ISRAEL
Un génocide n’a pas besoin de chambres à
gaz !
Journal "Ha’Aretz", Tel-Aviv
Cri de colère contre la politique d’Ariel Sharon dans les
Territoires palestiniens, par Shulamit Aloni, ex-ministre de la Culture
du gouvernement Rabin et leader de la gauche israélienne.
Nous n’avons pas de chambres à gaz ni de fours crématoires,
mais il n’existe pas qu’une seule méthode pour commettre
un génocide. Le Dr Ya’akov Lazovik écrit dans le journal
"Ha’Aretz" que le gouvernement de l’Etat d’Israël
et la nation ne sauraient projeter de commettre un génocide. Est-ce
là de la naïveté ou de l’hypocrisie ? C’est
difficile à dire. On sait bien qu’il n’y a pas qu’une
façon de commettre un meurtre, et cela vaut également pour
le génocide. L’écrivain Y. L. Peretz parlait de ce
“chat vertueux” qui ne fait pas couler le sang, mais étouffe
ses victimes.
Le gouvernement israélien, avec son armée et ses instruments
de destruction, non seulement fait couler le sang, mais étouffe
aussi ses victimes. Comment qualifier autrement le largage d’une
bombe de 1 tonne sur une zone urbaine densément peuplée
[le 22 juillet dernier, à Gaza], officiellement pour tuer un dangereux
terroriste et sa femme ? Bien sûr, les autres personnes - dont des
femmes et des enfants - qui ont été tuées ou blessées
ne comptent pas. Comment peut-on expliquer qu’on expulse des citoyens
de chez eux à 3 heures du matin sous la pluie, puis qu’on
place des bombes dans leurs maisons et qu’on s’en aille sans
rien leur dire ?
Et comment justifier ce qui s’est passé à Jénine
? Nous n’avons pas détruit tout le quartier, mais seulement
85 maisons ; ce n’était pas un massacre, nous n’avons
tué qu’une cinquantaine de personnes. Combien de gens faut-il
tuer, combien de maisons faut-il détruire pour que ce soit un crime
? Un crime contre l’humanité tel qu’il est défini
par les lois de l’Etat d’Israël et pas seulement par
les lois belges.
Mieux encore : un couvre-feu et le bouclage d’une ville entière
pour permettre à quelques adeptes d’une bande raciste [les
ultras des colonies juives] d’entrer dans le caveau des Patriarches
à Hébron, des chars qui détruisent des étals
de fruits et légumes, des bulldozers abattant des maisons et des
généraux qui, dans leur immense orgueil, sont prêts
à détruire tout un quartier pour un groupe de voyous de
colons. Couvre-feu, bouclages, brutalités, meurtres, destruction
des maisons des suspects... on a fait tout cela.
L’ordre qu’a donné Ariel Sharon aux soldats qui sont
allés se venger à Qibiah [en Jordanie, en 1956] - “Maximisez
les pertes en vies et en biens” - n’a pas été
oublié. Aujourd’hui, le Premier ministre Sharon, [le ministre
israélien de la Défense] Shaül Mofaz et [le chef de
l’état-major] Moshe Yaalon, les trois généraux
qui dirigent la politique de ce gouvernement, se comportent comme le chat
hypocrite : ils s’emploient à étouffer leurs victimes.
Benny Alon, ministre du gouvernement actuel, l’a bien dit : “Rendez-leur
[aux Palestiniens] la vie tellement impossible qu’ils partiront
d’eux-mêmes.”
C’est ce qui se fait tous les jours. Le chef d’état-major
a annoncé qu’il détruisait “pour reconstruire”.
Ses actions laissent supposer que, par “construire”, il entend
: construire de nouvelles colonies. Pour ne pas être obligée
de veiller au bien-être des habitants, l’armée pénètre
dans un village, tue, détruit, arrête et se replie. Ceux
qui restent au milieu des cendres et des ruines n’ont plus qu’à
se débrouiller tous seuls.
Israël ne veut tout simplement pas savoir...
Nombre de nos enfants sont endoctrinés, on leur dit dans les écoles
religieuses que les Arabes sont des Amalécites [tribu ennemie des
Hébreux] et la Bible nous enseigne qu’il faut anéantir
les Amalécites. Un rabbin (Israël Hess) a écrit une
fois dans le journal de l’université Bar-Ilan que nous devions
commettre un génocide car ses recherches avaient montré
que les Palestiniens étaient des Amalécites.
La nation israélienne ne projette pas un génocide ; elle
ne veut tout simplement pas savoir ce qui se passe dans les Territoires.
La nation obéit aux ordres donnés par ses représentants
légitimes. Depuis l’assassinat du Premier ministre légitime
[Yitzhak Rabin, en 1995], qui voulait apporter la paix, le doigt est sans
cesse sur la détente, la cupidité passe avant tout et il
existe toujours une raison pour brutaliser l’ensemble des habitants
d’une ville qui en compte des dizaines, voire des centaines de milliers
- parce qu’il y a toujours des gens qui sont recherchés.
Il suffit qu’une personne soit recherchée pour bombarder
et tuer, par erreur bien entendu, des femmes, des enfants, des ouvriers
et d’autres êtres humains - en admettant qu’on les considère
encore comme des êtres humains.
Bien entendu, avec notre hypocrisie, avec l’adoration que nous vouons
à notre “morale juive”, nous faisons en sorte que tout
le monde sache que les victimes palestiniennes sont merveilleusement soignées
dans nos hôpitaux. Mais nous nous gardons bien de faire savoir combien
de Palestiniens sont exécutés de sang-froid dans leur propre
maison.
Le génocide dont il s’agit aujourd’hui n’est
pas le même que celui dont nous avons été victimes
dans le passé. Comme me l’a dit l’un de ces généraux
malins, nous n’avons pas de chambres à gaz ni de fours crématoires.
Shulamit Aloni