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Article exposant la réalité
et les méthodes de la Stasi
Extraits, suivis de l'article
dans son entier :
" ... ces fameuses Zersetzungsmassnahmen,
ou mesures visant à déstabiliser/détruire la personnalité
... "
" D'autres mesures pouvaient
être plus raffinées encore, celles du cambriolage qui ne
laisse pas de traces : un premier cambriolage sans effraction, portait,
par exemple, sur des objets intimes comme les gants de toilette ; un deuxième,
trois mois plus tard, sur les torchons à imprimé écossais
; un troisième, sur des taies d'oreiller. Un quatrième cambriolage
aurait été, selon la Stasi, inutile, la personnalité
des occupants de l'appartement cambriolé ayant été
atteinte au point de les rendre totalement inoffensifs : ne sachant d'où
viennent les coups, passant pour fou auprès de son entourage, le
couple ainsi visé dans la part la plus intime de son intimité,
l'intimité corporelle, serait bel et bien devenu paranoïaque,
but de la Stasi. Variante « douce » de la psychiatrisation
des dissidents en URSS, les Zersetzungsmassnahmen correspondent à
la forme la plus achevée de l'oeuvre criminelle de la Stasi. "
http://www.conflits.org/index999.html
Sonia Combe
Figures de l'officier traitant à travers
les archives de la Stasi
Plan
Fondation et formation
L'officier traitant et son double
Texte intégral
• 1 . On relèvera à ce sujet la fonction, là
encore unique, de l'institution garante de la (...)
• 2 . Gellately R., « Denunciations in Twentieth-Century Germany
: Aspects of Self Policing in the (...)
• 3 . Hrabal B., Peurs totales, Critérion, 1991.
• 4 . Citons au moins deux sources, dont l'une existe en français
: récit recueilli par Hahn R.O., A(...)
L'ouverture immédiate, au lendemain même
de la chute du mur de Berlin, des dossiers de la police politique est-allemande
a constitué pour la recherche sur la surveillance politique et
policière une chance unique et inespérée. Une abondante
littérature savante atteste que les chercheurs ont su s'en saisir1.
L'exemple restant sans précédent (les autres exemples de
« démocraties populaires » n'ont pas encore donné
semblable accès à leurs archives), il est trop tôt
pour introduire une dimension comparatiste et, faute de sources de même
nature, on s'abstiendra de généralisations hâtives
fondées sur des idées préconçues. Tout en
sachant que la Segurimi albanaise ou la Securitate roumaine, ou toute
autre police politique dans les Etats de type soviétique occupait
la même fonction que la Stasi, la question du degré de participation
de chaque société à la surveillance reste ouverte.
Toutefois, dans le cas de l'Allemagne de l'Est, une comparaison historique
était inévitable. On doit à Robert Gellately un constat
précieux pour la compréhension du fonctionnement interne
de la RDA : selon ce spécialiste du Troisième Reich, contrairement
à ce qui se passa sous le régime nazi où la délation
fut un phénomène social spontané, en Allemagne de
l'Est, il fallut l'organiser2.
Ce fut là l'oeuvre des « officiers
traitants » dont l'écrivain tchèque (et piètre
informateur), Bohumil Hrabal, nous a sans doute donné à
lire l'un des rares portraits dans cette nouvelle « confessante
» empreinte d'auto-ironie qu'il eut le courage d'écrire peu
avant sa mort3.
Car on s'interroge généralement
peu sur ce personnage chargé d'organiser la surveillance et la
délation, personnage de l'ombre par excellence qui entretient des
contacts avec des informateurs ou mouchards, qui rédige des rapports
tamponnés d'un « strictement secret » et décide
le cas échéant d'un châtiment. Cet homme (dans la
plupart des cas il s'agit d'un homme, le « renseignement »
faisant partie des tâches essentiellement masculines) ne s'est guère
livré depuis la chute d'un régime qu'il a le plus souvent
servi sans état d'âme - si ce n'est en son âme et conscience.
En dépit de l'aspect sulfureux du sujet, les médias ne sont
pas parvenus à « arracher » plus d'une demi-douzaine
de témoignages d'anciens officiers lesquels, pourtant, avaient
atteint l'effectif de 80 000 à l'automne 1989. Dans leur majorité,
ces hommes de peine de la surveillance politique sont apparus comme des
personnalités ordinaires, plus naïfs que machiavéliques,
mais d'une naïveté qui n'avait d'égale que leur loyauté
à l'égard du régime, et aucun d'eux, naturellement,
ne confessa d'horribles crimes4.
On peut supposer qu'il leur était difficile
de porter un jugement a posteriori sur une activité qu'ils avaient
considérée comme normale et légitime aussi longtemps
qu'ils l'avaient exercée. Quant à leurs chefs, on n'en pût
rien tirer qui nous aurait davantage éclairé pour comprendre
le fonctionnement interne d'une institution-type des pays soumis à
l'ordre soviétique. Le patron de la Stasi, dont les activités
s'exerçaient à l'intérieur du pays, Erich Mielke,
se réfugia dans le gâtisme, vrai ou simulé mais crédible,
non seulement du fait de son âge avancé et de son emprisonnement,
mais du fait du choc psychique lié à l'écroulement
de la RDA. De son côté, Markus Wolf, le chef du service du
contre-espionnage dont les activités, elles, avaient l'Etranger
pour champ de manoeuvre, fit preuve d'une telle habileté, d'un
tel humour à l'occasion, bref d'une telle intelligence, qu'il finit
par susciter l'admiration de ses pires adversaires. Les archives de la
Stasi restent donc le document par excellence et par défaut pour
cerner la figure du Führungsoffizier - terme que nous traduisons
par officier traitant, emprunt fait aux romans d'espionnage. Et bien que
ces traces là de son activité ne nous permettent pas d'entrer
dans son intimité, il reste possible, à travers la perception
qu'il livre dans ses rapports écrits de ceux qui font l'objet de
sa surveillance, d'établir une sorte de portrait-robot de l'officier
traitant ou, du moins, d'en dégager les différentes figures
rencontrées.
• 5 . Combe S., Une société
sous surveillance. Les intellectuels et la Stasi, Paris, Albin Michel,
(...)
• 6 . Une telle étude ne manquerait
pas d'intérêt, mais serait-elle possible ? Le mode de (...)
Procéder à ce renversement de regard
nécessite donc une autre lecture des dossiers étudiés.
Cela engage de lire ce qui est dit de la personne surveillée en
réfléchissant sur ce que cela trahit non pas d'elle ou des
modalités de la surveillance, mais de l'univers mental de celui
qui a rédigé les rapports et comptes-rendus de rencontres
- tout en gardant naturellement présent à l'esprit que cet
univers mental a été modelé par et pour les nécessités
de la surveillance - ainsi que de sa contribution au maintien d'une société
réprimée et répressive. M'étant appuyée
sur une vingtaine de dossiers de personnalités du monde universitaire
et académique qui avaient eu des responsabilités d'encadrement5,
il est possible qu'au cours de mes recherches je n'ai pas rencontré
l'officier traitant « moyen », mais des hommes que leur hiérarchie
avait estimé aptes à nouer des contacts avec l'élite
intellectuelle du pays. Dans deux cas, j'ai même eu la certitude
que les officiers traitants avaient fait des études avec les personnes
qu'ils surveillaient, l'un en philosophie, l'autre en histoire. Sans donc
pouvoir faire la sociologie de cette catégorie sociale6, en rappelant
le contexte dans lequel se constitua et évolua ce corps très
spécial de fonctionnaires, une représentation schématique
reste possible.
Fondation et formation
Créée en 1950 sur le modèle
de la Tchéka, la Stasi (abréviation de Ministerium für
Staatssicherheit, ministère pour la Sécurité de l'Etat)
connaît une évolution de ses fonctions adaptées aux
différentes étapes de construction de la RDA : de sa fondation
à 1958 (affaires Harich et Ernst Bloch)7, elle exerce une répression
brutale et ouverte contre tous les opposants - réels ou putatifs
- au régime ; de 1958 au début des années 1970, d'institution
répressive, elle se transforme progressivement en organe de surveillance
; de 1970 à 1989, elle perfectionne sa fonction de surveillance
au point de devenir le panopticon de la société est-allemande
grâce au quadrillage du pays par un réseau d'informateurs
non officiels8 : l'état permanent de visibilité dans lequel
se trouve la population - qui sait pouvoir faire l'objet, à tout
moment, d'une surveillance de la vie sociale (plus rarement privée9)
- permet ce que Foucault appela le « fonctionnement automatique
du pouvoir » 10et rend superflue la fonction répressive,
cette dernière n'étant plus exercée que de façon
ciblée et sélective. Elle est alors destinée à
réactiver la mémoire collective de la terreur que la Stasi
a fait régner dans les années de consolidation du régime
(années 1950). En quarante ans, la surveillance politique est devenue
une fin en soi, et la Stasi essentiellement une police d'observation.
Pour preuve, le 4 novembre 1989, lors de la manifestation sur l'Alexanderplatz,
prélude à la chute du Mur cinq jours plus tard, la Stasi
est au courant de tout mais incapable d'entreprendre quoi que ce soit.
Les quatre millions de dossiers qu'elle a fabriqués ne lui ont
été d'aucune utilité, attestant par là même
l'inanité d'une surveillance politique et policière aussi
raffinée.
• 7 . La répression des intellectuels communistes (c'est-à-dire
non dissidents mais critiques) (...)
• 8 . Ces Inoffizielle Mitarbeiter, généralement appelés
par les initiales I.M., correspondaient à (...)
• 9 . On a beaucoup parlé des quelques cas recensés
où l'un des époux aurait surveillé l'autre. (...)
• 10 Foucault, M. Surveiller et punir, Gallimard, 1975
En quarante ans, l'officier de la Stasi a, lui aussi, évolué.
Il ne pouvait se contenter d'être seulement brutal. Dès lors
que la violence devait perdre de sa visibilité et que les sanctions
« douces » (mises à l'écart, mises au placard,
harcèlement administratif, etc.) s'étaient substituées
à la répression classique, il lui fallait perfectionner
ses méthodes, devenir plus discret et plus efficace à la
fois. En 1951 avait été créée, à Potsdam-Eiche,
la « juristische Hochschule », école supérieure
de droit. Sous ce nom anodin se cachait l'école des cadres de la
Stasi. En 1965, cette dernière deviendra ni plus ni moins et tout
aussi officiellement « établissement universitaire »
et, en 1968, on introduira des cours de psychologie (dite « marxiste-léniniste
») pour apprendre « la psyché de l'ennemi ».
L'enseignement devient pluridisciplinaire, on y enseigne la sociologie
et la communication de masse, les techniques d'influence, on y apprend
à évaluer les personnalités (pratique de tests),
à conduire des entretiens, et aussi ces fameuses
Zersetzungsmassnahmen, ou mesures visant à déstabiliser/détruire
la personnalité. Au nombre de ces mesures, les rumeurs que
l'on fait courir sur le dissident selon lesquelles, par exemple, il serait
un informateur de la Stasi, provoquant ainsi sans explication son isolement
et sa mise à l'écart par son entourage ; ou encore, sur
des pratiques sexuelles particulières ; ou enfin, dans le milieu
universitaire, la rumeur, très efficace, qui se chuchote de bouche
à oreilles et se répand avec une facilité inquiétante,
concernant une « baisse de niveau » de l'intellectuel dont
les idées critiques seraient parvenues à la Stasi, ou bien
qui aurait été dénoncé comme esprit critique
par l'un de ses collègues pour de simples raisons de rivalité.
D'autres mesures pouvaient être plus
raffinées encore, celles du cambriolage qui ne laisse pas de traces
: un premier cambriolage sans effraction, portait, par exemple, sur des
objets intimes comme les gants de toilette ; un deuxième, trois
mois plus tard, sur les torchons à imprimé écossais
; un troisième, sur des taies d'oreiller. Un quatrième cambriolage
aurait été, selon la Stasi, inutile, la personnalité
des occupants de l'appartement cambriolé ayant été
atteinte au point de les rendre totalement inoffensifs : ne sachant d'où
viennent les coups, passant pour fou auprès de son entourage, le
couple ainsi visé dans la part la plus intime de son intimité,
l'intimité corporelle, serait bel et bien devenu paranoïaque,
but de la Stasi. Variante « douce » de la psychiatrisation
des dissidents en URSS, les Zersetzungsmassnahmen correspondent à
la forme la plus achevée de l'oeuvre criminelle de la Stasi.
L'officier traitant et son double
On distinguera les quatre figures suivantes de l'officier traitant : le
biographe, le conformiste, le confident, l'instance morale. Si tous les
officiers traitants partagent la fonction de biographe, à l'inverse,
tous ne partagent pas celle d'instance morale (bien qu'une fonction correctrice
soit décelable dans plus d'une relation entre l'officier et son
double). Cette figure inattendue mérite cependant d'être
soulignée car elle ne semble pas relever de l'exception. Mais tout
d'abord, comment s'élabore un dossier de surveillance ? Un officier
de la Stasi est chargé de recruter un informateur. Si la personne
contactée accepte la collaboration, elle aura pour tâche
de produire, à intervalles plus ou moins réguliers, un rapport
sur d'autres personnes. Dans le cas des universitaires, il était
rare qu'ils prennent la peine d'écrire. L'officier rencontrait
son informateur et faisait ensuite un compte-rendu de leur rencontre.
Il ajoutait au dossier les rapports ou documents éventuellement
rapportés par l'informateur et faisait enfin un autre rapport sur
ce dernier. Il faut en effet se souvenir qu'un informateur était,
lui aussi, toujours objet de surveillance (conformément à
l'adage « Faire confiance, c'est bien, contrôler, c'est mieux
»). La constitution du dossier était régulièrement
ponctuée par des « bilans intermédiaires » que
l'officier rédigeait pour faire le point, mettre un terme à
une collaboration, une surveillance ou, au contraire, l'intensifier. Dans
de nombreux cas, on discerne la trace d'une lecture « supervisante
», sous la forme du coup de crayon rouge du supérieur hiérarchique
qui contrôle le travail de son subordonné. Cette surveillance
à tous les niveaux accroissait le travail de la Stasi, mais avait
pour but de faciliter la transmission des dossiers : pour des surveillances
de longue durée, officiers et informateurs se succédaient.
Le biographe
• 11 . Par source, il faut entendre les rapports des informateurs
non officiels, qu'il s'agisse de (...)
• 12 . Stephen, A, Im Visier der FBI. Deutsche Exilschriftsteller
in den Akten amerikanischer (...)
Bien des dossiers se présentent comme des manuscrits pratiquement
prêts pour l'édition. Sur la page de garde figurent toutes
les informations nécessaires : nom de l'auteur (ou des auteurs
lorsque la surveillance a mobilisé plusieurs officiers), titre
(sous la forme du nom ou pseudonyme de la personne surveillée),
index des noms cités, pagination, et même les sources11.
Nous nous trouvons ainsi face à la biographie d'une personne vivante,
rédigée à son insu par une plume policière.
Cette dernière présente les mêmes caractéristiques
que toutes les autres plumes policières : elle démontre
une collecte compulsive d'informations qui trahit un fétichisme
du détail. Pour comparaison, les archives du FBI sur la période
de la chasse aux sorcières menée par le sénateur
Mc Carthy dans les années 1950 en témoignent pareillement12.
Mais c'est surtout la pauvreté de la langue qui est la principale
caractéristique des « récits de vie » rédigés
par la Stasi. Une pauvreté qui renvoie à celle de l'univers
mental de ses officiers, au caractère primitif de leur système
de représentation lequel se compose d'« amis » et d'«
ennemis » au comportement « positif » ou « négatif
». Construit sur le mode d'opposition binaire, le vocabulaire de
l'officier de la Stasi se structure autour de termes associés comme
: amis/ennemis ; positif/négatif ; humaniste/ individualiste ;
révisionniste/subjectiviste ; progressiste (c'est-à-dire
socialiste)/ esprit critique, etc. Enfin, un adjectif revient souvent,
celui de « dépravé » caractérisant l'«
ennemi ». Il y aurait beaucoup à dire sur l'affection pour
ce mot de la part d'hommes dont les méthodes de travail misaient
et exploitaient précisément l'amoralisme…
A la pauvreté de vocabulaire s'ajoute de façon prévisible
la faiblesse de la culture générale. Dans un rapport, Kafka
et Proust (orthographié « Brust ») se trouvent désignés
comme des auteurs ouest-allemands contemporains ; dans un autre, à
côté du nom de Walter Benjamin (cité par la personne
qui fait l'objet de la surveillance), l'officier traitant a écrit,
soulignant le nom au crayon rouge : « à surveiller ».
La plupart des noms de lieux étrangers le plus souvent retranscris
de façon phonétique comportent, de façon presque
systématique, des fautes d'orthographe. Mais surtout, le «
roman » qu'écrit l'officier de la Stasi est un roman policier
: il s'agit de dessiner la figure d'un ennemi en construisant son acte
d'accusation. Le policier, il convient de le rappeler, n'est pas à
la recherche de la vérité mais à la recherche d'un
coupable (ce qui n'exclue pas les nombreux cas de dossiers fermés
« faute de preuves » sans plus d'explications, bien que tout
laisse entendre que c'est à l'intervention du Parti que le «
suspect » devait cette issue). D'où l'aspect doublement fictionnel
de la « biographie » ainsi rédigée.
Le conformiste
• 13 . Equivalent en France du CNRS.
Dans le « profil psychologique » que l'officier traitant dresse
de l'informateur ou de la personne surveillée, on retrouve les
mêmes critères d'évaluation : l'aspect extérieur
(tenue vestimentaire et coupe de cheveux), la mise de drapeaux (drapeau
rouge et drapeau de la RDA) à la fenêtre du domicile privé
les jours de fête, le comportement avec les voisins et les subordonnés
à l'université ou à l'Académie des sciences13,
le rapport aux biens matériels, essentiellement la voiture. Regard
conformiste et petit-bourgeois, ce regard social est, au départ,
plus proche de celui de l'homme de la rue que d'une police politique.
Si l'examen du train de vie peut fournir des informations sur l'éventuel
degré de corruptibilité de la personne surveillée,
la voiture, elle, souvent mentionnée comme objet-culte de l'intellectuel,
est dans le collimateur de l'officier car elle suscite l'envie, les universitaires
ayant certainement eu plus de facilités pour s'en offrir une que
le simple officier de la Stasi. Ce dernier traque aussi les signes d'arrogance,
celle de ceux qui exhibent leurs titres scolaires dont la Stasi, au demeurant,
reste respectueuse. La personne surveillée est appelée «
Doctor » (Dr) ou « Professor Dr » aussi longtemps qu'aucun
acte d'accusation n'est retenu contre elle. Le fait qu'elle perde son
titre au cours de la rédaction de son dossier est l'indice le plus
sûr que la Stasi s'oriente vers l'inculpation. Quant à la
sortie des drapeaux les jours de fête, l'officier en tient compte
comme d'un signe extérieur de loyauté vis-à-vis du
régime sans doute rassurant, mais pas forcément convaincant.
• 14 . Allusion à l'ouvrage de Engels sur Les origines de
la famille.
Conformément à la personnalité du petit-bourgeois
conformiste, dans son jugement sur les femmes, l'officier de la Stasi
apparaît comme un « chauviniste-mâle » traditionnel.
Grattez le communiste, aurait dit Lénine et vous trouverez le philistin
: dans son attitude vis à vis des femmes. D'une sociologue travaillant
sur la place des femmes dans la société est-allemande, il
est dit qu'elle a énoncé « une théorie dangereuse
selon laquelle l'égalité des sexes ne signifierait pas forcément
l'émancipation des femmes, et dans laquelle elle ne cite pas assez
Engels »14... Le reproche est explicite : on leur a donné
l'égalité, voilà qu'elles nous parlent d'émancipation
! Le fait que la nuance soit perceptible pour un policier montre d'ailleurs
que ce débat a été vivant dans la société
est-allemande où s'était développée une intéressante
littérature féminine.
Bien que l'officier s'en tienne, à sa façon, à la
consigne d'objectivité et que sa plume reste plutôt neutre,
l'homophobie est elle aussi aisément décelable. Mais il
traque l'homosexualité comme il traque à l'occasion les
infidélités conjugales qui peuvent se transformer en moyen
de chantage. C'est aussi son regard petit-bourgeois qui prête aux
adeptes de Freud (à peine toléré) et à la
psychanalyse (quasi inexistante) des vertus proches de la magie : lorsque
échouent les tentatives de constitution de dossiers d'accusation
contre un psychologue (qui avait en traitement des femmes de hauts fonctionnaires
de l'Etat et dont la Stasi redoutait qu'il sache « tout »)
et, dix ans plus tard dans un autre contexte, contre une enseignante de
l'université Humboldt (qui « parle beaucoup de psychanalyse
à ses étudiants »), les échecs sont attribués
au pouvoir de ces deux personnes de « lire dans les têtes
». Elles auraient même percé à jour «
grâce à la psychanalyse » (« et au whisky »
- boisson occidentale - dans le cas de la dernière) les informateurs
que la Stasi leur avait dépêchés ! Enfin, plus d'une
fois, la plume policière trahit un penchant nationaliste. On peut
en effet se demander si la haine que voue manifestement l'officier qui
la surveille à Karola Bloch, épouse du philosophe Ernst
Bloch, n'est pas ancrée dans ce propos rapporté et souligné
au crayon rouge dans un rapport la concernant : « à propos
de la mort de ses parents à Auschwitz, elle a dit que tous les
Allemands étaient des salauds ». Quant à Hans Mayer,
également d'origine juive et spécialiste de littérature
à l'université de Leipzig, qui se sait surveillé
et le dit ouvertement, l'officier de la Stasi payé pour savoir
que cela est vrai, trouve le cynisme de le dire atteint de paranoïa
: « Il se croit observé et voit des complots antisémites
partout ».
Le confident
Le premier devoir de l'officier de la Stasi est d'instaurer un climat
de confiance avec la personne qu'il va tenter de recruter (on n'attrape
pas les mouches avec du vinaigre, encore moins en milieu académique)
et de le maintenir si ce dernier accepte la collaboration. Les menaces
ne sont proférées qu'en dernier recours. Le rôle de
l'institution policière doit tendre à s'estomper derrière
un rapport de confiance. Il est possible que son ombre ait malgré
tout enveloppé ces rencontres très spéciales, mais
cela dépendait vraisemblablement du degré d'affinité
entre l'officier et son agent. De fait, tous les entretiens commencent
par des questions personnelles. Que devient la famille de l'agent, où
en sont les enfants, la santé, etc. Devant tant de sollicitude,
on se laisse aller à la confidence et, plus d'une fois, on trouve
dans ces dossiers la preuve que la Stasi n'était pas ingrate :
elle aidait au rapatriement d'un petit héritage laissé à
l'Ouest par un père, une tante, faisait en sorte qu'un fils un
peu rebelle ne soit pas expulsé de l'université en raison
de sa fréquentation d'Andersdenkenden (« ceux qui pensent
autrement », périphrase par laquelle se désignaient
les dissidents), etc. Dans un deuxième temps seulement, on arrivait
au vif du sujet, c'est-à-dire à la vie professionnelle dont
l'officier allait généralement être informé
de la manière la plus fidèle - même s'il est aussi
vrai que certains IM évitaient délibérément
de parler de leurs collègues. C'est à l'officier, oreille
(presque « écoute » !) « neutre » et extérieure,
qu'on allait confier ses démêlés éventuels
avec les collègues, les petites et grandes blessures narcissiques
qui jalonnent la vie de l'universitaire et du chercheur, les rivalités,
les conflits de pouvoir. « La Stasi était mon Eckermann »,
a pu dire un jour un écrivain qui, contrairement à Goethe,
n'avait point de secrétaire particulier. Plus d'une personne a
pu, en effet, à la consultation de son dossier, se replonger dans
l'atmosphère de la vie académique, retrouvant inscrit dans
un rapport ces propos de couloir que l'on tient inconsidérément
sous toutes les latitudes mais qu'aucune Stasi n'est là pour consigner…
Faisant son miel de toutes ces rancoeurs et de tous ces ragots, l'officier
sait aussi donner à l'occasion de judicieux conseils, encourager
parfois à la modération comme s'il n'était là
que pour veiller à la paix sociale dans l'institution… Ainsi,
à l'agent « Montag », historien et président
de l'association des historiens de RDA qui veut empêcher la publication
d'un ouvrage au prétexte qu'il parlerait trop d'« humanisme
», l'officier souffle : « Evitez d'être trop politique
dans vos critiques, soyez plus souple ». Et quand le même
« Montag », qui n'a pas su suivre ces conseils, se sent soudain
bien seul parmi ses collègues, il lui reste son officier à
qui confier sa solitude.
• 15 . Historien réputé et antifasciste persécuté
par la Gestapo, Walter Markov avait fait partie (...)
Le fréquent changement du personnel de la Stasi avait-il pour but
d'éviter qu'une complicité ne s'établisse entre l'officier
et son agent ? C'est probable, et c'est la raison avancée pour
que le lieutenant Rauch soit contraint de céder le dossier du Professeur
Markov - un agent très spécial qui n'a jamais écrit
aucun rapport et a refusé d'en écrire sur ses propres collègues,
mais qui aimait à se moquer des « problématiques primitives
» des historiens en bavardant avec son officier, lequel n'était
autre qu'un ancien élève15.
Quoiqu'il en soit de l'authenticité des « aveux » de
certains anciens agents de la Stasi (ces IM qui ont défrayé
la chronique, comme « Donald », époux d'une grande
dissidente, ou encore l'écrivain Sascha Anderson), selon lesquels
leur relation avec leur officier respectif était fondée
sur la confiance réciproque et un réel échange d'idées,
ce type de rapport se vérifie plus d'une fois à l'examen
attentif de dossiers. Que cela produise des personnalités «
clivées », tant du côté des agents que de leurs
officiers, n'est pas une excuse (pour autant qu'il faille en trouver une),
mais une explication non négligeable pour comprendre les divers
aspects de la surveillance et ses potentialités.
L'instance morale
Il s'agit là probablement de la figure la plus inattendue, laquelle
met en évidence une fonction éthique paradoxale puisque
émanant d'une institution dont la finalité fait fi de toute
morale. Cette fonction peut pourtant découler de celle de confident
dont elle est le prolongement, ainsi que le montrent de façon irréfutable
deux des dossiers que nous avons consultés. Tout en « pilotant
» son agent (une étudiante « à la dérive
») à travers la vie nocturne de la bohème berlinoise
qu'elle est chargée d'espionner, le major Erazim tente de la remettre
sur le droit chemin. Le « profil psychologique » qu'il en
dresse fait à l'évidence preuve de compassion et, cherchant
à la stabiliser, il l'aide même à trouver un emploi
(peut-être dans le but de la rendre « opérationnelle
» dans un autre milieu, mais rien ne le laisse entendre). En ce
sens, il oeuvrera en définitive contre les intérêts
de la Stasi puisque, à peine « remise en selle », l'étudiante
refusera de continuer à rédiger des rapports, avouant se
sentir mal à écrire sur des gens dont elle partage les idées…
Le dossier de l'agent « Rehbein » (que j'avais surnommé
l'agent « sans qualités » dans mon étude précitée)
est encore plus explicite et convaincant quant à une fonction occulte
mais réelle de la Stasi.
• 16 . Voir l'intervention de Pierre Bourdieu en octobre 1989 à
l'université Humboldt dans Die (...)
L'agent « Rehbein » dirige l'Institut de philosophie de l'Académie
des Sciences. Formé à cette discipline aux premiers jours
de la RDA, il ne connaît guère que le diamat (matérialisme
dialectique), mais a su très tôt compenser la faiblesse de
son capital culturel en gagnant en capital politique (« Cette sous-catégorie
du capital social qu'on peut appeler capital politique » selon Bourdieu16),
c'est-à-dire en occupant des fonctions d'encadrement. Ayant rapidement
compris le supplément de pouvoir qu'il pouvait tirer d'une collaboration
avec la Stasi, il l'accepte sans difficulté et parle d'emblée
abondamment. Mais en disant du mal systématiquement de tous ceux
qui l'entourent, et en rapportant les pires ragots, cet informateur zélé
excède les voeux de la Stasi et finit par perdre toute crédibilité
aux yeux de son officier traitant. Ce dernier le qualifie très
tôt de « carriériste rusé et sans scrupules
[qui] exerce un pouvoir sans partage sur son institut ». Le dossier
de « Rehbein » est émaillé de jugements négatifs
sur lui et rédigés par son officier traitant qui consigne
également ses propres tentatives pour « encadrer »
le « philosophe », limiter son influence délétère
sur l'Institut de philosophie où, note l'officier, « il n'est
jamais question de politique, encore moins de philosophie ». De
façon surprenante, car cela ne relève pas des attributions
de la Stasi, l'incompétence du philosophe est soulignée
et analysée à juste titre comme source de sa rivalité
avec la presque totalité des membres de l'Institut, mieux formés
que leur chef, ainsi que de ses ressentiments dont il rebat les oreilles
de son officier traitant. Arrive le moment où le lieutenant Hoffmann
perd tout espoir de rééduquer son agent (« Avec l'âge,
ses défauts se sont accentués ») et décide
de mettre fin à sa collaboration. Licencié de la Stasi,
« Rehbein » n'en continuera pas moins à exercer les
fonctions de directeur de l'Institut de philosophie de l'Académie
des sciences, et cela, malgré les avertissements de l'officier
traitant ayant très clairement conseillé en haut lieu qu'on
lui retire ses fonctions.
• 17 . Relevons le comique de l'affaire : « Rehbein »
s'était fait de nombreux amis parmi les (...)
Dans ce cas, l'immoralisme de l'agent s'est finalement retourné
contre la Stasi. Pis : intriguant par nature, « Rehbein »
a fini par intriguer contre elle et obtenir victoire. Vraisemblablement
protégé par le Parti, il conservera ses fonctions de directeur
et, comme toujours en cas de désaccord, c'est la Stasi qui s'inclinera
devant les décisions du Parti. Incontestablement, la lecture de
ce dossier fait apparaître le lieutenant Hoffmann comme une figure
morale et moralisatrice. Non seulement est-ce la seule personne qui glisse
quelques vérités à « Rehbein » et met
en doute ses attaques mais, comble du paradoxe, c'est lui qui intervient
pour défendre les victimes du tout puissant patron de la philosophie
est-allemande17 ! Instance morale, la Stasi apparaît ici également
comme une instance d'arbitrage.
• 18 . Hahn R.O., Au nom du peuple, op. cit. p.75.
• 19 . Ibid., p.69.
Ainsi, par delà la figure universelle du flic qu'il évoque,
l'officier de la Stasi se révèle un produit archétypique
du régime qui l'a engendré. Il en porte les marques et les
stigmates : un conformiste faisant preuve de cette Anpassungsfähigkeit
(capacité d'adaptation) qui n'est jamais tant décriée
que lorsqu'elle n'a plus lieu d'être, un citoyen dépourvu
d'esprit critique ou de faculté de penser par soi-même, respectueux
de l'ordre établi et donc du pouvoir, prêt à tout
pour maintenir l'ordre imposé par ce dernier au nom de cette fin
qui justifie tous les moyens ; mais aussi un témoin souvent indigné
de « la face cachée » des hommes. Dans l'un des rares
témoignages d'anciens de la Stasi, un officier évoque le
cas d'un de ses agents, un chef d'entreprise, qu'il avait démasqué
comme agent double pour le compte du BND (service de renseignement ouest-allemand).
De cet homme qu'il nomme « S., le parasite », il dit : «
Il ne s'agissait pas ici d'une personne qui, par l'agitation ou la calomnie,
avait violé le code pénal de la RDA, mais d'un parasite
(…). A mes yeux, c'était un bonhomme qui avait besoin d'argent
pour entretenir ses maîtresses et qui avait su se monter suffisamment
en épingle. (…) S. a été échangé
[contre des Deutschmarks ouest-allemands NdR] avant la date prévue.
Je n'ai jamais compris si c'était effectivement un informateur
de pointe, un agent du BND ou simplement un parasite du socialisme. On
le saura un jour. S. pourrait se trouver devant moi et se faire passer
pour un révolutionnaire, ou pour un militant anti-communiste. Et
les gens le croiront. Alors que son seul souci, c'étaient les femmes
et l'argent »18. Constat lucide et empreint de réprobation
morale de la part d'un homme qui, deux pages auparavant, avouait : «
Il fallait protéger les accusés, souvent des adversaires
impénitents du socialisme, contre celui qui menait l'interrogatoire
lorsqu'il s'agissait de quelqu'un de jeune et d'inexpérimenté.
Toute l'audition et tout l'interrogatoire devaient être enregistrés
sur bande magnétique. (…) Le magnétophone était
un moyen de pression sur les interrogateurs qui avaient la main trop leste.
Il a fait ses preuves. Il a permis de limiter les actes de violence ou
les mauvais traitements »19.
Oscillant entre la posture de chien de garde du régime et celle
de personnage moral (aux pratiques immorales), l'officier de la Stasi
est à l'image de l'Etat qu'il sert : une figure simple dans l'exercice
de ses fonctions répressives, complexe dans la mise en oeuvre contradictoire
de principes puisant aux origines fondatrices du régime. Ce sont
précisément ces contradictions qui permettent de comprendre
ses succès en matière de recrutement d'informateurs et de
quadrillage de la société. A son autorité policière
fondée sur sa fonction répressive et visant à prévenir
et neutraliser l'opposition, la Stasi avait ajouté une autorité
de type plus idéologique. Elle était parvenue à faire
collaborer une fraction décisive de la société en
s'appuyant sur la légitimité qu'ont tous les services de
renseignements dont la fonction est d'assurer la sécurité
du pays. De ce point de vue, l'argument de la loyauté (qui renvoie
aussi bien à l'adhésion idéologique qu'au rapport
à la RFA, l'Allemagne rivale, ou au civisme par conformisme) avancé
tant par des informateurs de la Stasi que par des officiers eux-mêmes
à la fin du régime, correspondait bien à une réalité.
Sans entrer dans un débat qui nous entraînerait au-delà
de l'objectif de cette contribution, force est d'admettre que, contrairement
à l'Union soviétique, la RDA ne s'est pas effondrée
de l'intérieur, mais sous la pression de facteurs exogènes.
Et cela, bien que sa chute ait été spectaculaire et foudroyante,
et bien que tous les symptômes annonciateurs de décomposition
aient été présents. C'est là la meilleure
preuve du phénomène d'intériorisation des contraintes,
né de cette surveillance dont l'officier traitant a été
l'artisan, et qui a participé du mode de gouvernement d'un régime
jamais menacé par une véritable opposition.
Notes
1On relèvera à ce sujet la fonction, là encore unique,
de l'institution garante de la conservation et de la communication de
ces archives, branche des archives nationales (Bundesarchiv), généralement
appelée suivant le nom de son responsable (Gauckbehörde, puis
Birthlerbehörde), qui a aussi pour mission d'abriter des historiens
et de favoriser leurs travaux
2Gellately R., « Denunciations in Twentieth-Century Germany : Aspects
of Self Policing in the Third Reich and the German Democratic Republic
», in Journal of Modern History, n°68, décembre 1996
3Hrabal B., Peurs totales, Critérion, 1991
4Citons au moins deux sources, dont l'une existe en français :
récit recueilli par Hahn R.O., Au nom du peupleUn officier de la
Stasi raconte, Albin Michel, collection « Histoire à deux
voix », 1999 (traduit par Olivier Mannoni) et le documentaire filmique
« Der Schwarze KastenPsychogramm eines Taters », de JFeindt
et TTrempe, 1992
5Combe S., Une société sous surveillanceLes intellectuels
et la Stasi, Paris, Albin Michel, 1999, 263 p
6Une telle étude ne manquerait pas d'intérêt, mais
serait-elle possible ? Le mode de classement des archives de la Stasi
ne s'y prête guèreComme toutes les archives policières,
elles sont classées par noms de personnes et non par noms de collectivités
7La répression des intellectuels communistes (c'est-à-dire
non dissidents mais critiques) commence ouvertement avec l'arrestation,
en 1956, du jeune philosophe Wolfgang Harich et se poursuit avec la disgrâce
du philosophe Ernst Bloch et de son entourage, à l'université
de Leipzig, qui ne prendra fin qu'après plusieurs arrestations
et la « normalisation » du milieu universitaire (1958)Ernst
Bloch passera à l'Ouest à l'été 1961, juste
avant la construction du mur de Berlin
8Ces Inoffizielle Mitarbeiter, généralement appelés
par les initiales I.M., correspondaient à près de 200 000
personnes à la chute du régimeOn estime qu'environ un citoyen
est-allemand sur 3 a été, à un moment où à
un autre, collaborateur de la StasiMais tous les citoyens de RDA ne l'ont
pas été de manière identiqueComme ce n'est pas là
l'objet de cet article, je me permets de renvoyer à mon étude
déjà citée (Une société sous surveillance…)
qui examine précisément les différents cas de figures
9On a beaucoup parlé des quelques cas recensés où
l'un des époux aurait surveillé l'autreS'ils existèrent
bel et bien, ils furent néanmoins rares mais ils frappèrent
d'autant plus les esprits que c'est ce pouvoir d'abolition des frontières
du privé/public des polices secrètes qui accentue le sentiment
de vulnérabilité de l'individu, privé de tout refuge
et de toute intimité
10 Foucault, M. Surveiller et punir, Gallimard, 1975
11Par source, il faut entendre les rapports des informateurs non officiels,
qu'il s'agisse de rapports écrits ou oraux, dont l'officier de
la Stasi va faire la synthèse
12Stephen, A, Im Visier der FBIDeutsche Exilschriftsteller in den Akten
amerikanischer Geheimdienste, J.BMetzler, 1995
13Equivalent en France du CNRS
14Allusion à l'ouvrage de Engels sur Les origines de la famille
15Historien réputé et antifasciste persécuté
par la Gestapo, Walter Markov avait fait partie de ces intellectuels «
progressistes » que Hans Georg Gadamer, premier recteur de l'université
de Leipzig après guerre, avait recrutés
16Voir l'intervention de Pierre Bourdieu en octobre 1989 à l'université
Humboldt dans Die Intellektuellen und die Macht, VSA, 1991
17Relevons le comique de l'affaire : « Rehbein » s'était
fait de nombreux amis parmi les philosophes occidentaux auprès
desquels il passait pour un intellectuel communiste critique et ouvertNon
seulement était-il pratiquement le seul à pouvoir se rendre
à l'étranger (il s'opposait systématiquement à
ce qu'un autre que lui-même s'y rende), mais, en tant qu'agent de
la Stasi, il ne redoutait pas cette dernière et pouvait se permettre
de jouer à l'extérieur le quasi-dissidentCe rôle-là
masqua probablement sa totale incompétence scientifique
18Hahn R.O., Au nom du peuple, opcitp.75
19Ibid., p.69.
Pour citer cet article
Référence papier
Auteur : Sonia Combe
Cultures & Conflits n°53 1/2004 pp.99-112
Référence électronique
Sonia Combe, « Figures de l'officier traitant à travers les
archives de la Stasi », Cultures & Conflits, 53, printemps 2004,
[En ligne], mis en ligne le 04 octobre 2004. URL : http://www.conflits.org/index999.html.
Consulté le 09 novembre 2008.
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