Textes
d'Afrique de Daniel Milan.
« Non, tout n'est pas parfait ici, je n'ai jamais dit ça, mais malgré l'insécurité, qui n'est pas propre à l'Afrique, j'étouffe moins, je me sens plus libre, moins angoissé... J'ai tellement été
écrasé, que j'apprécie ce que je
vis... » L'APPEL DE L'AFRIQUE (2/03/19) CE RÉCIT EST AUSSI UN HOMMAGE A MON PÈRE, JACQUES MILAN, MILITANT ANARCHO-SYNDICALISTE ET ANTICOLONIALISTE Je ne suis pas de ceux qui accusent les dirigeants africains de tout ce qui ne va pas. Je pense que la plupart, font ce qu'ils peuvent pour leurs populations. Cependant ils ne peuvent tout faire. Je ne suis pas non plus du nombre des blancs qui s'autoflagellent ou qui mettent tous les blancs dans le même sac, en les accusant de tous les maux. Seules quelques dynasties financières, ont bâti leur fortune sur l'exploitation de l'Afrique. Aucun de mes aïeux n'a participé, ni été complice du pillage de l'Afrique. Mon arrière-grand était
instituteur en Algérie. Enfant,
je rêvais aussi d'horizons lointains. J'étais
passionné par l'Afrique et les peuples de l'Afrique. Je
voulais voir l'Afrique et tout connaître de l'Afrique... Je
devorais les récits de voyages contenus dans les revues "
Marco Polo et Sciences et Voyages. Je ne concretiserai ce rêve
que bien plus tard. J'avais aussi des correspondants africains,
c'était assez un peu la mode à l'époque.
Nous échangions des photos et des infos sur nos pays
respectifs. Je m'étais aussi lié d'amitié
avec des étudiants africains qui étaient pions dans
notre école. Ils étaient là curiosité
de beaucoup d'élèves. Il n'y avait aucun racisme à
leur égard, juste un peu de jalousie par leur succès
auprès des filles. Je me souviens aussi que les jeunes
filles de l'époque avaient un grand engouement pour les
Africains. Il y avait aussi quelques mariages mixtes à
Étampes où j'habitais. Je trouvais les petits
métis, magnifiques. Les étudiants africains que je
connaissais étaient des fils de notables africains. Ils
étaient anticolonialistes et aspiraient à
reconstruire l'Afrique et à dégager les notables de
l'époque. Je les écoutais parler de l'Afrique avec
passion et admiration et aussi avec le regard d'un enfant. En 1991, j'irai en Algérie à
l'invitation d'un journaliste proche du FIS. Durant mon
séjour, je partagerai l'espoir des Algériens. J'y ai trouvé une compagne. Je rêve d'y concrétiser un projet de vie et aussi d'épouser ma compagne, malgré le refus de la France de me délivrer un CCM ( Certificat de capacité de mariage). Lors de mon premier séjour en Afrique,
une jeune fille de 20 ans, m'a dit, " j'en en marre d'être
pauvre". Depuis, ce cri de désespoir, n'a de cesse de
m'hanter. Daniel Milan
MA VIE EN
AFRIQUE (25/07/19) Toutes proportions gardées, même
en compagnie d'un ami français, dans mes "pérégrinations"à
travers les pistes, je suis souvent dans l'attitude du "
promeneur solitaire" de Jean-Jacques Rousseau... Mes problèmes de santé, hélas,
accaparent une partie, toujours plus importante de ma vie, en
soins, en soucis, en angoisses quand ils se réveillent.
Ils sont les conséquences, non pas d'excès
alimentaires, mais d'années, des périodes, du
moins, de malbouffe, de consommation de sodas, de fromages, de
pâtes, de frites, de chips, de pizzas, de cafés ;
d'années de précarité et de travail de nuit
aussi... Sans doute que mon repos éternel, le
plus tard possible ( je n'ai pas encore envie de me reposer,
surtout pour l'éternité) ; sera dans ce coin
d'Afrique où le destin m'a conduit et qui emportera les
secrets de ma vie. La concrétisation improbable, d'un
vieux rêve aussi : voir l'Afrique... Daniel Milan
MA VIE EN AFRIQUE
(25/08/19) Mon grand plaisir est de sillonner à pied les pistes des quartiers populaires, seul, ou en compagnie d'un ami français, à la rencontre de cette Afrique authentique et vivante. De m'asseoir quelques instants à l'ombre d'un arbre pour mieux m'imprégner de cette Afrique éternelle ; admirer les pièces réalisées par des artisans/artistes ferronniers et menuisiers installés en bordure des pistes ; admirer aussi la beauté des femmes qui circulent sur les pistes. Ce sont elles aussi, des œuvres d'art, mais des œuvres d'art vivantes du Créateur. Mon dieu qu'elles sont divinement belles, éblouissantes, vivantes, émouvantes, passionnantes, un vrai plaisir des yeux et de l'esprit. Je comprends mieux pourquoi 80% des blancs de la région ont une compagne sénégalaise. Par contre, je comprends moins bien le fait que 60% des vieilles blanches, aient un jeune compagnon sénégalais , mais c'est leur droit, leur choix et leur liberté aussi. Je connais une vieille dame française
de 90 ans, qui séjourne chaque année au Sénégal
depuis 20 ans. Elle m'a dit qu'elle venait au Sénégal,
parce que chez elle, dans sa petite ville de l'Est de la France,
elle vivait seule recluse dans sa maison. Aucun voisin ne venait
lui rendre visite et assez rarement son fils. Elle se sentait
mieux, ici, au Sénégal, au moins, on venait la
voir. Prévoyante, elle a même retenu sa place dans
un cimetière privé de toubabs, au cas où
elle decederait au cours d'un séjour au Sénégal.
La résidence où elle descend quand elle séjourne
au Sénégal, est à dimension humaine : 14
appartements entourant un patio, occupés en partie, par
des Français de passage, en mission professionnelle ou
humanitaire et quelques familles sénégalaises. J'y
ai vécu quelques mois lors de mon premier séjour au
Sénégal. Je suis dans la même dernière
démarche que cette dame, mais le plus tard possible. Ce ne
sera pas dans un cimetière de blancs, mais un cimetière
musulman. Le coût de l'enterrement est de 5000 FCFA (
7€50), ce qui inclus le transport du corps par charette, le
rituel musulman : lavage du corps, et le creusement du
trou. Je présume qu'à ce prix là, la stèle
est une option supplémentaire. Un tel enterrement est tout
de même plus romantique que de finir dans une fosse commune
en France après "s'être" fait racketter
post-mortem, un max, au passage à tous les
étages. Je suis très heureux de me trouver dans un pays, qui, malgré tous les défauts ( vrais ou faux) que l'on peut lui attribuer, respecte les citoyens et l'humain ; où règne la paix entre les différentes ethnies ( 23) du Sénégal et les fidèles des trois religions : islam, catholicisme, animisme. Je souhaiterais, certes, encore davantage de bonheur, avoir plus de moyens pour acheter un bout de terrain et une baraque, pour mes proches ; pouvoir mieux me soigner et découvrir tout le pays... Inchallah. Il y a deux ans encore, je couchais par terre
sur un matelas, dans une chambre que j'avais loué,
je rangeais mes vêtements dans des sacs de riz. Je n'avais
pour tout mobilier qu'un matelas, un gaz pour cuire les aliments
et une table en bois que l'on m'avait donné.
Je n'ai pas les mêmes préoccupations
et motivations que la plupart des blancs d'ici, ni le mode de
vie. Je ne suis jamais allé sciemment à leur
rencontre. Les seuls que je connaisse un peu ici ; ce sont ceux
que j'ai pu rencontrer par hasard et qui ne font pas partie du
milieu toubab. Mon objectif était de vivre intensément
chaque instant présent, je crois l'avoir atteint. Le système des chambres louées au mois à partir de 15000 FCFA ; permet à beaucoup d'avoir un logement pour pas trop cher et de bénéficier de l'usage des parties communes. Des jeunes filles prennent souvent une chambre à deux, ce qui diminue encore le coût de la location mensuelle. Je vous ai résumé là, le système économique sénégalais. C'est un système économique de survie, certes, mais qui peut être amélioré et qui comporte des points et des effets positifs en attendant mieux. Des Sénégalais commencent à prendre conscience de la nécessité de manger mieux et plus naturel. Il y a même des marchés bio à Dakar et des boutiques proposant des produits bio, mais je crains que cela ne soit qu'un créneau commercial destiné à une clientèle aisée. Le pauvre a d'autres soucis que d'acheter bio, il n'en a pas non plus les moyens, ni conscience que ce qu'il mange est mauvais pour sa santé. Le diabète et l'hypertension font des ravages dans la population, conséquences de fortes consommation de sucre, de boissons sucrées, de sauces composées d'huile de palme et de cubes, accompagnant le traditionnel riz ( brisures de riz, le plus souvent importées) dont la consommation s'est substituée à celle des céréales locales : mil, sorgho, fonio, bien plus riches en éléments minéraux et vitamines. Beaucoup manquent de fer et d'autres minéraux Ils vont donc les acheter en pharmacie, alors qu'il y a ici des feuilles de moringa très riches en minéraux et vitamines, que l'on peut acheter partout pour quelques francs. L'école est obligatoire. Pratiquement
toutes les écoles sont privées, payantes et
confessionnelles, pour la plupart, mais dispensent un même
programme généraliste laïc, établi par
le Ministère de l'Education nationale. Ces écoles
mettent toutes en avant l'enseignement de la bonne éducation
à leurs élèves. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ J'espère que je pourrai concrétiser, inchallah, ce beau projet avant de " partir" ; le dédier à mes combats, à mes enfants, à ma compagne et à mes Amis fidèles, car ce n'est pas seulement un projet ; il y a aussi d'autres projets dans ce projet qui ne s'arrêteront pas avec ma " disparition". Ma compagne en assurera la continuité. Je vois aussi qu'ici beaucoup de monde, des femmes et des jeunes filles surtout, songe à acquérir un bout de terrain pour y construire une maison modulable. Elles ont compris qu'avoir un terrain et un logement à soi, étaient la base de tout et le moyen de s'assurer de leur autonomie et de l'essentiel. Daniel Milan
MA VIE EN AFRIQUE (31/08/19) Ici beaucoup d'enfants n'ont rien comme en Europe et dorment le plus souvent par terre, à même le sol. Les jouets, ils se les fabriquent : une vieille roue de voiture ou d'un vélo, une ficelle ou un bout de fil de fer. La bouffe : l'éternel riz ( des brisures du riz) parfois du riz au poisson, exceptionnellement du riz au poulet, et encore plus rarement, riz au mouton. Bref, la pauvreté à tous les étages. Et pourtant ils sont heureux, ils s'amusent avec un rien. Après, chacun essaie de s'en sortir comme il le peut, mais pour ainsi dire, jamais... Beaucoup de gens en Europe, ont des fausses idées à propos de l'Afrique, je ne dis pas que cela soit ton cas, car je ne le pense pas. Pourtant, ici, les jeunes surtout, ne désespèrent pas... Je préfère quand même être dans cette région de l'Afrique que dans d'autres. Et de tout ce que j'ai pu connaître de bon en France, il ne reste plus rien. Il ne reste que mes souvenirs. Non, tout n'est pas parfait ici, je n'ai jamais dit ça, mais malgré l'insécurité, qui n'est pas propre à l'Afrique, j'étouffe moins, je me sens plus libre, moins angoissé... J'ai tellement été écrasé, que j'apprécie ce que je vis... Daniel Milan |