Theodore Kaczynski (plus connu sous
le nom de « Unabomber »)
Ce qui suit est une traduction du texte intégral du Manifeste
d'Unabomber.
par FC
1995
traduit par Michel Roudot
Introduction
Psychologie du gauchisme moderne
Sentiment d'infériorité
Sursocialisation
Processus de pouvoir
Activités de substitution
Autonomie
Sources des problèmes sociaux
Perturbation du processus de pouvoir dans la société moderne
Comment certaines personnes s'adaptent
Motivations des scientifiques
La nature de la la liberté
Quelques principes de l'histoire
La société industrialo-technologique ne peut pas être
réformée
Les restrictions à la liberté sont inévitables dans une
société industrielle
Les 'mauvais" aspects de la technologie ne peuvent pas
être séparés des 'bons'
La technologie est une force sociale plus puissante que
l'aspiration vers la liberté
Les problèmes sociaux les plus simples se sont montrés
insolubles
La révolution est plus facile que la réforme
Le contrôle du comportement humain
La race humaine à un carrefour
La souffrance humaine
L'avenir
Stratégie
Deux sortes de technologie
Le danger du gauchisme
Note finale
Notes
INTRODUCTION
1.
2. Il se peut que le système
industrialo-technologique survive ou qu'il s'écroule. S'il survit, il PEUT
finalement permettre un bas niveau de souffrance physique et psychologique,
mais seulement après le passage par une période longue et très douloureuse
d'ajustement et seulement au prix d'avoir réduit de manière permanente les
êtres humains et beaucoup d'autres organismes vivants en produits manufacturés
et en simples rouages de la machine sociale. En outre, si le système survit,
ces conséquences seront inévitables : il n'y a aucun moyen de réformer ou
de modifier le système pour l'empêcher de priver les gens de dignité et
d'autonomie.
3. Si le système s'écroule les
conséquences seront également très douloureuses. Mais plus gros le système
devient, plus désastreux seront les résultats de son effondrement, donc s'il
doit s'écrouler il vaut mieux qu'il s'écroule plus tôt que plus tard.
4. Nous préconisons donc une révolution
contre le système industriel. Cette révolution peut ou non se servir de la
violence : elle peut être soudaine ou peut être un processus relativement
graduel s'étendant sur quelques décennies. Nous ne pouvons rien prévoir de
cela. Mais nous décrivons d'une façon très générale les mesures que ceux qui
détestent le système industriel devraient prendre pour préparer la voie à une
révolution contre cette forme de société. Ce ne doit pas être une révolution
POLITIQUE. Son objet sera de renverser non des gouvernements, mais la base
économique et technologique de la société actuelle.
5. Dans cet article nous prêtons attention
à certains seulement des événements négatifs qui sont issus du système
industrialo-technologique. Nous ne mentionnons que brièvement d'autres
événements ou les ignorons complètement. Cela ne signifie pas que nous
considérons ces autres événements comme sans importance. Pour des raisons
pratiques nous devons limiter notre discussion aux secteurs qui ont reçu une
attention publique insuffisante ou sur lesquels nous avons quelque chose de
nouveau à dire. Par exemple, dans la mesure où il y a des mouvements
environnementaux et de défense de la vie sauvage bien développés, nous avons
très peu écrit sur la dégradation environnementale ou la destruction de la
nature sauvage, bien que nous les considérions comme des sujets extrêmement
importants.
PSYCHOLOGIE
DU GAUCHISME MODERNE
6. Tout le monde ou presque reconnaîtra
que nous vivons dans une société profondément troublée. Une des manifestations
les plus répandues de la folie de notre monde est le gauchisme, donc une
discussion de la psychologie du gauchisme peut servir d'introduction à la
discussion des problèmes de la société moderne en général.
7. Mais qu'est ce que le gauchisme ?
Pendant la première moitié du 20ème siècle le gauchisme aurait
pratiquement pu être identifié avec le socialisme. Aujourd'hui le mouvement est
fragmenté et il n'est pas clair de définir qui peut correctement être appelé un
gauchiste. Quand nous parlons des gauchistes dans cet article nous entendons
principalement les socialistes, les collectivistes, les gens
"politiquement corrects", les féministes, les activistes gays et du
handicap, les activistes des droits des animaux et tout ce genre de gens. Mais
ceux qui sont associés avec un de ces mouvements ne sont pas tous des
gauchistes. Ce que nous essayons de décrire dans la discussion du gauchisme
n'est pas tant un mouvement ou une idéologie qu'un type psychologique, ou
plutôt une collection de types associés. Ainsi, ce que nous entendons par
"le gauchisme" apparaîtra plus clairement au cours de notre
discussion de la psychologie gauchiste (Voir également les paragraphes 227-230.)
8. Même ainsi, notre conception du
gauchisme restera beaucoup moins claire que nous ne le souhaiterions, mais il
ne semble y avoir aucun remède à cela. Tout que nous essayons de faire est
d'indiquer d'une façon grossière et approximative les deux tendances
psychologiques dont nous croyons qu'elles sont la principale motivation du
gauchisme moderne. Nous n'affirmons en aucun cas donner TOUTE la vérité sur la
psychologie gauchiste. De plus, notre discussion est censée ne s'appliquer
qu'au gauchisme moderne. Nous laissons ouverte la question de la mesure dans
laquelle notre discussion pourrait s'appliquer aux gauchistes du 19ème
et du début du 20ème siècle.
9. Nous appelons les deux tendances
psychologiques qui sont à la base du gauchisme moderne "le sentiment
d'infériorité" et "la sursocialisation". Le sentiment
d'infériorité est une caractéristique du gauchisme moderne dans son ensemble,
tandis que la sursocialisation est caractéristique seulement d'un certain
segment du gauchisme moderne; mais ce segment est hautement influent.
SENTIMENT
D'INFÉRIORITÉ
10. Par "sentiment
d'infériorité" nous entendons non seulement le sentiment d'infériorité
dans le sens le plus strict, mais un large spectre de traits associés :
manque d'amour-propre, sentiment d'impuissance, tendances dépressives,
défaitisme, culpabilité, haine de soi, etc. Nous soutenons que les gauchistes
modernes ont tendance à avoir de tels sentiments (probablement plus ou moins
réprimés) et que ces sentiments déterminent de façon décisive la direction du
gauchisme moderne.
11. Quand quelqu'un interprète comme
désobligeant presque tout ce qu'on dit de lui (ou de groupes auxquels il s'identifie)
nous concluons qu'il a un sentiment d'infériorité ou un manque d'amour-propre.
Cette tendance est prononcée parmi les défenseurs des droits des minorités,
qu'ils appartiennent ou non aux groupes minoritaires dont ils défendent les
droits. Ils sont hypersensibles aux mots utilisés pour désigner les minorités.
Les termes "noir", "oriental", "handicapé" ou
"gonzesse" pour un Africain, un Asiatique, un invalide ou une femme
n'avaient à l'origine aucune connotation dérogatoire. "Nana" et
"gonzesse" étaient simplement les équivalents féminins de
"type" ou "mec". Les connotations négatives ont été
attachées à ces termes par les activistes eux-mêmes. Quelques défenseurs des
droits des animaux en sont même venus à rejeter le mot "animal de
compagnie" et insistent sur son remplacement par "compagnon
animal". Les anthropologues gauchistes en font des tonnes pour éviter de
dire quoi que ce soit des peuples primitifs qui pourrait éventuellement être
interprété comme négatif. Ils veulent remplacer le mot "primitif" par
"sans écriture". Ils semblent presque paranoïdes sur tout ce qui
pourrait suggérer que quelque culture primitive que ce soit soit inférieure à
la nôtre. (Ceci n'implique pas que nous pensions que les cultures primitives
SONT inférieures à la nôtre. Nous soulignons simplement l'hypersensibilité des
anthropologues gauchistes.)
12. Ceux qui sont les plus sensibles à la
terminologie "politiquement incorrecte" ne sont pas l'habitant moyen
des ghettos noirs, l'immigrant asiatique, la femme maltraitée ou l'invalide,
mais une minorité d'activistes, dont beaucoup n'appartiennent même à aucun
groupe "opprimé", mais viennent des strates privilégiées de la
société. Le politiquement correct a sa forteresse parmi les professeurs
d'université, qui ont un emploi stable avec un salaire confortable et dont la
majorité sont des hommes blancs hétérosexuels issus de familles bourgeoises.
13. Beaucoup de gauchistes s'identifient
fortement avec les problèmes des groupes qui ont pour image d'être faibles (les
femmes), vaincus (les Indiens d'Amérique), repoussants (les homosexuels), ou
inférieurs d'une autre façon. Les gauchistes eux-mêmes estiment que ces groupes
sont inférieurs. Ils ne s'avoueraient jamais qu'ils ont de tels sentiments,
mais c'est précisément parce qu'ils voient ces groupes comme inférieurs qu'ils
s'identifient avec leurs problèmes. (Nous ne suggérons pas que les femmes, les
Indiens, etc, SOIENT inférieurs; nous pointons seulement un caractère de la
psychologie gauchiste).
14. Les féministes tiennent désespérément
à prouver que les femmes sont aussi fortes et aussi capables que les hommes.
Clairement ils sont harcelés par la crainte que les femmes puissent ne pas être
aussi fortes et aussi capables que des hommes.
15. Les gauchistes ont tendance à détester
tout ce qui a pour image d'être fort, bon et couronné de succès. Ils détestent
l'Amérique, ils détestent la civilisation Occidentale, ils détestent les mâles
blancs, ils détestent la rationalité. Les raisons que les gauchistes donnent de
leur haine de l'Occident, etc, ne correspondent clairement pas avec leurs
motifs réels. Ils DISENT qu'ils détestent l'Ouest parce qu'il est guerrier,
impérialiste, sexiste, ethnocentrique et ainsi de suite, mais si ces mêmes
travers apparaissent dans des pays socialistes ou dans des cultures primitives,
le gauchiste leur trouve des excuses, ou au mieux il admet À CONTRECOEUR
qu'ils existent; tandis qu'il souligne AVEC ENTHOUSIASME (et souvent exagère
énormément ) ces fautes là où elles apparaissent dans la civilisation Occidentale.
Ainsi il est clair que ces fautes ne sont pas le motif réel du gauchiste pour
détester l'Amérique et l'Occident. Il déteste l'Amérique et l'Occident parce
qu'ils sont forts et qu'ils réussissent.
16. Les mots comme "confiance en
soi", "indépendance", "initiative",
"entreprise", "optimisme", etc, n'ont que peu de place dans
le vocabulaire libéral et gauchiste. Le gauchiste est anti-individualiste,
pro-collectiviste. Il veut que la société résolve les besoins de chacun à sa
place, s'occupe de lui. Ce n'est pas le genre de personne qui a une confiance
intérieure en sa propre capacité à résoudre ses propres problèmes et à
satisfaire ses propres besoins. Le gauchiste est opposé au concept de
compétition parce que, au fond de lui, il se voit comme un perdant.
17. Les formes d'art qui plaisent aux
intellectuels gauchistes modernes ont tendance à se concentrer sur le sordide,
la défaite et le désespoir, ou bien ils prennent une tonalité orgiaque,
rejetant tout contrôle rationnel comme s'il n'y avait aucun espoir d'accomplir
quoi que ce soit par le calcul raisonnable et que tout ce qui restait était de
s'immerger dans les sensations du moment.
18. Les philosophes gauchistes modernes
ont tendance à écarter la raison, la science, la réalité objective et à
insister que tout est culturellement relatif. Il est vrai que l'on peut
sérieusement s'interroger sur les fondements de la connaissance scientifique et
sur la façon de définir, si toutefois c'est faisable, le concept de réalité
objective. Mais il est évident que les philosophes gauchistes modernes ne sont
pas simplement des logiciens imperturbables analysant systématiquement les
fondements de la connaissance. Ils sont profondément impliqués émotionnellement
dans leur attaque de la vérité et de la réalité. Ils attaquent ces concepts à
cause de leurs propres besoins psychologiques. D'une part, leur attaque est un
exutoire pour l'hostilité et, dans la mesure où il est couronné de succès, il
satisfait leur recherche de puissance. Ce qui est plus important, le gauchiste
déteste la science et la rationalité parce qu'elles classifient certaines
croyances comme vraies (c'est-à-dire, fructueuses, supérieures) et d'autres
croyances comme fausses (c'est-à-dire des échecs, inférieures). Le sentiment
d'infériorité du gauchiste est si profond qu'il ne peut pas tolérer de
classification de certaines choses comme fructueuses ou supérieures et d'autres
comme ratées ou inférieures. C'est aussi à la base du rejet par beaucoup de
gauchistes du concept de maladie mentale et de l'utilité des tests de quotient
intellectuel. Les gauchistes sont opposés aux explications génétiques des
capacités ou comportements humains parce que ces explications ont tendance à
faire apparaître certaines personnes comme supérieures ou inférieures à
d'autres. Les gauchistes préfèrent donner à la société le crédit ou le blâme
pour les capacités d'un individu ou leur absence de capacités. Ainsi si une
personne est "inférieure" ce n'est pas sa faute, mais celle de la
société, parce qu'il n'a pas été élevé correctement.
19. Le gauchiste n'est pas typiquement le
genre de personne dont le sentiment d'infériorité fait un vantard, un égotiste,
un voyou, un promoteur de soi, un concurrent impitoyable. Ce genre de personne
n'a pas complètement perdu toute foi en soi. Il a un déficit dans son sentiment
de puissance et de valeur personnelle, mais il peut toujours se concevoir comme
ayant la capacité d'être fort et ses efforts pour se montrer fort produisent
son comportement désagréable [1]. Mais le gauchiste est au delà de cela. Son
sentiment d'infériorité est si enraciné qu'il ne peut pas se concevoir comme
individuellement fort et de valeur. De là le collectivisme du gauchiste. Il
peut se sentir fort seulement en tant que membre d'une grande organisation ou
d'un mouvement de masse avec lequel il s'identifie.
20. Remarquons la tendance masochiste des
tactiques gauchistes. Les gauchistes protestent en se couchant devant les
véhicules, ils provoquent intentionnellement les violences de la police ou des
racistes, etc. Ces tactiques peuvent souvent être efficace, mais beaucoup de
gauchistes les utilisent non comme un moyen vers une fin, mais parce qu'ils
PRÉFÈRENT les tactiques masochistes. La haine de soi est un trait gauchiste.
21. Les gauchistes peuvent prétendre que
leur activisme est motivé par la compassion ou par des principes moraux et les
principes moraux jouent vraiment un rôle pour le gauchiste du type
sursocialisé. Mais la compassion et les principes moraux ne peuvent pas être
les motifs principaux de l'activisme gauchiste. L'hostilité est un composant
trop saillant du comportement gauchiste; comme l'est la recherche du pouvoir.
De plus, beaucoup de comportement gauchistes ne sont pas rationnellement
calculés pour être avantageux pour les gens que les gauchistes prétendent
essayer d'aider. Par exemple, si on croit que la discrimination positive est
bonne pour les noirs, cela a-t-il un sens d'exiger une discrimination positive
en termes hostiles ou dogmatiques ? Évidemment il serait plus productif de
prendre une approche diplomatique et conciliante qui ferait des concessions au
moins verbales et symboliques aux blancs qui pensent que la discrimination
positive est une discrimination contre eux. Mais les activistes gauchistes ne
prennent pas cette approche parce qu'elle ne satisferait pas leurs besoins
émotionnels. Aider les noirs n'est pas leur but réel. Au contraire, les
problèmes raciaux leur servent d'excuse pour exprimer leur propre hostilité et leur
besoin frustré de puissance. De cette manière ils nuisent en réalité aux noirs,
parce que l'attitude hostile des activistes envers la majorité blanche a
tendance à intensifier la haine raciale.
22. Si notre société n'avait aucun
problème social du tout, les gauchistes devraient INVENTER des problèmes pour
se donner une excuse pour faire des histoires.
23. Nous soulignons que ce qui précède ne
prétend pas être une description précise de quiconque pourrait être considéré
comme gauchiste. C'est seulement une indication sommaire d'une tendance
générale du gauchisme.
SURSOCIALISATION
24. Les psychologues utilisent le terme
"socialisation" pour désigner le processus par lequel les enfants
sont formés à penser et agir comme la société l'exige. On dit qu'une personne
est bien socialisée si elle croit et obéit au code moral de sa société et
s'insère bien comme un rouage de cette société. Il peut sembler insensé de dire
que beaucoup de gauchistes sont sur-socialisés, puisque le gauchiste est perçu
comme un rebelle. Néanmoins, la position peut être défendue. Beaucoup de
gauchistes ne sont pas aussi rebelles qu'ils le semblent.
25. Le code moral de notre société est si
exigeant que personne ne peut penser, ressentir et agir d'une façon
complètement morale. Par exemple, nous sommes censés ne haïr personne,
cependant à peu près tout le monde déteste quelqu'un à un moment ou un autre,
qu'il se l'avoue ou non. Certaines personnes sont si fortement socialisées que
l'effort pour penser, pour ressentir et agir moralement leur impose un fardeau
sévère. Pour éviter le sentiment de culpabilité, ils doivent continuellement se
mentir sur leurs motifs et trouver des explications morales à des sentiments et
des actions qui ont en réalité une origine non-morale. Nous utilisons le terme
"sursocialisé" pour décrire ces gens. [2]
26. La sursocialisation peut mener à une
mauvaise opinion de soi, un sentiment d'impuissance, au défaitisme, à la
culpabilité, etc. Un des moyens les plus importants par lesquels notre société
socialise les enfants est de leur faire honte de comportement ou de discours
contraires aux attentes de la société. Si on en fait trop, ou si un enfant
particulier est spécialement susceptible à de tels sentiments, il finit par
avoir honte de LUI-MÊME. De plus la pensée et le comportement de la personne
sursocialisée sont plus limités par les attentes de la société que ceux de la
personne faiblement socialisée. La majorité des gens s'engage dans une quantité
significative de mauvais comportements. Ils mentent, ils commettent de petits
vols, ils violent le code de la route, ils tirent au flanc au travail, ils
détestent quelqu'un, ils disent des choses rancunières ou ils font des
sournoiseries pour passer devant un autre. La personne sursocialisée ne peut
pas faire ces choses, ou si elle les fait elle éprouve de la honte et de la
haine de soi. La personne sursocialisée ne peut même pas éprouver, sans
culpabilité, des pensées ou des sentiments qui sont contraire à la morale
acceptée; elle ne peut pas avoir des pensées "malpropres". Et la
socialisation n'est pas seulement une question de morale; nous sommes
socialisés pour nous conformer à beaucoup de normes de comportement qui ne
relèvent pas de la morale. Ainsi la personne sursocialisée est tenue par une
laisse psychologique et passe sa vie sur des rails que la société a fixés pour
elle. Chez beaucoup de personnes sursocialisées ceci se traduit par un
sentiment de contrainte et d'impuissance qui peut être une souffrance sévère.
Nous suggérons que la sursocialisation est parmi les plus sérieuses cruautés
que les êtres humains infligent à d'autres.
27. Nous soutenons qu'un segment très
important et influent de la gauche moderne est sursocialisé et que leur
sursocialisation est très importante dans la détermination de la direction du
gauchisme moderne. Les gauchistes du type sursocialisé ont tendance à être des
intellectuels ou des membres de la bourgeoisie. Remarquez que les
universitaires [3] constituent le segment le plus fortement
socialisé de notre société et aussi le segment le plus à gauche.
28. Le gauchiste du type sursocialisé
essaye d'enlever sa laisse psychologique et d'affirmer son autonomie en se
rebellant. Mais il n'est ordinairement pas assez fort pour se rebeller contre
les valeurs les plus fondamentales de la société. En général, les buts des
gauchistes d'aujourd'hui ne sont PAS en conflit avec la morale acceptée. Au
contraire, le gauchiste prend un principe moral accepté, l'adopte comme sien et
accuse ensuite la société de violer ce principe. Exemples : l'égalité
raciale, l'égalité des sexes, aider les pauvres, la paix par opposition à la
guerre, la non-violence en général, la liberté d'expression, la bonté envers
les animaux. Plus fondamentalement, le devoir qu'a l'individu de servir la
société et le devoir qu'a la société de s'occuper de l'individu. Tout ceci sont
des valeurs profondément enracinées dans notre société (ou au moins sa
bourgeoisie [4]) depuis longtemps. Ces valeurs sont
explicitement ou implicitement exprimées ou présupposées dans la plus grande
part de ce qui nous est présenté par les médias grand public et le système
éducatif. Les gauchistes, particulièrement ceux du type sursocialisé, ne se
rebellent normalement pas contre ces principes, mais justifient leur hostilité
à la société en assurant (avec un certain degré de vérité) que la société ne
vit pas en accord avec ces principes.
29. Voici une illustration de la façon
dont le gauchiste sursocialisé montre son véritable attachement aux attitudes
conventionnelles de notre société en prétendant être en rébellion contre elle.
Beaucoup de gauchistes militent pour la discrimination positive, pour placer
des noirs à des postes prestigieux, pour une meilleure éducation dans les
écoles noires et plus d'argent pour ces écoles; ils considèrent le mode de vie
du "sous-prolétariat" noir comme un déshonneur social. Ils veulent
intégrer l'homme noir dans le système, en faire un cadre d'entreprise, un
avocat, un scientifique tout comme les bourgeois blancs. Les gauchistes
répondront que la dernière chose qu'ils veulent est de faire de l'homme noir
une copie du Blanc; au contraire, ils veulent préserver la culture Noire
américaine. Mais en quoi consiste cette conservation de la culture Noire
américaine ? Cela peut difficilement consister en quoi que ce soit de plus
que manger black, écouter de la musique black, porter des vêtements black et
aller à une église ou une mosquée black. Autrement dit, cela peut s'exprimer
seulement dans des questions superficielles. Dans tout les aspects ESSENTIELS
les gauchistes du type sursocialisé veulent voir l'homme noir se conformer aux
idéaux bourgeois blancs. Ils veulent le faire étudier des sujets techniques,
devenir un cadre ou un scientifique, passer sa vie à monter l'échelle sociale
pour prouver que les noirs sont aussi bons que les blancs. Ils veulent rendre
les pères noirs "responsables". Ils veulent que les gangs noirs
deviennent non violents, etc. Mais ce sont exactement là les valeurs du système
industrialo-technologique. Le système se moque du genre de musique qu'un homme
écoute, du genre de vêtements qu'il porte ou à quelle religion il croit tant
qu'il étudie à l'école, a un travail respectable, monte l'échelle sociale, est
un parent "responsable", est non violent et ainsi de suite. En fait,
quelles que soient ses dénégations, le gauchiste sursocialisé veut intégrer
l'homme noir dans le système et lui faire adopter ses valeurs.
30. Nous ne prétendons certainement pas
que les gauchistes, même du type sursocialisé, ne se rebellent JAMAIS contre
les valeurs fondamentales de notre société. Clairement ils le font parfois .
Quelques gauchistes sursocialisés se sont tellement rebellés contre un des
principes les plus importants de la société moderne qu'ils se sont engagés dans
la violence physique. De leur propre aveu, la violence est pour eux une forme
de "libération". Autrement dit, en commettant des violences ils
passent à travers les contraintes psychologiques qui leur ont été inculquées.
Parce qu'ils sont sursocialisés ces contraintes les ont plus restraints que
d'autres; d'où leur besoin de s'en libérer. Mais ils justifient ordinairement
leur rébellion en termes de valeurs dominantes. S'ils s'engagent dans la
violence ils revendiquent se battre contre le racisme ou quelque chose
d'équivalent.
31. Nous nous rendons compte que beaucoup
d'objections pourraient être soulevées contre le croquis sommaire qui précéde
sur la psychologie gauchiste. La situation réelle est complexe et s'approcher
d'une description complète de ce sujet prendrait plusieurs volumes même si les
données nécessaires étaient disponibles. Nous revendiquons seulement avoir
indiqué très grossièrement les deux tendances les plus importantes dans la
psychologie du gauchisme moderne.
32. Les problèmes du gauchiste sont
indicatifs des problèmes de notre société dans son ensemble. Le manque d'amour
propre, les tendances dépressives et le défaitisme ne sont pas limités à la
gauche. Bien qu'ils soient particulièrement remarquables dans la gauche, ils
sont répandus dans notre société. Et la société d'aujourd'hui essaye de nous
socialiser dans une mesure plus grande que n'importe quelle société précédente.
Les experts nous disent même comment manger, comment faire de l'exercice,
comment faire l'amour, comment élever nos gosses et ainsi de suite.
PROCESSUS DE
POUVOIR
33. Les humains ont un besoin (probablement
biologique) de quelque chose que nous appellerons "le processus de
pouvoir". C'est en relation étroite avec le besoin de pouvoir (qui est
largement reconnu) mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Le processus de
pouvoir comporte quatre éléments. Nous appelons les trois les plus nettement
définis le but, l'effort et l'atteinte du but. (Chacun a besoin de buts dont
l'atteinte exige un effort et a besoin de réussir dans la réalisation d'au
moins certains de ses buts). Le quatrième élément est plus difficile à définir
et n'est peut être pas nécessaire pour chacun. Nous l'appelons l'autonomie et
le discuterons plus tard (paragraphes 42-44).
34. Considérons le cas hypothétique d'un
homme qui pourrait avoir tout ce qu'il veut juste en le souhaitant. Un tel
homme a le pouvoir, mais il développera de sérieux problèmes psychologiques.
D'abord il s'amusera beaucoup, mais bientôt il s'ennuiera intensément et sera
démoralisé. Finalement il peut devenir cliniquement dépressif. L'histoire
montre que les aristocraties inactives ont tendance à devenir décadentes. Ce
n'est pas vrai des aristocraties agressives qui doivent lutter pour maintenir
leur pouvoir. Mais les aristocraties inactives, sans inquiétude, qui n'ont
aucun besoin de se manifester deviennent habituellement ennuyées, hédonistes et
démoralisées, bien qu'elles aient le pouvoir. Cela montre que le pouvoir ne
suffit pas. Il faut avoir des buts vers lesquels exercer son pouvoir.
35. Chacun a des buts; au minimum obtenir
les nécessités physiques de la vie : l'alimentation, l'eau et les
vêtements et l'abri que le climat rend nécessaires. Mais l'aristocrate inactif
obtient ces choses sans effort. De là son ennui et sa démoralisation.
36. Le non accomplissement de buts
importants aboutit à la mort si les buts sont des nécessités physiques et à la
frustration si le non accomplissement des buts est compatible avec la survie.
L'échec systématique à atteindre ses buts tout au long de la vie aboutit au
défaitisme, à une mauvaise opinion de soi ou à la dépression.
37. Ainsi, pour éviter des problèmes
psychologiques sérieux, un être humain a besoin de buts dont l'accomplissement
exige un effort et il doit avoir un taux raisonnable de succès dans la
réalisation de ses buts.
ACTIVITÉS DE
SUBSTITUTION
38. Mais tous les aristocrates inactif ne
deviennent pas ennuyés et démoralisés. Par exemple, l'empereur Hirohito, au
lieu de s'enfoncer dans l'hédonisme décadent, s'est consacré à la biologie
marine, un domaine dans lequel il est devenu une sommité. Quand les gens n'ont
pas besoin de se donner du mal pour satisfaire leurs besoins physiques ils se
donnent souvent des buts artificiels. Dans de nombreux cas ils poursuivent
alors ces buts avec la même énergie et le même engagement émotionnel qu'ils
auraient autrement mis dans la recherche des nécessités physiques. Ainsi les
aristocrates de l'Empire Romain avaient leur prétentions littéraire; beaucoup
d'aristocrates européens d'il y a quelques siècles investissaient un temps et
une énergie énorme dans la chasse, bien qu'ils n'avaient certainement pas
besoin de toute cette viande; d'autres aristocraties ont rivalisé de statut par
l'affichage complexe de richesses; et quelques aristocrates, comme Hirohito, se
sont tournés vers la science.
39. Nous utilisons le terme "activité
de substitution" pour désigner une activité qui est dirigée vers un but
artificiel que les gens se donnent simplement pour y travailler, ou disons,
simplement pour "l'accomplissement" qu'ils trouvent à poursuivre ce
but. Voici un principe de base pour l'identification d'activités de
substitution. Étant donné une personne qui consacre beaucoup de temps et
d'énergie à la poursuite d'un but X, demandez vous ceci : s'il devait
consacrer la plus grande partie de son temps et de son énergie à la
satisfaction de ses besoins biologiques et si cet effort lui demandait
d'utiliser ses capacités physiques et mentales d'une façon variée et
intéressante, se sentirait-il sérieusement privé parce qu'il n'a pas atteint le
but X ? Si la réponse est non, alors la poursuite du but X par cette
personne est une activité de substitution. Les études d'Hirohito en biologie
marine constituaient clairement une activité de substitution, car il est à peu
près certain que si Hirohito avait dû passer son temps sur des tâches
non-scientifiques intéressantes pour obtenir les nécessités de la vie, il ne se
serait pas senti privé de ne pas tout connaître de l'anatomie et des cycles de
vie des animaux marins. D'un autre côté la poursuite du sexe et de l'amour
n'est par exemple pas une activité de substitution, parce que la plupart des
gens, même si leur existence était satisfaisante par ailleurs, se sentiraient
privées si elles passaient leur vie sans jamais avoir un rapport avec un membre
du sexe opposé. (Mais la poursuite d'une quantité excessive de sexe, de plus
qu'on n'en a vraiment besoin, peut être une activité de substitution).
40. Dans la société industrielle moderne
seul un effort minimal est nécessaire pour satisfaire ses besoins physiques. Il
suffit de suivre une formation pour acquérir une petite compétence technique,
et ensuite de venir travailler à l'heure et de se dépenser très modestement
pour gagner sa vie. Les seuls pré-requis sont un niveau modéré d'intelligence
et surtout, la simple OBÉISSANCE. Si vous les avez, la société s'occupe de vous
du berceau à la tombe. (Oui, il y a un sous-prolétariat qui ne peut pas
considérer que les nécessités physiques sont assurées, mais nous parlons ici de
société dans son ensemble). Ainsi il n'est pas surprenant que la société
moderne soit pleine d'activités de substitution. Celles-ci incluent le travail
scientifique, l'accomplissement sportif, le travail humanitaire, la création
artistique et littéraire, grimper l'échelle hiérarchique, l'acquisition
d'argent et de biens matériels très au-delà du point auquel ils cessent de
donner aucune satisfaction physique complémentaire et l'activisme social quand
il adresse des questions qui ne sont pas importantes pour l'activiste personnellement,
comme dans le cas des activistes blancs qui travaillent pour les droits de
minorités non blanches. Ce ne sont pas toujours de pures activités de
substitution, car pour beaucoup de gens elles peuvent être motivées en partie
par des besoins autres que le besoin d'avoir un certain but à poursuivre. Le
travail scientifique peut être motivé en partie par la recherche du prestige,
la création artistique par un besoin d'exprimer ses sentiments, l'activisme
social militant par l'hostilité. Mais pour la plupart des gens qui les
poursuivent, ces activités sont en grande mesure des activités de substitution.
Par exemple, la majorité de scientifiques reconnaîtra probablement que
"l'accomplissement" qu'ils tirent de leur travail est plus important
que l'argent et le prestige qu'ils gagnent.
41. Pour beaucoup sinon la plupart des
gens, les activités de substitution sont moins satisfaisantes que la poursuite
de buts réels (c'est-à-dire des buts que les gens voudraient atteindre même si
leur besoin du processus de pouvoir était déjà accompli). Une indication en est
le fait que, dans beaucoup ou la plupart des cas, les gens qui sont
profondément impliqué dans des activités de substitution ne sont pas
satisfaits, jamais au repos. Ainsi l'amasseur d'argent lutte constamment pour
de plus en plus de richesses. Le scientifique a à peine résolu un problème
qu'il passe au suivant. Le coureur de fond s'entraîne pour courir toujours plus
loin et plus vite. Beaucoup de personnes qui poursuivent des activités de
substitution diront qu'ils obtiennent beaucoup plus de satisfactions dans ces
activités que dans la question "terre à terre" de satisfaire leurs
besoins biologiques, mais c'est parce que dans notre société l'effort
nécessaire pour satisfaire ses besoins biologiques a été réduit à une
bagatelle. Ce qui est plus important, dans notre société les gens ne satisfont
pas leurs besoins biologiques de façon AUTONOME, mais en fonctionnant comme les
parties d'une machine sociale immense. Au contraire, les gens ont généralement
beaucoup d'autonomie dans la poursuite de leurs activités de substitution.
AUTONOMIE
43. Il est vrai que certains individus
semblent avoir peu de besoin d'autonomie. Soit leur attirance pour le pouvoir
est faible ou ils la satisfont en s'identifiant avec une organisation puissante
à laquelle ils appartiennent. Et ensuite il y a les types irréfléchis, animaux
qui semblent être satisfaits par une sensation purement physique de pouvoir (le
bon soldat de combat, qui trouve son sens du pouvoir en développant des
compétences de combat qu'il est très heureux d'utiliser en obéissance aveugle à
ses supérieurs).
44. Mais pour la plupart des gens c'est
par le processus de pouvoir -avoir un but, faire un effort AUTONOME et
atteindre le but - que le respect de soi, la confiance en soi et le sens du
pouvoir sont acquis. Quand on n'a pas d'occasion adéquate d'accomplir le
processus de pouvoir les conséquences en sont (suivant l'individu et la façon
dont le processus de pouvoir est perturbé) l'ennui, la démoralisation, la
mauvaise opinion de soi, le sentiment d'infériorité, le défaitisme, la
dépression, l'inquiétude, la culpabilité, la frustration, l'hostilité, les
mauvais traitements au conjoint ou aux enfants, l'hédonisme insatiable, le
comportement sexuel anormal, les troubles du sommeil, les désordres
alimentaires, etc [6].
SOURCES DES
PROBLÈMES SOCIAUX
45. N'importe lequel des symptômes
précédents peut se présenter dans n'importe quelle société, mais dans la
société industrielle moderne ils sont présents à une échelle massive. Nous ne
sommes pas les premiers à mentionner que le monde semble aujourd'hui devenir
fou. Ce genre de choses n'est pas normal pour les sociétés humaines. Il y a de
bonnes raisons de croire que l'homme primitif subissait moins de stress et de
frustrations et était plus satisfait de son mode de vie que l'homme moderne. Il
est vrai que tout n'était pas douceur et lumière dans les sociétés primitives.
Les violences envers les femmes sont communes parmi les aborigènes australiens,
la transexualité était assez commune parmi certaines des tribus indiennes
américaines. Mais il apparaît vraiment qu'EN GÉNÉRAL les types de problèmes que
nous avons listés dans le paragraphe précédent étaient beaucoup moins communs
parmi les peuples primitifs qu'ils ne le sont dans la société moderne.
46. Nous attribuons les problèmes sociaux
et psychologiques de la société moderne au fait que que la société exige que
les gens vivent dans des conditions radicalement différentes de celles dans
lesquelles la race humaine s'est développée et se comportent de façons qui sont
en conflit avec les modèles de comportement que la race humaine a développés en
vivant dans les conditions précédentes. Il apparaît clairement de ce que nous
avons déjà écrit que nous considérons le manque d'occasion de faire
correctement l'expérience du processus de pouvoir comme la plus importante des
conditions anormales auxquelles la société moderne soumet les gens. Mais ce
n'est pas la seule. Avant de traiter de la perturbation du processus de pouvoir
comme une source de problèmes sociaux nous discuterons quelques autres sources.
47. Parmi les conditions anormales
présentes dans la société industrielle moderne il y a la densité excessive de
population, l'isolement de l'homme de la nature, la rapidité excessive du
changement social et l'effondrement des communautés naturelles à petite échelle
comme la famille étendue, le village ou la tribu.
48. Il est bien connu que l'entassement
augmente le stress et l'agression. Le degré d'entassement qui existe
aujourd'hui et l'isolement de l'homme de la nature sont les conséquences du
progrès technique. Toutes les sociétés préindustrielles étaient principalement
rurales.
49. Pour les sociétés primitives le monde
naturel (qui ne change d'habitude que lentement) fournissait une structure
stable et donc une sensation de sécurité. Dans le monde moderne c'est la
société humaine qui domine la nature plutôt que le contraire et la société moderne
change très rapidement par suite du changement technologique. Ainsi il n'y a
aucune structure stable.
50. Les conservateurs sont des
imbéciles : Ils geignent sur la décrépitude des valeurs traditionnelles,
et cependant ils encouragent avec enthousiasme le progrès technique et la
croissance économique. Apparemment il ne leur arrive jamais de penser que vous
ne pouvez pas faire des changements rapides, radicaux de la technologie et de
l'économie d'une société sans causer aussi des changements rapides de tous les
autres aspects de la société et que ces changements rapides détruisent
inévitablement les valeurs traditionnelles.
52. Supposons qu'un fonctionnaire public
ou un cadre de société nomme son cousin, son ami ou son coreligionnaire à une
position plutôt que de nommer la personne la plus qualifiée pour le poste. Il a
permis à la loyauté personnelle de remplacer sa loyauté au système et c'est du
"népotisme" ou de la "discrimination", qui sont tous deux
des péchés épouvantables dans la société moderne. Les sociétés potentiellement
industrielles qui ne sont pas arrivées à subordonner les loyautés personnelles
ou locales à la loyauté au système sont ordinairement très inefficaces. (Voyez
l'Amérique Latine.) Ainsi une société industrielle avancée ne peut tolérer que
les communautés à petite échelle émasculées, apprivoisées et transformées en
outils du système. [7]
53. La surpopulation, le changement rapide
et l'effondrement des communautés ont été largement reconnus comme des sources
de problèmes sociaux. Mais nous ne croyons pas qu'ils soient suffisants pour
justifier l'étendue des problèmes que l'on observe aujourd'hui.
54. Quelques villes préindustrielles
étaient très grandes et peuplées, cependant leurs habitants ne semblent pas
avoir souffert de problèmes psychologiques du même niveau que l'homme moderne.
En Amérique aujourd'hui il y a encore des secteurs ruraux peu peuplés et nous y
trouvons les mêmes problèmes que dans les zones urbaines, quoique ces problèmes
tendent à être moins aigus dans les secteurs ruraux. Ainsi l'entassement ne
semble pas être le facteur décisif.
55. Sur les territoires en croissance de
la frontière américaine pendant le 19ème siècle, la mobilité de la
population a probablement éclaté des familles étendues et des groupes sociaux à
petite échelle au moins dans la même mesure qu'aujourd'hui. En fait, beaucoup
de familles nucléaires ont vécu par choix dans un isolement tel, n'ayant aucun
voisin à moins de plusieurs milles, qu'ils n'appartenaient à aucune communauté,
et cependant ils ne semblent pas avoir développé de problèmes associés.
56. En outre, le changement dans la
société de la frontière américaine était très rapide et profond. Un homme
pouvait naître et être élevé dans une cabane en bois, hors de portée de l'ordre
public et nourri en grande partie de viande sauvage; et, arrivé à la vieillesse,
avoir un travail régulier et vivre dans une communauté soumise à une police
efficace. C'était un changement plus profond que celui qui arrive typiquement
dans la vie d'un individu moderne, et pourtant cela ne semble pas avoir
entraîné de problèmes psychologiques. En fait, la société américaine du 19ème
siècle avait une tonalité optimiste et pleine d'assurance, très différente de
celle de la société d'aujourd'hui. [8]
57. La différence, argumentons nous, est
que l'homme moderne a le sentiment (en grande partie justifiée) que le
changement lui est IMPOSÉ, tandis que l'habitant de la frontière au 19ème
siècle avait le sentiment (aussi en grande partie justifié) que c'est lui qui
créait le changement, par son choix propre. Par exemple un pionnier
s'installait sur un morceau de terre de son choix et en faisait une ferme par
son propre effort. À cette époque un comté entier pouvait avoir seulement deux
ou trois cents habitants et était une entité beaucoup plus isolée et autonome
qu'un comté moderne. Ainsi le fermier pionnier participait comme membre d'un
groupe relativement petit à la création d'une nouvelle communauté ordonnée. On
peut bien mettre en doute le fait que la création de cette communauté était une
amélioration, mais en tout cas elle satisfaisait le besoin de processus de
pouvoir du pionnier.
58. Il serait possible de donner d'autres
exemples de sociétés dans lesquelles il y a eu un changement rapide, avec ou
sans liens communautaires serrés, sans qu'il y ait la sorte d'aberration
comportementale massive que l'on voit dans la société industrielle
d'aujourd'hui. Nous affirmons que la cause la plus importante des problèmes
sociaux et psychologiques de la société moderne est le fait que les gens ont
des occasions insuffisantes d'accomplir d'une façon normale le processus de
pouvoir. Nous ne voulons pas dire que la société moderne est la seule dans
laquelle le processus de pouvoir a été perturbé. La plupart sinon toutes les sociétés
civilisées ont probablement interféré avec le processus de pouvoir dans une
plus ou moins grande mesure. Mais dans la société industrielle moderne le
problème est devenu particulièrement aigu. Le gauchisme, au moins dans sa forme
récente (deuxième moitié du 20ème siècle), est en partie un symptôme
de privation du processus de pouvoir.
PERTURBATION
DU PROCESSUS DE POUVOIR DANS
59. Nous divisons les motivations humaines
en trois groupes : (1) les motivations qui peuvent être satisfaites par un
l'effort minimal; (2) celles qui peuvent être satisfaites, mais seulement au
prix d'un sérieux effort; (3) celles qui ne peuvent pas être correctement
satisfaites quel que soit l'effort qu'on fait. Le processus de pouvoir est le
processus de satisfaction des motivations du deuxième groupe. Plus il y a de
motivations dans le troisième groupe, plus il y a de frustration, de colère,
finalement de défaitisme, de dépression, etc.
60. Dans la société industrielle moderne
les motivations naturelles humaines ont tendance à être refoulées dans les
premier et troisième groupes et le deuxième groupe a tendance à consister de
plus en plus en motivations artificiellement créées.
61. Dans les sociétés primitives, les
nécessités physiques tombent généralement dans le groupe 2 : on peut les
obtenir, mais seulement au prix d'un sérieux effort. Mais la société moderne a
tendance à garantir les nécessités physiques à chacun [9] en échange d'un effort seulement minime, par là
les besoins physiques sont repoussés dans le groupe 1. (On peut ne pas être
d'accord sur le fait que l'effort nécessaire pour un travail est
"minime"; mais d'habitude, dans les niveaux d'emplois bas à moyens,
le plus gros de l'effort qui est exigé est simplement celui d'obéissance. Vous
êtes assis ou debout où on vous dit d'être assis ou debout et faites ce que
l'on vous dit de faire de la façon qu'on vous dit de le faire. Vous devez
rarement vous dépenser sérieusement et en tout cas vous n'avez pratiquement pas
d'autonomie dans le travail, ce qui fait que le besoin du processus de pouvoir
n'est pas bien accompli).
62. Les besoins sociaux, comme le sexe,
l'amour et le statut, restent souvent dans le groupe 2 dans la société moderne,
selon la situation de l'individu [10]. Mais, à part les gens qui ont une motivation
particulièrement forte pour le statut, l'effort requis pour accomplir les motivations
sociales est insuffisant pour satisfaire correctement le besoin du processus de
pouvoir.
63. Donc des besoins artificiels ont été
créés qui tombent dans le groupe 2, et par là servent le besoin du processus de
pouvoir. On a inventé la publicité et le marketing qui font beaucoup de gens
penser qu'ils ont besoin de choses que leurs grands-parents n'ont jamais
désirées ou même rêvées. Cela demande de sérieux efforts pour gagner assez
d'argent pour satisfaire ces besoins artificiels, par là ils tombent dans le
groupe 2. (Mais voyez les paragraphes 80-82). L'homme moderne doit satisfaire son besoin
du processus de pouvoir en grande partie par la poursuite des besoins artificiels
créés par la publicité et l'industrie du marketing [11] et par des activités de substitution.
64. Il semble que pour beaucoup de
personnes, peut-être la majorité, ces formes artificielles du processus de
pouvoir soient insuffisantes. Un thème qui apparaît de façon répétée dans les
oeuvres des critiques sociaux de la deuxième moitié du 20ème siècle
est le sentiment d'irrésolution qui touche beaucoup de gens dans la société
moderne. (Cette irrésolution est souvent appelée par d'autres noms comme
"anomie" ou "vacuité bourgeoise"). Nous suggérons que la
soit-disant "crise d'identité" soit en réalité une recherche de
motivation, souvent pour s'engager dans une activité de substitution
appropriée. Il se peut que l'existentialisme soit en grande mesure une réponse
à l'irrésolution de la vie moderne [12]. La recherche de "l'accomplissement"
est très répandue dans la société moderne. Mais nous pensons que pour la
majorité des gens une activité dont le but principal est l'accomplissement
(c'est-à-dire une activité de substitution) n'apporte pas un accomplissement
complètement satisfaisant. Autrement dit, elle ne satisfait pas entièrement le
besoin du processus de pouvoir. (Voir le paragraphe 41). Ce besoin ne peut être entièrement satisfait
que par les activités qui ont un but externe, comme des nécessités physiques,
le sexe, l'amour, le statut, la vengeance, etc.
65. De plus, là où les buts sont
poursuivis en gagnant de l'argent, par la promotion sociale ou une autre façon
de fonctionner comme partie du système, la plupart des gens ne sont pas en
position de poursuivre leurs buts de manière AUTONOME. La plupart des ouvriers
sont employés de quelqu'un d'autre et, comme nous l'avons signalé dans le
paragraphe 61, doivent passer leurs journées à faire ce qu'on
leur dit de faire de la façon qu'on leur dit de le faire. Même la plupart des
gens qui sont dans les affaires pour eux eux mêmes n'ont qu'une autonomie
limitée. C'est une plainte récurrente des petits commerçants et des
entrepreneurs qu'ils ont les mains liées par une règlementation excessive du
gouvernement. Certains de ces règlements sont indubitablement inutiles, mais,
pour la plupart, les lois gouvernementales sont des parties essentielles et
inévitables de notre société extrêmement complexe. Une grande partie du petit
commerce fonctionne aujourd'hui sur le système de franchise. Il a été indiqué
dans le "Wall Street Journal" il y a quelques années que beaucoup de
sociétés de franchise exigent des demandeurs de franchises un test de
personnalité qui est conçu pour EXCLURE ceux qui font preuve de créativité et
d'initiative, parce que ces personnes ne sont pas suffisamment dociles pour
suivre avec obéissance le système de franchise. Cela exclut du petit commerce
beaucoup des gens qui ont le plus besoin d'autonomie.
66. Aujourd'hui les gens vivent plus en
vertu ce que le système fait POUR eux ou LEUR fait qu'en vertu ce qu'ils font
pour eux mêmes. Et ce qu'ils font pour eux mêmes est fait de plus en plus
suivant des directions fixées par le système. Les occasions ont tendance à être
celles que le système fournit, les occasions doivent être exploitées en accord
avec les règles et les règlements [13] et les techniques prescrites par des experts
doivent être suivies pour qu'il y ait une chance de succès.
67. Ainsi le processus de pouvoir est
perturbé dans notre société par un manque de buts réels et un manque
d'autonomie dans la poursuite des buts. Mais il est aussi perturbé à cause de
ces motivations humaines qui tombent dans le groupe 3 : les motivations
que l'on ne peut pas correctement satisfaire quel que soit l'effort qu'on leur
consacre. Une de ces motivations est le besoin de sécurité. Nos vies dépendent
de décisions prises par d'autres gens; nous n'avons aucun contrôle de ces
décisions et ordinairement nous ne connaissons même pas les gens qui les
prennent. ("Nous vivons dans un monde dans lequel relativement peu de gens
- peut-être 500 ou 1 000 - prennent les décisions importantes" - Philip B.
Heymann de
68. On peut objecter que l'homme primitif
est physiquement moins en sécurité que l'homme moderne, comme on peut le voir
par son espérance de vie plus courte; donc l'homme moderne souffre de moins, et
non de plus que la quantité d'insécurité qui est normale pour des êtres
humains. Mais la sécurité psychologique ne correspond pas exactement avec la
sécurité physique. Ce qui nous fait nous SENTIR en sécurité n'est pas tant la
sécurité objective que le sentiment de confiance dans notre capacité à prendre
soin de nous. L'homme primitif, menacé par un animal féroce ou par la faim,
peut se battre pour se défendre ou se déplacer à la recherche de nourriture. Il
n'a aucune certitude de succès dans ces efforts, mais il n'est en aucun cas
impuissant contre les choses qui le menacent. L'individu moderne au contraire
est menacé par beaucoup de choses contre lesquelles il est impuissant; les
accidents nucléaires, les cancérigènes dans l'alimentation, la pollution environnementale,
la guerre, l'augmentation des impôts, l'invasion de sa vie privée par des
grosses organisations, les phénomènes sociaux ou économiques nationaux qui
peuvent perturber son mode de vie.
69. Il est vrai que l'homme primitif est
impuissant contre certaines des choses qui le menacent; la maladie par exemple.
Mais il peut accepter le risque de maladie stoïquement. Il fait partie de la
nature de choses, ce n'est la faute de personne, à moins que ce ne soit la
faute de quelque démon imaginaire et impersonnel. Mais ce qui menace l'individu
moderne a tendance à être SYNTHÉTIQUE. Ce n'est pas le résultat du hasard, mais
lui est IMPOSÉ par d'autres personnes dont il est incapable, en tant
qu'individu, d'influencer les décisions. Par conséquent il se sent frustré,
humilié et en colère.
70. Ainsi l'homme primitif a en grande
partie sa sécurité entre ses propres mains (en tant qu'individu ou membre d'un
PETIT groupe) tandis que la sécurité de l'homme moderne est entre les mains de
personnes ou d'organisations qui sont trop distantes ou trop grandes pour qu'il
soit personnellement capable de les influencer. Donc la motivation de l'homme
moderne pour la sécurité a tendance à tomber dans des groupes 1 et 3; dans
certains secteurs (l'alimentation, l'abri, etc) sa sécurité est assurée au prix
seulement d'un effort insignifiant, tandis que dans d'autres secteurs il NE
PEUT PAS atteindre la sécurité. (Ce qui précède simplifie énormément la
situation réelle, mais indique vraiment d'une façon grossière et générale
comment la condition de l'homme moderne diffère de celle de l'homme primitif).
71. Les gens ont beaucoup de motivations
transitoires ou impulsives qui sont nécessairement contrecarrées dans la vie
moderne, et tombent par là dans le groupe 3. On peut se mettre en colère, mais
la société moderne ne peut pas permettre de se battre. Dans beaucoup de
situations elle ne permet pas même l'agression verbale. Quand on va quelque
part on peut être pressé, ou on peut être en humeur de voyager lentement, mais
on n'a généralement pas d'autre choix que de suivre le flux du trafic et
d'obéir aux feux de circulation. On peut vouloir faire son travail d'une façon
différente, mais d'habitude on ne peut travailler que selon les règles fixées
par son employeur. De beaucoup d'autres façons encore, l'homme moderne est
ligoté par un réseau de règles et de règlements (explicites ou implicites) qui
contrecarre beaucoup de ses impulsions et se heurte ainsi au processus de
pouvoir. On ne peut pas se passer de la plupart de ces règlements , parce
qu'ils sont nécessaires au fonctionnement de la société industrielle.
72. La société moderne est par certains
aspects extrêmement permissive. Dans les questions qui sont sans rapport avec
le fonctionnement du système nous pouvons généralement faire ce qui nous plaît.
Nous pouvons croire en n'importe quelle religion (tant qu'elle n'encourage pas
de comportement dangereux pour le système). Nous pouvons coucher avec qui nous
aimons (tant que nous pratiquons "des rapports sexuels protégés").
Nous pouvons faire tout ce que nous aimons tant que c'est SANS IMPORTANCE. Mais
dans toutes les questions IMPORTANTES le système tend de plus en plus à réguler
notre comportement
73. Le comportement n'est pas seulement
régulé par des règles explicites ou par le gouvernement. Le contrôle est
souvent exercé par une contrainte indirecte ou par la pression psychologique ou
la manipulation, et par des organisations autres que le gouvernement, ou par le
système dans son ensemble. La plupart des grandes organisations utilisent une
forme ou une autre de propagande [14] pour manipuler l'attitude ou le comportement
des gens. La propagande n'est pas limitée à la publicité, et parfois elle n'est
même pas consciemment conçue comme de la propagande par les gens qui la font.
Par exemple, le contenu des programmes de divertissement est une forme
puissante de propagande. Un exemple de contrainte indirecte : il n'y a
aucune loi qui dit que nous devons aller travailler chaque jour et suivre les
ordres de notre employeur. Légalement il n'y a rien pour nous empêcher d'aller
vivre dans la nature comme les primitifs ou d'entrer nous mêmes dans les
affaires. Mais en pratique il reste très peu de terres sauvages disponibles et
il n'y a de la place dans l'économie que pour un nombre limité de petits
commerçants. Par là la plupart d'entre nous ne peuvent survivre que comme
employé de quelqu'un d'autre.
74. Nous suggérons que l'obsession pour la
longévité, et le maintien de l'énergie physique et de l'attrait sexuel jusqu'à
un âge avancé, chez l'homme moderne est un symptôme de non accomplissement
résultant d'une privation dans le processus de pouvoir. "La crise de la
quarantaine" est aussi un tel symptôme. Tout comme le manque d'intérêt à
avoir des enfants qui est assez commun dans la société moderne, mais presque
inouï dans des sociétés primitives.
75. Dans les sociétés primitive la vie est
une succession d'étapes. Les besoins et les buts d'une étape ayant été
accomplis, il n'y a aucune répugnance particulière à passer à l'étape suivante.
Un jeune homme accomplit le processus de pouvoir en devenant un chasseur,
chassant non pour le sport ou pour l'accomplissement, mais pour obtenir de la
viande qui est nécessaire pour se nourrir. (Chez les jeunes femmes le processus
est plus complexe, avec un accent plus grand sur le pouvoir social; nous ne le
discuterons pas ici.) Cette phase étant passée avec succès, le jeune homme n'a
aucune répugnance à s'installer dans les responsabilités d'élever une famille.
(Par contraste, certaines personnes modernes reportent indéfiniment d'avoir des
enfants parce qu'ils sont trop occupés à rechercher quelque
"accomplissement". Nous suggérons que l'accomplissement dont ils ont
besoin est l'expérience adéquate du processus de pouvoir - avec des buts réels
au lieu des buts artificiels d'activités de substitution). De nouveau, ayant
avec succès élevé ses enfants, et accompli le processus de pouvoir en leur
fournissant leurs nécessités physiques, l'homme primitif estime que son travail
est terminé et il est prêt à accepter la vieillesse (s'il survit jusque là) et
la mort. Beaucoup de personnes modernes, au contraire, sont gênées par la
perspective de la mort, comme on peut le voir par les efforts qu'ils font pour
essayer d'entretenir leur condition physique, leur apparence et leur santé.
Nous soutenons que c'est en raison du non accomplissement résultant du fait
qu'ils n'ont jamais utilisé leur force physique, n'ont jamais accompli le
processus de pouvoir en utilisant leur corps d'une façon sérieuse. Ce n'est pas
l'homme primitif, qui a utilisé son corps quotidiennement pour des buts
pratiques, qui craint les détériorations de l'âge, mais l'homme moderne, qui
n'a jamais eu d'utilisation pratique pour son corps au-delà de la marche de sa
voiture à sa maison. C'est l'homme dont le besoin de processus de pouvoir a été
satisfait pendant sa vie qui est le mieux préparé à accepter la fin de cette
vie.
76. En réponse aux arguments de cette
section quelqu'un dira, "
COMMENT
CERTAINES PERSONNES S'ADAPTENT
77. Tout le monde dans la société
industrialo-technologique ne souffre pas de problèmes psychologiques. Quelques
personnes prétendent même être tout à fait satisfaites de la société comme elle
est. Nous discutons maintenant certaines des raisons pour lesquelles les gens
diffèrent à ce point dans leur réponse à la société moderne.
78. D'abord, il y a sans aucun doute des
différences dans l'instinct de pouvoir. Les individus avec une attirance faible
pour le pouvoir peuvent avoir relativement peu de besoin d'accomplir le
processus de pouvoir, ou au moins un besoin relativement faible d'autonomie
dans le processus de pouvoir. Ce sont les types dociles qui auraient été
heureux comme nègres de plantation dans le Vieux Sud. (Nous ne voulons pas nous
moquer "des nègres de plantation" du Vieux Sud. À leur crédit, la
plupart des esclaves n'étaient PAS contents de leur servitude. Mais nous nous
moquons des gens qui SONT contents de la servitude.)
79. Certains peuvent avoir une motivation
exceptionnelle, dont la poursuite satisfait leur besoin du processus de
pouvoir. Par exemple, ceux qui ont une motivation exceptionnellement forte pour
le statut social peuvent passer leur vie entière à monter l'échelle sociale
sans jamais s'ennuyer de ce jeu.
80. Les gens varient dans leur sensibilité
à la publicité et au marketing. Certains sont si susceptibles que, même s'ils
font beaucoup d'argent, ils ne peuvent pas satisfaire leur constante envie pour
les nouveaux jouets brillants que le marketing agite devant leurs yeux. Donc
ils se sentent toujours financièrement en difficulté même si leur revenu est
élevé et leurs envies sont contrecarrées.
81. Certains ont une faible sensibilité à
la publicité et au marketing. Ce sont les gens qui ne sont pas intéressés par
l'argent. L'acquisition de biens matériels ne sert pas leur besoin du processus
de pouvoir.
82. Ceux qui ont une sensibilité moyenne à
la publicité et au marketing sont capables de gagner assez d'argent pour
satisfaire leurs envies de marchandises et de service, mais seulement au prix
d'un effort sérieux (heures supplémentaires, travail de complément, promotion,
etc). Par là l'acquisition de biens matériels sert leur besoin du processus de
pouvoir. Mais il ne s'ensuit pas nécessairement que leur besoin est entièrement
satisfait. Ils peuvent avoir une autonomie insuffisante dans le processus de
pouvoir (leur travail peut consister à suivre des ordres) et certaines de leurs
motivations peuvent être contrecarrés (par exemple, la sécurité, l'agression).
(Nous sommes coupables de simplification excessive dans les paragraphes 80-82 parce que nous avons supposé que le désir
d'acquisition matérielle est entièrement une création de la publicité et du
marketing. Bien sûr ce n'est pas si simple [11]).
83. Certains satisfont en partie leur
besoin du pouvoir en s'identifiant avec une organisation puissante ou un
mouvement de masse. Un individu manquant de buts ou de pouvoir rejoint un
mouvement ou une organisation, adopte ses buts comme les siens propres,
travaille ensuite vers ces buts. Quand certains des buts sont atteints,
l'individu, bien que ses efforts personnels aient joué seulement une rôle
insignifiant dans leur accomplissement, ressent (par son identification avec le
mouvement ou l'organisation) la même chose que s'il avait accompli le processus
de pouvoir. Ce phénomène a été exploité par les fascistes, les nazis et les
communistes. Notre société l'utilise, aussi, quoique moins brutalement. Par
exemple : Manuel Noriega était irritant pour les Etats-Unis (but :
punir Noriega). Les Etats-Unis ont envahi le Panama (effort) et ont puni
Noriega (accomplissement du but). Les Etats-Unis ont accompli le processus de
pouvoir et beaucoup d'Américains, à cause de leur identification avec les
Etats-Unis, ont éprouvé le processus de pouvoir par délégation. De là
l'approbation publique généralisée de l'invasion du Panama; elle a donné aux
gens une sensation de pouvoir [15]. Nous voyons le même phénomène dans les
armées, les sociétés, les partis politiques, les organisations humanitaires,
les mouvements religieux ou idéologiques. Les mouvements gauchistes
particulièrement ont tendance à attirer les gens qui cherchent à satisfaire
leur besoin de pouvoir. Mais pour la plupart l'identification avec une grande
organisation ou un mouvement de masse ne satisfait pas entièrement le besoin du
pouvoir.
84. Une autre voie par laquelle les gens
satisfont leur besoin du processus de pouvoir est par des activités de
substitution. Comme nous l'avons expliqué dans les paragraphes 38-40, une activité de substitution est dirigée
vers un but artificiel que l'individu poursuit pour
"l'accomplissement" qu'il obtient en poursuivant ce but, pas parce
qu'il doit atteindre le but lui-même. Par exemple, il n'y a aucun motif
pratique pour se bâtir d'énormes muscles, pour envoyer une bille dans un trou
ou acquérir une série complète de timbres-postes. Pourtant beaucoup de gens
dans notre société se consacrent avec passion au culturisme, au golf ou à la
philatélie. Certains sont plus "conformistes" que d'autres et
accordent donc plus aisément de l'importance à une activité de substitution
simplement parce que les gens autour d'eux la traitent comme importante ou
parce que la société leur dit que c'est important. C'est pourquoi certains
deviennent très appliqués dans des activités essentiellement insignifiantes
comme le sport, ou le bridge, ou les échecs, ou des recherches savantes
mystérieuses, tandis que d'autres qui sont plus clairvoyants ne voient jamais
ces choses que comme les activités de substitution qu'elles sont et ne leur
attachent jamais par conséquent assez d'importance pour satisfaire leur besoin
du processus de pouvoir. Il reste seulement à souligner que dans de nombreux
cas la manière de gagner sa vie est aussi une activité de substitution. Pas une
PURE activité de substitution, puisqu'une partie du motif de l'activité est de
gagner les nécessités physiques et (pour certains) le statut social et le
superflu que la publicité leur fait vouloir. Mais beaucoup de gens mettent dans
leur travail beaucoup plus d'efforts que nécessaire pour gagner l'argent et le
statut dont ils ont besoin et cet effort supplémentaire constitue une activité
de substitution. Cet effort supplémentaire, avec l'investissement émotionnel
qui l'accompagne, est une des forces les plus puissantes qui pousse le
développement continuel et le perfectionnement du système, avec des
conséquences négatives pour la liberté individuelle (voir le paragraphe 131). Particulièrement, pour les scientifiques et
les ingénieurs les plus créatifs, le travail a tendance à être en grande partie
une activité de substitution. Ce point est si important qu'il mérite une
discussion séparée, que nous donnerons dans un moment (paragraphes 87-92).
85. Dans cette section nous avons expliqué
comment beaucoup de gens dans la société moderne satisfont plus ou moins leur
besoin du processus de pouvoir. Mais nous pensons que pour la majorité des gens
le besoin du processus de pouvoir n'est pas entièrement accompli. En premier
lieu, ceux qui ont un besoin insatiable de statut, ou qui sont fermement
"accrochés" à une activité de substitution, ou qui s'identifient suffisamment
avec un mouvement ou une organisation pour satisfaire leur besoin de pouvoir,
sont des personnalités exceptionnelles. Les autres ne sont pas entièrement
satisfaits par les activités de substitution ou par l'identification avec une
organisation (voir les paragraphes 41, 64). En second lieu, trop de contrôle est imposé
par le système, par des règlements explicites ou par la socialisation, ce qui
aboutit à un manque d'autonomie et à la frustration en raison de
l'impossibilité d'atteindre certains buts et de la nécessité de freiner trop
d'impulsions.
86. Mais même si la plupart des gens dans
la société industrialo-technologique étaient tout à fait satisfaites, nous (FC)
serions toujours opposés à cette forme de société, parce que (parmi d'autres
raisons) nous considérons comme avilissant d'accomplir son besoin du processus
de pouvoir par des activités de substitution ou par l'identification avec une
organisation, plutôt que par la poursuite de buts réels.
MOTIVATIONS
DES SCIENTIFIQUES
87. La science et la technologie
fournissent les exemples les plus importants d'activités de substitution.
Quelques scientifiques prétendent qu'ils sont motivés par "la
curiosité", cette notion est simplement absurde. La plupart des
scientifiques travaillent sur des problème hautement spécialisés qui ne sont
l'objet d'aucune curiosité normale. Par exemple, est-ce qu'un astronome, un
mathématicien ou un entomologiste est curieux des propriétés de
l'isopropyltrimethylmethane ? Bien sûr que non. Seul un chimiste est
curieux d'une telle chose et il est curieux de cela seulement parce que la
chimie est son activité de substitution. Est-ce que le chimiste est curieux de
la classification correcte d'une nouvelle espèce de scarabée ? Non. Cette
question est intéressante seulement pour l'entomologiste et il ne s'y intéresse
que parce que l'entomologie est son activité de substitution. Si le chimiste et
l'entomologiste devaient se dépenser sérieusement pour obtenir les nécessités
physiques et si cet effort occupait leurs capacités d'une façon intéressante,
mais non scientifique, alors ils se moqueraient de l'isopropyltrimethylmethane
ou de la classification des scarabées. Supposons que le manque de fonds pour
les études de troisième cycle ait mené le chimiste à devenir courtier
d'assurance au lieu de chimiste. Dans ce cas il aurait été très intéressé par
des questions d'assurance, mais ne se serait soucié en rien de
l'isopropyltrimethylmethane. En tout cas il n'est pas normal de mettre dans la
satisfaction de la simple curiosité le volume de temps et d'effort que les
scientifiques mettent dans leur travail. L'explication par la "curiosité"
de la motivation des scientifiques ne tient tout simplement pas.
89. Il en est de même des scientifiques en
général. Avec de rares exceptions possibles, leur motif n'est ni la curiosité,
ni le désir de profiter à l'humanité, mais le besoin d'accomplir le processus
de pouvoir : avoir un but (un problème scientifique à résoudre), faire un
effort (la recherche) et atteindre le but (la solution du problème). La science
est une activité de substitution parce que les scientifiques travaillent
principalement pour l'accomplissement qu'ils trouvent dans le travail lui-même.
90. Bien sûr, ce n'est pas aussi simple.
D'autres motivations jouent effectivement un rôle pour beaucoup de
scientifiques. Argent et statut par exemple. Certains scientifiques peuvent
être des gens du type qui ont un besoin insatiable de statut (voir le
paragraphe 79) et cela peut être la principale motivation
pour leur travail. Il n'y a aucun doute que la majorité des scientifiques,
comme la majorité de la population générale, est plus ou moins sensible à la
publicité et au marketing et a besoin d'argent pour satisfaire l'envie de
marchandises et de services. Ainsi la science n'est pas une PURE activité de
substitution. Mais c'est en grande mesure une activité de substitution.
91. De plus, la science et la technologie
constituent un puissant mouvement de masse et beaucoup de scientifiques
satisfont leur besoin de pouvoir par l'identification avec ce mouvement de
masse (voir le paragraphe 83).
92. Ainsi la science marche au pas
aveuglément, sans respect pour le bien-être réel de la race humaine ou pour une
autre norme, obéissant seulement aux besoins psychologiques des scientifiques
et des politiques et cadres de société qui financent la recherche.
93. Nous allons montrer que la société
industrialo-technologique ne peut pas être réformée de façon à l'empêcher de
rétrécir peu à peu la sphère de la liberté humaine. Mais comme
"liberté" est un mot qui peut être interprété de beaucoup de façons,
nous devons d'abord faire comprendre de quelle liberté nous parlons.
94. Par "liberté" nous désignons
l'occasion d'accomplir le processus de pouvoir, avec des buts réels et non les
buts artificiels d'activités de substitution, et sans interférence,
manipulation ou supervision de qui que ce soit, particulièrement d'aucune
grande organisation. La liberté veut dire avoir le contrôle (en tant
qu'individu ou membre d'un PETIT groupe) des questions vitales de son
existence; l'alimentation, les vêtements, le couvert et la défense contre
toutes les menaces qui peuvent être présentes dans son environnement. La
liberté veut dire avoir le pouvoir; pas le pouvoir de contrôler d'autres
personnes mais le pouvoir de contrôler les circonstances de sa propre vie. On
n'a pas de liberté si un autre (particulièrement une grande organisation) a le
pouvoir sur soi, quelque bienveillant, tolérant et permissif qu'il soit. Il est
important de ne pas confondre la liberté avec la simple permission (voir le paragraphe
72).
95. Il se dit que nous vivons dans une
société libre parce que nous avons un certain nombre de droits
constitutionnellement garantis. Mais ceux-ci ne sont pas aussi importants
qu'ils le semblent. Le degré de liberté personnelle qui existe dans une société
est déterminé plus par la structure économique et technique de la société que
par ses lois ou sa forme de gouvernement [16]. La plupart des nations indiennes de Nouvelle
Angleterre étaient des monarchies et beaucoup des Cités-Etats de
96. Quant à nos droits constitutionnels,
considérez par exemple celui de
97. Les droits constitutionnels sont
utiles jusqu'à un certain point, mais ils ne servent pas à garantir beaucoup
plus que ce qu'on pourrait appeler la conception bourgeoise de la liberté.
Selon la conception bourgeoise, un homme "libre" est essentiellement
un élément d'une machine sociale et a seulement un certain jeu de libertés
prescrites et délimitées; les libertés qui sont conçues pour servir les besoins
de la machine sociale plus que ceux de l'individu. Ainsi l'homme
"libre" selon le bourgeois a la liberté économique parce que cela
promeut la croissance et le progrès; il a
98. Un dernier point doit être précisé
dans cette section : On ne devrait pas considérer que quelqu'un a assez de
liberté simplement parce qu'il DIT qu'il en a assez. La liberté est limitée en
partie par un contrôle psychologique dont les gens sont inconscients, et de
plus les idées de beaucoup sur ce en quoi constitue la liberté sont basées plus
selon les conventions sociales que par leurs besoins réels. Par exemple, il est
probable que beaucoup de gauchistes du type sursocialisé diraient que la plupart
des gens, y compris eux-mêmes sont trop peu socialisés plutôt que trop,
pourtant le gauchiste sursocialisé paye un lourd tribut psychologique pour son
haut niveau de socialisation.
QUELQUES
PRINCIPES DE L'HISTOIRE
99. Pensez à l'histoire comme étant la
somme de deux composantes : un composant erratique qui consiste en
événements imprévisibles qui ne suivent aucun modèle perceptible, et un
composant régulier qui consiste en tendances historiques à long terme. Ici nous
nous intéressons aux tendances à long terme.
100. PREMIER PRINCIPE. Si
un PETIT changement affecte une tendance historique à long terme, l'effet de ce
changement sera presque toujours transitoire - la tendance retournera bientôt à
son état originel. (Exemple : un mouvement de réforme conçu pour nettoyer
la corruption politique dans une société a rarement plus qu'un effet à court
terme; tôt ou tard les réformateurs se détendent et la corruption revient
discrètement. Le niveau de corruption politique dans une société donnée a
tendance à rester constant, ou changer seulement lentement avec l'évolution de
la société. Normalement, un nettoyage politique sera permanent seulement s'il
est accompagné par des changements sociaux étendus; un PETIT changement dans la
société ne suffira pas). Si un petit changement dans une tendance historique à
long terme apparaît permanent, c'est seulement parce que le changement agit
dans la direction dans laquelle la tendance va déjà, si bien que la tendance
n'est pas modifiée, mais seulement poussée en avant.
101. Le premier principe
est presque une tautologie. Si une tendance n'était pas stable vis à vis des
petits changements, elle errerait au hasard plutôt que suivant une direction
définie; autrement dit ce ne serait pas du tout une tendance à long terme.
102. DEUXIÈME PRINCIPE.
Si un changement est suffisamment grand pour changer de manière permanente une
tendance historique à long terme, alors il changera la société dans son
ensemble. Autrement dit, une société est un système dans lequel toutes les
parties sont en corrélation et on ne peut pas en changer de manière permanente
une partie importante sans changer aussi toutes les autres.
103. TROISIÈME PRINCIPE.
Si un changement est assez grand pour changer de manière permanente une
tendance à long terme, alors les conséquences pour la société dans son ensemble
ne peuvent pas être prévues d'avance. (À moins que d'autres sociétés n'aient
subi le même changement et aient toutes connu les mêmes conséquences, dans ce
cas où on peut prévoir empiriquement qu'une autre société qui subirait le même
changement éprouverait probablement des conséquences semblables).
104. QUATRIÈME PRINCIPE.
Une nouvelle sorte de société ne peut pas être conçue sur le papier.
C'est-à-dire qu'on ne peut pas projeter une nouvelle forme de société à
l'avance, la fonder ensuite et s'attendre à ce qu'elle fonctionne comme prévu.
105. Les troisième et
quatrième principes résultent de la complexité des sociétés humaines. Un
changement du comportement humain affectera l'économie d'une société et son
environnement physique; l'économie affectera l'environnement et vice versa et
les changements de l'économie et de l'environnement affecteront le comportement
humain de façons complexes et imprévisibles; et ainsi de suite. Le réseau de
causes et effets est beaucoup trop complexe pour être démêlé et compris.
106. CINQUIÈME PRINCIPE.
Les gens ne choisissent pas consciemment et rationnellement la forme de leur
société. Les sociétés se développent par des processus d'évolution sociale qui
ne sont pas sous un contrôle humain rationnel.
107. Le cinquième
principe est une conséquence des quatre autres.
108. Pour illustrer
cela : D'après le premier principe, en général une tentative de réforme
sociale soit va dans la direction dans laquelle la société se développe de toute
façon (ce qui fait qu'elle accélère simplement un changement qui serait arrivé
tôt ou tard) soit elle a seulement un effet transitoire, de sorte que la
société revient bientôt doucement dans ses vieilles ornières. Pour changer
durablement la direction du développement de n'importe quel aspect important
d'une société, la réforme est insuffisante et la révolution est nécessaire.
(Une révolution n'implique pas nécessairement un soulèvement armé ou le
renversement d'un gouvernement.) Selon le deuxième principe, une révolution ne
change jamais seulement un aspect d'une société; et selon le troisième principe
des changements se produisent que les révolutionnaires n'avaient jamais attendu
ou désiré. Selon le quatrième principe, quand des révolutionnaires ou des utopistes
fondent une nouvelle sorte de société, ça ne se passe jamais comme ils
l'avaient planifié.
109.
110. Cependant, on doit
utiliser le bon sens dans l'application de ces principes. Ils sont exprimés
dans un langage imprécis qui laisse latitude pour l'interprétation et des
exceptions peuvent être trouvées. Donc nous présentons ces principes non pas
comme des lois inviolables, mais comme des principes de base, ou des guides de
pensée, qui peuvent fournir un antidote partiel aux idées naïves sur l'avenir
de la société. On devrait garder ces principes constamment en mémoire et chaque
fois que l'on arrive à une conclusion qui est en contradiction avec eux il
faudrait soigneusement réexaminer sa pensée et ne conserver la conclusion que
si on a des raisons bonnes et solides de le faire.
111. Les principes
ci-dessus aident à montrer combien il serait désespérément difficile de
réformer le système industriel de façon à l'empêcher de rétrécir
progressivement notre sphère de liberté. Il y a une tendance permanente, qui remonte
au moins à
Par conséquent, un tel changement serait transitoire - bientôt
inondé par la marée de l'histoire - ou alors, s'il est assez grand pour être
permanent changerait la nature de notre société entière. Ceci d'après les
premier et deuxième principes. De plus, comme la société serait changée d'une
façon qui ne peut pas être prévue d'avance (troisième principe) ce serait très
risqué. Des changements assez grands pour faire une différence durable en
faveur de la liberté ne seraient pas introduits parce qu'on se rendrait compte
qu'ils perturberaient gravement le système. Donc toute tentative de réforme
serait trop timide pour être efficaces. Même si des changements assez grands
pour faire une différence durable étaient introduits, on les abandonnerait
quand leurs effets perturbateurs seraient devenus apparents. Ainsi, des
changements permanents en faveur de la liberté ne pourraient être provoqués que
par des gens prêts à accepter des altérations radicales, dangereuses et
imprévisible du système entier. Autrement dit, par des révolutionnaires, non
des réformateurs.
112. Ceux qui tiennent à
sauver la liberté sans sacrifier les bénéfices supposés de la technologie
suggéreront des arrangements naïfs pour quelque nouvelle forme de société qui
réconcilierait la liberté avec la technologie. En dehors du fait que les gens
qui font des suggestions proposent rarement des moyens pratiques par lesquels
la nouvelle forme de société pourrait être fondée, il découle du quatrième
principe que même si la nouvelle forme de société pouvait être établie, elle
s'effondrerait ou donnerait des résultats très différents de ceux attendus.
113. Donc même sur des
bases très générales il semble hautement invraisemblable qu'une façon de
changer la société puisse être trouvée qui réconcilierait la liberté avec la
technologie moderne. Dans les quelques sections suivantes nous donnerons des
raisons plus précises de conclure que la liberté et le progrès technologique sont
incompatibles.
LES
RESTRICTIONS A
114. Comme expliqué dans
les paragraphes 65-67, 70-
115. Le système DOIT
forcer les gens à se comporter de façons qui sont de plus en plus éloignées du
modèle naturel de comportement humain. Par exemple, le système a besoin de
scientifiques, de mathématiciens et d'ingénieurs. Il ne peut pas fonctionner
sans eux. Donc une forte pression est mise sur les enfants pour qu'ils
excellent dans ces domaines. Ce n'est pas naturel pour un humain adolescent de
passer la plus grande partie de son temps assis à un bureau absorbé dans les
études. Un adolescent normal veut passer son temps en contact actif avec le
monde réel. Parmi les peuples primitifs les choses que les enfants sont amenés
à faire sont en harmonie naturelle avec les impulsions humaines naturelles.
Chez les Indiens d'Amérique, par exemple, les garçons étaient entraînés dans
des activités extérieures actives - exactement la sorte de choses que les
garçons aiment. Mais dans notre société les enfants sont poussés à étudier des
sujets techniques, ce que la plupart font à contrecoeur.
116. À cause de la
pression constante que le système exerce pour modifier le comportement humain,
il y a une augmentation graduelle du nombre de gens qui ne peuvent pas ou ne
veulent pas s'adapter aux exigences de la société : sangsues sociales,
membres de gangs de jeunes, membres de sectes, rebelles contestataires,
saboteurs écologistes radicaux, marginaux et réfractaires de toutes sortes.
117. Dans toute société
technologiquement avancée le destin de l'individu DOIT dépendre de décisions
qu'il ne peut personnellement influencer significativement. Une société
technologique ne peut pas être éclatée en petites communautés autonomes, parce
que la production dépend de la coopération de très grands nombres de gens et de
machines. Une telle société DOIT être fortement organisée et les décisions qui
DOIVENT être prises affectent de très grands nombres des gens. Quand une
décision affecte, disons, un million de personnes, alors chacun des individus
affectés a, en moyenne, seulement une part d'un millionième dans la décision.
Ce qui arrive est d'habitude en pratique que les décisions sont prises par des
fonctionnaires ou des cadres de société, ou par des spécialistes techniques,
mais même quand le public vote sur une décision le nombre des électeurs est en
général trop grand pour que le vote d'un seul individu soit significatif [17]. Ainsi la plupart des individus sont
incapables d'influencer de façon mesurable les décisions majeures qui affectent
leurs vies. Il n'y a pas de façon concevable d'y remédier dans une société
technologiquement avancée. Le système essaye "de résoudre" ce
problème en utilisant la propagande pour amener les gens à VOULOIR les
décisions qui ont été prises pour eux, mais même si cette "solution"
réussissait complètement à faire les gens se sentir mieux, ils s'aviliraient.
118. Les conservateurs et
quelques autres préconisent plus "d'autonomie locale". Les
communautés locales avaient vraiment autrefois de l'autonomie, mais cette
autonomie devient de moins en moins possible car les communautés locales
deviennent plus intriquées avec et dépendantes de systèmes à grande échelle
comme les services publics, les réseaux informatiques, les réseaux
autoroutiers, les mass-médias, le système médical moderne. Le fait qu'une
technologie appliquée en un endroit affecte souvent les gens à d'autres
endroits éloignés joue aussi contre l'autonomie. Ainsi l'usage de pesticides ou
d'autres produits chimiques près d'un ruisseau peut contaminer l'alimentation
en eau à des centaines de kilomètres en aval, et l'effet de serre affecte le
monde entier.
119. Le système n'existe
pas et ne peut pas exister pour satisfaire les besoins humains. Au contraire,
c'est le comportement humain qui doit être modifié pour s'adapter aux besoins
du système. Cela n'a aucun rapport avec l'idéologie politique ou sociale qui
prétend guider le système technologique. C'est la faute de la technologie,
parce que le système est guidé non par l'idéologie, mais par les nécessités
techniques [18]. Bien sûr le système satisfait beaucoup de
besoins humains, mais en général il le fait seulement dans la mesure où il est
dans l'intérêt du système de le faire. Ce sont les besoins du système qui sont
primordiaux, pas ceux de l'être humain. Par exemple, le système assure leur
nourriture aux gens parce qu'il ne pourrait pas fonctionner si tout le monde
mourait de faim; il fait attention aux besoins psychologiques de gens chaque
fois qu'il peut COMMODÉMENT le faire, parce qu'il ne pourrait pas fonctionner
si trop de gens devenaient déprimés ou rebelles. Mais le système, pour des
raisons bonnes, solides, pratiques, doit exercer une pression constante sur les
gens pour modeler leur comportement aux besoins du système. Trop d'accumulation
d'ordures ? Le gouvernement, les médias, le système éducatif, les
écologistes, chacun nous inonde d'une masse de propagande sur le recyclage.
Besoin de plus de personnel technique ? Un choeur de voix exhorte les
gosses à étudier les sciences. Personne ne s'arrête pour demander s'il n'est
pas inhumain de forcer des adolescents à passer la plus grande partie de leur
temps à étudier des sujets que la plupart d'entre eux détestent. Quand des
travailleurs qualifiés sont mis au chômage par des avancées techniques et
doivent subir "un recyclage", personne ne demande si ce n'est pas
humiliant pour eux d'être bousculés de cette façon. Il est simplement considéré
comme allant de soi que chacun doit se plier aux nécessités techniques et pour
une bonne raison : si les besoins humains étaient mis avant les nécessités
techniques il y aurait des problèmes économiques, du chômage, des pénuries ou
pire. Le concept de "santé mentale" est défini en grande partie dans
notre société par la mesure dans laquelle un individu se comporte en accord
avec les besoins du système et le fait sans montrer de signe de stress.
120. Les efforts pour
faire de la place dans le système à un but dans la vie et à l'autonomie ne sont
qu'une plaisanterie. Par exemple, une société, au lieu de faire assembler à
chacun de ses employés une seule section d'un catalogue, fit assembler à chacun
un catalogue entier et cela était supposé leur donner un objectif et un
sentiment d'accomplissement. Quelques sociétés ont essayé de donner plus
d'autonomie à leurs employés dans leur travail, mais pour des raisons pratiques
cela ne peut d'habitude être fait que dans une mesure très limitée et en tout
cas on ne donne jamais aux employés d'autonomie quant aux buts ultimes - leurs
efforts "autonomes" ne peuvent jamais être dirigés vers des buts
qu'ils choisissent personnellement, mais seulement vers les buts de leur
employeur, comme la survie et la croissance de la société. Toute société qui
permettrait à ses employés d'agir autrement ferait bientôt faillite. De même
dans n'importe quelle entreprise d'un système socialiste, les ouvriers doivent
diriger leurs efforts vers les buts de l'entreprise, autrement l'entreprise ne
remplirait pas son rôle de partie du système. De nouveau, pour des raisons
purement techniques il n'est pas possible pour la plupart des individus ou des
petits groupes d'avoir beaucoup d'autonomie dans la société industrielle. Même
le petit commerçant n'a généralement qu'une autonomie limitée. En dehors de la
nécessité des règlementations du gouvernement, il est limité par le fait qu'il
doit s'insérer dans le système économique et se conformer à ses exigences. Par
exemple, quand quelqu'un développe une nouvelle technologie, le petit
commerçant doit souvent utiliser cette technologie, qu'il le veuille ou non,
pour rester compétitif.
LES 'MAUVAIS'
ASPECTS DE
121. Une raison
supplémentaire pour laquelle la société industrielle ne peut pas être réformée
en faveur de la liberté est que la technologie moderne est un système unifié
dans lequel toutes les parties dépendent l'une de l'autre. On ne peut pas se
débarrasser des "mauvais" aspects de la technologie et conserver seulement
les "bons" aspects. Prenez la médecine moderne, par exemple. Le
progrès dans la science médicale dépend du progrès dans la chimie, la physique,
la biologie, l'informatique et d'autres domaines. Les traitements médicaux
avancés exigent un équipement coûteux, de haute technologie qui ne peut être
rendu disponible que par une société technologiquement progressiste et
économiquement riche. Clairement vous ne pouvez pas avoir beaucoup de progrès
en médecine sans l'ensemble du système technologique et tout ce qui va avec.
122. Même si le progrès
médical pouvait continuer sans le reste du système technologique, il
entraînerait de lui même certains maux. Supposons par exemple que l'on découvre
un remède pour le diabète. Les gens avec une tendance génétique au diabète seront
alors capables de survivre et de se reproduire aussi bien que les autres. La
sélection naturelle contre les gènes du diabète cessera et ces gènes
s'étendront partout dans la population. (C'est peut être déjà le cas dans une
certaine mesure, puisque le diabète, bien que n'étant pas curable, peut être
contrôlé à l'aide de l'insuline). La même chose arrivera avec beaucoup d'autre
maladies qui sont liées à la dégradation génétique de la population. La seule
solution sera une sorte de programme eugénique ou de génie génétique généralisé
des humains, de sorte que l'homme dans l'avenir ne sera plus une création de la
nature, ou du hasard, ou de Dieu (selon vos avis religieux ou philosophiques),
mais un produit manufacturé.
123. Si vous pensez que
le grand gouvernement s'immisce de trop dans votre vie MAINTENANT, attendez
seulement que le gouvernement ne commence à réguler la conposition génétique de
vos enfants. Cette règlementation suivra inévitablement l'introduction du génie
génétique humain, parce que les conséquences du génie génétique non régulé
seraient désastreuses [19].
124. La réponse
habituelle à ces inquiétudes est de parler "du code déontologique".
Mais une déontologie ne servirait pas à protéger la liberté face au progrès
médical; elle ne ferait que rendre pires les problèmes. Une déontologie
applicable au génie génétique serait en pratique le moyen de réguler la
composition génétique des gens. Quelqu'un (probablement la haute bourgeoisie,
surtout) déciderait que telle et telle application du génie génétique sont
"éthiques" et que d'autres ne le sont pas, de sorte qu'en pratique
ils imposeraient leurs propres valeurs à la composition génétique de la
population en général. Même si une déontologie était choisie sur une base
complètement démocratique, la majorité imposerait ses propres valeurs à toute
minorité qui pourrait avoir une idée différente de ce qui constitue une
utilisation "éthique" du génie génétique. La seule déontologie qui
protégerait vraiment la liberté serait celle qui interdirait TOUT génie
génétique humain et vous pouvez être sûrs qu'un tel code ne sera jamais
appliqué dans une société technique. Aucun code qui confinerait le génie
génétique dans un rôle mineur ne pourrait tenir longtemps, parce que la
tentation présentée par le pouvoir immense des biotechnologies serait
irrésistible, d'autant plus que pour la majorité des gens beaucoup de ses
applications sembleront bonnes de façon évidente et explicite (l'élimination
des maladies physiques et mentales, l'octroi aux gens des capacités dont ils
doivent disposer dans le monde d'aujourd'hui). Inévitablement, le génie
génétique sera utilisé largement, mais seulement de façons compatibles avec les
besoins du système industrialo-technologique. [20]
125. Il n'est pas
possible d'obtenir un compromis DURABLE entre la technologie et la liberté,
parce que la technologie est de beaucoup la force sociale la plus puissante et
empiète continuellement sur la liberté par des compromis RÉPÉTÉS. Imaginez le
cas de deux voisins, dont chacun possède au début la même quantité de terre,
mais un des deux est plus puissant que l'autre. Le puissant exige un morceau de
la terre de l'autre. Le faible refuse. Le puissant dit, "OK, faisons un
compromis. Donnez-moi à la moitié de ce que j'ai demandé." Le faible n'a que
le choix de céder. Quelque temps plus tard le voisin puissant exige un autre
morceau de terre, de nouveau il y a un compromis, et ainsi de suite. En
imposant une longue série de compromis au plus faible, le puissant obtient
finalement toute sa terre. Il en va ainsi du conflit entre la technologie et la
liberté.
126. Expliquons pourquoi
la technologie est une force sociale plus puissante que l'aspiration vers la
liberté.
127. Une avancée
technique qui semble ne pas menacer la liberté s'avère souvent la menacer très sérieusement
plus tard. Considérons, par exemple, le transport motorisé. Un piéton pouvait
autrefois aller où il voulait, à son propre pas sans observer aucun code de la
route et était indépendant des systèmes de soutien techniques. Quand les
véhicules automobiles ont été introduits ils semblaient augmenter la liberté de
l'homme. Ils ne diminuaient pas la liberté du piéton, personne n'était obligé
d'avoir une automobile s'il ne le voulait pas et quiconque voulait acheter une
automobile pouvait voyager beaucoup plus vite qu'un piéton. Mais l'introduction
du transport motorisé a bientôt changé la société d'une façon telle qu'il
limite énormément la liberté du piéton. Quand les automobiles sont devenues
nombreuses, il est devenu nécessaire de réguler de façon importante leur
utilisation. Dans une voiture, particulièrement dans les secteurs très peuplés,
on ne peut pas juste aller où on veut à sa propre allure, son mouvement est
dirigé par le flux de trafic et selon diverses règles de circulation. On est
lié par diverses obligations : obligation du permis de conduire,
immatriculation, assurance, contrôle technique, remboursements d'emprunt. De
plus, l'utilisation du transport motorisé n'est plus facultative. Depuis
l'introduction du transport motorisé l'organisation de nos villes a changé
d'une façon telle que la majorité des gens ne vit plus à une distance de leur
emploi, des centres commerciaux et des lieux de loisirs compatible avec la
marche, ce qui fait qu'ils DOIVENT dépendre de l'automobile pour le transport.
Ou alors ils doivent utiliser les transports en commun, et dans ce cas ils ont
encore moins de contrôle sur leur mouvement qu'en conduisant une voiture. Même
la liberté du piéton est maintenant énormément limitée. Dans la ville il doit
continuellement s'arrêter et attendre les feux de signalisation qui sont conçus
principalement pour servir le trafic automobile. A la campagne, la circulation
automobile rend dangereux et désagréable de marcher le long des routes. (Notez
le point important que nous avons illustré par le cas du transport
motorisé : Quand un nouvel élément de technologie est introduit comme une
option qu'un individu peut accepter ou non comme il le veut, cela ne RESTE pas
nécessairement facultatif. Dans de nombreux cas la nouvelle technologie change
la société d'une façon telle que les gens se trouvent finalement OBLIGÉS de
l'utiliser).
128. Tandis que le
progrès technologique COMME UN TOUT restreint continuellement notre sphère de
liberté, chaque nouvelle avancée technologique CONSIDÉRÉE ISOLÉMENT semble
désirable. L'électricité, la plomberie intérieure, les communications rapides à
longue distance ... quels arguments pourrait on avoir contre une de ces choses,
ou contre toute autre des innombrables avancées technologiques qui ont fait la
société moderne ? Il aurait été absurde de résister à l'introduction du
téléphone, par exemple. Il offrait beaucoup d'avantages et aucun inconvénient.
Pourtant comme nous l'avons expliqué dans les paragraphes 59-76, toutes ces avancées techniques prises
ensemble ont créé un monde dans lequel le destin de l'homme moyen n'est plus
entre ses propres mains ou entre les mains de ses voisins et amis, mais dans
celles de politiciens, de cadres de société et des techniciens et bureaucrates
distants et anonymes que comme individu il n'a aucun pouvoir d'influencer [21]. Le même processus continuera dans l'avenir.
Prenez le génie génétique, par exemple. Peu de gens résisteront à
l'introduction d'une technique génétique qui élimine une maladie héréditaire.
Elle ne fait aucun mal apparent et empêche beaucoup de souffrance. Pourtant un
grand nombre d'améliorations génétiques prises ensemble feront de l'être humain
un produit manufacturé plutôt qu'une création libre du hasard (ou de Dieu, ou
de ce que vous voulez, selon vos croyances religieuses).
129. Une autre raison
pour laquelle la technologie est une force sociale si puissante est que, dans
le contexte d'une société donnée, le progrès technologique avance dans une
seule direction; il ne peut jamais être inversé complètement. Une fois qu'une
innovation technique a été introduite, les gens en deviennent d'habitude dépendants,
à moins qu'elle ne soit remplacée par une autre innovation encore plus avancée.
Non seulement les gens deviennent dépendants en tant qu'individus d'un nouvel
élément de technologie, mais, même, le système dans son ensemble en devient
dépendant. (Imaginez ce qui arriverait aujourd'hui au système si les
ordinateurs, par exemple, étaient éliminés). Ainsi le système ne peut évoluer
que dans une direction, vers plus de technologisation. La technologie force de
façon répétée la liberté à faire un pas en arrière - à moins de renverser le
système technologique en son entier.
130. La technologie
avance avec grande rapidité et menace la liberté en beaucoup de points
différents en même temps (surpopulation, règles et règlements, dépendance
croissante des individus de grandes organisations, propagande et autres
techniques psychologiques, génie génétique, ingérences dans la vie privée par
des dispositifs de surveillance et les ordinateurs, etc). Arrêter CHACUNE des
menaces à la liberté exigerait une longue lutte sociale différente. Ceux qui
veulent protéger la liberté sont écrasés par le seul nombre de nouvelles
attaques et la rapidité avec laquelle elles se développent, par là ils
deviennent apathiques et ne résistent plus. Combattre chacune des menaces
séparément serait futile. On ne peut espérer le succès qu'en luttant contre le
système technologique dans son ensemble; mais c'est une révolution pas une
réforme.
131. Les techniciens
(nous utilisons ce terme dans son sens large pour décrire ceux qui exécutent
une tâche spécialisée qui demande une formation) ont tendance à être si
impliqués dans leur travail (leur activité de substitution) que quand un
conflit surgit entre leur travail technique et la liberté, ils se décident
presque toujours en faveur de leur travail technique. C'est évident dans le cas
des scientifiques, mais cela apparaît aussi ailleurs : les éducateurs, les
groupes humanitaires, les organisations écologistes n'hésitent pas à utiliser
la propagande ou d'autres techniques psychologiques pour réaliser leurs fins
louables. Les entreprises et les agences gouvernementales, quand elles le
trouvent utile, n'hésitent pas à collecter des information sur les individus
sans respect pour leur vie privée. Les organes de police sont fréquemment gênés
par les droits constitutionnels des suspects et souvent de personnes totalement
innocentes et ils font légalement (ou parfois illégalement) ce qu'ils peuvent
pour limiter ou circonvenir ces droits. La plupart de ces éducateurs et,
fonctionnaires civils et de police croient en la liberté, la vie privée et les
droits constitutionnels, mais quand ceux ci entrent en conflit avec leur
travail, ils estiment la plupart du temps que leur travail est plus important.
132. Il est bien connu
que les gens travaillent généralement mieux et de façon plus déterminée en
luttant pour une récompense qu'en essayant d'éviter une punition ou un résultat
négatif. Les scientifiques et les autres techniciens sont motivés
principalement par la récompense qu'ils trouvent dans leur travail. Mais ceux
qui s'opposent aux invasions technologiques de la liberté travaillent pour
éviter un résultat négatif, par conséquent ils ne sont que peu à travailler
bien et de façon déterminée à cette tâche décourageante. Si les réformateurs
remportaient jamais une victoire significative qui semblait fonder une barrière
solide contre de nouvelles érosions de la liberté par le progrès technologique,
la plupart aurait tendance à se détendre et à tourner leur attention vers des
activités plus agréables. Mais les scientifiques resteraient occupés dans leurs
laboratoires et la technologie en progressant trouverait des moyens, quelles
que soient les barrières, d'exercer de plus en plus de contrôle sur les
individus et de les rendre toujours plus dépendants du système.
133. Aucune disposition
sociale, ni lois, ni institution, ni coutume ou code déontologique, ne peut
assurer de protection permanente contre la technologie. L'histoire montre que
toutes les dispositions sociales sont transitoires; Elles finissent toutes par
changer ou s'écrouler. Mais les avancées technologiques sont permanentes dans
le contexte d'une civilisation donnée. Supposons par exemple qu'il soit
possible de parvenir à quelque disposition sociale qui empêcherait le génie
génétique d'être appliqué aux humains, ou l'empêcherait d'être appliqué de
façon à menacer la liberté et la dignité. Cela n'empêcherait pas la technologie
d'attendre. Tôt ou tard la disposition sociale s'écroulerait. Plus probablement
tôt, étant donné le rythme des changements de notre société. Alors le génie
génétique commencerait à envahir notre sphère de liberté et cette invasion
serait irréversible (à moins de l'écroulement de la civilisation technologique
elle-même). Toute illusion sur la réalisation de quoi que ce soit de permanent
par des dispositions sociales devrait être dissipée par ce qui arrive
actuellement avec la législation environnementale. Il y a quelques années il
semblait qu'il y avait des barrières légales solides pour empêcher au moins
certaines des pires formes de dégradation environnementale. Un changement du
vent politique et ces barrières commence à s'effondrer.
134. Pour toutes les
raisons précédentes, la technologie est une force sociale plus puissante que
l'aspiration vers la liberté. Mais cette affirmation nécessite une restriction
importante. Il semble que pendant les prochaines décennies le système
industrialo-technologique subira des tensions sévères en raison des problèmes
économiques et environnementaux et particulièrement en raison des problèmes de
comportement humain (aliénation, rébellion, hostilité, diverses difficultés
sociales et psychologiques). Nous espérons que les tensions par lesquelles le
système va probablement passer causeront son effondrement, ou au moins
l'affaiblissent suffisamment pour qu'une révolution se produise et soit
couronnée de succès, alors à ce moment particulier l'aspiration vers la liberté
se sera montrée plus forte que la technologie.
135. Dans le paragraphe 125 nous avons utilisé l'analogie avec un voisin
faible qui est dépouillé par un voisin fort qui prend toute sa terre en lui
imposant une série de compromis. Mais supposez maintenant que le voisin fort
tombe malade, de sorte qu'il soit incapable de se défendre. Le voisin faible
peut obliger le fort à lui rendre sa terre, ou il peut le tuer. S'il laisse
l'homme fort survivre et le force seulement à rendre sa terre, il est un
imbécile, parce que quand l'homme fort ira bien il prendra de nouveau toute la
terre pour lui. La seule alternative sensée pour l'homme plus faible est de
tuer le fort pendant qu'il en a la possibilité. De la même manière, pendant que
le système industriel est malade nous devons le détruire. Si nous acceptons un
compromis avec lui et le laissons se remettre de sa maladie, il finira par
balayer toute notre liberté.
LES PROBLÈMES
SOCIAUX LES PLUS SIMPLES SE SONT MONTRÉS INSOLUBLES
136. Si quelqu'un imagine
encore qu'il serait possible de réformer le système de façon à protéger la liberté
de la technologie, demandons lui de considérer combien notre société a traité
maladroitement et en général sans succès d'autres problèmes sociaux beaucoup
plus simples et immédiats. Entre autres, le système a échoué à arrêter la
dégradation environnementale, la corruption politique, le traffic de drogue ou
la violence domestique.
137. Prenons nos
problèmes environnementaux, par exemple. Ici le conflit de valeurs est
simple : l'opportunisme économique immédiat contre le sauvetage de
certaines de nos ressources naturelles pour nos petits-enfants [22]. Mais sur ce sujet tout ce que nous obtenons
c'est beaucoup de blabla et de faux-fuyants de la part des gens qui ont le
pouvoir, et aucune ligne claire, cohérente d'action et nous continuons à
accumuler des problèmes environnementaux avec lesquels nos petits-enfants
devront vivre. Les tentatives pour résoudre les problèmes environnementaux
consistent en luttes et compromis entre des factions différentes, dont
certaines sont prépondérantes à un moment, d'autres à un autre moment. Le plan
d'attaque change avec les courants changeants de l'opinion publique. Ce n'est
pas un processus rationnel, ni qui est susceptible de mener à une solution du
problème opportune et couronnée de succès. Les problèmes sociaux majeurs, si
tant est qu'ils soient "résolus", le sont rarement ou jamais par un
plan raisonnable et complet. Ils se mettent juste en place par un processus
dans lequel différents groupes en compétition cherchant leur propre intérêt
personnel (ordinairement à court terme) [23] arrivent (principalement par hasard) à quelque
modus vivendi plus ou moins stable. En fait, les principes que nous avons
formulés dans les paragraphes 100-106 rendent douteux qu'une planification
sociale rationnelle et à long terme puisse JAMAIS être couronnée de succès.
138. Ainsi il est clair
que la race humaine a au mieux une capacité très limitée à résoudre des
problèmes sociaux même relativement simples. Comment alors va-t-elle résoudre
le problème beaucoup plus difficile et subtil de réconcilier la liberté avec la
technologie ? La technologie présente des avantages matériels nets, tandis
que la liberté est une abstraction qui signifie des choses différentes pour des
gens différents et sa perte est facilement obscurcie par la propagande et le
baratin.
139. Et notons cette
différence importante : il est concevable que nos problèmes
environnementaux (par exemple) puissent un jour être résolus par un plan
raisonnable, complet, mais si cela arrive ce sera seulement parce qu'il est
dans l'intérêt à long terme du système de résoudre ces problèmes. Mais il n'est
PAS dans l'intérêt du système de préserver l'autonomie des petits groupes ou la
liberté. Au contraire, il est dans l'intérêt du système de mettre le
comportement humain sous contrôle dans la mesure la plus grande possible [24]. Ainsi, tandis que des considérations
pratiques peuvent finalement forcer le système à prendre une approche
rationnelle et prudente des problèmes environnementaux, des considérations
également pratiques forceront le système à réguler le comportement humain
toujours plus étroitement (de préférence par des moyens indirects qui
masqueront les empiétements sur la liberté). Nous ne sommes pas les seuls à le
dire. D'éminents spécialistes des sciences humaines (par exemple James Q.
Wilson) ont souligné l'importance "de socialiser" plus efficacement
les gens.
140. Nous espérons avoir
convaincu le lecteur que le système ne peut pas être réformé pour réconcilier
la liberté avec la technologie. La seule issue est de se passer totalement du
système industrialo-technologique. Cela implique une révolution, pas
nécessairement un soulèvement armé, mais certainement un changement radical et
fondamental de la nature de la société.
141. Les gens ont
tendance à supposer que, parce qu'une révolution implique un changement
beaucoup plus grand qu'une réforme, elle est plus difficile à provoquer que la
réforme. En réalité, dans certaines circonstances une révolution est beaucoup
plus facile qu'une réforme. La raison en est qu'un mouvement révolutionnaire
peut inspirer une intensité d'engagement qu'un mouvement de réforme ne peut pas
inspirer. Un mouvement de réforme offre simplement de résoudre un problème
social particulier. Un mouvement révolutionnaire offre de résoudre tous les
problèmes d'un coup et de créer un monde entièrement nouveau; il fournit la
sorte d'idéal pour lequel les gens prendront de grands risques et feront de grands
sacrifices. Pour ces raisons il serait beaucoup plus facile de renverser le
système technologique en entier que de mettre des contraintes efficaces et
permanentes sur le développement d'applications de n'importe quel segment de la
technologie, comme le génie génétique, mais dans des conditions appropriées un
grand nombre de gens pourraient se consacrer passionnément à une révolution
contre le système industrialo-technologique. Comme nous l'avons noté dans le
paragraphe 132, les réformateurs qui chercheraient à limiter
certains aspects de la technologie travailleraient pour éviter un résultat
négatif. Mais les révolutionnaires travaillent pour gagner une récompense
puissante - l'accomplissement de leur vision révolutionnaire - et travaillent
donc plus dur et avec plus de persévérance que les réformateurs.
142. La réforme est
toujours restreinte par la crainte de conséquences douloureuses si les
changements vont trop loin. Mais une fois qu'une fièvre révolutionnaire s'est
emparée d'une société, les gens sont d'accord pour subir des privations
illimitées pour leur révolution. Ceci a été clairement mis en évidence par les
Révolutions Française et Russe. Il se peut que dans ces cas une minorité
seulement de la population est vraiment engagée pour la révolution, mais cette
minorité est suffisamment grande et active pour devenir la force dominante de
la société. Nous en aurons plus à dire sur la révolution dans les paragraphes 180-205.
LE CONTRÔLE
DU COMPORTEMENT HUMAIN
143. Depuis le début de
la civilisation, les sociétés organisées ont dû imposer des pressions sur les
gens pour faire fonctionner l'organisme social [25]. Les genres de pressions varient énormément
d'une société à un autre. Certaines pressions sont physiques (nourriture
insuffisante, travail excessif, pollution environnementale), certains sont
psychologiques (bruit, surpopulation, contrainte du comportement des gens dans
le moule que la société nécessite). Dans le passé, la nature humaine a été
approximativement constante, ou en tout cas n'a varié que dans certaines
limites. Par conséquent, les sociétés n'ont été capables de pousser les gens
que jusqu'à certaines limites. Quand on a dépassé la limite de l'endurance
humaine, les choses ont commencé à aller mal : rébellion, ou crime, ou
corruption, ou évasion du travail, ou dépression et autres problèmes mentaux,
ou taux de mortalité élevé, ou taux de natalité en baisse ou autre chose, ce
qui fait que que la société s'écroulait, ou que son fonctionnement devenait
trop inefficace et elle était (rapidement ou graduellement, par conquête,
désertion ou évolution) remplacée par une forme plus efficace de société.
144. Ainsi la nature humaine a dans le passé mis certaines
limites au développement des sociétés. Les gens pouvaient être poussés
seulement jusqu'à un certain point et pas plus loin. Mais aujourd'hui ceci peut
changer, parce que la technologie moderne développe des façons de modifier les
humains.
145. Imaginons une
société qui soumet les gens à des conditions qui les rendent terriblement
malheureux, puis leur donne des drogues pour effacer leur tristesse.
Science-fiction ? Cela arrive déjà dans une certaine mesure dans notre
propre société. Il est bien connu que le taux de dépression clinique a
énormément augmenté dans les dernières décennies. Nous croyons que c'est en
raison de la perturbation du processus de pouvoir, comme expliqué dans les
paragraphes 59-76. Mais même si nous avons tort,
l'augmentation du taux de dépression est certainement le résultat de CERTAINES
conditions qui existent dans la société d'aujourd'hui. Au lieu de supprimer les
conditions qui sont la cause des dépressions, la société moderne donne aux gens
des antidépresseurs. En fait, les antidépresseurs sont un moyen de modifier
l'état interne d'un individu de façon à lui permettre de tolérer des conditions
sociales qu'il trouverait sinon intolérable. (Oui, nous savons que la
dépression est souvent d'origine purement génétique. Nous nous référons ici aux
cas où l'environnement joue le rôle prédominant.)
146. Les drogues qui
affectent l'esprit ne sont qu'un exemple des méthodes de contrôle du
comportement humain que la société moderne développe. Examinons d'autres
méthodes.
147. Pour commencer, il y
a les techniques de surveillance. Des caméras vidéo cachées sont maintenant
utilisées dans la plupart des magasins et en beaucoup d'autres endroits, les
ordinateurs sont utilisés pour collecter et traiter d'énormes quantités
d'information sur les individus. L'information ainsi obtenue augmente
énormément l'efficacité de la contrainte physique (c'est-à-dire la police) [26]. Puis il y a les méthodes de propagande,
auxquelles les mass-médias fournissent des véhicules efficaces. Des techniques
efficaces ont été développées pour gagner les élections, vendre des produits,
influencer l'opinion publique. L'industrie du spectacle est un outil
psychologique important du système, même probablement quand il diffuse des
grandes quantités de sexe et de violence. Le divertissement fournit à l'homme
moderne un moyen essentiel d'évasion. Pendant qu'il est absorbé par la
télévision, les vidéos, etc, il peut oublier le stress, l'inquiétude, la
frustration, l'inassouvissement. Beaucoup de primitifs, quand ils n'ont pas de
travail à faire, sont très heureux de rester assis pendant des heures à ne rien
faire du tout, parce qu'ils sont en paix avec eux mêmes et leur monde. Mais la
plupart des gens modernes doivent être constamment occupés ou distraits, sinon
ils "s'emmerdent", c'est-à-dire qu'ils deviennent agités, mal à
l'aise, irritables.
148. D'autres techniques
frappent plus profond que les précédentes. L'éducation n'est plus simplement
une histoire de fesser un gosse quand il ne sait pas ses leçons et lui caresser
la tête quand il les sait bien. Cela devient une technique scientifique pour
contrôler le développement de l'enfant. Les Sylvan Learning Centers, par
exemple, ont eu beaucoup de succès en motivant les enfants pour étudier et des
techniques psychologiques sont aussi utilisées avec plus ou moins de succès
dans beaucoup d'écoles conventionnelles. Les techniques "d'éducation"
que l'on apprend aux parents sont conçues pour faire accepter par les enfants
les valeurs fondamentales du système et qu'ils se comportent de façons que le
système trouve désirable. Les programmes de "santé mentale", les
techniques "d'intervention", la psychothérapie etc. sont apparemment
conçus au profit des individus, mais en pratique ils servent en général à
inciter les individus à penser et se comporter comme le système le nécessite.
(Il n'y a aucune contradiction ici; un individu dont l'attitude ou le
comportement le mettent en conflit avec le système se bat contre une force qui
est trop puissante pour qu'il la vainque ou lui échappe, par là il va
probablement souffrir de stress, de frustration, d'échec. Sa voie sera beaucoup
plus facile s'il pense et se comporte comme le système le veut. En ce sens le
système agit en faveur de l'individu quand il le rend conforme par un lavage de
cerveau). Les mauvais traitements aux enfants sous leur forme brutale et
évidente sont désapprouvés dans la plupart sinon toutes les cultures. Torturer
un enfant pour une raison insignifiante ou aucune raison du tout est quelque
chose qui épouvante presque tout le monde. Mais beaucoup de psychologues
interprètent le concept de mauvais traitements beaucoup plus largement. La
fessée, utilisée comme partie d'un système rationnel et cohérent de discipline,
est elle un mauvais traitement ? La question sera en fin de compte décidée
suivant que la fessée a tendance ou non à produire un comportement qui rend la
personne bien adaptée au système de société existant. En pratique, l'expression
"mauvais traitement" a tendance à être interprétée pour inclure
n'importe quelle méthode pédagogique qui produit un comportement qui pose
problème au système. Ainsi, quand ils vont au-delà de la prévention de la
cruauté évidente et insensible, les programmes pour empêcher "les mauvais
traitements aux enfants" sont dirigés vers le contrôle du comportement
humain par le système.
149. Vraisemblablement,
la recherche continuera à augmenter l'efficacité des techniques psychologiques
pour contrôler le comportement humain. Mais nous pensons qu'il est peu probable
que des techniques psychologiques seules seront suffisantes pour ajuster les
humains au type de société que la technologie est en train de créer. Des
méthodes biologiques devront probablement être utilisées. Nous avons déjà
mentionnné l'utilisation de drogues dans ce but. La neurologie peut fournir
d'autres voies pour modifier l'esprit humain. Le génie génétique des humains
commence déjà à arriver sous la forme de la "thérapie génique," et il
n'y a aucune raison de supposer que de telles méthodes ne seront pas finalement
utilisées pour modifier les aspects du corps qui affectent le fonctionnement de
l'esprit.
150. Comme nous l'avons
mentionné dans le paragraphe 134, il semble probable que la société
industrielle va entrer dans une période de difficultés sévères, due en partie
aux problèmes de comportement humain et en partie aux problèmes économiques et
environnementaux. Et une proportion considérable des problèmes économiques et
environnementaux du système résulte de la façon dont les gens se comportent.
Aliénation, mauvaise opinion de soi, dépression, hostilité, rébellion; enfants
qui refusent d'étudier, gangs de jeunes, utilisation de drogues illégales, viols,
mauvais traitements aux enfants, autres crimes, sexe non protégé, grossesses
adolescentes, croissance démographique, corruption politique, haine raciale,
rivalité ethnique, sévères conflits idéologiques (par exemple pour ou contre
l'avortement), extrémisme politique, terrorisme, sabotage, groupes
contestataires, groupes de haine. Tout ces problèmes menacent la survie même du
système. Le système sera FORCÉ d'utiliser tous les moyens pratiques de
contrôler le comportement humain.
151. La rupture sociale
que nous voyons aujourd'hui n'est certainement pas le résultat du hasard. Elle
ne peut être que le résultat des conditions de vie que le système impose aux
gens. (Nous avons soutenu que la plus importante de ces conditions est la
perturbation du processus de pouvoir). Si le système réussit à imposer un
contrôle suffisant du comportement humain pour assurer sa propre survie, une
nouvelle ligne de partage dans l'histoire humaine aura été passée. Alors
qu'autrefois les limites de l'endurance humaine imposaient des limites au
développement des sociétés (comme nous l'avons expliqué dans les paragraphes 143, 144), la société industrialo-technologique
sera capable de dépasser ces limites en modifiant les humains, par des méthodes
psychologiques ou des méthodes biologiques ou les deux. Dans le futur, les
systèmes sociaux ne seront pas ajustés pour répondre aux besoins des humains.
Au contraire, l'être humain sera ajusté pour répondre aux besoins du système [27].
152. En général, le
contrôle technologique du comportement humain ne sera probablement pas
introduit dans une intention totalitaire ou même par un désir conscient de
limiter la liberté humaine [28]. Chaque nouvelle étape dans l'affirmation du
contrôle de l'esprit humain sera prise comme réponse rationnelle à un problème
qui se pose à la société, comme soigner l'alcoolisme, réduire la criminalité ou
inciter les jeunes à étudier la science et l'ingénierie. Dans de nombreux cas,
il y aura une justification humanitaire. Par exemple, quand un psychiatre
prescrit un antidépresseur à un patient dépressif, il fait clairement une
faveur à cet individu. Il serait inhumain de refuser un médicament à quelqu'un
qui en a besoin. Quand les parents envoient à leurs enfants aux Sylvan Learning
Centers pour qu'ils soient manipulés pour devenir enthousiastes envers leurs
études, ils le font par souci du bien-être de leur enfant. Il se peut que
certains de ces parents regrettent que l'on doive faire une formation
spécialisée pour obtenir un travail et que leur gosse doive subir un lavage de
cerveau pour devenir un fou d'informatique. Mais que peuvent-ils faire ?
Ils ne peuvent pas changer la société et leur enfant pourrait ne pas trouver de
travail s'il n'a pas certaines compétences. Donc ils l'envoient à Sylvan.
153. Ainsi le contrôle du
comportement humain sera introduit non par une décision calculée des autorités,
mais par un processus d'évolution sociale (évolution RAPIDE, toutefois). Il
sera impossible de résister au processus, parce que chaque avancée, considérée
isolément, semblera être avantageuse, ou au moins le mal impliqué dans
l'avancée semblera être moindre que celui qui résulterait d'y renoncer (voir le
paragraphe 127). La propagande est par exemple souvent
utilisée en vue de buts bénéfiques, tels que décourager les mauvais traitements
aux enfants ou la haine raciale [14]. L'éducation sexuelle est évidemment utile,
cependant l'effet de l'éducation sexuelle (dans la mesure où elle est efficace)
est de priver la famille de la formation des attitudes sexuelles pour mettre
celle ci dans les mains de l'Etat représenté par le système scolaire public.
154. Supposons que l'on
découvre un trait biologique qui augmente la probabilité qu'un enfant deviendra
un criminel et supposons qu'une quelconque thérapie génique puisse supprimer ce
trait [29]. Bien sûr la plupart des parents dont les
enfants possèdent ce trait leur feront subir la thérapie. Il serait inhumain de
faire autrement, puisque l'enfant aurait probablement une vie malheureuse s'il
devenait un criminel. Mais beaucoup ou la plupart des sociétés les plus
primitives ont une criminalité faible en comparaison de celle de notre société,
bien qu'ils n'aient ni méthodes pédagogique high-tech ni punitions sévères.
Puisqu'il n'y a aucune raison de supposer que plus d'hommes modernes que
d'hommes primitifs ont des tendances agressives innées, la haute criminalité de
notre société doit être due aux pressions que les conditions modernes mettent
sur les gens, auxquelles beaucoup ne peuvent pas ou ne veulent pas s'adapter.
Ainsi un traitement conçu pour supprimer des tendances criminelles potentielles
est au moins en partie une façon de re-fabriquer les gens pour qu'ils soient
adaptés aux nécessités du système.
155. Notre société a
tendance à considérer comme "une maladie" tout mode de pensée ou de
comportement qui est incommode pour le système et ceci est plausible parce que
quand un individu ne s'insère pas dans le système cela cause une douleur à
l'individu ainsi que des problèmes pour le système. Ainsi la manipulation d'un
individu pour l'adapter au système est vue comme "un remède" à
"une maladie" et donc comme bénéfique.
156. Dans le paragraphe 127 nous avons mis en évidence que si
l'utilisation d'un nouvel élément de technologie est INITIALEMENT facultatif,
cela ne RESTE pas nécessairement facultatif, parce que la nouvelle technologie
tend à changer la société de telle façon que cela devient difficile ou
impossible pour un individu de fonctionner sans utiliser cette technologie.
Cela s'applique aussi à la technologie du comportement humain. Dans un monde
dans lequel la plupart des enfants subissent un programme pour les rendre
enthousiastes envers les études, un parent sera presque forcé de faire subir ce
programme à son gosse, parce que s'il ne le fait pas, alors le gosse deviendra,
comparativement, un ignare et donc un futur chômeur. Ou supposons que l'on
découvre un traitement biologique qui, sans effets secondaires indésirables,
réduirait énormément le stress psychologique dont tant de personnes souffrent
dans notre société. Si un grand nombre de gens veulent subir le traitement,
alors le niveau général de stress dans la société sera réduit, de sorte qu'il
sera possible pour le système d'augmenter les pressions qui produisent le
stress. En fait, quelque chose de ce genre semble déjà être arrivé avec un des
outils psychologiques les plus importants de notre société qui permet aux gens
de réduire le stress (ou au moins d'y échapper temporairement) , à savoir, le
divertissement de masse (voir le paragraphe 147). Notre utilisation du divertissement de masse
est "facultative" : Aucune loi n'exige que nous regardions la
télévision, écoutions la radio, lisions des magazines. Néanmoins le
divertissement de masse est un moyen d'évasion et de réduction du stress dont
la plupart d'entre nous est devenu dépendant. Tout le monde se plaint de la
mauvaise qualité de la télévision, mais presque tout le monde la regarde.
Certains se sont débarrassés de l'habitude de la télé, mais exceptionnel est
celui qui pourrait aujourd'hui se passer de TOUTE forme de divertissement de
masse. (Pourtant jusqu'à tout à fait récemment dans l'histoire humaine la
plupart des gens se portaient très bien sans autre divertissement que celui que
chaque communauté locale créait pour elle même). Sans l'industrie du spectacle
le système n'aurait probablement pas été capable d'échapper aux conséquences
d'induire autant de stress sur nous qu'il le fait.
157. En supposant que la
société industrielle survive, il est probable que la technologie acquerra
finalement quelque chose qui s'approchera du contrôle complet du comportement
humain. Il a été établi sans le moindre doute raisonnable que la pensée et le
comportement humain ont une base en grande partie biologique. Comme les
expérimentateurs l'ont démontré, des sentiments comme la faim, le plaisir, la
colère et la crainte peuvent être déclenchés et supprimés par stimulation
électrique des parties appropriées du cerveau. La mémoire peut être effacées en
abîmant des parties du cerveau ou amenée à la surface par stimulation
électrique. Des hallucinations peuvent être induites ou l'humeur changée par
des drogues. Il peut ou non y avoir une âme humaine immatérielle, mais s'il y
en a une elle est clairement moins puissante que les mécanismes biologiques du
comportement humain. Car si ce n'était pas le cas alors les chercheurs ne
seraient pas capables de manipuler si facilement les sentiments humains et le comportement
avec des drogues et des courants électriques.
158. Ce serait sans doute
peu pratique d'insérer des électrodes dans la tête de tous les gens pour qu'ils
puissent être contrôlés par les autorités. Mais le fait que les pensées et les
sentiments humains sont si ouverts aux interventions biologiques montre que le
problème de contrôler le comportement humain est principalement un problème
technique; un problème de neurones, d'hormones et de molécules complexes; le
genre de problème qui est accessible à l'attaque scientifique. Étant donnés les
résultats remarquable de notre société dans la résolution des problèmes
techniques, il est plus que probable que de grandes avancées seront faites dans
le contrôle du comportement humain.
159. La résistance publique
empêchera-t-elle l'introduction du contrôle technologique du comportement
humain ? Certainement si on tentait de le faire d'un coup. Mais comme le
contrôle technologique sera introduit par une longue séquence de petites
avancées, il n'y aura aucune résistance publique rationnelle et efficace. (Voir
les paragraphes 127,132, 153).
160. À ceux qui pensent
que tout ceci ressemble à de la science-fiction, nous signalons que la
science-fiction d'hier est la réalité d'aujourd'hui.
161. Mais nous
anticipons. C'est une chose de développer en laboratoire une série de
techniques psychologiques ou biologiques pour manipuler le comportement humain
et tout à fait autre chose d'intégrer ces techniques dans un système social qui
fonctionne. Ce dernier problème est le plus difficile des deux. Par exemple,
tandis que les techniques de psychologie éducative fonctionnent sans aucun
doute tout à fait bien dans les "écoles expérimentales" où elles sont
développées, il n'est pas nécessairement facile de les appliquer efficacement
partout dans notre système éducatif. Nous savons tous à quoi beaucoup de nos
écoles ressemblent. Les enseignants sont trop occupés à confisquer les couteaux
et les armes à feu des gosses pour les soumettre aux dernières techniques qui
en feront des dingues d'informatiques. Ainsi, malgré toutes ses avancées
techniques touchant au comportement humain le système n'a pas jusqu'à présent
eu un succès impressionnant pour contrôler les êtres humains. Les gens dont le
comportement est assez bien sous le contrôle du système sont ceux du type qui
pourrait être appelé "bourgeois". Mais il y a un nombre croissant de
gens qui sont d'une manière ou d'une autre des rebelles contre le système :
sangsues sociales, gangs de jeunes, membres de sectes, satanistes, nazis,
écologistes radicaux, miliciens, etc.
162. Le système est
actuellement engagé dans une lutte désespérée pour surmonter certains problèmes
qui menacent sa survie, parmi lesquels les problèmes de comportement humain
sont les plus importants. Si le système réussit assez rapidement dans
l'acquisition d'un contrôle suffisant du comportement humain, il survivra
probablement. Autrement il s'écroulera. Nous pensons que la question sera très
probablement résolue dans les prochaines décennies, disons 40 à 100 ans.
163. Supposons que le
système réchappe de la crise des prochaines décennies. À ce moment-là il devra
avoir résolu, ou au moins mis sous contrôle, les principaux problèmes qui se
présentent à lui, en particulier celui de "socialiser" les êtres
humains; c'est-à-dire rendre les gens suffisamment dociles pour que leur
comportement ne menace plus le système. Ceci accompli, il apparaît qu'il n'y
aurait pas de nouvel obstacle au développement de la technologie et il
avancerait vraisemblablement vers sa conclusion logique, qui est le contrôle
complet de tout sur
164. N'imaginons pas que
le système arrêtera de développer de nouvelles techniques pour contrôler les
êtres humains et la nature une fois que la crise des prochaines décennies sera
passée et qu'un contrôle croissant ne sera plus nécessaire pour la survie du
système. Au contraire, une fois que les temps difficiles seront passés le
système augmentera son contrôle sur les gens et la nature plus rapidement,
parce qu'il ne sera plus gêné par les difficultés du type qu'il rencontre
actuellement . La survie n'est pas le motif principal pour étendre le contrôle.
Comme nous l'avons expliqué dans les paragraphes 87-90, les techniciens et les scientifiques
continuent leur travail en grande partie comme une activité de substitution;
c'est-à-dire qu'ils satisfont leur besoin de pouvoir en résolvant des problèmes
techniques. Ils continueront à le faire avec un enthousiasme inchangé, et parmi
les problèmes les plus intéressants et stimulants pour eux il y aura ceux de
comprendre le corps et l'esprit humain et d'intervenir dans leur développement.
Pour le "bien de l'humanité," bien sûr.
165. Mais supposons au
contraire que les tensions des prochaines décennies s'avèrent être de trop pour
le système. Si le système s'effondre il peut y avoir une période de chaos,
"une époque de troubles" comme celles que l'histoire a enregistrées à
diverses époques du passé. Il est impossible de prévoir ce qui émergerait d'une
telle époque de troubles, mais en tout cas une nouvelle chance serait donnée à
la race humaine. Le danger le plus grand est que la société industrielle puisse
commencer à se reconstituer dans les quelques premières années après
l'effondrement. Certainement il y aura beaucoup de gens (des types affamés de
pouvoir particulièrement) qui tiendront beaucoup à remettre les usines au
travail.
166. Donc deux tâches se
présentent à ceux qui détestent la servitude à laquelle le système industriel
réduit la race humaine. D'abord, nous devons travailler à intensifier les
tensions sociales dans le système afin d'augmenter la probabilité qu'il
s'écroule ou soit suffisamment affaibli pour qu'une révolution contre lui
devienne possible. Deuxièmement, il est nécessaire de développer et propager
une idéologie qui s'opposera à la technologie et à la société industrielle si
et quand le système sera suffisamment affaibli. Et une telle idéologie aidera à
assurer que, si et quand la société industrielle s'écroule, ses restes seront
brisés au-delà de toute possibilité de réparation, pour que le système ne
puisse pas être reconstitué. Les usines devraient être détruites, les livres
techniques brûlés, etc.
167. Le système
industriel ne s'écroulera pas suite à la seule action révolutionnaire. Il ne
sera pas vulnérable à une attaque révolutionnaire à moins que ses propres
problèmes internes de développement ne le mènent à des difficultés très
sérieuses. Donc si le système s'écroule il le fera soit spontanément, soit par
un processus en partie spontané, mais aidé par des révolutionnaires. Si la
chute est soudaine, beaucoup de gens mourront, car la population mondiale est
devenue si enflée qu'elle ne peut même pas s'alimenter plus longtemps sans
technologie de pointe. Même si la chute est assez graduelle pour que la
réduction de la population puisse se produire plus par baisse du taux de
natalité que par élévation du taux de mortalité, le processus de
dés-industrialisation sera probablement très chaotique et impliquera beaucoup
de souffrance. Il est naïf de croire possible que la technologie puisse être
éliminée progressivement d'une façon ordonnée et sans à-coup, d'autant plus que
les technophiles se battront obstinément à chaque étape. Est-ce qu'il est donc
cruel de travailler à l'effondrement du système ? Peut-être, mais
peut-être pas. En premier lieu, les révolutionnaires ne seront pas capables de
démolir le système à moins qu'il ne soit déjà dans de profondes difficultés de
sorte qu'il y aurait une bonne chance qu'il finisse par s'effondrer seul de
toute façon; et plus le système devient gros, plus désastreuses les
conséquences de sa chute; donc il se peut que les révolutionnaires, en
accélérant l'apparition de la chute réduisent l'étendue du désastre.
168. En second lieu, il
faut comparer la peine et la mort avec la perte de la liberté et de la dignité.
Pour beaucoup d'entre nous, la liberté et la dignité sont plus importantes
qu'une longue vie ou l'absence de douleur physique. De plus, nous devrons tous
mourir un jour et il est peut être mieux de mourir en se battant pour survivre,
ou pour une cause, que de vivre une vie longue mais vide et sans but.
169. En troisième lieu,
il n'est pas du tout certain que la survie du système mènera à moins de
souffrance que sa chute. Le système a déjà causé et continue à causer,
d'immenses souffrances dans le monde entier. Des cultures antiques, qui pendant
des centaines d'années ont donné aux gens un rapport satisfaisant entre eux et
avec leur environnement, ont été brisées par le contact avec la société
industrielle et le résultat a été un catalogue entier de problèmes économiques,
environnementaux, sociaux et psychologiques. Un des effets de l'intrusion de la
société industrielle a été que dans la plus grande partie du monde le contrôle
traditionnel de la population a été déséquilibré. De là l'explosion
démographique, avec tout ce qu'elle implique. Puis il y a la souffrance
psychologique qui est répandue partout dans les pays censément chanceux de
l'Ouest (voir les paragraphes 44, 45). Personne ne sait ce qui arrivera suite au
trou d'ozone, à l'effet de serre et aux autres problèmes environnementaux qui
ne peuvent pas encore être prévus. Et, comme la prolifération nucléaire l'a
montré, la nouvelle technologie ne peut pas être maintenue hors des mains des
dictateurs et des nations irresponsables du Tiers-Monde. Voudriez-vous spéculer
sur ce que l'Irak ou
170. "Oh!"
Disent les technophiles, "
L'AVENIR
171. Mais supposons
maintenant que la société industrielle réchappe des prochaines décennies et que
le système puisse finalement être débogué, de sorte qu'il fonctionne sans
à-coup. A quoi ressemblera ce système ? Nous allons considérer plusieurs
possibilités.
172. D'abord supposons
que les informaticiens réussissent à développer des machines intelligentes qui
peuvent faire tout mieux que les humains. Dans ce cas il est probable que tout
le travail sera fait par des énormes systèmes fortement organisés de machines
et qu'aucun effort humain ne sera nécessaire. Cela peut entraîner deux
possibilités. On pourrait permettre aux machines de prendre toutes leurs
décisions sans supervision humaine, ou au contraire le contrôle humain des
machines pourrait être conservé.
173. Si on permet aux
machines de prendre seules toutes leurs décisions, nous ne pouvons faire aucune
conjecture quant aux résultats, parce qu'il est impossible de deviner comment
ces machines pourraient se comporter. Nous signalons seulement que le destin de
la race humaine serait à la merci des machines. On pourrait argumenter que la
race humaine ne serait jamais assez idiote pour déléguer tout le pouvoir aux
machines. Mais nous ne suggérons ni que la race humaine délèguerait volontairement
le pouvoir aux machines, ni que les machines s'empareraient volontairement du
pouvoir. Ce que nous suggérons en fait est que la race humaine pourrait
facilement se laisser dériver dans une position d'une telle dépendance aux
machines qu'elle n'aurait aucun autre choix réel que d'accepter toutes les
décisions des machines. Comme la société et les problèmes auxquels elle fait
face deviennent de plus en plus complexes et les machines de plus en plus
intelligentes, les gens laisseront les machines prendre plus de décisions pour
eux, simplement parce que les décisions des machines apporteront de meilleurs
résultats que les décisions humaines. Au bout du compte un stade peut être
atteint dans lequel les décisions nécessaires pour maintenir le système en fonctionnement
seront si complexes que les gens seront incapables de les prendre
intelligemment. À ce stade les machines auront le contrôle effectif. Les gens
ne pourront pas juste éteindre les machines, parce qu'ils seront si dépendants
d'elles que les éteindre serait un suicide.
174. D'un autre côté il
est possible que le contrôle humain sur les machines puisse être conservé. Dans
ce cas l'homme moyen pourrait avoir le contrôle de certaines de ses machines
privées, comme sa voiture ou son ordinateur personnel, mais le contrôle sur les
grands systèmes de machines sera entre les mains d'une élite minuscule - comme
aujourd'hui, mais avec deux différences. Les techniques étant améliorées
l'élite aura un contrôle plus grand sur les masses; et comme le travail humain
ne sera plus nécessaire les masses seront superflues, un fardeau inutile pour
le système. Si l'élite est impitoyable elle peut décider simplement
d'exterminer le gros de l'humanité. Si elle est humaine elle peut utiliser la
propagande ou d'autres techniques psychologiques ou biologiques pour réduire le
taux de natalité jusqu'à ce que le gros de l'humanité s'éteigne, laissant le
monde à l'élite. Ou, si l'élite consiste en libéraux au coeur tendre, ils
peuvent décider de jouer le rôle de bons bergers du reste de la race humaine.
Ils s'occuperont de ce que les besoins physiques de chacun soient satisfaits,
que tous les enfants soient élevés dans des conditions psychologiquement
hygiéniques, que chacun ait un passe-temps sain pour le tenir occupé et que quiconque
est susceptible de devenir insatisfait subisse un "traitement" pour
guérir son "problème". Bien sûr, la vie sera à ce point sans but que
les gens devront être biologiquement ou psychologiquement élaborés soit pour
supprimer leur besoin du processus de pouvoir ou leur faire
"sublimer" leur besoin de pouvoir en quelque passe-temps inoffensif.
Ces humains fabriqués seront peut être heureux dans une telle société, mais ils
ne seront certainement pas libres. Ils auront été réduits au statut d'animaux
domestiques.
175. Mais supposez
maintenant que les informaticiens ne réussissent pas à développer
l'intelligence artificielle, de sorte que le travail humain reste nécessaires.
Même ainsi, les machines s'occuperont de plus en plus des tâches les plus
simples si bien qu'il y aura un excédent croissant d'ouvriers humains aux plus
bas niveaux de compétence. (Nous voyons déjà ceci arriver. Il y a beaucoup de
gens qui trouvent difficile ou impossible de trouver du travail, parce que pour
des raisons intellectuelles ou psychologiques ils ne peuvent pas acquérir le
niveau de formation nécessaire pour se rendre utiles dans le système actuel).
De ceux qui sont employés, on exigera toujours plus; ils auront besoin de
toujours plus de formation, de toujours plus de compétences et devront être
toujours plus fiables, conformes et docile, parce qu'ils seront de plus en plus
comme les cellules d'un organisme géant. Leurs tâches seront de plus en plus
spécialisées, de sorte que leur travail aura, dans un sens, perdu contact avec
le monde réel, étant concentré sur une tranche minuscule de la réalité. Le
système devra utiliser tous les moyens possibles, ou psychologique ou
biologique, de fabriquer des gens dociles, ayant les capacités dont le système
a besoin et "sublimant" leur besoin de pouvoir dans quelque tâche
spécialisée. Mais l'affirmation que les gens de cette société devront être
dociles exige peut être une précision. La société peut trouver la compétition
utile, à condition qu'elle trouve des moyens de diriger la compétition dans des
directions qui servent les besoins du système. Nous pouvons imaginer une
société future dans laquelle il y a une compétition infinie pour les positions
de prestige et de pouvoir. Mais seuls très peu de personnes atteindront jamais
le sommet, où est le seul pouvoir réel (voir la fin du paragraphe 163). Très répugnante est une société dans
laquelle une personne ne peut satisfaire ses besoins de pouvoir qu'en poussant
de nombreuses autres personnes hors du chemin et en les privant de LEUR accès
au pouvoir.
176. On peut prévoir des
scénarios qui incorporent les aspects de plusieurs des possibilités que nous
venons de discuter. Par exemple, il se peut que les machines prennent en charge
le plus gros du travail qui a une importance pratique réelle, mais que les
êtres humains soient tenus occupés en leur laissant le travail relativement
sans importance. Il a été suggéré, par exemple, qu'un grand développement des
services pourrait fournir du travail aux êtres humains. Ainsi les gens
passeraient leur temps à lustrer les chaussures les uns des autres, à se
conduire mutuellement en taxi, à faire des objets d'artisanat l'un pour
l'autre, à se servir à table l'un l'autre, etc. Cela nous semble une fin
profondément méprisable pour la race humaine et nous doutons que beaucoup de
gens trouvent l'accomplissement de leur vie dans de telles occupations
injustifiées. Ils chercheraient d'autres débouchés dangereux (drogues, crime,
sectes, groupes de haine) à moins qu'ils n'aient été fabriqués biologiquement
ou psychologiquement pour s'adapter à un tel mode de vie.
177. Inutile de le dire,
les scénarios décrits ci-dessus n'épuisent pas toutes les possibilités. Ils
indiquent seulement les genres de résultats qui nous semblent les plus
probables. Mais nous ne pouvons prévoir aucun scénario plausible qui soit plus
acceptable que ceux nous venons de décrire. Il est excessivement probable que
si le système industrialo-technologique survit aux 40 à 100 ans prochains, il
aura d'ici-là développé certaines caractéristiques générales : les
individus (au moins ceux du type "bourgeois", qui sont intégrés dans
le système et le font fonctionner et qui ont donc tout le pouvoir) seront plus
dépendants que jamais de grandes organisations; ils seront plus
"socialisés" que jamais et leurs qualités physiques et mentales
seront dans une mesure significative (probablement une très grande mesure)
celles qui sont construites en eux plutôt que les résultats du hasard (ou de la
volonté de Dieu, ou quoi ou qu'est-ce); et quoi qui puisse rester de la nature
sauvage sera réduit aux restes préservés pour la recherche scientifique et tenu
sous la surveillance et la gestion des scientifiques (et donc ne sera plus
vraiment sauvage). À long terme (disons d'ici à quelques siècles) il est
probable que ni la race humaine ni d'autres organismes importants n'existeront
tels que nous les connaissons aujourd'hui, parce qu'une fois que vous commencez
à modifier des organismes par le génie génétique il n'y a aucune raison de
s'arrêter où que ce soit, de sorte que les modifications continueront
probablement jusqu'à ce que l'homme et les autres organismes soient
complètement transformés.
178. Indépendamment de ce
qui sera, il est certain que la technologie crée pour les êtres humains un
nouvel environnement physique et social radicalement différent du spectre des
environnements auxquels la sélection naturelle a adapté physiquement et
psychologiquement la race humaine. Si l'homme n'est pas ajusté artificiellement
à ce nouvel environnement, il s'y adaptera par un long et douloureux processus
de sélection naturelle. La première possibilité est beaucoup plus probable que
la seconde.
179. Il vaudrait mieux
mettre à la poubelle tout ce système puant et en tirer les conséquences.
STRATÉGIE
180. Le technophiles nous
emmènent tous dans un voyage sans aucune précaution dans l'inconnu. Beaucoup de
gens qui comprennent quelque chose de ce que le progrès technologique nous fait
prennent encore une attitude passive envers cela parce qu'ils pensent que c'est
inévitable. Mais nous (FC) ne pensons pas que c'est inévitable. Nous pensons
que cela peut être arrêté, et nous donnerons ici quelques indications sur la
façon de le stopper.
181. Comme nous l'avons
exposé dans le paragraphe 166, les deux tâches principales sont pour le
moment d'encourager les contraintes et l'instabilité sociales dans la société
industrielle et de développer et propager une idéologie qui s'oppose à la
technologie et au système industriel. Quand le système deviendra suffisamment
contraint et instable, une révolution contre la technologie pourra être
possible. Le modèle serait semblable à celui des Révolutions Française et
Russe. La société française et la société russe, pendant plusieurs décennies
avant leurs révolutions respectives, ont montré des signes croissants de
contrainte et de faiblesse. En même temps, des idéologies se développaient qui
offraient une nouvelle vision du monde qui différait tout à fait de l'ancienne.
Dans le cas russe, les révolutionnaires travaillaient activement à saper
l'ordre ancien. Puis, quand l'ancien système a été mis sous une contrainte
complémentaire suffisante (par la crise financière en France, par la défaite
militaire en Russie) il a été balayé par la révolution. Ce que nous proposons
est quelque chose dans la même ligne.
182. Il sera objecté
contre cela que les Révolutions Française et Russe furent des échecs. Mais la
plupart des révolutions ont deux buts. L'un est de détruire une vieille forme
de société et l'autre d'installer la nouvelle forme de société imaginée par les
révolutionnaires. Les révolutionnaires français et russes échouèrent
(heureusement!) à créer la nouvelle sorte de société à laquelle ils aspiraient,
mais ils réussirent parfaitement à détruire la forme de société existante.
183. Mais une idéologie,
pour gagner un soutien enthousiaste, doit avoir des idéaux positifs en plus
d'un négatif; elle doit être POUR quelque chose autant que CONTRE quelque
chose. L'idéal positif que nous proposons est
184. La nature fait un
contre-idéal parfait à la technologie pour plusieurs raisons. La nature (celle
qui est hors du pouvoir du système) est l'opposé de la technologie (qui cherche
à étendre indéfiniment le pouvoir du système). La plupart des gens
reconnaîtront que la nature est belle; certainement elle a un attrait populaire
énorme. Les écologistes radicaux tiennent DÉJÀ une idéologie qui glorifie la
nature et s'oppose à la technologie [30]. Il n'est pas nécessaire de fonder quelque
utopie chimérique ou quelque nouvelle sorte d'ordre social en faveurde la
nature. La nature s'occupe d'elle même : c'est une création spontanée qui
a existé longtemps avant toute société humaine et pendant des siècles
innombrables de nombreuses sortes différentes de sociétés humaines ont coexisté
avec la nature sans y faire une quantité excessive de dégâts. Ce n'est qu'avec
185. Quant aux
conséquences négatives de l'élimination de la société industrielle - eh bien,
vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Pour gagner quelque
chose vous devez en sacrifier un autre.
186. La plupart des gens
détestent les conflits psychologiques. Pour cette raison ils évitent de penser
sérieusement aux problèmes sociaux difficiles, et ils aiment que ces problèmes
leur soient présentés en termes simples, en noir et blanc : CECI est tout
bon et CELA est tout mauvais. L'idéologie révolutionnaire devrait donc être
développée sur deux niveaux.
189. Avant cette lutte
finale, les révolutionnaires ne devraient pas s'attendre à avoir une majorité
de gens de leur côté. L'histoire est faite par des minorités actives et
décidées, pas par la majorité, qui a rarement une idée claire et cohérente de
ce qu'elle veut vraiment . Jusqu'à ce que le temps vienne pour la poussée
finale vers la révolution [31], la tâche des révolutionnaires sera moins de
gagner le support tiède de la majorité que de construire un petit noyau de gens
profondément engagés. Quant à la majorité, il suffira qu'elle soit consciente
de l'existence de la nouvelle idéologie et de la lui rappeler fréquemment;
quoique bien sûr il soit désirable d'obtenir le support de la majorité dans la
mesure où cela peut être fait sans affaiblir le noyau des gens sérieusement
engagés.
190. Toute sorte de
conflit social aide à déstabiliser le système, mais on doit être prudent sur
les types de conflits qu'on encourage. La ligne de rupture devrait être entre
la masse du peuple et l'élite au pouvoir de la société industrielle
(politiciens,scientifiques, cadres supérieurs d'entreprise, hauts
fonctionnaires, etc ..). Elle ne devrait pas être entre les révolutionnaires et
la masse du peuple. Par exemple, ce serait une mauvaise stratégie pour les
révolutionnaires de condamner les habitudes de consommation des Américains. Au
contraire, l'Américain moyen devrait être dépeint comme une victime de la
publicité et du marketing, qui l'ont embobiné pour acheter un tas de saletés
dont il n'a pas besoin et qui sont une très piètre compensation pour sa liberté
perdue. L'une ou l'autre approche est compatible avec les faits. C'est
simplement une question d'attitude de choisir entre blâmer l'industrie
publicitaire de manipuler le public et blâmer le public de permettre qu'on le
manipule. La stratégie voudrait qu'on évite généralement de blâmer le public.
191. Il faudrait
réfléchir à deux fois avant d'encourager un conflit social autre qu'entre
l'élite au pouvoir (qui applique la technologie) et le grand public (sur lequel
la technologie manifeste son pouvoir). D'une part, les autres conflits tendent
à distraire l'attention des conflits importants (entre l'élite au pouvoir et
les gens ordinaires, entre la technologie et la nature); d'autre part, d'autres
conflits peuvent en réalité tendre à encourager la technologisation, parce que
chaque côté dans un tel conflit veut utiliser le pouvoir technologique pour
gagner l'avantage sur son adversaire. On le voit clairement dans les rivalités
entre nations. Cela apparaît aussi dans les conflits ethniques à l'intérieur
des nations. Par exemple, en Amérique beaucoup de leaders noirs tiennent
beaucoup à obtenir du pouvoir pour les Afro-Américains en plaçant des noirs
dans l'élite technologique. Ils veulent qu'il y ait beaucoup de noirs hauts
fonctionnaires, scientifiques, cadres de société et ainsi de suite. De cette
façon ils aident à absorber la sous-culture Noire américaine dans le système
technologique. En général, il ne faudrait encourager que les conflits sociaux
qui peuvent être ajustés au cadre des conflits de pouvoir - l'élite contre les
gens ordinaires, la technologie contre la nature.
192. Mais la façon de
décourager les conflits ethniques n'est PAS le plaidoyer militant en faveur des
droits des minorité (voir les paragraphes 21, 29). Au contraire, les révolutionnaires devraient
souligner que bien que les minorités sont effectivement plus ou moins
désavantagées, ce désavantage a une signification périphérique. Notre vrai
ennemi est le système industrialo-technologique, et dans la lutte contre le
système, les distinctions ethniques ne sont d'aucune importance.
193. Le type de
révolution que nous envisageons n'impliquera pas nécessairement de soulèvement
armé contre aucun gouvernement. Il peut ou non impliquer de la violence
physique, mais ce ne sera pas une révolution POLITIQUE. Elle se concentrera sur
la technologie et l'économie, pas la politique [32].
194. Les révolutionnaires
devraient probablement même ÉVITER d'assumer le pouvoir politique, que ce soit
par des moyens légaux ou illégaux, jusqu'à ce que le système industriel soit
sous une contrainte critique et n'ait prouvé être un échec aux yeux de la
plupart des gens. Supposons par exemple qu'un quelconque parti "vert"
gagne le contrôle du Congrès américain dans une élection. Pour éviter de trahir
ou de mettre de l'eau dans le vin de leur idéologie ils devraient prendre des
mesures vigoureuses pour transformer la croissance économique en décroissance
économique. Pour l'homme moyen les résultats apparaîtraient désastreux :
il y aurait un chômage massif, des pénuries de matières premières, etc. Même si
les conséquences néfastes les plus brutales pouvaient être évitées par une
gestion surhumainement habile, les gens devraient quand même commencer à
renoncer au luxe auxquels ils sont devenus accros. L'insatisfaction grandirait,
le parti "vert" serait renversé aux élections suivantes et les
révolutionnaires auraient subi un sérieux revers. Pour cette raison les
révolutionnaires ne devraient pas essayer d'acquérir le pouvoir politique tant
que le système ne s'est pas mis dans un tel désordre que toutes les privations
seront vues comme résultant des échecs du système industriel lui-même et pas de
la politique des révolutionnaires. La révolution contre la technologie devra
probablement être une révolution par des outsiders, une révolution venant d'en
bas et non d'en haut.
195. La révolution doit
être internationale et mondiale. Elle ne peut pas être effectuée sur une base
nationale. Chaque fois qu'il est suggéré que les Etats-Unis, par exemple,
devraient réduire le progrès technique ou la croissance économique, les gens
deviennent hystériques et commencent à crier que si nous restons en arrière
dans la technologie les Japonais prendront de l'avance de nous. Robots tout
puissants ! Le monde quittera son orbite si les Japonais vendent un jour plus
de voitures que nous! (Le Nationalisme est un grand promoteur de technologie).
Plus raisonnablement, on peut argumenter que si les nations relativement
démocratiques du monde restent en arrière dans la technologie tandis que les
nations mauvaises et dictatoriales comme
196. Les révolutionnaires
pourraient considérer favoriser les mesures qui ont tendance à lier l'économie
du monde dans un tout unifié. Les accords de libre-échange comme le NAFTA et le
GATT sont probablement nuisibles pour l'environnement à court terme, mais à
long terme ils peuvent s'avérer avantageux parce qu'ils favorisent
l'interdépendance économique entre les nations. Il sera plus facile de détruire
le système industriel sur une base mondiale si l'économie mondiale est si
unifiée que son effondrement dans une seule nation importante mène à son
effondrement dans toutes les nations industrialisées.
197. Certains suivent la
ligne que l'homme moderne a trop de pouvoir, trop de contrôle sur la nature;
ils argumentent en faveur d'une attitude plus passive de la part de la race
humaine. Au mieux ces gens s'expriment peu clairement, parce qu'ils ne
distinguent pas entre le pouvoir pour de GRANDES ORGANISATIONS et le pouvoir
pour des INDIVIDUS et de PETITS GROUPES. C'est une erreur de parler en faveur
de l'impuissance et de la passivité, parce que les gens ont BESOIN du pouvoir.
L'homme moderne comme entité collective - c'est-à-dire le système industriel -
a un pouvoir immense sur la nature et nous (FC) considérons cela comme mauvais.
Mais les INDIVIDUS modernes et les PETITS GROUPES D'INDIVIDUS ont beaucoup
moins de pouvoir que l'homme primitif n'en a jamais eu. En général, le pouvoir
énorme de "l'homme moderne" sur la nature est exercé non par des
individus ou de petits groupes, mais par de grosses organisations. Dans la
mesure où l'INDIVIDU moderne moyen peut exercer le pouvoir de la technologie,
on lui permet de le faire seulement dans des limites étroites et seulement sous
la surveillance et le contrôle du système. (Vous avez besoin d'un permis pour
tout et avec le permis viennent les règles et les règlements). L'individu a
seulement les pouvoirs technologiques que le système veut bien lui donner. Son
pouvoir PERSONNEL sur la nature est minime.
198. Les INDIVIDUS
primitifs et les PETITS GROUPES avaient en réalité un pouvoir considérable sur
la nature; ou il serait peut-être plus correct de dire pouvoir DANS la nature.
Quand l'homme primitif avait besoin de se nourrir il savait comment trouver et
préparer des racines comestibles, comment suivre à la trace le gibier et le
prendre avec des armes faites à la maison. Il savait comment se protéger du
chaud, du froid, de la pluie, des animaux dangereux, etc. Mais l'homme primitif
endommageait relativement peu la nature parce que le pouvoir COLLECTIF de la
société primitive était négligeable comparé au pouvoir COLLECTIF de la société
industrielle.
199. Au lieu d'argumenter
en faveur de l'impuissance et de la passivité, il faudrait argumenter que le
pouvoir du SYSTÈME INDUSTRIEL devrait être brisé et que cela AUGMENTERAIT
énormément le pouvoir et la liberté des INDIVIDUS et des PETITS GROUPES.
200. Tant que le système
industriel n'aura pas été détruit à fond, la destruction de ce système doit
être le SEUL but des révolutionnaires. D'autres buts distrairaient l'attention
et l'énergie du but principal. Ce qui est plus important, si les
révolutionnaires se permettent d'avoir un autre but que la destruction de la
technologie, ils seront tentés d'utiliser la technologie comme un outil pour
atteindre cet autre but. S'ils cèdent à cette tentation, ils retomberont
directement dans le piège technologique, parce que la technologie moderne est
un système unifié et fortement interdépendant, de sorte que, pour conserver un
peu de technologie, on se trouve obligé de conserver
201. Supposons par
exemple que les révolutionnaires aient comme but "la justice
sociale". La nature humaine étant ce qu'elle est, la justice sociale ne
viendra pas spontanément; il faut l'administrer. Pour l'administrer les
révolutionnaires devraient conserver l'organisation centrale et le contrôle.
Pour cela ils auraient besoin du transport rapide à longue distance et des
communications et donc toute la technologie nécessaire pour supporter les
systèmes de communication et de transport. Pour nourrir et habiller les pauvres
ils devraient utiliser la technologie agricole et industrielle. Et ainsi de
suite. Si bien que la tentative d'assurer la justice sociale les forcerait à
conserver la plupart des parties du système technique. Ce n'est pas que nous
ayons quoi que ce soit contre la justice sociale, mais on ne doit pas lui
permettre d'interférer avec l'effort de se débarrasser du système technique.
202. Il serait désespéré
pour les révolutionnaires d'essayer d'attaquer le système sans utiliser un peu
de technologie moderne. Au minimum ils doivent utiliser les médias de
communications pour répandre leur message. Mais ils devraient utiliser la
technologie moderne dans seulement UN but : attaquer le système technique.
203. Imaginons un
alcoolique assis avec un baril de vin devant lui. Supposons qu'il commence à se
dire, "le vin n'est pas mauvais si on l'utilise avec modération.
D'ailleurs, on dit que de petites quantités de vin sont même bonnes pour la
santé! Ca ne me fera pas de mal si je prends juste un petit verre ..." Eh
bien nous savons ce qui va arriver. N'oublions jamais que la race humaine avec
la technologie est comme un alcoolique avec un baril de vin.
204. Les révolutionnaires
devraient avoir autant d'enfants que possible. Il y a une évidence scientifique
forte que les attitudes sociales sont héritée dans une mesure significative.
Personne ne suggère que l'attitude sociale soit le résultat direct de la
constitution génétique d'une personne, mais il apparaît que les traits de
personnalité ont tendance, dans le contexte de notre société, à faire une
personne avoir plus probablement telle ou telle attitude sociale. Des
objections à ces découvertes ont été soulevées, mais ces objections sont
faibles et semblent avoir des motifs idéologiques. En tout cas, personne ne nie
que les enfants ont tendance en moyenne à avoir des attitudes sociales
semblables à celles de leurs parents. De notre point de vue il n'importe pas
vraiment que les attitudes soient transmises génétiquement ou par l'éducation.
Dans les deux cas elles SONT transmises.
205. Le problème est que
beaucoup des gens qui ont tendance à se rebeller contre le système industriel
sont aussi concernés par les problèmes de population, donc ils choisissent
d'avoir peu ou pas d'enfant. De cette façon ils confient peut être le monde au
genre de personnes qui supportent ou du moins acceptent le système industriel.
Pour assurer la force de la prochaine génération de révolutionnaires la
génération présente doit se reproduire abondamment. De cette manière ils
n'empireront le problème de population que légèrement. Et le problème le plus
important est de se débarrasser du système industriel, parce qu'une fois que le
système industriel n'est plus, la population du monde diminuera nécessairement
(voir le paragraphe 167); tandis que si le système industriel survit,
il continuera à développer de nouvelles techniques de production de nourriture
qui peuvent permettre à la population mondiale de continuer à augmenter presque
indéfiniment.
206. En ce qui concerne
la stratégie révolutionnaire, les seuls points sur lesquels nous insistons
absolument consistent en ce que l'unique but primordial doit être l'élimination
de la technologie moderne et que l'on ne peut permettre à aucun autre but de
rivaliser avec celui-ci. Pour le reste, les révolutionnaires devraient prendre
une approche empirique. Si l'expérience indique que certaines des
recommandations faites dans les paragraphes précédents ne vont pas donner de
bons résultats, alors ces recommandations devraient être rejetées.
DEUX SORTES
DE TECHNOLOGIE
207. Un argument qui sera
probablement soulevé contre la révolution que nous proposons est qu'elle doit
nécessairement échouer, parce que (affirme-t-on) dans toute l'histoire la
technologie a toujours progressé, jamais régressé, donc la régression de la
technologie est impossible. Mais cette affirmation est fausse.
208. Nous distinguons
entre deux sortes de technologies, que nous appellerons la technologie à petite
échelle et la technologie dépendant d'une organisation. La technologie à petite
échelle est la technologie qui peut être utilisée par des communautés à petite
échelle sans aide extérieure. La technologie dépendant d'une organisation est
la technologie qui dépend de l'organisation sociale à grande échelle. Nous ne
connaissons aucun cas significatif de régression dans la technologie à petite
échelle. Mais la technologie dépendant d'une organisation régresse VRAIMENT
quand l'organisation sociale dont elle dépend s'écroule. Par exemple :
Quand l'Empire romain a éclaté la technologie à petite échelle des Romains a
suvécu parce que n'importe quel artisan de village intelligent pouvait
construire, par exemple, une roue à eau, n'importe quel forgeron habile pouvait
faire de l'acier par les méthodes romaines, et ainsi de suite. Mais la
technologie des Romains dépendant d'une organisation a VRAIMENT régressé. Leurs
aqueducs sont tombés en ruine et n'ont jamais été reconstruits. Leurs
techniques de construction de routes ont été perdues. Le système romain
d'assainissement urbain a été oublié, au point que jusqu'à assez récemment
l'assainissement des villes européennes était inférieur à celui de
209. La raison pour
laquelle la technologie a semblé toujours progresser est que, jusqu'à peut-être
un siècle ou deux avant
210. Donc il est clair
que si le système industriel était détruit à fond une fois, la technologie de
réfrigération serait rapidement perdue. Il en est de même d'autres technologies
dépendant d'une organisation. Et une fois que cette technologie aura été perdue
pendant une génération ou à peu près cela prendra des siècles pour la
réinventer, de même que ça a pris des siècles pour l'inventer la première fois.
Les livres techniques seraient rares et dispersés. Une société industrielle, si
on la construit à partir de zéro sans aide extérieure, ne peut être intégrée
que par une série d'étapes : Vous avez besoin d'outils pour faire des
outils pour faire des outils pour faire des outils. Un long processus de
développement économique et de progrès dans l'organisation sociale est
nécessaire. Et, même en absence d'une idéologie opposée à la technologie, il
n'y a aucune raison de croire que quelqu'un serait intéressé à reconstruire la
société industrielle. L'enthousiasme pour "le progrès" est un
phénomène particulier à la forme moderne de la société et il semble ne pas
avoir existé avant le 17ème siècle à peu près.
211. Au Moyen Age tardif
il y avait quatre civilisations principales qui étaient à peu près également
"avancées" : l'Europe, le monde Musulman, l'Inde et
l'Extrême-Orient (Chine, Japon, Corée). Trois de ces civilisations sont restées
plus ou moins stables et seule l'Europe est devenue dynamique. Personne ne sait
pourquoi l'Europe est devenue dynamique à ce moment-là; les historiens ont
leurs théories mais ce ne sont que des spéculations. En tout cas, il est clair
que le développement rapide vers une forme technique de société n'arrive que
dans des conditions spéciales. Ainsi il n'y a aucune raison de supposer qu'une
régression technologique durable ne puisse pas être provoquée.
212. La société se
développerait-elle FINALEMENT de nouveau vers une forme
industrialo-technologique ? Peut-être, mais ce n'est pas la peine de s'en
inquiéter, puisque nous ne pouvons pas prévoir ou orienter des événements 500
ou 1000 ans dans l'avenir. Ces problèmes devront être traités par les gens qui
vivront à ce moment-là.
LE DANGER DU
GAUCHISME
213. À cause de leur
besoin de rébellion et d'adhésion à un mouvement, les gauchistes ou les
personnes de type psychologique semblable ne sont souvent pas attirés par un
mouvement rebelle ou activiste dont les buts et les adhérents ne sont pas
initialement gauchistes. L'afflux résultant de types gauchisants peut facilement
transformer un mouvement non-gauchiste en gauchiste, si bien que des buts
gauchistes remplacent ou déforment les buts originaux du mouvement.
214. Pour éviter ceci, un
mouvement qui glorifie la nature et s'oppose à la technologie doit prendre une
position résolument anti-gauchiste et doit éviter toute collaboration avec des
gauchistes. Le gauchisme est à long terme incompatible avec la nature sauvage,
avec la liberté humaine et avec l'élimination de la technologie moderne. Le
gauchisme est collectiviste; il cherche à lier ensemble le monde entier (tant
la nature que la race humaine) dans un tout unifié. Mais ceci implique la
gestion de la nature et de la vie humaine par une société organisée et exige
une technologie de pointe. Vous ne pouvez pas avoir un monde uni sans transport
rapide et communications, vous ne pouvez pas obliger tous les gens à s'aimer
mutuellement sans techniques psychologiques perfectionnées, vous ne pouvez pas
avoir "une société planifiée" sans la base technologique nécessaire.
Par dessus tout, le gauchisme est piloté par le besoin de pouvoir et le
gauchiste recherche le pouvoir sur une base collective, par l'identification
avec un mouvement de masse ou une organisation. Il n'y a aucune chance que le
gauchisme renonce à la technologie, parce que la technologie est une source
trop importante de pouvoir collectif.
216. Certains gauchistes
peuvent sembler s'opposer à la technologie, mais ils s'y opposeront seulement
tant qu'ils sont des outsiders et que le système technique est contrôlé par des
non-gauchistes. Si le gauchisme devient jamais dominant dans la société, de
sorte que le système technologique devient un outil dans les mains des
gauchistes, ils l'utiliseront avec enthousiasme et favoriseront sa croissance.
Ce faisant ils répéteront un modèle que le gauchisme a suivi à maintes reprises
dans le passé. Quand les Bolcheviks en Russie étaient minoritaires, ils
s'opposaient vigoureusement à la censure et à la police secrète, ils
préconisaient l'autodétermination pour les minorités ethniques, et ainsi de
suite; mais aussitôt qu'ils ont pris eux-mêmes le pouvoir, ils ont imposé une censure
plus sévère et ont créé une police secrète plus impitoyable que toutes celles
qui avaient existé sous les tsars et ils ont opprimé les minorités ethniques au
moins autant que les tsars l'avaient fait. Aux Etats-Unis, il y a deux ou trois
décennies quand les gauchistes étaient une minorité dans nos universités, les
professeurs gauchistes était des partisans vigoureux de la liberté de
l'enseignement, mais aujourd'hui, dans ces universités où les gauchistes sont
devenus dominants, ils se sont montrés prêts à priver tous les autres de la
liberté de l'enseignement. (C'est du "politiquement correct"). Il en
sera de même avec les gauchistes et la technologie : ils l'utiliseront
pour opprimer tous les autres s'ils peuvent jamais la prendre sous leur
contrôle.
217. Dans les révolutions
précédentes, les gauchistes du type le plus affamé de pouvoir, à plusieurs
reprises, ont d'abord coopéré avec des révolutionnaires non-gauchistes, comme
avec des gauchistes de plus d'inclination libertaire, et les ont ensuite dupés
pour saisir le pouvoir pour eux. Robespierre l'a fait pendant
218. Divers penseurs ont
mis en évidence que le gauchisme est une sorte de religion. Le gauchisme n'est
pas une religion au sens strict parce que la doctrine gauchiste ne postule pas
l'existence de quelque être surnaturel. Mais pour le gauchiste, le gauchisme
joue un rôle psychologique très comparable avec celui que la religion joue pour
certaines personnes. Le gauchiste a BESOIN de croire dans le gauchisme; il joue
un rôle essentiel dans son économie psychologique. Ses croyances ne sont pas
facilement modifiées par la logique ou les faits. Il a une conviction profonde
que le gauchisme est moralement Bon avec un B majuscule et qu'il a non
seulement le droit, mais le devoir d'imposer la moralité gauchiste à tout un
chacun. (Cependant, beaucoup de gens auxquels nous nous référons comme
"des gauchistes" ne pensent pas à eux comme des gauchistes et ne
décriraient pas leur système de croyances comme le gauchisme. Nous utilisons le
terme "gauchisme" parce que nous ne connaissons pas de meilleurs mots
pour désigner le spectre de croyances associées qui inclut les movements
féministe, des droits gays, du politiquement correct, etc., et parce que ces
mouvements ont une affinité forte avec la vieille gauche. Voir les paragraphes 227-230.)
219. Le gauchisme est une
force totalitaire. Partout où le gauchisme est dans une position de pouvoir il
a tendance à envahir chaque coin privé et à forcer chaque pensée dans un moule
gauchiste. C'est en partie à cause du caractère quasi-religieux du gauchisme;
tout ce qui est contraire aux croyances des gauchistes représente le Péché. Ce
qui est plus important, le gauchisme est une force totalitaire à cause de
l'attirance des gauchistes pour le pouvoir. Le gauchiste cherche à satisfaire
son besoin du pouvoir par l'identification avec un mouvement social et il
essaye d'accomplir le processus de pouvoir en aidant à poursuivre et à
atteindre les buts du mouvement (voir le paragraphe 83). Mais il importe peu à quel degré le mouvement
à atteint ses buts, le gauchiste n'est jamais satisfait, parce que son
activisme est une activité de substitution (voir le paragraphe 41). C'est-à-dire que le motif réel du gauchiste
n'est pas d'atteindre les buts ostensibles du gauchisme; en réalité il est
motivé par le pouvoir qu'il ressent en luttant et en atteignant ensuite un but
social [35].
Par conséquent le gauchiste n'est jamais satisfait des
buts qu'il a déjà atteints; son besoin du processus de pouvoir le mène toujours
à poursuivre un nouveau but. Le gauchiste veut l'égalité des chances pour les
minorités. Quand il l'a atteint il insiste sur l'égalité statistique des
résultats des minorités. Et tant que quelqu'un abrite dans un coin de son
esprit une attitude négative envers une certaine minorité, le gauchiste se doit
de le rééduquer. Et les minorités ethniques ne suffisent pas; on ne peut
permettre à personne d'avoir une attitude négative envers les homosexuels, les
handicapés, les gros, les vieux, les laids et ainsi de suite. Il ne suffit pas
que le public soit informé des dangers du tabac; un avertissement doit être
imprimé sur chaque paquet de cigarettes. Puis la publicité pour les cigarettes
doit être limitée sinon interdite. Les activistes ne seront jamais satisfaits
tant que le tabac n'est pas proscrit et après cela ce sera l'alcool et puis les
aliments sans valeur nutritive, etc. Les activistes ont combattu les mauvais traitements
aux enfants, ce qui est raisonnables. Mais maintenant ils veulent interdire
toute fessée. Quand ils l'auront fait ils voudront interdire quelque chose
d'autre qu'ils considèrent malsain, et puis une autre chose et encore un autre.
Ils ne seront jamais satisfaits jusqu'à ce qu'ils aient le contrôle complet de
toutes les pratiques d'éducation. Et ensuite ils passeront à une autre cause.
220. Supposons que vous
ayez demandé aux gauchistes de faire une liste de TOUTES les choses qui sont
mauvaises dans la société et supposez ensuite que vous ayez institué CHAQUE
changement social qu'ils ont exigé. On ne se tromperait pas en prédisant qu'en
deux ou trois ans la majorité des gauchistes trouverait quelque chose de
nouveau à se plaindre, quelque nouveau "mal" social à corriger parce
que, de nouveau, le gauchiste est motivé moins par la détresse pour les maux de
la société que par le besoin de satisfaire son attirance pour le pouvoir en
imposant ses solutions à la société.
221. À cause des
restrictions que leur haut niveau de socialisation met sur leurs pensées et
leur comportement, beaucoup de gauchistes du type sur-socialisé ne peuvent pas
rechercher le pouvoir par les mêmes voies que d'autres gens. Pour eux
l'attirance pour le pouvoir n'a qu'un débouché moralement acceptable et c'est
la lutte pour imposer leur morale à chacun.
222. Les gauchistes,
particulièrement ceux du type sursocialisé, sont de Vrais Croyants dans le sens
du livre d'Eric Hoffer, "The True Believer". Mais tous les Vrais
Croyants ne sont pas du même type psychologique que les gauchistes.
Vraisemblablement un Nazi vraicroyant, par exemple est très différent
psychologiquement d'un gauchiste vraicroyant. À cause de leur capacité à une
dévotion absolue pour une cause, les Vrais Croyants sont un ingrédient utile,
peut-être nécessaire, de n'importe quel mouvement révolutionnaire. Ceci pose un
problème que nous devons admettre ne pas savoir comment gérer. Nous ne sommes
pas sûrs de la façon d'exploiter les énergies du Vrai Croyant en faveur d'une révolution
contre la technologie. Tout ce que nous pouvons dire aujourd'hui est qu'un Vrai
Croyant ne sera jamais une recrue sûre pour la révolution à moins que son
engagement ne soit exclusivement la destruction de la technologie. S'il a aussi
à un autre idéal, il pourrait vouloir utiliser la technologie comme outil pour
poursuivre cet autre idéal (voir les paragraphes 220, 221).
223. Certains lecteurs
pourraient dire, "Ces histoires sur le gauchisme sont un tas de merde. Je
connais Jean et Jeanne qui sont gauchisants et ils n'ont pas toutes ces
tendances totalitaires". Il est tout à fait vrai que beaucoup de
gauchistes, probablement même une majorité numérique, sont des gens convenables
qui croient sincèrement à la tolérance pour les valeurs des autres (jusqu'à un
certain point) et qui ne voudraient pas utiliser des méthodes autoritaires pour
atteindre leurs buts sociaux. Nos remarques sur le gauchisme ne sont pas
destinées à s'appliquer à chaque gauchiste individuel, mais à décrire le
caractère général du gauchisme comme un mouvement. Et le caractère général d'un
mouvement n'est pas nécessairement décidé par les proportions numériques des
différentes sortes de personnes impliquées dans le mouvement.
224. Les gens qui
accèdent aux positions de pouvoir dans les mouvements gauchistes ont tendance à
être les gauchistes du type le plus affamé de pouvoir parce que les gens
affamés de pouvoir sont ceux qui s'efforcent le plus d'accéder aux positions de
pouvoir. Une fois que les types affamés de pouvoir ont pris le contrôle du
mouvement, il y a beaucoup de gauchistes d'une race plus tendre qui
désapprouvent intérieurement beaucoup d'actions des leaders, mais ne peuvent
pas se résoudre à s'y opposer. Ils ont BESOIN de leur foi dans le mouvement et
parce qu'ils ne peuvent pas renoncer à cette foi ils accompagnent les leaders.
C'est vrai, CERTAINS gauchistes ont pour de bon le courage de s'opposer aux
tendances totalitaires qui apparaissent, mais ils perdent progressivement,
parce que les types affamés de pouvoir sont mieux organisés, sont plus
impitoyables et Machiavéliques et ont fait attention de se bâtir une forte base
de pouvoir.
225. Ces phénomènes sont
apparu clairement en Russie et d'autres pays qui ont été pris par les
gauchistes. De même avant l'effondrement du communisme en URSS, les gauchisants
de l'Ouest critiquaient rarement ce pays. Si on les poussait à bout ils
admettaient que l'URSS avait fait beaucoup de mauvaises choses, mais alors ils
essayaient de trouver des excuses pour les communistes et commenceraient à
parler des fautes de l'Ouest. Ils s'opposaient toujours à la résistance
militaire Occidentale contre l'agression communiste. Les types gauchisants dans
le monde entier ont vigoureusement protesté contre l'action militaire U.S. au
Viêt-Nam, mais quand l'URSS a envahi l'Afghanistan ils n'ont rien fait. Ce
n'est pas qu'ils approuvaient les actions soviétiques; mais à cause de leur foi
gauchiste, ils ne pouvaient simplement pas supporter de se mettre en opposition
avec le communisme. Aujourd'hui, dans celles de nos universités où "le
politiquement correct" est devenu dominant, il y a probablement beaucoup
de types de gauchisants qui qui à titre privé désapprouvent la suppression de
la liberté de l'enseignement, mais de toute façon ils s'en accommodent.
226. Ainsi le fait que
beaucoup de gauchistes individuels sont personnellement doux et assez tolérants
n'empêche en aucun cas le gauchisme dans son ensemble d'avoir une tendance
totalitaire.
227. Notre discussion du
gauchisme a une faiblesse sérieuse. Ce que nous entendons par le mot
"gauchiste" est toujours loin d'être clair. Il ne semble pas que nous
puissions y faire grand chose. Aujourd'hui le gauchisme est fragmenté en un spectre
entier de mouvements activistes. Et encore tous les mouvements activistes ne
sont pas gauchistes et quelques mouvements activistes (par exemple, les
écologistes radicaux) semble inclure tant des personnalités du type gauchiste
que des personnalités de type absolument non-gauchistes qui feraient mieux de
ne pas collaborer avec des gauchistes. Les variétés de gauchistes se fondent
graduellement dans les variétés de non-gauchistes et nous-mêmes serions souvent
en difficulté pour décider si un individu donné est ou n'est pas un gauchiste.
Dans la mesure où elle est définie, notre conception du gauchisme l'est par la
discussion que nous en avons donné dans cet article et nous pouvons seulement
conseiller au lecteur d'utiliser son propre jugement pour décider qui est un
gauchiste.
228. Mais il sera utile
de lister quelques critères pour diagnostiquer le gauchisme. Ces critères ne
peuvent pas être appliqués sans ambiguïté. Certains individus peuvent
correspondre à certains des critères sans être des gauchistes, certains
gauchistes peuvent ne correspondre à aucun des critères. De nouveau, il faut
simplement utiliser son jugement.
229. Le gauchiste est
orienté vers le collectivisme à grande échelle. Il souligne le devoir de
l'individu à servir la société et le devoir de la société à s'occuper de
l'individu. Il a une attitude négative envers l'individualisme. Il prend
souvent un ton moralisateur. Il a tendance à être pour le contrôle des armes à
feu, pour l'éducation sexuelle et d'autres méthodes éducatives psychologiquemenet
"éclairées", pour la planification, pour la discrimination positive,
pour le multiculturalisme. Il a tendance à s'identifier avec les victimes. Il a
tendance à être contre la compétition et contre la violence, mais il trouve
souvent des excuses pour les gauchistes qui commettent effectivement des
violences. Il aime utiliser les rengaines communes de la gauche comme
"racisme", "sexisme", "homophobie",
"capitalisme", "impérialisme", "néocolonialisme",
" génocide," "changement social," "justice sociale,"
"responsabilité sociale." Le meilleur trait diagnostique du gauchiste
est peut être sa tendance à sympathiser avec les mouvements suivants :
féminisme, droits gays, droits ethniques, droits des handicapés, droits des
animaux, politiquement correct. Quiconque sympathise fortement avec TOUS ces
mouvements est presque certainement un gauchiste [36].
230. Les gauchistes les
plus dangereux, c'est-à-dire ceux qui sont les plus affamés de pouvoir, sont
souvent caractérisés par l'arrogance ou par une approche dogmatique de
l'idéologie. Cependant, les gauchistes les plus dangereux de tous sont peut
être certains types sursocialisés qui évitent les démonstrations irritantes
d'agressivité et s'abstiennent d'afficher leur gauchisme, mais travaillent
tranquillement et discrètement à promouvoir les valeurs collectivistes, les
techniques psychologiques "éclairées" pour socialiser les enfants, la
dépendance de l'individu du système, et ainsi de suite. Ces crypto-gauchistes
(comme nous pouvons les appeler) ressemblent à certains types bourgeois pour
autant que l'action pratique soit concernée, mais différent d'eux dans la
psychologie, l'idéologie et la motivation. Le bourgeois ordinaire essaye
d'amener les gens sous contrôle du système pour protéger son mode de vie, ou il
le fait simplement parce que son attitude est conventionnelle. Le
crypto-gauchiste essaye d'amener les gens sous le contrôle du système parce
qu'il est un Vrai Croyant d'une idéologie collectiviste. Le crypto-gauchiste se
différencie du gauchiste moyen du type sursocialisé par le fait que ses
impulsions rebelles sont plus faibles et qu'il est plus fermement socialisé. Il
se différencie du bourgeois bien socialisé ordinaire par le fait qu'il y a un
manque profond en lui qui lui rend nécessaire de se consacrer à une cause et de
s'immerger dans une collectivité. Et peut-être son attirance (bien sublimée)
pour le pouvoir est elle plus forte que celle du bourgeois moyen.
NOTE FINALE
231. Partout dans cet
article nous avons fait des déclarations imprécises et des déclarations
auxquelles auraient dû être attachées des restrictions et des réserves ;
et certaines de nos déclarations sont peut être catégoriquement fausses. Le
manque d'information suffisante et le besoin de brièveté nous a rendu
impossible de formuler nos affirmations de façon plus précise ou d'ajouter
toutes les précisions nécessaires. Et bien sûr dans une discussion de cette
sorte il faut s'appuyer lourdement sur le jugement intuitif et celui ci peut
parfois être faux. Donc nous ne prétendons pas que cet article exprime plus
qu'une approximation grossière de la vérité.
232. Nous sommes tout de
même raisonnablement confiants que les grands traits généraux de l'image que nous
avons dépeinte ici sont grossièrement corrects. Nous avons décrit le gauchisme
en sa forme moderne comme un phénomène particulier à notre temps et comme un
symptôme de la perturbation du processus de pouvoir. Mais nous pourrions
probablement avoir tort sur ce point. Les types sursocialisés qui essayent de
satisfaire leur attirance pour le pouvoir en imposant leur morale aux autres
sont certainement là depuis longtemps. Mais nous PENSONS que le rôle décisif
joué par les sentiments d'infériorité, le manque de confiance en soi,
l'impuissance, l'identification avec les victimes par des gens qui ne sont pas
des victimes, est une particularité du gauchisme moderne. L'identification avec
les victimes par des gens qui n'en sont pas peut dans une certaine mesure être
trouvée dans le gauchisme du 19ème siècle et les débuts du
Christianisme, mais pour autant que nous puissions discerner, les symptômes de
manque de confiance en soi, etc, étaient loin d'être aussi évidents dans ces
mouvements, ou d'autres, que dans le gauchisme moderne. Mais nous ne sommes pas
en position d'affirmer avec assurance qu'aucun mouvement de ce genre n'a existé
avant le gauchisme moderne. C'est une question significative à laquelle les
historiens doivent prêter attention.
NOTES
1. (Paragraphe 19) Nous affirmons que TOUS, ou même la plupart,
des voyous et des compétiteurs impitoyables souffrent d'un sentiment
d'infériorité.
2. (Paragraphe 25) Pendant la période Victorienne beaucoup de
personnes sursocialisées souffraient de problèmes psychologiques sérieux suite
à la répression ou la tentative de réprimer leurs sensations sexuelles. Freud a
apparemment basé ses théories sur des personnes de ce type. Aujourd'hui la
cible de la socialisation a glissé du sexe à l'agression.
3. (Paragraphe 27) N'incluant pas nécessairement les spécialistes
des sciences "dures" de l'ingénieur.
4. (Paragraphe 28) Il y a beaucoup d'individus de la bourgeoisie
qui résistent à certaines de ces valeurs, mais d'habitude leur résistance est
plus ou moins secrète. Une telle résistance apparaît seulement dans une mesure
très limitée dans les mass-médias. La poussée principale de propagande dans
notre société est en faveur des valeurs exposées.
Les raisons principales pour lesquelles ces valeurs sont
devenues, pour ainsi dire, les valeurs officielles de notre société sont
qu'elles sont utiles pour le système industriel. La violence est découragée
parce qu'elle perturbe le fonctionnement du système. Le racisme est découragé
parce que les conflits ethniques perturbent aussi le système et que la
discrimination gâche le talent des membres de groupes minoritaires qui
pourraient être utiles pour le système. La pauvreté doit être
"guérie" parce que le sous-prolétariat cause des problèmes au système
et que le contact avec le sous-prolétariat démoralise les autres classes. Les
femmes sont encouragées à avoir une carrière parce que leurs talents sont
utiles pour le système et, plus important encore, parce qu'en ayant des emplois
stables les femmes deviennent mieux intégrées dans le système et liées
directement à lui plutôt qu'à leurs familles. Cela aide à affaiblir la
solidarité de famille. (Les dirigeants du système disent qu'ils veulent
renforcer la famille, mais ils veulent direen fait qu'ils veulent que la
famille soit un outil efficace pour socialiser les enfants en accord avec les
besoins du système. Nous exposons dans les paragraphes 51,52 que le système ne peut pas se permettre de
laisser la famille ou d'autres groupes sociaux à petite échelle être forts ou
autonomes).
5. (Paragraphe 42) On peut affirmer que la majorité des gens ne
veut pas prendre de décisions personnelles, mais préfère que des dirigeants
pensent pour eux. Il y a un élément de vérité dans cela. Les gens aiment
prendre des décisions sur les petites questions, mais prendre des décisions sur
des questions difficiles, fondamentales exige de faire face à des conflits
psychologiques et la plupart des gens détestent les conflits psychologiques.
Par là ils ont tendance à compter sur d'autres dans les décisions difficiles à
prendre. La majorité des gens sont des suiveurs naturels, pas des leaders, mais
ils aiment avoir un accès personnel direct à leurs leaders et participer dans
une certaine mesure aux prises de décisions difficiles. Au moins à ce degré ils
ont besoin d'autonomie.
6. (Paragraphe 44) Certains des symptômes décrits sont semblables
à ceux montrés par les animaux en cage.
Pour expliquer comment ces symptômes résultent de la privation
associée au processus de pouvoir :
La compréhension de la nature humaine par le bon sens nous dit
que le manque de buts dont l'accomplissement exige des efforts mène à l'ennui
et que l'ennui durable aboutit souvent à la dépression. L'échec à atteindre ses
buts mène à la frustration et à la baisse du respect de soi. La frustration
mène à la colère, la colère à l'agression, souvent sous la forme de mauvais
traitements au conjoint ou aux enfants. Il a été montré que la frustration
prolongée mène généralement à la dépression et que la dépression a tendance à
causer la culpabilité, des troubles du sommeil, des désordres alimentaires et
de mauvais sentiments envers soi même. Ceux qui ont une tendance dépressive
cherchent le plaisir comme antidote; d'où l'hédonisme insatiable et le sexe excessif,
ou avec des perversions comme moyen d'obtenir de nouveaux stimuli. L'ennui a
aussi tendance à causer une recherche excessive de plaisir car, manquant
d'autres buts, les gens utilisent souvent le plaisir comme un but. Voir le
diagramme associé. Ce qui précéde est une simplification. La réalité est plus
complexe et bien sûr la privation en rapport avec le processus de pouvoir n'est
pas
7. (Paragraphe 52) Une exception partielle peut être faite pour
quelques groupes passifs, introvertis, comme les Amish, qui ont peu d'effet sur
la société plus large. A part ceux-ci, quelques véritables communautés à petite
échelle existent effectivement en Amérique aujourd'hui. Par exemple, les gangs
de jeunes et les sectes. Chacun les considère comme dangereux et ils le sont,
parce que les membres de ces groupes sont loyaux principalement l'un envers l'autre
plutôt qu'envers le système, en conséquence le système ne peut pas les
contrôler. Ou prenez les gitans. Les gitans échappent généralement aux
condamnations pour vol ou fraude parce que leurs loyautés sont telles qu'ils
peuvent toujours obtenir d'autres gitans un témoignage qui "prouve"
leur innocence. Évidemment le système aurait de sérieux problèmes si trop de
gens appartenaient à de tels groupes. Certains des penseurs chinois du début du
20ème siècle qui s'intéressaient à la modernisation de
8. (Paragraphe 56) Oui, nous savons que l'Amérique du 19ème
siècle avait ses problèmes et qu'ils étaient sérieux, mais pour rester brefs
nous devons nous exprimer en termes simplifiés.
9. (Paragraphe 61) Nous laissons de côté le sous-prolétariat.
Nous parlons de la majorité.
10. (Paragraphe 62) Certains spécialistes des sciences humaines,
éducateurs, professionnels de la "santé mentale" et ainsi de suite
font de leur mieux pour pousser les besoins sociaux dans le groupe 1 en
essayant de faire en sorte que chacun ait une vie sociale satisfaisante.
11. (Paragraphes 63, 82) Le besoin d'acquisition matérielle infinie est
il vraiment une création artificielle de la publicité et du marketing ? Il
n'y a certainement aucun besoin humain inné pour l'acquisition matérielle. Il y
a eu beaucoup de cultures dans lesquelles les gens désiraient peu de richesses
matérielles au-delà de ce qui était nécessaire pour satisfaire leurs besoins
physiques de base (aborigènes australiens, culture traditionnelle des paysans
mexicains, certaines cultures africaines). D'un autre côté il y a aussi eu
beaucoup de cultures préindustrielles dans lesquelles l'acquisition matérielle
jouait un rôle important. Donc nous ne pouvons pas affirmer que la culture
actuelle orientée sur l'acquisition est exclusivement une création de la
publicité et du marketing. Mais il est clair que la publicité et le marketing
ont eu un rôle important dans la création de cette culture. Les grosses
sociétés qui dépensent des millions en publicité ne feraient pas ce genre de
dépenses sans preuve solide qu'elles en sont remboursées par des ventes
accrues. Un membre de FC a rencontré un directeur commercial il y a deux ou
trois ans qui fut assez franc pour lui dire, "Notre travail est de faire
les gens acheter des choses dont ils ne veulent pas et n'ont pas besoin."
Il a alors décrit comment un novice non formé présenterait aux gens des faits
sur un produit et ne vendrait rien du tout, tandis qu'un vendeur professionnel
formé et expérimenté vendrait de grandes quantités aux mêmes gens. Cela montre
que les gens sont manipulés pour acheter des choses qu'ils ne veulent pas
vraiment.
12. (Paragraphe 64) Le problème de l'absence de but semble être
devenu moins sérieux durant les 15 dernières années environ, parce que les gens
se sentent maintenant moins qu'auparavant en sécurité physiquement et
économiquement et le besoin de sécurité leur fournit un but. Mais l'absence de
but a été remplacée par la frustration due à la difficulté d'obtenir la
sécurité. Nous soulignons le problème de l'absence de but parce que les libéraux
et les gauchistes voudraient résoudre nos problèmes sociaux en donnant mission
à la société de garantir la sécurité de chacun; mais si cela pouvait être fait
cela ramènerait seulement le problème de l'absence de but. Le problème réel
n'est pas que la société assure bien ou mal la sécurité des gens; l'ennui est
que les gens dépendent du système pour leur sécurité plutôt que l'avoir entre
leurs propres mains. Ceci, à propos, fait partie de la raison pour laquelle
certaines personnes s'énervent sur le droit de porter des armes; la possession
d'une arme à feu met cet aspect de leur sécurité entre leurs propres mains.
13. (Paragraphe 66) Les efforts des Conservateurs pour diminuer la
quantité de règlements du gouvernement a peu d'avantages pour l'homme moyen.
D'une part, seulement une fraction des règlements peut être éliminée parce que
la plupart des règlements sont nécessaires. D'autre part, la dérèglementation
affecte surtout les affaires plutôt que l'individu moyen, ce qui fait que son
effet principal est de prendre le pouvoir au gouvernement pour le donner aux
sociétés privées. Ce que cela signifie pour l'homme moyen c'est que
l'interférence du gouvernement dans sa vie est remplacée par l'interférence de
grosses sociétés, à qui l'on peut permettre, par exemple, de rejeter plus de
produits chimiques qui se retrouvent dans son alimentation en eau et lui
donnent le cancer. Les conservateurs prennent juste l'homme moyen pour un gogo,
exploitant son ressentiment contre le Grand Gouvernement pour assurer le
pouvoir des Grandes Entreprises.
14. (Paragraphes 73, 114, 153) Quand quelqu'un approuve le but pour lequel
la propagande est utilisée dans un cas donné, il l'appelle généralement
"éducation" ou y applique quelque euphémisme semblable. Mais la
propagande est la propagande indépendamment du but pour lequel elle est
utilisée.
15. (Paragraphe 83) Nous n'exprimons pas d'approbation ou de
désapprobation sur l'invasion du Panama. Nous l'utilisons seulement pour
illustrer un point.
16. (Paragraphe 95) Quand les colonies américaines étaient sous
l'autorité britannique il y avait des garanties légales de liberté moindres et
moins efficaces qu'après que
Tant les cols-bleus que les cols-blancs dans les plus grands
établissements dépendaient mutuellement de leurs camarades. Comme le travail
d'un homme s'accorde à celui d'un autre, les affaire d'un homme n'étaient plus
les siennes propres". Les résultats de la nouvelle organisation de vie et
de travail étaient apparents avant 1900, quand environ 76 pour cent des
2 805 346 habitants du Massachusetts étaient classés comme citadins.
Beaucoup de comportements violents ou irréguliers qui avaient été tolérables
dans une société détendue, indépendante n'étaient plus acceptables dans
l'atmosphère plus formalisée, coopérative de la période postérieure ... Le
déplacement vers les villes avait, en bref, produit une génération plus docile,
plus socialisée, plus 'civilisée' que ses prédécesseurs."
17. (Paragraphe 117) Les apologues du système aiment citer des cas
dans lesquels les élections se sont décidées par un ou deux votes, mais de tels
cas sont rares.
18. (Paragraphe 119) "Aujourd'hui, dans les pays
technologiquement avancés, les hommes vivent des vies très semblables malgré
les différences géographiques, religieuses et politiques. Les vies quotidiennes
d'un employé de banque chrétien à Chicago, d'un employé de banque bouddhiste à
Tokyo, d'un employé de banque communiste à Moscou sont beaucoup plus semblables
que la vie de l'un quelconque d'entre eux ressemble à celle de n'importe quel
homme d'il y a mille ans. Ces ressemblances sont le résultat d'une technologie
commune..." L. Sprague de Camp, "The Ancient Engineers", édition
Ballentine, page 17.
Les vies des trois employés de banque ne sont pas IDENTIQUES.
L'idéologie a vraiment un certain effet. Mais toutes les sociétés techniques,
pour survivre, doivent se développer le long APPROXIMATIVEMENT la même
trajectoire.
19. (Paragraphe 123) Imaginons juste qu'un ingénieur généticien
irresponsable pourrait créer beaucoup de terroristes.
20. (Paragraphe 124) Pour un nouvel exemple des conséquences
indésirables du progrès médical, supposez que l'on découvre un remède fiable
contre le cancer. Même si le traitement est trop cher pour être disponible à
tous, sauf à l'élite, il réduira énormément la motivation à arrêter l'émission
de cancérigènes dans l'environnement.
21. (Paragraphe 128) Comme beaucoup de gens peuvent trouver
paradoxale la notion que la somme d'un grand nombre de bonnes choses peut être
une mauvaise chose, nous l'illustrerons par une analogie. Supposons que A joue
aux échecs avec B. C, un Grand Maître, regarde par dessus l'épaule de A. A veut
bien sûr gagner sa partie, donc si C lui indique un bon mouvement, il fait une
faveur à A. Mais supposons maintenant que C dise à A comment faire TOUS ses
mouvements. Dans chaque cas particulier il fait une faveur à A en lui montrant
le meilleur mouvement, mais en faisant TOUS les mouvements pour lui il gâte le
jeu, puisqu'il n'y a pas de raison que A joue du tout si quelqu'un d'autre lui
indique tous ses mouvements.
La situation de l'homme moderne est analogue à celle de A. Le
système rend la vie d'un individu plus facile pour lui de façons innombrables,
mais il le prive ainsi du contrôle sur son propre destin.
22. (Paragraphe 137) Ici nous considérons seulement le conflit de
valeurs dans la majorité. Pour la simplicité nous ne prenons pas en compte des
valeurs "étrangères" comme l'idée que la nature sauvage est plus
importante que le bien-être économique humain.
23. (Paragraphe 137) L'intérêt personnel n'est pas nécessairement
l'intérêt personnel MATÉRIEL. Il peut consister dans l'accomplissement de
quelque besoin psychologique, par exemple, en favorisant son idéologie ou
religion.
24. (Paragraphe 139) Une précision : Il est dans l'intérêt du
système de permettre un certain degré défini de liberté dans quelques secteurs.
Par exemple, la liberté économique (avec des limitations appropriées et des
contraintes) s'est montrée efficace dans l'augmentation de la croissance
économique. Mais seule la liberté planifiée, circonscrite, limitée est dans
l'intérêt du système. L'individu doit toujours être tenu en laisse, même si la
laisse est parfois longue (voir les paragraphes 94, 97).
25. (Paragraphe 143) Nous ne voulons pas suggérer que l'efficacité
ou le potentiel de survie d'une société aient toujours été inversement proportionnels
au niveau de pression ou de malaise auquel la société soumet les gens. Ce n'est
certainement pas le cas. Il y a de bonnes raisons de croire que beaucoup de
sociétés primitives soumettaient les gens à moins de pression que la société
européenne le faisait, mais la société européenne s'est montrée beaucoup plus
efficace que toute société primitive et a toujours gagné dans les conflits avec
ces sociétés à cause des avantages conférés par la technologie.
26. (Paragraphe 147) Si vous pensez qu'une application plus
efficace de la loi est bonne sans équivoque parce que cela supprime le crime,
alors souvenez vous que le crime tel que défini par le système n'est pas
nécessairement ce que VOUS appelleriez le crime. Aujourd'hui, fumer de la
marijuana est "un crime" et, en certains endroits des Etats-Unis, il
en est de même de la possession de N'IMPORTE QUELLE arme à feu, enregistrée ou
pas, et la même chose peut arriver avec des méthodes d'éducation désapprouvées,
comme donner une fessée. Dans certains pays, l'expression d'opinions politiques
dissidentes est un crime et il n'y a aucune certitude que cela n'arrivera
jamais aux Etats-Unis, car aucune constitution ou système politique ne durent
toujours.
Si une société a besoin d'une grosse et puissante structure
policière, alors il y a quelque chose de gravement mauvais dans cette société;
elle doit soumettre les gens à des pressions sévères si autant d'entre eux
refusent de suivre les règles, ou ne les suivent que parce qu'on les force.
Beaucoup de sociétés dans le passé fonctionnaient avec peu ou pas de police
formelle.
27. (Paragraphe 151) Certes, les sociétés passées ont eu des
moyens d'influencer le comportement, mais ceux-ci étaient primitifs et de
faible efficacité comparés avec les moyens technologiques qu'on développe
maintenant.
28. (Paragraphe 152) Cependant, quelques psychologues ont
publiquement exprimé des avis indiquant leur mépris pour la liberté humaine. Et
Omni (août 1987) cite le mathématicien Claude Shannon : "je vois un
temps où nous serons aux robots ce que les chiens sont aux humains et
j'encourage les machines."
29. (Paragraphe 154) Ce n'est pas de la science-fiction! Après
l'écriture du paragraphe 154 nous avons rencontré par hasard un article dans
Scientific American selon lequel les scientifiques développent activement des
techniques pour identifier les criminels potentiels et pour les traiter par une
combinaison de moyens biologiques et psychologiques. Quelques scientifiques
préconisent l'application obligatoire du traitement, qui pourrait être
disponible dans le proche avenir. (Voir "Seeking the Criminal
Element", par W. Wayt Gibbs, Scientific American, mars 1995.) Vous pensez peut être que c'est une
bonne chose parce que le traitement serait appliqué à ceux qui pourraient
conduire en état d'ivresse (ils mettent aussi en danger la vie humaine), puis
peut-être à ceux qui fessent leurs enfants, et puis aux écologistes qui
sabotent les équipements d'enregistrement, finalement à tous ceux dont le
comportement est gênant pour le système.
30. (Paragraphe 184) Un autre avantage de la nature comme
contre-idéal à la technologie est que, pour beaucoup de gens, la nature inspire
la sorte de révérence qui est associée à la religion, ce qui fait que la nature
pourrait peut-être être idéalisée sur une base religieuse. Il est vrai que dans
beaucoup de sociétés la religion a servi de support et de justification à
l'ordre établi, mais il est aussi vrai que la religion a souvent fourni une
base pour la rébellion. Ainsi il peut être utile d'introduire un élément
religieux dans la rébellion contre la technologie, d'autant plus que la société
Occidentale n'a aujourd'hui aucune base religieuse forte.
La religion, de nos jours est utilisée comme le support bon
marché et transparent d'un égoïsme étroit et à court terme (certains
conservateurs l'utilisent de cette façon), ou est même exploitée cyniquement
pour faire de l'argent facile (par beaucoup d'évangélistes), ou a dégénéré dans
un pur irrationalisme (fondamentalistes protestants, sectes), ou est simplement
stagnante (catholicisme, protestantisme de base). Ce qui ressemble le plus à
une religion forte, répandue, dynamique en Occident dans les temps récents est
la quasi-religion du gauchisme, mais le gauchisme est aujourd'hui fragmenté et
n'a aucun but clair, unifié, inspirant.
Ainsi il y a un vide religieux dans notre société qui pourrait
peut-être être remplie par une religion concentrée sur la nature en opposition
avec la technologie. Mais ce serait une erreur d'essayer d'inventer
artificiellement une religion pour remplir ce rôle. Une religion inventée ainsi
serait probablement un échec. Prenez la religion "Gaia" par exemple.
Ses adhérents y croient-ils VRAIMENT ou jouent-ils juste la comédie ?
S'ils jouent juste la comédie leur religion finira en fiasco.
Il est probablement mieux de ne pas essayer d'introduire la
religion dans le conflit de la nature contre la technologie à moins que vous ne
croyiez VRAIMENT en cette religion vous-même et constatiez qu'elle réveille une
réponse profonde, forte, véritable chez beaucoup d'autres gens.
31. (Paragraphe 189) En supposant qu'une telle poussée finale se
produise. Évidemment le système industriel pourrait être éliminé d'une façon
plus ou moins graduelle ou par secteurs. (Voir les paragraphes 4, 167 et la note 4).
32. (Paragraphe 193) Il est même concevable (de loin) que la
révolution pourrait consister seulement en un changement massif d'attitude
envers la technologie aboutissant à une désintégration relativement graduelle
et indolore du système industriel. Mais si cela arrive nous aurons beaucoup de
chance. Il est beaucoup plus probable que la transition vers une société
non-technologique sera très difficile et pleine de conflits et de désastres.
33. (Paragraphe 195) Les structures économique et technologique
d'une société sont beaucoup plus importantes que sa structure politique dans la
détermination du mode de vie de l'homme moyen (voir les paragraphes 95, 119 et les notes 16, 18).
34. (Paragraphe 215) Cette déclaration se réfère à notre marque
particulière d'anarchisme. Une large variété d'attitudes sociales a été appelée
"anarchisme" et il se peut que certains qui se considèrent
anarchistes n'accepteraient pas notre déclaration du paragraphe 215. Il devrait
être noté, à ce propos, qu'il y a un mouvement anarchiste non violent dont les
membres n'accepteraient probablement pas FC comme anarchiste et
n'approuveraient certainement pas les méthodes violentes de FC.
35. (Paragraphe 219) Beaucoup de gauchistes sont motivés aussi par
l'hostilité, mais l'hostilité résulte probablement en partie d'un besoin
frustré de pouvoir.
36. (Paragraphe 229) Il est important de comprendre que nous voulons dire quelqu'un qui sympathise avec ces MOUVEMENTS comme ils existent aujourd'hui dans notre société. Celui qui croit que les femmes, les homosexuels, etc, devraient avoir les mêmes droits n'est pas nécessairement un gauchiste. Les mouvements féministe, des droits gay, etc, qui existent dans notre société ont le ton idéologique particulier qui caractérise le gauchisme et si on croit, par exemple, que les femmes devraient avoir les mêmes droits il ne s'ensuit pas nécessairement qu'on doive sympathiser avec le mouvement féministe tel qu'il existe aujourd'hui.