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Article traitant des manoeuvres
de la Stasi, qualifiables de "tortures mentales", appliquées
aux dissidents dans le but de les mener au suicide.
http://archives.arte.tv/fr/archive_455605.html
Questions à Klaus Behnke, psychothérapeute
par Angelika Schindler le 28 octobre 2003
Des victimes parlent
Des officiers de la Stasi parlent
Procès-verbal d'un duel
La psychologie au service de la Stasi
Interview : M. Birthler et la Stasi
La Stasi en chiffres
Liens et lectures proposées
Interview avec Klaus Behnke
Interview avec Anja Mihr
Monsieur Behnke, de quelles méthodes psychologiques la Stasi a-t-elle
usé et abusé pour intimider les dissidents ? Peut-on parler
de torture mentale ?
On doit parler de torture mentale ! La Stasi utilisait notamment des méthodes
de thérapie comportementale, telles que le conditionnement. L’objectif
était de déstabiliser la personne, de l’oppresser,
voire de la liquider. Il existe des documents prouvant que des personnes
ont été poussées au suicide par des opérations
de démoralisation de la Stasi.
Et que se passait-il dans les geôles de la Stasi ? Quelles étaient
les méthodes de torture mentale utilisées ?
Elle ne manquaient pas : il y avait le bruit, la lumière, et surtout,
les humiliations. Prenons la méthode du « tabouret »,
montrée dans le documentaire La décomposition de l’âme
: c’était un moyen d’user le détenu, de le déstabiliser.
Là, il s’agissait aussi de torture physique.
Quelles séquelles garde-t-on de ces tortures au niveau psychique
?
Même après plusieurs dizaines d’années, les
victimes souffrent de troubles psychosomatiques, de dépressions,
de tout ce qu’on appelle les syndromes post-traumatiques. Ce qui
est frappant, c’est que ces personnes sont comme condamnées
à revivre périodiquement l’expérience de ce
traumatisme. Un exemple : une innocente, jetée dans les geôles
de la Stasi pendant 9 mois dans les années 70. Pourquoi si longtemps
? Parce qu’elle était incapable de dénoncer qui que
ce soit. Plus tard, elle est passée à l’Ouest. Pendant
un certain temps, elle s’est remise de cette expérience,
mais ensuite, les états phobiques se sont multipliés. A
tel point que, pendant plus de vingt ans, elle a été incapable
de sortir de chez elle. C’était en quelque sorte une reproduction
de la situation carcérale.
Les victimes ne souffrent-elles pas aussi de l’impunité dont
profitent leurs bourreaux ?
C’est pour elles extrêmement dur à vivre. Après
la chute du Mur, il y a eu une sorte de soulagement. Les victimes se sont
dit qu’enfin, justice allait être faite, que les coupables
allaient devoir répondre de leurs actes. Mais petit à petit,
on s’est aperçu qu’il n’en était rien,
et cela n’a fait que renforcer les syndromes naissants.
Comment parvenez-vous à venir en aide aux anciens prisonniers de
la Stasi qui viennent consulter chez vous ?
Le plus important, c’est d’abord de savoir exactement ce qui
leur est arrivé, qu’ils puissent parler de cette expérience.
Nombreux sont ceux, en effet, qui n’arrivent pas à en parler
pendant des années. De plus, depuis la chute du Mur, ils entendent
dire autour d’eux de toute part « Nous en avons assez qu’on
nous rebatte les oreilles de cet autre passé allemand, de cette
deuxième dictature allemande ». Résultat : ils sont
marginalisés. Il s’agit donc avant tout de leur transmettre
clairement le message « Tu n’es pas exclu, on te prend au
sérieux, je comprends ce qui t’est arrivé. »
Les victimes de cet « Etat espion » qu’était
la RDA sont légion. Y a-t-il suffisamment de thérapeutes
qui sachent faire face à genre de problèmes ?
Hélas, non. Pour diverses raisons, les confrères qui connaissent
suffisamment le sujet sont peu nombreux, tant à l’Ouest qu’à
l’Est du pays. Fréquemment, les syndromes post-traumatiques
ne sont pas identifiés comme tels, le diagnostic part sur une autre
piste, on recherche un lien avec d’autres expériences dans
le vécu du patient. Autrement dit, le temps passé en cellule
ou la dégradation mentale pratiquée par la Stasi en RDA
ne sont pas placées au centre de la thérapie. On recherche
d’autres origines, des souffrances vécues par ailleurs, et
on essaie d’y remédier par des moyens thérapeutiques.
En fait, ces méthodes ne donnent rien, sinon une aggravation des
symptômes.
En tant que psychothérapeute, arrivez-vous à vous mettre
dans la peau de ceux qui ont collaboré avec la Stasi ?
Question difficile. Quand je travaille ici avec d’anciens espions
et que j’essaie de sonder leur destin à eux, bien sûr
que je me mets « à leur place ». Mais il existe de
nombreux « collaborateurs inofficiels » avec lesquels il est
rigoureusement impossible de s’identifier. Je pense à ceux
qui avaient imaginé des mesures de répression encore bien
pire que celles développées par la Stasi. Même pour
moi, la compréhension a ses limites, quand bien même il s’agit
d’un drame humain.
Le recours par la Stasi à la « psychologie opérative
» a-t-il eu des répercussions sur la société
en général ? Car jusqu’ici, nous ne parlons que du
plan individuel.
Bien entendu. Les « mesures de décomposition » étaient
d’ailleurs toujours dirigées contre des groupes qu’il
s’agissait d’isoler, d’ostraciser, ce qui a créé
un climat général mais diffus de peur. Mais cette peur était
refoulée. Aujourd’hui encore, on entend des réflexions
du type « Oui, oui, ils étaient là quelque part, mais
on ne les remarquait pas, on n’avait pas de rapports avec eux ».
C’est une stratégie de déni qui sert à dompter
la peur, une peur qui n’a pas complètement disparu aujourd’hui.
Les anciens tortionnaires viennent-ils vous consulter ?
C’est très rare. Ça l’était un peu moins
il y a quelques années, mais chaque fois, ce qu’ils attendaient
de moi, en définitive, c’était d’être
« blanchis ».
Propos recueillis par Angelika Schindler le 28 octobre 2003
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