Colonialisme
d’hier et d’aujourd’hui
Mohamed Cherif Abbés :
« le voyage de Nicolas Sarkozy en Algérie n’est qu’une visite de
courtoisie »
Alors que le président français, Nicolas
Sarkozy, est attendu à Alger du 3 au 5 décembre, le ministre algérien des Moudjahiddines
(Anciens combattants) a livré un entretien au principal quotidien national, El-Khabar. Il y démarque son gouvernement du projet
français d’Union méditéranéenne, projet dont se sont
également démarqués de nombreux États membres de l’Union européenne attachés au
« Processus de Barcelone ». En outre, contrairement à ce qui a été
indiqué dans la presse française, M. Cherif Abbès a souligné qu’il n’attendait rien de MM. Sarkozy
et Kouchner, non parce que ceux-ci étaient d’origine ou de confession juive,
mais parce que, à ses yeux, ils doivent leur carrière au groupe de pression de
l’État d’Israël. Dès lors, il y aurait une continuité logique entre
l’incapacité à reconnaître les crimes de la colonisation et les liens avec un
État colonial. Nous reproduisons cet entretien indispensable à la compréhension
des relations régionales.
28 novembre 2007 Depuis Alger (Algérie)
El-Khabar : Dans quel contexte placez-vous la visite de Nicolas Sarkozy,
le mois prochain ?
Mohamed Cherif Abbés : C’est une
visite de courtoisie, sans plus, qui vise à garder les relations bilatérales
actuelles en attendant de voir ce que nous réserve l’avenir.
El-Khabar : Cela signifie-t-il que des relations de parité entre Alger et
Paris ne sont pas envisageables ?
Mohamed Cherif Abbés : Au jour
d’aujourd’hui cela n’est pas envisageable, les Français ne sont pas prêts et en
particulier durant le mandat de M. Sarkozy. Vous connaissez les origines
du président français et les parties qui l’ont amené au pouvoir. Saviez-vous
que les autorités israéliennes avaient mis en circulation un timbre à l’effigie
de Nicolas Sarkozy, en pleine campagne électorale ? [1] Le gouvernement d’ouverture que
dirige M. Sarkozy, qui a vu plusieurs personnalités de gauche rejoindre un
gouvernement de droite soulève plusieurs interrogations comme pourquoi Bernard
Kouchner a décidé de sauter le pas, cela ne s’est pas fait pour des croyances
personnelles. Ceci était le résultat d’un mouvement qui reflète l’avis des
véritables architectes de l’arrivée de Sarkozy au pouvoir, le lobby juif qui
décide tout en France [2].
El-Khabar : Certains estiment que la remise des
plans des mines de l’ère coloniale est un geste qui reflète les bonnes
intentions de
Mohamed Cherif Abbés : Je crois que la
remise des plans des mines n’est rien d’autre qu’un coup de pub et je ne vois
en aucun cas de bonnes intentions en cela. Cependant cela peut être perçu comme
un aveu de
El-Khabar : Sarkozy a appelé les pays du bassin méditerranéen, anciennes
colonies de son pays, à tourner la page et à se concentrer sur le projet de
l’Union méditerranéenne qu’il considère comme l’avenir de la région. N’est ce
pas une approche pragmatique qui sert l’Algérie dans un monde d’intérêts ?
Mohamed Cherif Abbés : Il cherche une
politique qu’il peut « sarkoziser » et je
crois qu’il s’est un peu précipité. En tout cas il a le droit de lancer tout les projets qu’il veut, mais ce qui nous importe c’est
sa politique vis-à-vis de l’Algérie. À mon avis, si
El-Khabar : Que pensez-vous de la position algérienne concernant ce projet ?
Mohamed Cherif Abbés : Certains
responsables se sont précipités en approuvant ce projet. La position de l’État
n’a pas changée, il ne reconnaît pas ces projets car il ne connaît pas leur contenus. Pour faire court nous n’approuvons pas et
nous ne refusons pas…telle est la position officielle.
El-Khabar : L’arrivée d’Enrico Macias en Algérie
a déclenché une polémique, que pensez-vous de cette visite ?
Mohamed Cherif Abbés : l’arrivée de Hamlaoui Mekachera, ex-ministre
des Anciens combattants avec Jaques Chirac était une provocation [3]. La venue d’Enrico Macias est une provocation mais à un degré moindre car il
n’est pas d’origine algérienne, contrairement au premier qui a été considéré
comme un traitre. Je crois qu’Enrico Macias ne fera pas partie de la délégation qui va
accompagner M. Sarkozy.
El-Khabar : Que diriez-vous à Nicolas Sarkozy, si vous venez à parler de
l’histoire commune et des relations entre les deux pays ?
Mohamed Cherif Abbés : Je ne lui dirai que « faute
avouée est à moitié pardonnée ».
Version originale arabe publiée par El-Khabar, le 26 novembre 2007
[1]
[2]
L’expression « lobby juif » doit être comprise ici dans son contexte
culturel. Elle désigne le groupe de pression en faveur de l’État d’Israël qui
se définit comme « État juif », et non pas un groupe de pression en
faveur des personnes d’ascendance ou de confession juive, comme dans la
littérature antisémite européenne. Ndlr.
[3]
M. Merkachera était officier d’infanterie dans
l’armée française et a participé à ce titre à la représsion
des mouvements indépendantistes algériens. Resté Français après l’indépendance,
il est considéré comme héros en France et comme traître en Algérie. Ndlr.