Séance du 17 octobre 2019
(compte rendu intégral des débats)
Mme Agnès
Canayer. Cet amendement vise à résoudre la
situation complexe dans laquelle se trouvent un certain nombre de
communes nouvelles, qui ont vu leur arrêté de création
annulé par les juridictions administratives pour défaut
de consultation préalable du comité technique
paritaire.
Ces décisions, notamment dans le cas de la commune de Rives-en-Seine, en Seine-Maritime, mais aussi des communes de Val-d’Hazey, dans l’Eure, ou de Pont-l’Évêque, dans le Calvados, arrivent tardivement, trois ans et demi après la création des communes, engendrant un certain nombre de difficultés. En effet, les budgets ont déjà été fondus, les fonctionnaires réunis au sein de la même instance et des subventions attribuées globalement.
L’avis de saisine du comité technique paritaire existe bien dans la loi de 1984, mais il n’a été introduit ni dans la loi de 2010, ni dans celle de 2015, et encore moins dans celle de 2019. Il convient donc d’appliquer clairement la disposition aux communes nouvelles.
Néanmoins, et je veux attirer l’attention de M. le ministre sur ce point, cela ne règle pas la question des communes nouvelles actuellement en contentieux, pour lesquelles le risque est réel aujourd’hui. Il est urgent de trouver une solution pour leur apporter un peu de stabilité et de sécurité juridique. En effet, elles sont dans le flou artistique tant que la décision juridictionnelle n’est pas prise.
En l’absence de Didier Marie, l’amendement n° 711 rectifié ne sera pas soutenu. Mon collègue proposait, dans sa deuxième partie, une forme de validation a posteriori. Cette proposition paraît peu compatible, mais elle avait au moins le mérite d’apporter une sécurité juridique aux communes en cours de contentieux.
Mme la présidente. L’amendement n° 711 rectifié n’est pas soutenu.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement de notre collègue Agnès Canayer, qui connaît bien la problématique des communes nouvelles pour avoir été récemment rapporteur d’une proposition de loi sur le sujet, est extrêmement important.
Un certain nombre de créations de communes nouvelles a été fragilisé à la suite de contentieux liés à un défaut de respect de la procédure, dû, soit à la méconnaissance des élus, soit à la difficulté de mise en application de cette procédure.
Vous souhaitez, madame Canayer, sécuriser la procédure de création d’une commune nouvelle, en conditionnant la délibération des conseils municipaux sur cette création à la consultation préalable des comités territoriaux. Ainsi, nul ne pourra ignorer l’obligation.
Toutefois, vous proposez un délai de huit jours. Si l’intention me semble juste – la procédure de création d’une commune nouvelle répond à des échéances calendaires extrêmement difficiles à respecter –, je crains que l’on ne crée une difficulté en imposant ce délai très court.
Si vous acceptiez de souscrire à ma demande de porter ce délai à quinze jours, l’avis de la commission serait extrêmement favorable sur cet amendement, dont l’adoption sécuriserait la procédure de création des communes nouvelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, madame le rapporteur, d’avoir repris ce que je m’étais permis de vous souffler à l’oreille.
Effectivement, cet amendement vise une mesure intéressante ; mais imposer un délai de huit jours, c’est créer un irritant. Prenons le cas d’une commune rurale : il va falloir expliquer à la secrétaire de mairie qu’elle n’a que huit jours pour convoquer la commission technique ! On recrée les difficultés que l’on tente de gommer par ailleurs.
Porter le délai de huit à quinze jours me semble constituer un bon compromis. C’est donc ce que nous avons suggéré à la commission et, si l’auteur de l’amendement accepte de le rectifier en ce sens, l’avis du Gouvernement sera favorable.
Je précise à l’attention de Didier Marie que, si la première partie de son amendement n° 711 rectifié apportait une réponse partielle aux difficultés rencontrées, la seconde posait des problèmes constitutionnels sur d’autres aspects, notamment en termes d’organisation du travail.
Mme la présidente. Madame Canayer, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?
Mme Agnès Canayer. Je prends acte de l’avis favorable de la commission et du ministre, ainsi que du travail collaboratif autour du délai, ayant conduit à la décision, sage, de porter ce dernier de huit à quinze jours.
Cela me convient et j’accepte tout à fait de rectifier l’amendement en ce sens. Il n’en reste pas moins qu’un contrôle et un strict suivi des communes en cours de contentieux s’imposent, car celles-ci sont en réelles difficultés.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 556 rectifié ter, présenté par Mme Canayer, MM. de Nicolaÿ et Daubresse, Mmes Deromedi, Duranton, Estrosi Sassone, Gruny et Bruguière, MM. Chaize et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. P. Martin et Mouiller, Mmes Puissat et Morhet-Richaud et MM. Savary, Pierre et Gremillet, et ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2113-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les délibérations des conseils municipaux et, le cas échéant, de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale mentionnées au présent article sont prises après avis du comité technique compétent. Dans le cas où le maire ne préside pas le comité technique, celui-ci est convoqué par son président dans un délai de quinze jours suivant la demande du maire afin de rendre son avis. À défaut, l’avis est réputé favorable. » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa du II de l’article L. 2113-5, le mot : « avant-dernier » est remplacé par le mot : « huitième » ;
II. – À la première et à la deuxième phrases du dernier alinéa de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du I du présent article, les mots : « comité technique » sont remplacés par les mots : « comité social territorial ».
III. – Le II du présent article entre en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’article 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Manifestement, madame la présidente, il y a eu au sein de mon groupe un problème de signature pour ce qui concerne l’amendement n° 711 rectifié. Mais, bien évidemment, nous soutiendrons la proposition d’Agnès Canayer et de ses collègues, qui va dans le bon sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 556 rectifié ter.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans projet de loi, après l’article 19.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Afin de gagner du temps, je reprends les explications que j’ai données, voilà maintenant une semaine, au moment de la discussion générale.
En accord avec le président Gérard Larcher, nous avons fait le choix d’inscrire la proposition de loi de Mme Françoise Gatel sur les communes nouvelles à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale – de toute évidence, il n’y avait nul besoin du Gouvernement pour qu’elle soit examinée au Sénat.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question a donné lieu à un véritable travail de coproduction entre le Gouvernement et les deux assemblées. Ainsi, je crois, nous avons clarifié 95 % de toutes les questions soulevées par nos collègues élus des communes nouvelles sur le terrain.
Si nous avons procédé de la sorte, c’est justement pour ne pas rouvrir le chapitre des communes nouvelles dans le cadre de l’examen du présent projet de loi.
J’indique donc, à titre liminaire, que j’émettrai un avis défavorable sur les amendements à venir, et ce pour des raisons de méthode.
Nous avons déjà passé de nombreuses heures, dans ce même hémicycle, à travailler sur la question des communes nouvelles. Il va sans dire que chaque parlementaire est libre dans l’exercice de son droit d’amendement, mais, je le répète, il a été convenu entre le Sénat et le Gouvernement de traiter cette question en urgence, en vue du renouvellement prochain des exécutifs municipaux.
Je ne souhaite pas, au moment où l’on a enfin stabilisé le droit des communes nouvelles – au bénéfice des élus locaux, comme des préfectures, d’ailleurs –, repasser une deuxième lame pour modifier des éléments que l’on vient à peine d’établir.
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 784 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Tout projet de création d’une commune nouvelle est soumis à un référendum local tel qu’il est mentionné à l’article L. O. 1112-1. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de ces consultations. »
Mme Michelle Gréaume. Le présent amendement vise à conditionner la création d’une commune nouvelle à la tenue d’un référendum local, afin que ce projet ne se fasse pas contre la volonté des habitants des communes impliquées dans la fusion.
Toujours dans notre volonté de développer la démocratie locale, nous estimons qu’un sujet aussi important que la fusion de deux communes doit faire l’objet d’une « consultation » des administrés des communes concernées. Cette disposition permettrait de renouer le lien entre citoyens et prises de décisions locales.
À l’heure où le mouvement de « métropolisation » fragilise de plus en plus les communes et leur pouvoir, il est important de renouer avec plus de proximité, ce qui vaut, aussi, pour la création des différents types d’EPCI.
Si commune nouvelle il y a, celle-ci doit s’inscrire dans un projet de territoire commun. En cela, la décision doit émaner de la volonté des citoyens. Il est donc nécessaire que ces derniers soient consultés, d’autant qu’ils sont demandeurs de nouveaux outils de démocratie participative locale.
Mme la présidente. L’amendement n° 533 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, MM. Regnard, J. M. Boyer et Guerriau, Mmes Deromedi et Gruny, M. Cardoux, Mme Puissat, MM. D. Laurent, Bascher, Saury, Sol, Joyandet et Savary, Mme Kauffmann, M. B. Fournier, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Mouiller, Chasseing, de Nicolaÿ, Decool, Houpert, Husson et Louault, Mme Imbert, M. Rapin, Mmes Lamure et Goy-Chavent, MM. Mandelli et Laménie, Mme Bories et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Avant toute création de commune nouvelle, les personnes inscrites sur les listes électorales municipales sont consultées sur l’opportunité de la fusion. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de ces consultations. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Mme Martine Berthet. Cet amendement tend à prévoir que toutes les communes concernées par la création d’une commune nouvelle doivent organiser une consultation citoyenne, renforçant ainsi la démocratie de proximité.
Cet avis simple, et non conforme, permettra à l’assemblée délibérante de connaître l’opinion des administrés, sans remettre en cause son pouvoir décisionnel.
Si ce point a déjà été abordé plus tôt dans la discussion du texte et lors de l’examen de la proposition de loi sur les communes nouvelles, comme vous le souligniez, monsieur le ministre, je me permets d’insister sur la mesure, sachant que l’Association des maires ruraux de France y est attachée.
Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 132 rectifié bis est présenté par MM. P. Joly, Lozach et Antiste, Mme Jasmin, MM. Tourenne, Courteau, Vaugrenard et Tissot, Mmes Féret et Perol-Dumont, MM. Montaugé, Duran et Temal, Mme Monier et MM. Todeschini et Manable.
L’amendement n° 208 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon et Danesi, Mme N. Goulet, MM. Masson, Moga, Prince, Canevet, Cazabonne, Cigolotti, Henno et Médevielle et Mme Sollogoub.
L’amendement n° 218 rectifié bis est présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold, Guérini, Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 662 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 890 rectifié est présenté par Mme Loisier et M. Longeot.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Avant toute création de commune nouvelle, les personnes inscrites sur les listes électorales municipales sont consultées sur l’opportunité de la fusion. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de ces consultations. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 132 rectifié bis.
M. Jean-Louis Tourenne. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 208 rectifié ter.
M. Jean-Marie Mizzon. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 218 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Dans mon département, nous avons connu quelques cas d’échec de projet de fusion de communes, justement parce que les populations n’avaient pas été consultées.
Cet amendement vise donc à rendre obligatoire cette consultation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 662.
Mme Angèle Préville. La mesure proposée au travers de cet amendement est de nature à renforcer la démocratie de proximité, en obligeant toutes les communes concernées par une fusion à organiser une consultation citoyenne. Cet avis simple et non conforme permettrait à l’assemblée délibérante de connaître l’opinion des administrés, tout en conservant son pouvoir décisionnel.
L’information, comme cela a déjà été souligné par d’autres collègues, n’est pas toujours dans les faits ! Bien sûr, je puis témoigner d’un tel cas dans mon département. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, la stupeur, la colère et l’amertume des citoyens lorsqu’ils ont découvert, après coup, que leurs communes avaient fusionné pour former une commune nouvelle…
La consultation suppose plus d’investissements, à la fois de la part des élus et de la part des citoyens. Cela permet de mûrir les réflexions. Cela permet à tout un chacun de s’approprier les enjeux. Cela permet de débattre, ce qui, particulièrement dans le contexte actuel, est très attendu car c’est un levier démocratique. Cela permet, justement, de faire vivre notre démocratie.
Associer les citoyens à de tels projets a comme un caractère d’évidence.
Mme la présidente. L’amendement n° 890 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 505 rectifié ter, présenté par M. Canevet, Mme N. Goulet, MM. Kern, Longeot, Cadic, Laugier et Janssens, Mme Vullien, MM. Henno, Vanlerenberghe, Delcros et Louault et Mmes Perrot et Billon, est ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le conseil municipal d’une commune concernée par la création d’une commune nouvelle peut solliciter sa population par le biais d’un référendum local. »
M. Michel Canevet. Cet amendement vise simplement à rendre possible une consultation de la population par référendum local, si les élus d’une commune le souhaitent.
Il s’agit bien d’ouvrir une faculté, en rien obligatoire et ne concernant pas forcément toutes les communes. La consultation repose sur la volonté des conseils municipaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’ensemble de ces amendements vise la nécessité de consulter, d’une manière précise, les citoyens concernés par la création d’une commune nouvelle.
À cet instant, je veux très sincèrement remercier le ministre Sébastien Lecornu d’avoir permis, avec le rapporteur Agnès Canayer et en parfaite concertation avec l’Assemblée nationale, que l’on progresse sur la problématique des communes nouvelles et que l’on apporte les améliorations attendues. Nous avons longuement débattu du sujet, et cette discussion, je crois, a donné satisfaction.
Mes chers collègues, je voudrais rappeler que la création d’une commune nouvelle est une liberté qui est offerte. C’est un exemple assez remarquable de dispositif législatif. Sans doute connaissons-nous tous, dans nos territoires, un cas où l’on a pu forcer la main des habitants. Mais 99,8 % des communes nouvelles sont l’émanation de décisions d’élus largement concertées avec la population et qui viennent juste épouser la manière dont les habitants vivent.
Il appartient aux élus de consulter, comme ils le souhaitent, tout au long du dispositif. Une obligation de consultation par référendum de la population est prévue en cas de désaccord et, je le dis à titre personnel, pour avoir beaucoup travaillé avec mon collègue Christian Manable sur le sujet, là où des référendums ont été organisés, on en arrive, comme souvent, au dialogue entre Jean-Pierre Elkabbach et Georges Marchais : « Vous êtes venus avec vos questions ; moi, j’ai mes réponses ! »
Outre-Manche, on voit bien les dégâts causés par les référendums… Dans le cas des communes nouvelles, on se retrouve parfois avec une minorité qui, pour des raisons X ou Y, parce qu’elle n’aime pas le maire, parvient à s’opposer au projet. Je pense donc qu’il faut faire confiance aux élus locaux, comme nous en avons longuement débattu, ici, lors de l’examen de la proposition de loi.
À l’instar de M. le ministre, j’émets sur l’ensemble de ces amendements un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je rappelle à mon tour que nous avons discuté de ces questions pendant de nombreuses heures. Commencer à contourner la démocratie représentative locale sur des choix d’orientation en matière de communes nouvelles, c’est engager une démarche dont on peut se demander où elle s’arrêtera… Il faut y prendre garde !
Je demande le retrait de tous ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je ne sais pas s’il faut faire du référendum une obligation. Mais nous sommes en période préélectorale, et une certaine honnêteté démocratique impose, à ceux qui souhaitent constituer une commune nouvelle, de l’inscrire dans leur programme électoral.
Cela me semble être la base, même si nous ne rendons pas le référendum obligatoire !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Personnellement, je n’ai pas d’avis sur la question, puisqu’il appartient à chacun des territoires de se déterminer, comme Mme le rapporteur l’a brillamment rappelé à l’instant.
Cela étant, je suis trop attaché à la coopération intercommunale pour ne pas rester insensible au sujet. Ces communes nouvelles sont, d’une certaine manière, la négation de la coopération. En effet, pour coopérer, il faut des partenaires, lesquels n’existent plus dès lors qu’ils sont absorbés dans la fusion !
La décision de créer une commune nouvelle n’est pas anodine ; ce n’est pas une décision mineure. Il n’appartient pas au conseil municipal de déterminer s’il faut tirer un trait sur deux siècles d’histoire ! La commune appartient à tous ses habitants. Il ne faut pas négliger ce point, car se dispenser de consulter les habitants suscite de la frustration.
Même si comparaison n’est pas raison, je n’imagine pas que l’on puisse construire les communes nouvelles sur le même schéma que celui qui a prévalu pour la construction européenne. On a ajouté des pays sans jamais demander l’avis à qui que ce soit, et c’est l’une des raisons pour lesquelles l’Europe est aujourd’hui en souffrance.
Par ailleurs, il ne faut pas appréhender les communes uniquement comme des centres de coûts. Les communes, singulièrement les plus petites, affichent des ratios à nul autre pareils. Celles qui sont modestes ont, bien sûr, besoin des plus grandes, mais elles investissent plus, dépensent moins et ne sont pas à l’origine des difficultés que connaît le pays.
Je suis attaché à ce que chacun ait voix au chapitre. Nous parlons de moments qui sont historiques, et les moments historiques doivent être pleinement vécus par toute la population ! (MM. Claude Kern, Franck Menonville et Vincent Segouin applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Effectivement, lors de la discussion, au printemps dernier, sur l’organisation des communes nouvelles, nous avions déjà eu ce débat. J’avais personnellement déposé un amendement visant à rendre obligatoire la consultation de la population en cas de création de commune nouvelle, proposition qui avait été rejetée.
Il ne faut pas avoir peur de la démocratie locale, mes chers collègues ! Il ne faut pas craindre de donner la parole au peuple, surtout lorsqu’il s’agit d’une décision aussi symbolique et importante que celle de la commune dans laquelle il va vivre.
Le ministre nous oppose que nous allons, je reprends ces mots, « contourner la démocratie représentative ». Ouh là là ! On peut parfois envisager de contourner cette démocratie représentative quand elle n’a pas été claire. Alain Marc observe que, en vue des élections prévues dans quelques mois, il serait bon que ceux qui envisagent des fusions de communes l’indiquent dans leur programme.
On a vu, entre 2014 et 2019, certaines fusions qui n’étaient pas annoncées, peut-être parce que les mesures législatives ne le permettaient pas, d’ailleurs.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Olivier Paccaud. Je vais citer le cas d’une fusion avortée dans mon département de l’Oise.
Des maires maladroits – je le concède – ont dissimulé leur volonté de créer une commune nouvelle. Ils ont fait délibérer leurs conseils municipaux, et ceux-ci ont délibéré en ce sens. Quand la population, qui n’avait pas été consultée, a appris le résultat de ces conseils municipaux, il y a eu comme un vent de folie. Celui-ci n’a pu être calmé que par l’organisation, imposée par le préfet, d’un référendum. Je vous en donne le résultat, mes chers collègues : 90 % de non à la fusion !
Les communes concernées sont Warluis et Rochy-Condé, dans le département de l’Oise, qui plus est dans mon canton…
Pour qu’elle réussisse, la fusion doit se faire en associant et en informant la population. Dans l’immense majorité des cas, c’est évidemment ce qui se passe.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bien sûr !
M. Olivier Paccaud. Toutefois, quel mal y a-t-il à vouloir interroger la population, à l’heure où l’on nous parle sans cesse de proximité, où la population en réclame et ne veut pas que l’on décide au-dessus d’elle ? S’il y a bien une question à laquelle les citoyens doivent répondre eux-mêmes, c’est celle de la commune à laquelle ils veulent appartenir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur, vous n’étiez pas là lors de la discussion de la proposition de loi de Mme Françoise Gatel sur les communes nouvelles.
M. Olivier Paccaud. Si !
M. Olivier Paccaud. J’ai même déposé un amendement !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne m’en souviens plus ; je vous présente mes excuses si j’ai oublié.
M. Olivier Paccaud. Vous vérifierez…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je le ferai, ne vous inquiétez pas. Je suis plutôt du genre à bien regarder !
Je n’ignore pas, mesdames, messieurs les sénateurs, les situations locales dont vous vous faites, ici, les interprètes en tant que représentants des collectivités de vos départements. C’est le rôle de la Haute Assemblée.
Je tiens simplement à rappeler une chose dans cette enceinte où, par définition, la démocratie représentative trouve son espace et sa légitimité : lorsqu’est envisagée la création d’une commune nouvelle, l’organisation systématique d’un référendum, d’une consultation locale, est d’ores et déjà possible, et même obligatoire, si deux conseils municipaux ne sont pas d’accord. Or, personne ne rappelle le droit applicable, ce qui est fascinant !
Lorsqu’il existe un désaccord entre deux conseils municipaux, c’est-à-dire deux organes qui font partie de la démocratie représentative, la parole est, je le répète, d’ores et déjà donnée à la population.
Par ailleurs, dans le cas où il y aurait accord unanime entre ces mêmes conseils municipaux, permettez-moi de considérer – sans vous moquer ou dire que je suis « forcément contre » – que le fait d’organiser, en outre, une consultation référendaire, est le début d’un processus pouvant remettre en cause, à terme, la démocratie représentative locale.
Monsieur Paccaud, on ne va tout de même pas laisser le soin de juger du droit de propriété, tel qu’il est prévu dans le code de l’urbanisme, notamment celui de décider quels terrains sont ou non constructibles, à quelques conseillers municipaux… Il faut un référendum, une consultation ! (M. Olivier Paccaud s’exclame.)
Non, monsieur le sénateur, le droit de l’urbanisme ne saurait relever d’une seule personne !
Quant aux questions budgétaires, c’est-à-dire les impôts, la dette, le niveau d’investissement, elles concernent tout le monde. Je souhaite que l’on s’interroge sur le temps long : il ne s’agit pas simplement de savoir ce que fera cette chambre, au moment présent et avec le ministre actuel… Nous devons nous projeter sur une période de six ou douze ans.
Sur ces questions financières, donc, lorsque certaines municipalités ont endetté durablement leur commune, peut-être faudrait-il, à partir d’un certain niveau d’endettement, consulter la population avant de décider de contracter un nouvel emprunt, par exemple ?