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La crise des subprimes n'est que la première vague annonciatrice d'un grand tsunami financier

Par F. William Engdahl, Global Research

Présentation par le traducteur:

Cet auteur est l'un des meilleurs pour vulgariser et pour rendre accessible au plus grand public possible des sujets qui autrement ne demeureraient compréhensibles qu'à ceux qui ont fait les grandes écoles.

Toutefois, cet article concerne la haute finance et inévitablement, le texte demeure parsemé de termes spécialisés et à premières vues, les explications peuvent ne pas sembler claires comme de l'eau de roche.

Mais sans trop d'effort, à la fin de cet article chacun aura appris quelque chose lui permettant de bonifier sa compréhension de la crise financière actuelle et qui, si l'on se fie au « Laboratoire Européen d'Anticipation Politique – Europe 2020, » est appelée à devenir selon leurs propres mots, une « Très Grande Dépression. »

 

Voici l'article:

 

PREMIÈRE PARTIE: La douloureuse leçon de la Deutsche Bank, la principale banque d'Allemagne.

Même mes amis banquiers expérimentés me disent qu'ils pensent que la pire des difficultés vécues par les banques américaines sont passées et que les choses reviennent lentement à la normale.

Ce qui fait défaut dans leur optimisme réjouissant est le fait qu'ils ne réalisent pas l'ampleur de la dégradation continuelle dans le marché du crédit mondial, dont l'origine sont des titres adossés à des actifs US [Asset-backed securities] et en particulier le marché des Titres adossé à des créances obligataires [CDO] et des Titres adossés à des créances hypothécaires [CMO]. À ce jour, toute personne soucieuse d'en apprendre plus a entendu dire que « C'est une crise dans les subprimes, une catégorie de prêts hypothécaires résidentiels US. » Ce que pratiquement personne que je connais ne réussi à comprendre, c'est que la crise des subprimes n'est que la première vague annonciatrice d'un gigantesque tsunami.

Voici un exemple survenu récemment pour vous démonter mon propos à l'effet que le « tsunami financier » ne fait que commencer.

Il y a peu de temps, la Deutsche Bank a reçu un grand coup lorsqu'un juge dans l'État de l'Ohio aux États-Unis a rendu une décision à l'effet que la banque n'avait aucun droit légal pour saisir les 14 maisons pour lesquelles les propriétaires n'avaient pas réussi à faire les derniers versements hypothécaires. Bien entendu, cela peut sembler être de la petite bière pour la Deutsche Bank, l'une des plus grandes banques mondiales, avec plus de 1,1 billions d'euros d'actifs à travers le monde. Comme Hilmar Kopper a l'habitude de dire, « ce n'est qu'une peccadille. » Cependant, ce n'est pas une peccadille pour le monde bancaire des anglo-saxons et de ses alliés européens tels que la Deutsche Bank, la BNP Paribas, la Barclays Bank, la HSBC et autres. Voyons pourquoi.

Un juge fédéral américain, C.A. Boyko dans le district de la cour fédérale de Cleveland en Ohio a rendu un jugement rejetant une demande de la Deutsche Bank National Trust Company. La filiale américaine de la Deutsche Bank voulait saisir 14 maisons de Cleveland habitées par leurs propriétaires, en revendiquant leur droit de saisie de biens immeubles hypothéqués.

C'est ici qu'arrive le grain de sable dans l'engrenage. Le juge a demandé à la Deutsche Bank de présenter les documents prouvant un titre légal des 14 maisons en question. La Deutsche Bank n'a pas réussi à le prouver. Tout ce que les avocats de la Deutsche Bank pouvaient présenter était un document indiquant seulement une « intention de transferts des droits hypothécaires. » Ils ne pouvaient pas présenter l'hypothèque actuelle c'est-à-dire cette pièce maîtresse au coeur du droit foncier occidental depuis la Magna Charta jusqu'à tout récemment.

Et alors pourquoi la Deutsche Bank ne pouvait-elle pas présenter au tribunal les 14 hypothèques sur ces 14 maisons? Parce que les banques vivent dans le nouveau monde exotique de la « titrisation mondiale » où les banques telle que la Deutsche Bank ou Citigroup achètent des dizaines de milliers d'hypothèques de petites banques régionales, les rassemble en « ballot » dans de nouveaux grands titres qui sont ensuite notées par Moody's ou bien par Standard & Poor's ou encore par Fitch et sont vendus comme des obligations à des Fonds de pension ou encore à d'autres banques ou à des investisseurs privés qui naïvement, ont cru qu'ils achetaient des obligations cotées AAA, c'est-à-dire la cote la plus sûre, et ils n'ont jamais réalisé que leur « ballot » d'environ 1000 prêts hypothécaires différents, contient peut-être 20 % ou 200 hypothèques de catégorie « subprime, » étaient d'un crédit de qualité douteuse.

En effet, les bénéfices perçus au cours des sept dernières années par les plus grands acteurs financiers en passant par la Goldman Sachs, la Morgan Stanley, la HSBC, la Chase et bien entendu la Deutsche Bank, étaient tellement sidérant, que peu ont pris la peine d'expliquer les modèles de risque utilisés par les professionnels qui font la titrisation des hypothèques. Ce n'est certainement pas les Trois Grandes compagnies de notation d'entreprises qui avaient un conflit d'intérêt criminel en classant ces titres au premier rang qui l'ont expliqué. Mais cette situation a changé brutalement en août dernier et depuis, les grandes banques ont publié l'une après l'autre des rapports désastreux sur leurs pertes liées aux subprimes.

 

Un nouveau fait inattendu

La décision rendue en Ohio rejetant les prétentions de la Deutsche Bank de saisir et de reprendre les 14 maisons pour défaut de paiement, n'est pas un simple coup de malchance pour la banque de Josef Ackermann. Il s'agit d'un tremblement de terre sans précédent pour toutes les banques possédant ce qu'elles pensaient être des garanties sous la forme de biens immobiliers.

Comment cela est-il possible? En raison de la structure complexe des titres adossés à des actifs [Asset-backed securities] et au fait que la propriété des titres hypothécaires est très dispersée (non pas l'hypothèque actuelle, mais la titrisation adossée sur elle,) personne n'est encore en mesure de déterminer qui détient précisément le document de propriété hypothécaire. Au fait, un petit détail juridique concernant nos experts en produits dérivés que l'on appelle parfois les « Wall Street Rocket Scientist » (1), ils ignorent quand ont été regroupé et mis en vente les centaines de milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires [CMO - Collateralized Mortgage Obligations] au cours des 6 ou 7 dernières années. En janvier 2007, environ 6 500 milliards de dollars de dettes hypothécaires titrisées était en circulation aux États-Unis. C'est au-delà de toute mesure!

Dans le cas de l'Ohio, la Deutsche Bank agit à titre de « Fiduciaire » pour des « groupes de titrisation » ou si vous préférez, des groupes d'investisseurs qui n'ont aucun lien entre eux et qui peuvent résider n'importe où. Mais le Fiduciaire [dans ce cas-ci la Deutsche Bank] n'a jamais possédé le document juridique connu sous le nom d'hypothèque. Le juge Boyko a ordonné à la Deutsche Bank de prouver qu'elle était le propriétaire des hypothèques ou des titres et elle en fut incapable. La Deutsche Bank a seulement réussi à insinuer que les banques avaient déjà réalisé des saisies dans de pareils cas, pendant des années et sans problème. Le juge a alors déclaré que les banques « semblent avoir adopté cette façon d'agir simplement parce qu'elles le font depuis si longtemps sans être importunées, que cette pratique leur semble avoir force de loi. Finalement mise à l'épreuve, » a conclu le juge, « la faiblesse de leurs arguments juridiques contraint le tribunal à leur barrer la route. » La Deutsche Bank a refusé de commenter.

 

Que surviendra-t-il?

Puisque la nouvelle de ce précédent juridique se répand à travers les États-Unis à grande vitesse telle les feux de broussaille de la Californie, des centaines de milliers de propriétaires pris au piège parce qu'ils ont mordu à l'appât au cours de la période où les taux d'intérêt étaient historiquement bas et dans le but d'acheter une maison souvent sans aucune mise de fond et avec des taux d'intérêt extrêmement bas pour les deux premières années mieux connu sous le nom de « l'intérêt seulement » des hypothèques à taux variable [Adjustable Rate Mortgages (ARMs)], sont aujourd'hui confrontées à voir exploser les mensualités hypothécaires au moment même où l'économie américaine est en train de s'enfoncer dans une sévère récession. (Je regrette la pléthore d'abréviations utilisées ici, mais c'est la faute des banquiers de Wall Street et non de l'auteur du présent article).

La bulle immobilière US qui a débuté vers 2002 a atteint son sommet lorsque Alan Greenspan a enclenché en 2005 et 2006 la plus agressive série de réductions de taux d'intérêt de toute l'histoire de la banque centrale des États-Unis, la Fédérale Réserve (la Fed). Tel que Grennspan l'a admit à l'époque, son intention était de remplacer la bulle Internet [Dot.com en anglais] par d'importants investissements immobiliers domiciliaires et par une bulle de prêts hypothécaires. Il prétendait que c'était le seul moyen d'éviter que l'économie US n'entre dans une profonde récession. Rétrospectivement, nous pouvons dire qu'une récession en 2002 aurait été beaucoup plus douce et moins dommageable que celle à laquelle nous sommes maintenant confrontés.

Bien sûr, aujourd'hui Greenspan a pris sa retraite en toute sécurité, il a écrit ses mémoires et il a remis le contrôle (et les blâmes) de ce gâchis au jeune Ben Bernanke, un ancien professeur de Princeton. Étant moi-même un diplômé de Princeton, je peux vous assurer que je n'aurai plus jamais confiance à la politique monétaire de la plus puissante banque centrale au monde, la Fed; une banque maintenant aux mains d'un professeur d'économique de Princeton. De telles personnes devraient être gardées dans leurs tours recouvertes de lierre. (2)

Mais revenons à nos moutons. La dernière phase de toute bulle spéculative est toujours pareille. Elle est comparable à l'animal qui salive d'excitation lorsqu'il aperçoit sa proie. Ce fut le cas de toutes les grandes bulles spéculatives en commençant par l'affaire des Tulipes Hollandaises dans les années 1630 (3), en passant par la bulle financière de la Compagnie des mers du Sud en 1720 (4) jusqu'au krach de Wall Street en 1929. Ces bulles financières étaient aussi vraies que la bulle immobilière US de 2002-2007. Au cours des deux dernières années du boom de la vente des prêts immobiliers, les banques étaient convaincues qu'elles pourraient revendre les prêts hypothécaires à une maison financière de Wall Street afin qu'elle les segmente (ou qu'elles fractionnent) tout en les entremêlant avec des milliers d'autres prêts hypothécaires de bonne et de mauvaise qualité pour finalement les revendre sous la forme de titres adossés à des créances hypothécaires [CMO - Collateralized Mortgage Obligation]. Dans leur grande avidité, les banques deviennent de plus en plus téméraires face à la solvabilité des futurs propriétaires. Dans de nombreux cas, elles n'ont même pas pris la peine de vérifier si la personne avait un emploi. D'ailleurs, pourquoi l'auraient-elles fait? Le prêt est revendu et il est titrisé et le risque de défaut de remboursement des emprunteurs était historiquement bas.

C'était vrai en 2005. La plupart des contrats hypothécaires dans la catégorie des subprimes à taux variable ont été conclut en 2005 et 2006, soit la dernière et la plus furieuse phase de la bulle immobilière US. Maintenant, toute une nouvelle vague de défaut de remboursement de prêts hypothécaires est sur le point de survenir à compter de janvier 2008. Entre décembre 2007 et le 1er juillet 2008, plus de 690 milliards de dollars en prêts hypothécaires feront face à une augmentation des taux d'intérêt selon les clauses contractuelles des hypothèques à taux variable signées deux ans plus tôt. Cela signifie que les taux d'intérêt du marché pour les prêts hypothécaires vont faire exploser les mensualités et ce, au moment même où une récession fait chuter les revenus. Des centaines de milliers de propriétaires seront obligés d'utiliser le dernier recours de tout propriétaire c'est-à-dire qu'ils devront cesser de faire les versements hypothécaires.

C'est ici que la décision du tribunal de l'Ohio nous donne la garantie que la prochaine phase de la crise hypothécaire US aura la dimension d'un tsunami. Si le jugement de cette cause de la Deutsche Bank dans l'État de l'Ohio est maintenu par la Cour Suprême des États-Unis, des millions de foyers en défaut de paiement ne pourront être saisi par les banques afin de les revendre. Robert Shiller de l'université Yale, un professeur en économique souvent controversé mais qui souvent frappe dans le mille, et aussi l'auteur du livre, Irrational Exuberance [L'exubérance irrationnelle], avait prédit le krach boursier Internet [en anglais les Dot.com] de 2001-2002. Ce professeur estime aujourd'hui que le prix des maisons résidentielles des États-Unis pourrait chuter jusqu'à 50% dans certaines régions. Par le fait même, le professeur donne ici la mesure de l'écart entre le placement immobilier et le rendement des placements en argent.

Les 690 milliards de dollars en « intérêt seulement » des hypothèque à taux variable [ARMs] que représente l'augmentation des taux d'intérêt entre aujourd'hui et juillet 2008 ne sont majoritairement pas dans la catégorie des subprimes, mais à peine dans la catégorie supérieure. Selon la « First Americain Loan Performance, » il y a un total de 1 400 milliards de dollars uniquement en intérêt lié à des hypothèques à taux variable [ARMs]. Une récente étude a permis d'établir que ceux qui ont emprunté sur des hypothèques à taux variable vont connaître une augmentation des taux d'intérêt dans les prochain 9 mois. Et alors, plus de 325 milliards de dollars de prêts ne pourront rencontrer leurs mensualités et renderont techniquement un million de propriétaires en défaut de paiement. Mais si les banques sont dans l'impossibilité de saisir les maisons pour compenser le rendement négatif des prêts hypothécaires, le système bancaires des États-Unis et tout un tronçon du système bancaire mondial fera face à une impasse financière tellement grande qu'en comparaison, la Grande Dépression des années 1930 nous semblera n'avoir été qu'une « peccadille ».

L'auteur F. William Engdahl est l'auteur de la version française de "Pétrole une guerre d'un siècle : l'ordre mondiale anglo-américaine." Son dernier livre vient d'être publié en anglais: Seeds of Destruction : The Hidden Agenda of Genetic Manipulation (Les semences de la destruction: L'agenda cachée des manipulations génétiques). Il peut être contacté via son site web www.engdahl.oilgeopolitics.net.

Traduction de Dany Quirion pour Alter Info

Article original anglais publié le 23 novembre 2007 :

Notes du traducteur :

1- « Rocket » en français veut dire fusée. La « Rocket Science» est utilisé dans l'industrie aéronautique et plus particulièrement en ce qui concerne les fusées. Ce caractère de grande expertise qui est associé à cette expresion fait qu'en anglais, il est possible de l'utiliser pour décrire tout autre domaine qui requiert une grande intelligence ou une grande habilité technique.
Dans le texte, l'auteur utilise l'expression de « Wall Street Rocket Scientists » pour désigner l'ensemble de ces grands génies et spécialistes financiers tels que des mathématiciens, des actuaires et les « banquiers Illuminati » qui ont créé et développer ce que l'on nomme aujourd'hui les "produits dérivés" autrement appeler dans la presse de chez-nous au Québec des "papiers commerciaux".

2- En anglais, le mot lierre est « Ivy ». En utilisant le mot « Ivy » dans le texte original anglais, l'auteur fait à la fois référence à la « Ivy League » c'est-à-dire ce groupe de 8 universités du nord-est des États-Unis. Le terme « Ivy » fait référence aux lierres qui poussent sur les murs des bâtiments de ces universités et qui symbolise leur ancienneté.

Ces universités sont les plus anciennes et les plus prestigieuses universités des États-Unis. Dans ce sens, « Ivy » ou « Ivy League » a des connotations d'excellence scolaire ainsi que d'élitisme

3- Pour approfondir ce sujet, voyez cet excellent article : http://guillaumeland.zevillage.org/news/comment-est-nee-la-premiere-bulle-speculative

4- Pour plus d'information sur cette bulle financière de 1720 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Krach_de_1720

Vendredi 30 Novembre 2007

danyquirion@videotron.ca