Voici un texte de témoignage écrit après un voyage d'étude en novembre 2000 en Irak sous embargo.

Il montre bien ce qu'a subi ce peuple si courageux pris en étau entre deux guerres et ce blocus immonde qui a décimé toute les composantes de la population.

La dernière guerre et l'occupation américaine a fini par semer la terreur et a cherché à diviser les populations qui s'étaient battues ensembles, pendant tant d'années contre cet embargo criminel, la pauvreté, les maladies dont celles liées à l'emploi d'armes radioactives.

Ginette Hess Skandrani

TÉMOIN D'IRAK

Bagdad, l'envers du décor

Lorsque j'ai reçu ce coup de fil, début novembre 2000, me demandant si je voulais participer à une délégation qui se rendait en Irak, à partir du 8 novembre, soit par avion soit par la route, je me trouvais en Alsace.

Je ne m'y attendais pas du tout et je ne savais pas si je devais accepter ou refuser cette proposition.

Jusqu'à ce jour, alors que j'avais toujours défendu le peuple irakien, lors des bombardements et contre l'embargo dont il est victime, j'ai toujours refusé ce voyage qui m'a souvent été proposé. Etait-il possible d'amener mon soutien au peuple irakien, circuler dans les rues de Bagdad, écouter, comprendre et témoigner sans passer par les différentes strades du pouvoir?

Je ne voulais en aucune façon cautionner le régime irakien.

Jusqu'à ce jour, nous avons toujours réussi, malgré toutes les pressions, à dénoncer l'impérialisme USA, la veulerie de l'Europe et la couardise du reste du monde, y compris le monde arabe par rapport à la misère, à l'exclusion, à la mort lente imposée à ce peuple, sans passer pour des affiliés au régime irakien.

Je ne voulais pas brader tous ces acquis, continuer à discuter avec les opposants, du moins avec ceux qui ne sont pas inféodés aux USA et qui demandent aussi la levée de l'embargo, tout en condamnant le régime.

C'était très important pour moi, de pouvoir à la fois, écouter et dialoguer avec tous les Irakiens de toutes tendances, y compris les Kurdes, les Chi'ites, sans tomber dans le piège : soutenir l'Irak et son peuple c'est soutenir la politique de Saddam.

Piège qui marche très bien et qui permet de laisser mourir un peuple en se lavant les mains.

J'ai réfléchi, pesé le pour et le contre, demandé quelques conseils autour de moi, y compris à des opposants irakiens, et "le pour" l'a finalement emporté.

Cela faisait si longtemps que je m'étais mobilisée dans les différentes coordinations, appels et comités pour ce peuple, exclu, meurtri, empoisonné et pollué par les bombes, et j'avais une grande envie de le rencontrer, et surtout d'aller voir sur place ce qu'il en était véritablement, en dehors des déclarations assassines des uns et des soutiens inconditionnels au régime des autres. Si j'ai fait une erreur, je ne la regrette pas.

Ce voyage, bien qu'un peu court mais combien instructif, m'a permis de renforcer mes opinions.

 

Un avion pour Bagdad

Nous pensions d'abord profiter de cet avion pour Bagdad, tant annoncé et toujours remis.

En effet, plusieurs associations avaient programmé un avion afin de violer l'embargo contre les vols civils alors qu'aucune résolution des Nation-Unies ne les prohibe.

Cet avion fantôme, tant annoncé, puis démenti, puis ré-annoncé, devait déjà décoller le 29 septembre.

Il n'a jamais quitté Paris. L'échec de cette courageuse initiative, est-il dû aux tracasseries administratives, au manque d'expérience des associations humanitaires, aux pressions et manipulations politiques de toutes sortes, à l'absence de documents nécessaires à la navigation aérienne ?

Nul ne peut le dire aujourd'hui.

 

La traversée du désert en taxi

Un nouvel avion, en discussion avec des compagnies privées, devait donc quitter Paris pour la participation à la "Conférence de Bagdad pour la levée de l'embargo" qui se tenant à Bagdad du 11 au 12 novembre 2000.

Les négociations n'ayant pu aboutir, nous avons bien pris un avion, mais pour Amman, en Jordanie. Et, pour arriver jusqu'à destination, il nous a fallu traverser 900 km de désert dans un taxi brinquebalant qui tombait en panne, par manque d'essence, tous les 100 km, subir une heure et demi de tracasseries entre les deux frontières, la soif, la faim.

Il n'y a qu'un seul arrêt à environ 250 km de Bagdad. Nous étions quatre représentants d'association, Gilles et Xavière pour les Amitiés Franco-Irakiennes, Patricia pour l'Appel Franco-Arabe et moi pour la Pierre et l'Olivier, plus le chauffeur irakien.

Nous avons partagé ces treize heures inconfortables de route. J'avais déjà compris ce qui allait m'attendre à Bagdad, vu la difficulté de contourner ce blocus pour arriver au bout du voyage.

Des km et des km de désert se sont additionnés et ont défilé sous nos yeux, très rocailleux avec des tas de pierres foncées du côté jordanien - "de quoi alimenter de nombreuses Intifada" disait Patricia -, de terre ocre et plus sablonneuse du côté irakien. La route, à part des vieux taxis faisant la traversée dans les deux sens, des camions transportant du pétrole, était déserte.

Quelques tentes de tribus nomades aperçues au loin, des troupeaux de chèvres, de moutons, des bédouins reconnaissables à leur Keffiehs rouges et blancs postés sur la route attendant on ne sait quoi.

Contrairement à mes collègues, je ne voulais pas m'endormir, je tenais absolument à ne pas perdre une miette du paysage, mais le sommeil à fini par me rattraper.

Je ne sais pas d'ailleurs comment exprimer mon admiration à notre chauffeur qui a su si bien tenir le coup pendant toute cette traversée où il faisait tantôt chaud, tantôt, dès que le jour tombait, très froid.

Il était d'un calme exemplaire avec un sourire bienveillant qui ne l'a jamais quitté.

Un petit retour historique Je passais mon temps, à me remémorer tous les événements qui ont fait que ce peuple m'est devenu si familier depuis le 3 août 1990, date à laquelle a débuté la crise du Golfe avec l'occupation du Koweït.

Les USA ont immédiatement décrété qu'il fallait de toute urgence libérer ce pays, prenant la réunion de la Ligue arabe de court et proposant un embargo sur l'Irak, voté, sous leur pression par le conseil de sécurité de l'ONU.

Nous nous doutions déjà que les USA voulaient écraser l'Irak, non pas pour libérer le Koweït, comme ils le prêchaient, mais bien pour contrôler toute la zone pétrolifère du Golfe, afin de favoriser leurs intérêts dans la production de l'or noir, dans sa distribution, et surtout contrôler le coût de la distribution.

L'avenir nous a prouvé que nous n'avions pas tort. L'Irak avait aussi acquis un niveau de développement industriel et économique qui ne pouvait que faire ombrage à l'enfant chéri des USA : l'Etat d'Israël qui devait rester la seule puissance, y compris au niveau des armes de destruction de masse : atomiques, chimiques et biologiques.

Il fallait casser l'Irak et pour pouvoir le faire en toute légalité il fallait faire une campagne de presse dénonçant Saddam Hussein comme le nouvel Hitler.

Nous savions tous que Saddam Hussein était un dictateur, qu'il a éliminé tous ses opposants, qu'il a sévèrement réprimé les révoltes Kurdes et chi'ites, qu'il a instauré un parti unique : le Parti Baas grâce auquel il a réussi à se maintenir depuis si longtemps au pouvoir.

Nous savions qu'il a déclenché la guerre contre l'Iran à la demande de l'Occident impérialiste qui craignait pour ses intérêts après la prise de pouvoir des islamistes et la nationalisation des puits pétroliers.

Tous ceux qui concluaient des accords avec l'Irak, y compris les pays défenseurs des droits de l'homme comme les différents gouvernements français l'ont toujours su.

Nous ne voulions en aucune manière soutenir ceux qui dirigent le pays, mais nous nous posions quand même certaines questions : " Pourquoi Saddam était-il brusquement devenu l'ennemi? Et pourquoi, fallait-il punir le peuple irakien qui lui, n'avait rien eu à voir avec toutes ces manipulations ?"

Au moment où débutait ce qu'on a vulgairement appelé la crise du Golfe, nous nous étonnions toujours que nulle part, dans aucune émission de télé, dans aucune presse, on ne faisait référence au peuple.

Il nous semblait que, pour l'ensemble de l'opinion il devait devenir évident qu'en Irak, il n'y avait que Saddam et ses proches, les autres étaient devenus des fantômes dans leur propre pays.

A l'initiative de Denis Langlois, avocat, écrivain pacifiste et de quelques communistes et trotskistes, de deux écologistes, René Dumont et moi, quelques féministes, nous avions lancé l'Appel des 75 contre la guerre du Golfe et nous avons commencé à mobiliser bien avant les premiers bombardements.

Parallèlement nous avions crée "Citoyennes pour la paix" pour dénoncer non seulement la guerre qui se préparait, mais aussi l'embargo qui était une arme tout aussi meurtrière et destructrice que la guerre lancée contre le peuple irakien.

Par la suite, j'ai participé à de nombreuses coordinations et comités pour la levée de l'embargo, qui se défaisaient, se recréaient, car le débat n'a jamais été résolu entre ceux qui voulaient uniquement soutenir le peuple, ceux qui voulaient amener leur soutien au gouvernement et ceux qui pensaient que Saddam était le problème de son peuple et que se n'était pas à nous de décider qui devait diriger l'Irak.

Le débat n'a jamais été résolu.

Même les Irakiens de France ont essayé de crée une association entre des fidèles et des opposants, ils n'y sont pas arrivés. Alors.... je me disais je pourrais peut-être comprendre.

Les trafics du désert Les km défilaient toujours, et entre deux réflexions, j'ouvrais de temps en temps un oeil pour contempler l'uniformité du paysage.

Nous étions encore loin, je pouvais continuer à réfléchir. Notre taxi, arrivé à une cinquantaine de km de la frontière irakienne commençait à tomber en panne. Voyant l'état de la voiture nous commencions à nous poser des questions. Mais nous avons vite compris, en voyant tous les trafics de bidons d'essence, que tous les chauffeurs attendaient la première station d'essence irakienne pour faire le plein.

En effet, le prix de l'essence est près de cinquante fois moins cher en Irak, (a peu près l'équivalent de 7 centimes français), et il est donc plus avantageux de racheter quelques litres le long des routes, pour le plaisir de toutes sortes de dealers d'essence, plutôt que de faire un plein en Jordanie.

Après trois pannes successives, nous avons enfin réussi à franchir la frontière. Tout ce cinéma nous a fait plutôt sourire. Nous avons attendu une heure et demi pour la vérification des papiers. Il paraît que c'était un bon jour car, d'ordinaire cela dure plus longtemps. Nous voilà enfin en Irak, il nous reste 400 km jusqu'à Bagdad.

La nuit tombe très vite, dès 16 heures, heure locale (il est 14 heures à Paris). Une arrivée un peu mouvementée A l'hôtel El Mansour, vers 19 heures, après avoir posé nos affaires, nous allons dîner et là, nous rencontrons quelques personnes de connaissance. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant la femme de Le Pen dans l'assistance. Présidente d'une association humanitaire "SOS Enfants d'Irak" elle venait de débarquer en compagnie du prince Bourbon de Parme et de quelques autres personnes dont ses garde- corps, d'un jet privé qui venait en direct de Paris.

Je ne comprenais pas et je ne me suis pas gênée pour le dire ainsi que Patricia : "comment pouvait-elle soutenir les Arabes et les Musulmans en Irak, alors que son mari voulait les virer de France".

Nous avons refusé sa compagnie. Une autre association, nous avions compris par la suite que c'était une scission de SOS Enfants d'Irak, "France-Irak Fraternité", était largement représentée : un conseiller général Pierre Lusan, sa femme d'origine tunisienne Marie Lusan et un de nos ex-réfugié s'étant entre-temps réconcilié avec le pouvoir tunisien : Mesri Hadad. Ils étaient des invités de la Conférence, alors que la première association voulait prendre leur place. Le feuilleton promettait d'être intéressant. Mais nous ne savions pas que nous, à part Gilles, n'étions pas non plus inscrites sur la liste des participants à cette conférence. Ce qui nous a laissé perplexes. Ne sachant quoi faire nous nous sommes adaptées et avons laissé Gilles régler ce problème.

D'ailleurs Bagdad nous intéressait nettement plus que la conférence.

L'hôtel était correct, bien que la bouffe était assez moyenne et pas variée du tout et que l'ascenseur ne voulait jamais aller à l'étage que nous lui indiquions.

Mais dans un pays où les gens essayaient de survivre, nous avions compris que nous étions des favorisés, ainsi que l'ensemble des délégations invitées et logées dans les hôtels de la capitale. Par la suite, après deux jours de négociation, des menaces de départ de la part de Gilles, nous avons fini par être toléré dans la conférence, après l'inauguration.

L'association de Jannie Le Pen, malgré son jet privé et ses ordinateurs amenés aux dirigeants, n'a pas été acceptée.

Ils n'ont autorisé qu'une intervention, j'en ai profité pour lancer un appel se soutien à l'Intifada et demander qu'ils fassent une étude sérieuse sur la contamination des sols, des eaux et des nappes phréatiques par l'uranium appauvri utilisé par les USA pour bombarder l'Irak.

En effet, des particules très volatiles et radioactives pendant plus de mille ans se sont éparpillés non seulement en Irak et au Koweït, mais aussi en Arabie Saoudite.

Le syndrome de la guerre du Golfe qui a atteint les militaires US, Canadien et Français n'a évidemment pas épargné les peuples de la région.

La conférence regroupant 110 associations issues de 29 pays ( Arabes, Européens de l'Ouest et de l'Est, russes, Asiatiques, Latino-américains) a finalement, après deux jours de travaux, tout en demandant la levée totale de l'embargo, le viol des restrictions aériennes, amené son soutien à l'Intifada pour la libération de la Palestine et proposé de s'ouvrir plus largement dans un démarche de lutte contre la mondialisation.

Les rues de Bagdad A première vue, Bagdad, avec ses avenues illuminées, animées par plein de vendeurs à la sauvette, par des marchés à perte de vue, ses statues, ses portraits de Saddam, ses monuments reconstruits, ses magnifiques ponts enjambant le Tigre est une ville fascinante et un peu mystérieuse.

En se promenant dans la rue Saadoun, on se rend compte, qu'en fait ces marchands vendent souvent n'importe quoi, leurs biens personnels, troquent des bijoux, des livres contre de la nourriture, échangent tout et n'importe quoi.

Certains magasins sont nettement mieux achalandés et proposent des produits touristiques, beaucoup d'agence de photos, de voyages.

Plusieurs salles de cinéma, avec des banderoles vantant tel ou tel film, des galeries d'art, des restaurants et surtout des vendeurs de jus de fruit dont le jus de grenade dont nous raffolons. Surtout vendu à 250 dinars (un peu plus d'un franc), même à ce prix là, peu d' Irakiens peuvent en consommer.

D'ailleurs beaucoup de gens mendiaient dans la rue, des femmes surtout enveloppées dans leur longs voiles noirs, entourées d'une ribambelle d'enfants décharnés et sales, certainement malades. Ces enfants qui avaient faim et cherchaient la nourriture, n'allaient plus à l'école et nous donnaient une idée de cette génération perdue dans un pays dont les gens étaient les plus cultivés du Moyen-Orient et porteurs d'une des civilisations les plus prestigieuses.

Ces enfants se faisaient chasser par les commerçants car ils importunaient les futurs clients.

Pourtant d'après Patricia, dont c'était la troisième visite, il soufflait un petit air de reprise car, dit -elle " C'était bien pire l'an dernier, même si la résolution 986 dite "pétrole contre nourriture" n'a pas permis d'alléger le drame de la population, elle a quand même permis une petite relance de l'économie locale".

Elle a vite déchanté, quand elle a voulu acheter des narguilés pour ses enfants et que nous avons quitté la grande rue pour nous aventurer dans les ruelles sombres, où nous nous sommes perdues.

 

L'envers du décor

Nous avons tourné dans des ruelles de plus en plus sombres et de plus en plus angoissantes. Et là, loin des statues de Saddam, des ministères rénovés, des grandes avenues propres et nettoyées, nous avons découvert l'envers du décor.

Quelle misère !!! Quelle pauvreté !!! Dans ces quartiers oubliés, loin du regard des délégations amies, oubliés par la reconstruction, où personne ne s'aventurait jamais, où pullulent les mouches, où les égouts sont à ciel ouvert, où les ruines des bombardements sont toujours présentes, où les maisons sans toits abritent des familles nombreuses très pauvres. Nous avons escaladé des gravats, franchi des rigoles boueuses et malodorantes, cherchant notre route. Nous sommes restées sidérées, ne sachant que dire. Ne comprenant pas. Nous avons engagé la conversation, quelques mots d'arabe, un peu d'anglais, des signes surtout pour expliquer que nous étions Françaises. "Ah Chirac" nous ont-ils répliqués. Comment leur expliquer, alors qu'ils sont coupés de tout contact, que ce n'est certainement pas Chirac qui va les aider. Il est vrai qu'avec une seule chaîne de télé gouvernementale, des journaux eux aussi à pensée unique, des téléphones qui ne peuvent capter l'étranger que très rarement, ce peuple et surtout les plus pauvres sont exclus de toute information. D'ailleurs, ils nous ont avoués qu'ils n'ont pas rencontré depuis au moins dix ans, des occidentaux, des étrangers qui osent se promener dans ces quartiers reculés et oubliés par tous.

Nous avions compris que notre chance de connaître l'envers du décor a été de ne pas avoir été des invitées officielles et d'avoir osé découvrir ces ruelles derrière le décor. D'ailleurs, le lendemain nous y sommes retournées. Les gens nous ont reconnu et nous appelaient "les Francia". Ils tenaient souvent à nous offrir, eux si pauvres dans leurs vieilles baraques qui nous rappelaient les bidonvilles d'Afrique, des citrons séchés de Bassorah, des dattes.

Ils étaient heureux de discuter, malgré les problèmes de langue, de communiquer, de nous guider à travers les ruelles sordides.

Malgré la pollution qui sévit à Bagdad, avec une circulation très dense sur les avenues, avec une essence à peine raffinée, des voitures vieilles et mal entretenues, je ne regrette pas mon voyage car j'ai rencontré un peuple extraordinairement courageux malgré sa misère et découvert ces femmes, ces enfants aux regards perdus essayant de survivre dans un complet dénuement

Survivront-ils à la pollution, à la poussière, à la misère, à l'empoisonnement par les bombes à uranium appauvri tirées pendant la guerre du Golfe?

D'ailleurs énormément de gens ont des problèmes de santé, mal aux poumons, respirent difficilement.

L'eau aussi est contaminée.

On nous a prévenu dès notre arrivée qu'il ne fallait surtout pas boire l'eau du robinet.

Mais le peuple lui est bien obligé de la boire.

Les dirigeants apparemment ne souffrent pas de cette pauvreté. Ils fument toujours des havanes et donnent des réceptions pour les délégations étrangères. Les belles limousines et mercedes circulent toujours, rideaux fermés. Les ministères sont tous rénovés ornés de magnifiques tableaux de Saddam en expliquant l'usage, les monuments sont tout neuf, les statues majestueuses du dirigeant ornent toutes les places ... et pendant ce temps le peuple se meurt dans ces quartiers sordides et sombres, de cet embargo criminel qui ne pénalise que lui. Bagdad toujours magique

Nous avons aussi visité d'autres rues, des souks classés par produits (les souks des foulards, ceux des antiquités, des habits, des épices etc.), des jardins, de magnifiques monuments anciens, des mosquées ou églises chrétiennes.

Nous avons surtout été en admiration devant le centre chi'ite d'Al Kazimyia. Les décorations sont fabuleuses, les minarets sont recouverts de feuilles d'or qui brillent au soleil, le portique d'entrée est une pure merveille.

Nous avons du revêtir le long voile noir pour y entrer, nous étions un peu mal à l'aise car aucune des deux ne savait le porter, je n'arrivais pas à cacher mes cheveux rebelles. Les femmes présentes dans l'enceinte se moquaient de nous. Nous avons engagé la conversation et elles nous ont montré comment nous débrouiller. Elles étaient assises dans la cour intérieure. Les gens avaient étalés leur déjeuner et se rassemblaient pour manger. Nous avons, malgré la beauté et la convivialité des lieux été contentes de quitter ce voile étouffant, car il faisait quand même 25° et nous ne comprenions pas comment ces femmes pouvaient garder autant d'aisance ainsi couvertes.

C'est aussi l'histoire d'une civilisation différente…que j'aimerai approfondir. Nous y retournerons pour continuer à témoigner et nous continuerons à nous battre pour la levée de cet embargo criminel.

 

Ginette Hess Skandrani, écologiste 22 novembre 2000