocratie ? Peut-on d’ailleurs
encore parler de démocratie ?
On
se souvient de la fameuse phrase du générique de L’homme qui
valait trois milliards : « Messieurs, nous allons le
reconstruire. » Le principe commun de l’ingénierie
sociale et du transhumanisme tient dans cette phrase, et pour
tout dire, la première conduit inévitablement au second. (Je
dois l’avouer, moi-même j’ai été transhumaniste, mais je
revendique le droit à « l’erreur de jeunesse »,
dès lors qu’on en prend conscience et que l’on fait amende
honorable.) Conformément aux vœux de leurs financiers de
Wall-Street, les nazis ont été les Pères fondateurs du
transhumanisme moderne. Leur anthropologie, appuyée sur une
interprétation puérile du concept de surhomme de Nietzsche,
relevait d’un principe de transformation du donné naturel et
visait à la création d’un Nouvel Homme par l’ingénierie
génétique. Les libertaires gauchistes qui font la promotion du
transgenre et du changement de sexe ou d’identité à volonté
en sont les dignes descendants spirituels, avec Toni Negri et
Deleuze. Ils se reconnaîtraient peut-être davantage chez les
soviétiques, qui furent plus prompts à dégainer l’alibi
progressiste (« Du passé, faisons table rase ») pour
défendre des programmes similaires de reconstruction intégrale
de la nature humaine.
Et
comme on le voit sous la plume de Jacques Attali (ainsi que chez
Ray Kurzweil et Howard Bloom), la pointe fine du sionisme
fusionne également avec le projet transhumaniste et adopte à
ses heures la notion corollaire de « Nouvel Ordre
Mondial », nouvel ordre issu du chaos selon la terminologie
de l’Illuminisme anglo-saxon (voir Aldous Huxley et consorts).
En un sens, Claude Vorilhon, alias Raël, a tout compris de son
époque, lui qui imbrique le Svastika lévogyre, symbole de
destruction, avec les deux pyramides entrelacées de l’étoile
de David sur fond de clonage reproductif ! Bref, il semble
que tous les « tarés de la Terre » (et non pas les
damnés) convergent depuis toujours dans le transhumanisme.
Du
transhumanisme au post-humanisme, puis au postmodernisme, il n’y
a qu’un pas. En fait, c’est la même chose. Le
postmodernisme, c’est quoi ? En un mot, le postmodernisme
c’est quand la copie remplace l’original. L’original est
imparfait, on le remplace par sa copie retouchée et lissée,
comme sur Photoshop. Le transhumanisme ou le post-humanisme
remplacent l’humain original par des copies soi-disant
améliorées, augmentées (comme la « réalité augmentée »
virtuellement). Aujourd’hui, c’est tout le monde réel qui se
trouve menacé par une vague de déréalisation postmoderniste et
de remplacement par sa copie réécrite. Le Réel c’est ce qui
ne se contrôle pas. Pour arriver au contrôle total dans ces
conditions, pas d’autre choix que de détruire le Réel
original et de le remplacer par sa copie virtuelle. Puis on
produit des copies de copies à l’infini, pour parvenir à un
contrôle toujours croissant. À la fin, il ne reste de
l’original qu’un simulacre complètement dévitalisé et
désubstantialisé. Sur le plan politique, c’est l’avènement
de la post-démocratie, qui n’est qu’une pâle imitation de
la démocratie originale, comme on le voit dans l’Union
européenne (référendums annulés, limogeage de Papandréou,
etc.).
Idem
dans le champ des religions : il y a autant de rapports
entre le judaïsme et Israël qu’entre l’islam et l’Arabie
saoudite, ou le christianisme et les États-Unis. C’est-à-dire
à peu près aucun, en dehors de la récupération de signes
extérieurs d’affiliation identitaire, mais des signes
totalement vidés de leur substance. Le capitalisme est passé
par là. Pour être juste, dans ces pays il faut donc parler de
post-judaïsme, de post-christianisme et de post-islam. Quand le
capitalisme veut se donner un supplément d’âme pour mobiliser
ses troupes, il se pare d’oripeaux mythologiques et raconte une
histoire, par exemple qu’il n’est pas fondé sur une
hiérarchie de classes socioéconomiques mais qu’il agit pour
une communauté culturelle ou ethnique, etc. Bref, il joue du
pipeau et tente de vous prendre par les émotions. Cela marche
quand même sur les individus et les groupes sociologiques naïfs,
peu politisés, en détresse ou angoissés.
13.
Quels moyens de riposte nous reste-t-il ? Où et comment
nous investir ?
D’abord,
quelques mots de méthode et de formation. Il faut ne jamais
oublier une chose : nous sommes en guerre. Il faut vivre
avec ça présent à l’esprit. Nous devons donc devenir des
guerriers et faire la guerre. Il y a mille façons de faire la
guerre, parfois très détournées, très impalpables, comme la
guerre psychologique, et il y a aussi des reculs tactiques et des
pauses. Mais le cadre général, c’est la guerre et le combat.
Nous allons la mener en démocratisant la culture du
Renseignement. Au quotidien, nous pouvons être les acteurs d’une
véritable guerre de l’information très stimulante, comme un
jeu de cache-cache avec le Pouvoir et ses relais dans la
population. Que chacun devienne un agent d’influence à son
niveau. La plupart de nos concitoyens sont timorés et intimidés.
Il faut donc les désinhiber, les déniaiser en quelque sorte, et
faire monter leur envie de violence contre le système, mais de
manière parfaitement canalisée et rationnelle sur le plan de
l’action et de la méthodologie du renversement. « Frapper
sans haine », comme on apprend dans les arts martiaux.
Cette exigence de rationalité scientifique dans l’action, il
faut la maintenir jusqu’au bout. Même en situation de crise,
ne jamais, jamais, jamais céder à la panique et aux émotions.
Rester lucide, maître de soi, décontracté. Surtout, ne jamais
simplifier les choses et savoir rester dans la complexité. Nous
devons devenir aussi tranchants, acérés et dangereux que la
lame de l’épée, sur le plan intellectuel et physique. Une
élite, en somme.
Maintenant,
définir l’ennemi : l’Occident atlantiste et ses alliés
(inutile de développer). Ensuite, le programme : nous
allons en finir totalement et définitivement avec l’Occident
atlantiste et ses alliés, les rayer intégralement de la carte,
de Washington à Tel-Aviv, en passant par Londres et Paris, sans
oublier Ryad, Doha, etc. Nous ne conserverons ce moment
atlantiste et postmoderne de l’Histoire dans la mémoire
des Hommes qu’à titre pédagogique, comme un bêtisier pour
rappeler tout ce qu’il ne faut pas faire, une parenthèse
pénible qui pourra être décrite comme le règne de
l’Antéchrist pour les croyants, ou comme l’âge nihiliste du
Dernier homme en termes nietzschéens, en un mot, le Mal absolu,
le stade terminal, la déjection ultime. Nous allons tirer la
chasse d’eau et passer à la reconstruction de la civilisation.
Maintenant,
les moyens. D’abord, nous devons être nombreux, c’est la
seule chose que le Pouvoir n’est pas. Il faut faire des
enfants, un maximum d’enfants. Il n’y a rien qui fasse plus
horreur au Pouvoir qu’une démographie galopante, d’où sa
promotion de la contraception, de l’avortement et ses efforts
pour détruire la famille en mettant les femmes au travail et en
dressant les enfants contre les parents. Le peuple doit être
nombreux car « Le peuple est tout », comme dit
Alexandre Douguine dans La Quatrième théorie politique. Le
nombre est notre force, mais ce nombre doit être organisé. Il
faut donc mettre les « petites différences »
narcissiques au placard, couleurs de peau, origines culturelles,
croyant/pas croyant, tout ça on s’en fout. Le peuple n’est
jamais parfaitement homogène, de toute façon.
Comment
organiser le peuple ? Il faut construire un « cerveau
collectif » pour le peuple, un cerveau collectif populaire
et populiste. Ce cerveau collectif doit être fondé sur la
Tradition. Donc sur LES traditions. Si l’une tombe, les autres
peuvent prendre le relais. Toutes les traditions authentiques
peuvent s’entendre car elles convergent dans leurs principes.
Ces principes ont tous en commun d’organiser le psychisme et la
société dans une combinaison de hiérarchie et d’hétérophilie.
Autrement dit, la Loi et l’Amour. Définition de la normalité
selon Freud : « Aimer et travailler. » La
formule de la Tradition, c’est donc la « hiérarchie
hétérophile ». Symétriquement, l’ingénierie cognitive
progressiste, de Hitler à Sarkozy, essaie de désorganiser et de
stériliser le peuple en lui inoculant le virus de la
postmodernité : l’anarchie homophile, c’est-à-dire la
loi du plus fort et l’amour du moi. En un mot,
l’individualisme. Ces antivaleurs doivent être les repoussoirs
absolus.
Avec
notre cerveau collectif traditionnaliste, hiérarchisé et
hétérophile, nous pouvons passer à l’attaque. La règle de
l’action doit être de se placer au niveau de ce qui est et qui
ne change pas. S’inscrire dans la durée et le long terme.
Quand on analyse un système, il y a des constantes et des
variables. Il faut distinguer les unes des autres et se placer au
niveau des constantes. Le Pouvoir, de son côté, met en œuvre
une véritable ingénierie des perceptions en multipliant les
variables à l’infini, de sorte à ce qu’elles capturent
notre attention et que nous ne percevions jamais les constantes.
L’ennemi veut nous plonger dans le court terme, la panique,
toujours pour nous désorganiser. Il faut donc se placer du point
de vue de l’éternité. Nous sommes l’éternité. De ce point
de vue, il faut ensuite faire feu de tout bois, attaquer sur tous
les fronts en même temps sans en oublier aucun. Nous allons
irriguer tout le corps social de manière capillaire de sorte à
rétablir en tout lieu la Loi et l’Amour. Comme nous sommes
dans une guerre culturelle, il faut veiller à notre hygiène
mentale. À ce niveau, la priorité absolue, qui ne coûte rien,
au contraire, consiste à se séparer définitivement de la
télévision, qui reste le principal outil de management des
perceptions du Pouvoir.
Pour
ma part, je n’ai plus de télé depuis des années, ça change
la vie, car vous n’êtes plus sous l’influence
virtualisante des images qui vous dépossèdent de votre propre
vie mentale. Sans télé, vous récupérez votre souveraineté
cognitive, vous gagnez en « réalisme », en capacité
à voir les choses comme elles sont et pas comme on vous dit de
les voir. À propos des médias, de la désinformation et de la
ré-information, comme le dit Thierry Meyssan, les Français
n’ont plus d’autre choix aujourd’hui que de s’informer à
l’étranger. Plus largement, il faut éviter dans la mesure du
possible de s’informer à des sources occidentales « grand
public » et se ré-informer auprès des médias
non-occidentaux. Les médias occidentaux ou pro-occidentaux
mainstream doivent mourir.
Sur
le plan de l’insertion sociale et professionnelle, il faut
« faire carrière ». Constituer l’analogue des
réseaux de sayanim ou de francs-maçons pour les concurrencer
sur leur propre terrain, dans les institutions publiques, pour
les revivifier de l’intérieur, mais aussi dans les secteurs
privé et associatif, et jusqu’en cherchant des alliés à
l’étranger. Dans l’institution, s’investir dans ce qui
reste de l’État, la fonction publique, les partis (UMPS et
autres), les syndicats, la police, l’armée et travailler à y
renforcer toutes les tendances souverainistes qu’on aura
repérées, de droite comme de gauche, le but de la manœuvre
étant de reconstruire une authentique démocratie nationale.
Certes, il n’y a plus aucun contre-pouvoir institutionnel en
France. Il faut donc le recomposer en s’appuyant sur les
structures déjà existantes. Cela exigera nécessairement de
dé-mondialiser, sortir de l’Union européenne, de l’Euro, de
l’OTAN et d’abolir la fameuse « loi de 1973 »
pour rétablir un authentique protectionnisme économique.
Abattre,
ou du moins affaiblir, le système bancaire est essentiel car,
dans le fond, il est purement parasitaire. Il faut laisser le
moins d’argent possible à la banque, ou alors dans des banques
non-occidentales. Le bank run complet est un idéal vers lequel
il faut tendre, mais il est difficilement pratiquable pour la
plupart des gens. Il faut essayer quand même de dé-virtualiser
nos biens et de re-matérialiser notre capital au maximum, par
exemple, dans les métaux précieux ou l’immobilier. Si on n’a
pas beaucoup d’argent, acheter des objets utiles pour le
bricolage, des denrées alimentaires non périssables, des
graines et des semences, ou un petit terrain, voire un garage,
une cave, un grenier, un comble, un box. Bref, convertir tout ce
qui n’a qu’une valeur d’échange, une valeur fiduciaire,
sous format papier ou numérique, en choses à valeur d’usage,
valeur réelle et concrète.
Dans
le privé, il faut faire carrière également partout avec le
même objectif souverainiste, et en particulier dans les médias
et l’Intelligence économique, qui restent des secteurs
d’avenir dans nos sociétés tertiarisées, mais aussi dans
l’agriculture et l’industrie, si possible. Dans l’associatif,
s’investir dans divers mouvements, les « villes en
transition », la relocalisation, le survivalisme (à
condition qu’il abandonne ce qui reste en lui d’égoïsme
concurrentiel libéral), les monnaies alternatives et
complémentaires, où l’on apprend à s’organiser
concrètement en dehors du capitalisme. La reconquête locale
d’une souveraineté alimentaire, énergétique, puis économique
et politique permet d’améliorer la résilience, la capacité
de résistance aux chocs infligés par le capitalisme et son mode
de fonctionnement par la crise, la délocalisation et le
déracinement. Comme disait Sun-Tzu, « Gagner, c’est
rester en vie ». Tant que nous sommes en vie, quelles que
soient les conditions de cette vie, l’ennemi n’a pas gagné.
Donc nous ne perdons pas. Donc nous gagnons.
Il
faut agir localement, mais ne pas oublier de penser aussi
globalement. Pour cette raison, il faut soutenir tous les pays
libres, et en particulier la Russie, la Chine, l’Iran, la
Syrie, le Venezuela, Cuba, la Hongrie. Il faut également
soutenir tous les résistants partout dans le monde : les
Khadafistes en Libye, les combattants antioccidentaux en
Afghanistan, en Irak, en Palestine, au Liban… Il faut apprendre
les langues de ces pays et créer des liens avec eux, leur
envoyer de l’argent, puis ré-informer les populations
occidentales sur ce qui s’y passe vraiment, à savoir que les
gens sont plus heureux là-bas que par chez nous et qu’il ne
faut pas croire un mot de la propagande de guerre visant à les
salir. L’oligarchie occidentale ne craint qu’une chose :
que les peuples qu’elle est en train de martyriser, à
commencer par les Grecs et à suivre par nous, se tournent vers
des pays non-occidentaux pour y trouver du soutien, d’abord
moral et plus si affinités. L’oligarchie craint par-dessus
tout que l’on puisse comparer les systèmes de société et que
cela soit en défaveur du système dans lequel elle veut nous
faire rester. Elle veut que nous aimions notre cage et nous
inoculer le syndrome de Stockholm afin que nous aimions notre
bourreau. À cette fin, les pays non-occidentaux sont décrits
dans les médias comme « autoritaires », ou pires
encore, des horribles dictatures, où les gens sont malheureux,
persécutés, assassinés, les élections truquées, etc.
Balayons
devant notre porte et ne cessons jamais de rappeler la
triste réalité de l’Occident atlantiste : dictature des
banques, démocratie virtuelle, référendums annulés et
scrutins trafiqués par diverses méthodes, fiction totale de la
« menace terroriste » ici, mais soutien au terrorisme
ailleurs, kidnappings de milliers d’innocents dans des prisons
plus ou moins secrètes où on les torture en douce, épidémies
de dépressions, de cancers, de divorces et d’enfants obèses
ou hyperactifs, etc. Le multiculturalisme, qui permet de comparer
les codes culturels, donc de les critiquer, est l’ennemi
frontal de l’oligarchie occidentale car il ouvre sur autre
chose que son modèle unique de société ; raison pour
laquelle cette oligarchie essaie de remplacer le
multiculturalisme et la pluralité des nations souveraines par un
seul monde sans frontières où règnerait la monoculture
occidentale libérale-libertaire. Abolir les éléments de
comparaison.
Et
quand le soft power ne suffit plus, l’oligarchie du capital
continue sa colonisation à coup de bombes et d’invasions
militaires sous prétexte humanitaire et en invoquant le droit
d’ingérence et les « droits de l’homme ». Une
des initiatives les plus prometteuses de ces dernières années
pour contrer tout cela est le mouvement lancé depuis la Russie
par Alexandre Douguine, notamment au travers de la Global
Revolutionary Alliance, qui vise à défendre la multipolarité
au niveau géopolitique. Il semble bien qu’en outre ce soit la
ligne idéologique du Kremlin. Nous pouvons donc nous adosser à
un État qui possède des armes de pointe et en particulier la
Bombe, condition sine qua non pour avoir les moyens de défendre
des idées de manière conséquente. Pour agir plus près de chez
nous, il existe de nombreuses structures françaises ou
francophones souverainistes qui me paraissent adéquates, je ne
refais pas la liste.
Le
principe directeur de notre action doit être d’empêcher par
tous les moyens possibles et imaginables la constitution d’un
gouvernement mondial, par une guerre atomique si nécessaire, car
un gouvernement mondial serait pire que l’Armageddon
thermonucléaire. Pour Baudrillard, la véritable apocalypse
n’était pas la fin réelle du monde, sa fin physique,
matérielle, assumée, mais son unification dans ce qu’il
appelait le « mondial », ce que l’on appelle
aujourd’hui le mondialisme, et qui signait la vraie fin, le
simulacre ultime, le « crime parfait », c’est-à-dire
la fin niant qu’elle est la fin, la fin non assumée, donnant
l’illusion que ça continue. La Matrice, comme dans le film, si
vous voulez.
L’Histoire
s’arrêtera, ce sera la fin du monde, le jour où il n’y aura
plus au moins deux blocs, deux Pouvoirs. Faisons donc vivre la
dualité, l’antagonisme, le rapport de forces. Notre ennemi
doit le savoir : nous allons nous battre. Cela tombe bien
car nous aimons nous battre, nous adorons ça, nous n’aimons
que ça, c’est le sens de notre vie, nous n’arrêterons donc
jamais car la paix nous ennuie. Le combat, le polemos, c’est la
vie, comme disait Héraclite. C’est dans le combat que nous
nous sentons vivre et que nous sommes heureux. La perspective de
l’affrontement nous remplit de bonheur, nous commençons à
sourire et nos yeux brillent quand l’heure de la bataille
approche. Et nous ne sommes jamais fatigués, jamais découragés,
et nous revenons toujours à l’assaut car la victoire n’est
même pas le but, car nous aimons le combat pour le combat et
qu’il est en lui-même la récompense. Et c’est ainsi que
ceux qui aiment la vie en tant qu’elle est combat deviennent
invincibles et ne peuvent que gagner. Car la victoire, c’est de
se battre.
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