Invité le 3 décembre sur le plateau de « Ce soir ou jamais » par Frédéric Taddeï pour représenter les climato-sceptiques qui doutent de la responsabilité des émissions de CO2 dues à l’homme dans le changement climatique, le géologue Vincent Courtillot a mentionné à l’appui de ses thèses Fred Singer, qu’il a présenté comme un scientifique sceptique, ayant participé à la rédaction du rapport du GIEC, et qui à ce titre se serait vu décerner le Nobel de la Paix 2007, attribué à Al Gore et au GIEC. Quelques jours plus tard, lors d’un entretien publié par Paris Match, Claude Allègre le cite également en référence et lui attribue le titre de « climatologue ». Problèmes. Fred Singer est depuis de nombreuses années l’une des figures centrales des réseaux lobbyistes au service des industries polluantes, et sa participation aux travaux du GIEC, on ne peut plus anecdotique, ne lui permet décemment pas de se prévaloir de la récompense attribuée par l’Académie Nobel. Dossier.
Contre Info, 14 décembre 2009
Mise à jour [1]
Les informations que nous avons réunies montrent que Fred Singer a joué un rôle constant dans les campagnes de désinformations financées par les cigarettiers américains pour retarder l’adoption de lois anti-tabac, en remettant en causes les résultats des études médicales établissant un lien entre tabagisme passif et cancer.
Le « Science and Environnement Policy Project » (SEPP), qu’il dirige, s’est également mobilisé dans les années 1990 pour nier la dangerosité de l’amiante, des pesticides, ou la réalité du trou de la couche d’ozone, et le SEPP a été partie prenante de l’élaboration d’un plan d’action contre le Protocole de Kyoto organisé et financé par l’industrie pétrolière.
Quant au prix Nobel dont Singer pourrait se prévaloir selon Courtillot, rien ne lui permet de s’en réclamer.
Fred Singer n’a aucunement été impliqué dans l’élaboration du rapport 2007 du GIEC, ni en tant qu’auteur, ni en tant que membre des comités de lecture. Il n’a en réalité jamais participé en qualité de scientifique aux travaux du GIEC. Sa seule apparition dans les archives des rapports d’évaluations de l’organisation mentionne une participation au titre d’ « ONG », dans une liste dont la quasi-totalité des membres sont des entreprises, et où les secteurs du pétrole, du gaz, et du charbon sont largement représentés.
M. Courtillot affirme vouloir « démêler » ce qui relève de la science et d’autres motivations moins désintéressées. Louable préoccupation.
Mais on ne peut que s’interroger sur la validité de ses critères - ou de ses motifs - lorsqu’il utilise comme premier argument en sa faveur le nom d’un professionnel du lobbyisme. Et la même question se pose concernant Claude Allègre, son collègue de l’Institut de Physique du Globe de Paris, qui cite lui aussi les travaux de Singer comme preuve du bien fondé de sa démarche. [2]
Car les implications nombreuses et répétées de Fred Singer et des réseaux auxquels il participe dans des opérations de manipulation et de désinformation, visant à retarder ou empêcher l’adoption de réglementations environnementales, sont non seulement incontestables mais aussi largement connues de la communauté scientifique des climatologues, et de quiconque se penche sur ce sujet et ses controverses.
MM. Courtillot et Allègre sont-ils à ce point mal informés pour n’en avoir jamais eu vent ?
Si c’est le cas, leur peu d’empressement à vérifier la qualité des références qu’ils mettent en avant ne plaide pas en faveur de leur rigueur intellectuelle.
Dossier Singer
Fred
Singer, lobbyiste professionnel
Fred
Singer, « Prix Nobel » ?
Ce soir ou jamais, 3 décembre 2009, verbatim
Vincent Courtillot : Je voudrais, puisque j’ai la chance d’être le « climato-sceptique » de service, minoritaire, et que l’on ne nous entend pas beaucoup... je voudrais faire passer trois mots et trois messages et trois idées.
Le premier mot, c’est démêler, le second mot c’est incertitude, le troisième mot c’est consensus.
Démêler pourquoi ? C’est très difficile dans les débats comme celui que nous allons avoir ce soir, de démêler le débat scientifique du débat politique ou citoyen. Les deux sont également nobles. Quand on passe trop vite de l’un à l’autre sans avoir eu le temps d’exposer les arguments, c’est très difficile d’aller plus loin, on verra si on peut le faire ce soir.
Le second mot, c’est incertitude. (S’adressant au climatologue Jean Jouzel) Le prix Nobel de la Paix - pas de Science - qu’a eu Jean Jouzel avec des centaines d’autres scientifiques, dont des climato-sceptiques ....
Frédéric Taddei : Et Al Gore...
Vincent Courtillot : Al Gore, mais aussi Fred Singer et quelques autres...
Source : Ce soir ou jamais