Le SIDA et le négationnisme.
http://www.reseauvoltaire.net/article13400.html
Bibliothèque électronique, Combat face au sida, N° 9 - septembre
1997
Contrer l'entreprise négationniste
A propos du livre Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire.
septembre 1997
Depuis une vingtaine d'années les négateurs de l'histoire reviennent
très régulièrement sur le devant de la scène. Les Faurisson, Roques,
Guillaume et consorts multiplient en effets les opérations médiatiques
depuis la fin des années 70. Récemment encore avec l'affaire "Garaudy-abbé
Pierre" ils ont à nouveau défrayé la chronique. Ils bénéficient en
outre depuis l'affaire du "détail" de l'appui public du chef du Front
national et d'un écho redoublé auprès d'une large fraction de la population.
A l'encontre des témoignages des rescapés et de tous les travaux menés
par les historiens, les négationnistes s'acharnent à nier la réalité ou
l'ampleur de la politique nazie d'extermination des Juifs et des
Tsiganes pendant la seconde guerre mondiale. Nadine Fresco, Alain
Finkielkraut et Pierre Vidal-Naquet ont répondu dès les années 80 d'excellente
manière aux pseudo-arguments des négationnistes [1]. On n'y reviendra pas
ici.
L'originalité et les grands intérêts de l'ouvrage collectif
Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire, publié en coédition par Golias et
Syllepse [2], tient aux informations précises souvent inédites portant
sur la trajectoire des individus et des groupes qui propagent le
mensonge négationniste et sur leurs méthodes. Parmi les auteurs connus de ce
livre on peut citer notamment le sociologue Alain Bihr, les écrivains
Didier Daeninckx et Roger Martin, Christian Terras de la revue Golias ou
l'historien Philippe Videlier. Ce livre permet de répondre enfin de
manière claire et actualisée aux questions que beaucoup de personnes se
posent à propos de ce phénomène nauséeux. Qui sont les négateurs de
l'histoire ? D'où viennent-ils ? Comment procèdent-ils pour occuper le
devant de la scène ? Comment un ancien intellectuel du PCF peut-il se
trouver mêlé à ce milieu ? Pourquoi en France le négationnisme a-t-il trouvé
des appuis au-delà de la seule extrême droite ? De quels soutiens et de
quelles complaisances bénéficient les réseaux négationnistes ? Car une
des particularités du négationnisme français est d'avoir été relayé,
non seulement, comme on peut malheureusement s'y attendre, par l'extrême
droite, mais aussi par certains individus et groupes se situant, au
moins au départ, à gauche.
L'importante contribution de Valérie Igounet fait le point sur le
négationnisme au sein de l'extrême droite française, sur son développement
des années d'après-guerre à nos jours. Elle montre que dès 1948 c'est
Maurice Bardèche qui pose les bases de la relecture "révisionniste" de
l'histoire, celle-ci s'inscrivant dans la renaissance de l'antisémitisme.
La dérive d'un Paul Rassinier (évoquée par Georges Fontenis), militant
connu de gauche, sera ainsi une aubaine pour l'extrême droite dès cette
époque. Mais l'ouvrage contient aussi les premières analyses fouillées
des dérives antisémites, "révisionnistes" ou négationnistes de la fin
des années 70 ou durant les années 80 et 90 qui ont marqué certains
milieux, certes très minoritaires, se situant à l'opposé de l'extrême
droite. Ainsi le lecteur pourra notamment prendre connaissance des errements
de La Vieille Taupe ou de La Guerre Sociale (Alain Bihr), des
compromissions de certains libertaires (Thierry Maricourt), mais aussi des
principales péripéties de "l'affaire des rouges-bruns" qui avait semé
le trouble au début des années 90, autour notamment de l'Idiot
International (Didier Daeninckx). Parmi les autres contributions, certaines
portent sur les connexions étrangères des négationnistes français : avec
les Etats-Unis (Roger Martin), avec l'Italie (Guido Caldiron).
La connaissance des itinéraires et des chemins de traverse qui ont
conduit certains dans l'impasse négationniste devrait contribuer à éviter à
l'avenir la réussite de nouveaux coups médiatiques, mais peut-être
aussi à empêcher de nouveaux errements individuels ou collectifs. Car le
négationnisme qui vise fondamentalement à banaliser l'horreur du génocide
nazi participe à la résurgence de tous les fantasmes antisémites et au
déblaiement de la route pouvant conduire, si on n'y prend pas garde, à
une nouvelle barbarie.
Roland Pfefferkorn est collaborateur du mensuel Le Monde Diplomatique.
Roland Pfefferkorn
[1] Nadine Fresco, Les redresseurs de morts, Les Temps modernes, juin
1980 ; Alain Finkelkraut, L'avenir d'une négation, Le Seuil, 1992 ; et
Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, La Découverte, 1987.
[2] Alain Bihr, et alii, Négationnistes : les chiffonniers de
l'histoire, Paris et Villeurbanne, Editions Syllepse et Editions Golias, 1997,
240 pages, 120 francs.
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