http://aredam.net/benny-levy-de-l-officine-interlope-la-gauche-proletarienne-au-talmud-en-israel.html



https://www.liberation.fr/ecrans/2008/05/08/benny-levy-le-surmoi-du-mao_71247/
[Article reproduit plus bas]
https://www.liberation.fr/livres/2009/04/06/fils-de-dissolution_551124/
[Article reproduit plus bas]
https://www.liberation.fr/livres/2013/09/25/benny-soit-il_934672/
[Article reproduit plus bas]

Rappel :

Révérend J. B. Pranaitis « Le Talmud démasqué Les enseignements rabbiniques secrets concernant les chrétiens », 1892

http://aredam.net/Pranaitisfr.pdf


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Portrait

Fils de dissolution
René Lévy. Son père avait renoncé au maoïsme pour l’étude des textes juifs. Le fils a repris le flambeau talmudique, mais aussi la tradition révolutionnaire.

par Eric Aeschimann

publié le 6 avril 2009

Il y a une dizaine d'années, sollicité par le correspondant de Libération à Jérusalem, le père s'était refusé à l'exercice du portrait, en alléguant de son allure de juif orthodoxe : «Vous me voyez, comme ça, en photo, dans le journal que j'ai pratiquement créé ?» Le fils, lui, n'a pas hésité. Ce portrait, il le désirait : «Il a envie de se faire connaître», dit son ami le philosophe Gilles Hanus. René Lévy est le fils de Benny Lévy, figure de proue de la Gauche prolétarienne (GP), mouvement gauchiste qui, à défaut de révolution, enfanta Libération. Comme son père, René étudie les textes juifs. «Ma profession ? Dites que je suis talmudiste.» Mais lui n'a jamais renoncé à la France, ni à la «vision politique du monde», comme son père. Au contraire : sans savoir encore où cela le mènera, on le sent pressé de descendre dans l'arène.

Dans la famille des «fils de», voici un exemplaire pas banal : le rejeton du révolutionnaire qui prononça en 1973 la dissolution de la GP et ne cessa, par la suite, d'aller «de Mao à Moïse». L'année dernière, Virginie Linhardt, dont le père fut aussi un leader de la GP, a popularisé le thème des enfants de gauchistes devenus maniaquement conformistes pour compenser le chaos de leur éducation. René Lévy ne s'y reconnaît pas : «De la période agitée, je n'ai gardé que des souvenirs lumineux. Sartre venait à la maison, je me souviens de Lip, du Larzac, des grandes réunions l'été. L'enfant que j'étais sentait que c'était des moments de grande fraternité. Mon goût de la fraternité vient de là.» Devenu religieux, son père voulait «sortir de l'Histoire». Le fils, lui, continue de vibrer aux chants de la Commune. «Je tiens que je suis un révolutionnaire», dit-il, avec ce phrasé un peu baroque qui distingue une certaine philosophie française contemporaine - celle des anciens maos, justement.

René Lévy vient de publier sa thèse sur Maïmonide, figure centrale de la pensée juive médiévale. L'ouvrage est destiné au public spécialisé, mais qu'il sorte aux éditions Verdier, créées il y a trente ans sous l'impulsion de son père, constitue un premier signe dynastique. Un autre est que René Lévy ait repris la présidence de l'Institut des études lévinassiennes, lancé par son père en 2000 avec Alain Finkielkraut, Jean-Claude Milner et Bernard-Henri Lévy - un cercle emblématique du retour de la question juive au coeur du débat intellectuel français. Il y a aussi le tempérament batailleur, les réflexes directifs, le ton péremptoire, fameux chez le père et repérables chez le fils. Une telle filiation excite la curiosité : qu'est-ce que cela fait d'avoir vu de si près l'enterrement de la révolution et le retour au judaïsme ?

La famille vivait en communauté, à Eaubonne, puis à Groslay, dans le Val-d'Oise. «Tout s'est fait naturellement : on faisait des réveillons au homard et à la terrine de lièvre, puis on s'est mis à faire Kippour, à manger le saucisson du Beth Din de Paris. J'ai commencé à apprendre l'hébreu en même temps que mon père. Le samedi, à la maison, il organisait des lectures du Midrash avec ses étudiants. Je lisais le texte, il le traduisait et le commentait. Il m'incitait constamment à penser.» Aujourd'hui, René Lévy a tout du «juif de retour». Il enseigne la philosophie dans un lycée juif et ses six enfants vont dans des établissements juifs. Il porte la kippa pour se prémunir contre «l'illusion que notre tête va jusqu'au ciel. Avec elle, je sens où mon crâne s'arrête». Mais il aime aussi le cinéma, le jazz, le foot et vivre dans le XIXe arrondissement de Paris, dont les tensions intercommunautaires ont fait récemment la une des journaux : «J'ai plus de connivence avec un Arabe qu'avec un petit-bourgeois français : le premier me cassera la gueule, le second me dénoncera.» Autre dissonance : s'il a étudié dans la même yeshiva que son père, à Strasbourg, il a refusé de suivre ses parents à Jérusalem. A propos d'Israël, les partisans d'un Etat binational ne désavoueraient pas ses analyses : «L''idée d'un Etat juif n'a aucun sens. En revanche, qu'un Etat se donne pour mission, dans sa constitution, de prendre en charge la protection des juifs, il me semble que même un musulman pourrait s'y reconnaître.»

En septembre, René Lévy a participé à une soutenance de thèse inattendue. Dans le jury, il côtoyait Daniel Bensaïd et Alain Badiou, ceux-là même que les amis de son père tiennent pour de dangereux marxistes frisant l'antisémitisme. Le doctorant était l'un de ses amis : talmudiste lui aussi, mais version extrême gauche, il soutenait l'idée que la pensée de Benny Lévy a plus de points communs avec ledit Badiou qu'avec les «rhéteurs» de la question juive (BHL, Finkielkraut). C'est à cette époque que René Lévy eut l'idée d'inviter Badiou à l'Institut d'études lévinassiennes, «de faire entrer le loup dans la bergerie», dit-il. BHL était pour, mais d'autres anciens ont mis leur veto, non sans perplexité devant les embardées idéologiques de celui qu'ils ont connu tout gamin. René Lévy : «D'eux à nous, quelque chose n'est pas passé. Je ne le leur reproche pas, mais il y a une distance.»

Dans les années 60, jeune juif apatride débarquant d'Egypte, Benny Lévy voulait conquérir la France en prenant pour modèle Napoléon. Le fils, lui, se dit «en guerre». Contre quoi ? C'est flou, il parle d'une bataille «contre la bêtise». En revanche, limpide est l'aspiration à l'héroïsme, transmise intacte par la génération précédente. Reste à en déterminer la forme. Héroïsme politique ou religieux ? Son père les pensait inconciliables, lui prétend les lier. «Je crois que la révolution s'opère par l'esprit. Chez Maïmonide, l'éthique et la politique sont le troisième degré de la perfection, le quatrième étant la perfection intellectuelle. Pour lui, la perfection politique, c'est le messianisme.» D'où la formulation de son projet : «Intervenir dans le champ intellectuel de langue française. Mener la bataille par l'intelligence messianique. Chercher, susciter des vocations médiatiques.» Mais alors, révolutionnaire pour de bon ? «De coeur, je suis gauchiste, mais je déteste le ressentiment et les partis d'extrême gauche sont fondés sur le ressentiment.» On n'en saura pas plus.

Désormais, René Lévy voudrait enseigner à l'université, écrire pour un public plus large, s'intéresse à l'avenir de Verdier. Il se souvient, il y a deux ans, d'avoir enthousiasmé «400 bourgeois du VIIe arrondissement» en leur parlant de la fraternité. «Ils m'étaient naturellement hostiles, mais il y a eu un frémissement.» Il y a quelque chose d'enfantin dans cette envie d'être le sauveur du monde ; mais le messianisme est aussi la façon juive d'aller au-delà de soi-même, de se projeter dans l'universel. Le mouvement révolutionnaire, jusqu'aux années 70, s'en est largement nourri. Après trois décennies de suspension, René, fils de Benny, pourrait renouer avec cette tradition-là.

René Lévy en 7 dates1970 Naissance à Paris.1973 Benny Lévy décide de dissoudre la Gauche prolétarienne.1984 La famille s’installe à Strasbourg, René Lévy va au lycée juif.1987-1991 «Etudes bibliques, talmudiques et midrashiques».2003 Mort de Benny Lévy.2006 Soutient sa thèse sur Maïmonide.2009 La Divine Insouciance, éditions Verdier.

René Lévy en 7 datees

1970 : Naissance à Paris.

1973 : Benny Lévy décide de dissoudre la Gauche prolétarienne.

1984 : La famille s'intalle à Strasbourg, René Lévy va au lycée juïf.

1987-1991 : "Etudes bibliques, talmudiques et midrashiques".

2003 : Mort de Benny Lévy.

2006 : Soutien sa thèse sur Maïmonide.

2009 : La Divine Insouciance, éditions Verdier.


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Critique

Benny soit-il

Le cahier Livres de Libé dossier

Mémoires de Léo Lévy sur son mari, passé de la Gauche prolétarienne à la prière à Jérusalem.

par François Sergent

publié le 25 septembre 2013

Benny Lévy du côté de l'amour. Même si Léo Lévy n'use jamais de ce mot dans le court et tendre livre de mémoires qu'elle consacre à son époux, l'intensité de leur relation transparaît à chaque page d'A la vie. «J'écoute ou plutôt je le regarde parler. Le point de rayonnement, ce n'est pas le soleil, c'est son front, son regard, la voix ardente malgré l'aridité du propos», écrit-elle sur l'intransigeant fondateur de la Gauche prolétarienne (GP). A lire Léo Lévy, Benny l'apatride, qui se disait «étranger à la terre», aura passé sa vie à chercher un pays ; le militantisme fut l'une de ses patries, la philosophie et la langue française aussi. Mais il ne se réconcilia avec son histoire qu'à Jérusalem. Sans jamais prendre la nationalité israélienne.

Léo, étudiante en lettres rescapée des ghettos polonais, et Benny, qui préparait le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure (ENS), se sont très classiquement rencontrés à la bibliothèque de la Sorbonne. «Rencontre de vérité, écrit Léo. Pour une fois, je sens qu'on s'adresse à moi, pas à une image de "belle juive", midinette, odalisque, madone.» Lui est né en 1945 dans une famille juive du Caire chassée par Nasser. Seul son frère aîné, Eddy Lévy, qui se convertira à l'islam, reste en Egypte. Il deviendra Adel Rifaat - et partagera le pseudonyme de Mahmoud Hussein avec un autre grand spécialiste du Coran et de l'Egypte, Bahgat Elnadi.

Amitié. Aussi brillant que tranchant, Benny Lévy intègre l'ENS en lettres, à titre d'étranger. Georges Pompidou refuse sa naturalisation, malgré la demande du directeur de l'école. A lui, écrit Léo Lévy, qui avait pleuré quand il avait chanté pour la première fois la Marseillaise au lycée de Rambouillet…

Dans ces années proto-soixante-huitardes, «la politique absolue» saisit Lévy. Elle ne quittera pas le couple pendant dix ans. Le maître de Benny Lévy est Althusser, avant qu'il vire au maoïsme le plus intransigeant, comme le voulaient les certitudes de cette fin de XXe siècle. Léo Lévy décrit ainsi son engagement total à la tête de la GP après l'effacement de son premier dirigeant, Robert Linhart. Benny Lévy perd même son nom et devient Pierre Victor, selon la pratique de l'organisation clandestine - et bientôt interdite. «Payant son billet d'intégration à la société française», disait-il, citant Heine. Un changement de nom qu'il trouvera rétrospectivement «monstrueux». Lévy croise alors Pierre Goldman, Olivier Rolin ou Serge July et, pour la petite histoire, il s'oppose à la création de Libération au nom de la pureté de la Révolution. Ce livre est aussi le roman d'une génération.

Benny Lévy qui, selon sa femme, aura toujours eu une passion sartrienne demande au philosophe de diriger le journal menacé de la GP, la Cause du peuple. Il s'ensuit une amitié et une intimité disputée encore aujourd'hui. Revenu de ses idéaux révolutionnaires, Benny Lévy devient le secrétaire du vieux philosophe. A la demande de Sartre, Valéry Giscard-d'Estaing lui accorde la nationalité française. Ils publient ensemble un livre, vivement décrié par une partie de l'entourage du philosophe, notamment Simone de Beauvoir.

Léo Lévy défend Benny. Elle explique la relation fusionnelle qu'auraient eue les deux hommes et nie farouchement que son mari ait usé d'un Jean-Paul Sartre diminué et vieillissant pour influencer et pervertir sa pensée. Elle témoigne de l'affection de son mari pour le philosophe, de ses visites à l'hôpital. Mais peut-on vraiment la suivre lorsqu'elle dit de Sartre qu'il était «un homme de foi» ou qu'elle fait état de sa «conscience diasporique» ?

Selon Léo, durant leurs années militantes, «le juif en nous devait s'effacer». Leur premier fils, malgré l'insistance de sa mère, n'est pas circoncis. Et Benny Lévy, après les cours qu'il suit sur la Cabale, va manger une choucroute. Plusieurs fois, Benny et Léo Lévy se sentent blessés par des remarques antisémites de leurs camarades et l'auteure raconte le déchirement du couple lors de la guerre de 1967 ou du massacre des athlètes juifs à Munich.

Cabane. A écouter Léo Lévy, il n'y a pas eu de rupture entre les années politiques et le retour au judaïsme de plus en plus religieux et orthodoxe, mais une évolution lente et logique. Elle n'éclaire guère cette conversion spectaculaire qui fera migrer son mari de Mao à Moïse, selon la formule éculée, et qui étonna tant ses proches. Après un passage dans une yeshiva de Strasbourg, les Lévy s'installent à Jérusalem. Benny dirige un centre d'études levinassiennes où il tient un séminaire très suivi. Léo décrit leur vie de famille, faite de prières et d'études. Son mari meurt à Jérusalem en 2003, alors qu'il construisait une cabane pour Souccot.

Dans leur jeunesse, Benny Lévy récitait à sa fiancée dans les rues de Paris ses vers préférés d'Eluard : «Et nos enfants riront. De la légende noire où pleure un solitaire.»

Léo Lévy, A la vie, Verdier, 150 pp., 15 €.


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Critique

Benny Lévy, le surmoi du mao

par Eric Aeschimann

publié le 8 mai 2008

«Benny Lévy, la révolution impossible» de Isy Morgenstern. Arte, 22 h 55.

Avis aux amateurs de vies romanesques : ce documentaire n'est pas le récit de la vie de Benny Lévy. Quelques images d'Alexandrie, qu'il quitta en 1956. Une photo où il lit la «Décision en seize points» du président Mao. Quelques extraits de conférences ou d'interventions médiatiques. L'enjeu, ici, n'est pas d'expliquer cet itinéraire déroutant et fascinant qui conduisit un juif né en Egypte à devenir, dans la foulée de 68, sous le nom de Pierre Victor, le chef de la Gauche prolétarienne (GP), avant de bifurquer vers l'étude du Talmud - de Mao à Moïse, dit la légende. Non, ce qui nous est livré, c'est l'histoire d'une idée : celle de révolution. L'histoire d'un rêve immense, qui buta un jour contre lui-même et dont Benny Lévy n'est ici que l'explorateur intrépide et presque sacrificiel.

«Nous étions à la recherche d'un horizon [.]. L'Europe devait nous le fournir», rapporte Tony Lévy, son frère. Benny devait écrire, plus tard : «Le communisme, ce mot qui résonnait alors avec les senteurs du jardin d'Eden.» La GP est maoïste et veut «rendre la révolution possible». Elle s'organise en conséquence : branche militaire, journaux, activisme dans les usines. Mais le rêve se heurte à la question de la violence : en 1971, la mort du militant mao Pierre Overney, les attentats de Munich contre les athlètes israéliens. Benny Lévy condamne l'action des terroristes palestiniens, alors même qu'une partie de sa base militante est constituée d'immigrés maghrébins, acquis à cette cause. En 1973, l'occupation de l'usine Lip démontre que le monde ouvrier n'a nul besoin d'une avant-garde éclairée. Benny Lévy entreprend un tour de France pour expliquer à ses militants que «la révolution léniniste n'est pas, n'est plus à l'ordre du jour.» Au même moment, il donne le coup d'envoi de la création de Libération, avant de s'en éloigner.

Que faire, alors, si l'exigence d'absolu survit à l'espoir du grand soir ? Commence la partie la moins connue du docu d'Isy Morgenstern, lui-même ancien de la GP et proche de Benny Lévy. En ce milieu des années 70, celui-ci décrète «la fin de la vision politique du monde». Il discute avec les chrétiens : le père Raguenès, de Lip, et le philosophe Maurice Clavel. Noue avec Jean-Paul Sartre un dialogue qui se transforme en recherche d'une alternative à la métaphysique occidentale. «Ce qu'ils découvrent là», c'est l'idée que «formuler une issue, ça suppose, par définition, une transcendance», résume Bernard-Henri Lévy. Benny Lévy apprend l'hébreu, étudie le «texte juif» et, au début des années 90, s'installe à Jérusalem, où il meurt en 2003. «La venue au monde recèle en elle-même une promesse : une promesse faite par le passé, qui rend toute révolution inutile», a-t-il écrit.

Le documentaire est aussi l'occasion d'une belle galerie de portraits. Outre des anciens de la GP (Olivier Rolin, Michel Le Bris, Antoine de Gaudemar.), on y entend les philosophes Michel Foucault et Emmanuel Lévinas ou, plus inattendu, Jacky Berroyer, qui suivit les cours de Benny Lévy à la Sorbonne. Et même Thierry Ardisson que l'on voit, transi d'admiration, recevoir l'ancien gauchiste dans son émission pourtant si peu métaphysique.