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Déclaration d'Ulrike pour la libération d'Andreas au procès de Berlin-Moabit Le 13 septembre 1974 Le procès auquel nous assistons est une manoeuvre tactique dans l'entreprise de guerre psychologique que mènent la Police criminelle fédérale, l'Accusation fédérale et la Justice contre nous — dans le but de voiler les intérêts politiques en jeu dans nos procès en Allemagne de l'Ouest et la stratégie d'extermination programmée par l'Accusation fédérale ; — dans le but de présenter de nous, par le biais de condamnations individuelles, une image de division ; — dans le but de couper dans la conscience de l'opinion publique, en exhibant publiquement certains d'entre nous, tous les procès contre les prisonniers de la « R.A.F. » du contexte politique, afin de rayer à jamais de la mémoire des hommes ce fait que, sur le terrain de l'impérialisme ouest-allemand et à Berlin-Ouest, se déroule une guérilla urbaine révolutionnaire. Nous — Fraction Armée Rouge — ne collaborerons pas à ce procès. La lutte anti-impérialiste La lutte contre l'impérialisme, si l'on ne veut pas que cela reste un slogan vide, a pour but d'anéantir, de détruire, de briser le système de domination impérialiste — sur le plan politique, économique et militaire ; de briser les institutions culturelles par lesquelles l'impérialisme donne une homogénéité aux élites dominantes, et les systèmes de com- .unication qui lui assurent son emprise idéologique. — sur le plan militaire cela veut dire dans un cadre inter-national : anéantir les alliances militaires de l'impérialisme américain à la surface du globe, ici : de l'O.T.A.N. et de la « Bundeswehr ». Dans le cadre national : anéantir les formations armées de l'appareil d'Etat qui incarnent le monopole de la violence de la classe dominante et son pouvoir dans l'Etat, ici : la police, la police des frontières, les services secrets ; — sur le plan économique cela signifie : anéantir la structure de puissance que représentent les trusts multinationaux ; — sur le plan politique cela signifie : anéantir les bureaucraties, organisations, appareils de pouvoir, qu'ils soient étatiques ou non étatiques — (les partis, syndicats, media) qui dominent le peuple. L'internationalisme prolétarien La lutte contre l'impérialisme ici n'est pas et ne saurait être : une lutte de libération nationale — sa perspective historique n'est pas : le socialisme dans un seul pays. A l'organisation transnationale du capital, aux alliances militaires par lesquelles l'impérialisme américain enserre le monde, à la coopération de la police et des services secrets, à l'organisation internationale des élites dominantes dans la sphère de pouvoir de l'impérialisme U.S. — répondent de notre côté, du côté du prolétariat, les luttes de classes révolutionnaires, les mouvements de libération des peuples du tiers monde, la guérilla urbaine dans les métropoles de l'impérialisme. C'est cela l'internationalisme prolétarien. La notion d'Etat national Dans les métropoles, la notion d'Etat national est devenue une fiction qui n'est plus étayée par rien, vu la réalité des classes dominantes, leur politique et leur structure de domination, qui ne correspond plus à quoi que ce soit sur le plan des frontières linguistiques depuis qu'il y a des millions de travailleurs immigrés dans les pays riches de l'Europe occidentale. On assisterait plutôt, même si c'est subjectif, avec l'internationalisation du capital, avec les nouveaux media, avec les dépendances réciproques qu'entraîne le développe-ment économique, avec l'élargissement de la communauté européenne, avec la crise, à la formation d'un internationalisme prolétarien en Europe — au point que les appareils syndicaux travaillent déjà depuis des années à son assujettissement, à son contrôle, à son institutionnalisation et à son oppression. A la fiction d'un Etat national, à laquelle s'accrochent les groupes révisionnistes de par leur forme d'organisation, répondent leur fétichisme de la légalité, leur pacifisme, leur opportunisme massif. Ce n'est pas de venir de la petite-bourgeoisie que nous reprochons aux membres de ces groupes, mais de reproduire dans leur politique et dans leur type d'organisation, l'idéologie de la petite-bourgeoisie qui a depuis toujours été étrangère à l'internationalisme prolétarien et qui — il ne peut en être autrement vu sa position de classe et ses conditions de reproduction — s'est toujours organisée dans l'Etat en tant que complément de la bourgeoisie nationale, de la classe dominante. L'argument selon lequel les masses ne seraient pas encore assez avancées, ne fait que nous rappeler — à nous de la « R.A.F. », révolutionnaires détenus dans l'isolement, dans des sections spéciales, soumis aux dispositifs ingénieux de lavages de cerveau, à la prison, en toute illégalité —, les arguments des salauds de colonialistes en Afrique et en Asie de-puis soixante-dix ans. Selon eux, les Noirs, les analphabètes, les esclaves, les peuples colonisés, torturés, opprimés, affamés, qui souffrent sous le joug du colonialisme et de l'impérialisme, ne seraient pas encore assez avancés pour prendre eux-mêmes en main, en tant qu'êtres humains, leur administration, leur industrialisation, leur éducation, leur avenir. C'est l'argument de gens soucieux de leurs propres positions de pouvoir, qui visent à dominer le peuple et non pas à l'émanciper où à l'aider dans sa lutte pour sa libération. Le guérillero dans les métropoles Notre action du 14 mai 1970' est et reste l'action exemplaire du guérillero dans les métropoles. Elle contient/ contenait déjà tous les éléments de la stratégie pour la lutte armée contre l'impérialisme : il s'agissait de libérer un prison-nier des griffes de l'appareil d'État. Ce fut une action de guérilla, l'action d'un groupe qui, en décidant de faire cette action, s'est organisé en noyau politico-militaire. Il s'agissait de libérer un révolutionnaire, un cadre qui était et reste indispensable pour organiser la guérilla dans les métropoles. Et pas seulement comme tout révolutionnaire est indispensable dans les rangs de la révolution, mais parce que déjà à cette époque il incarnait tout ce qui rend possible la guérilla, l'offensive politico-militaire contre l'Etat impérialiste. Il incarnait la détermination, la volonté d'agir, la capacité de se déterminer soi-même seulement et exclusivement en fonction des objectifs, tout en laissant une ouverture pour l'apprentissage collectif du groupe, en assumant la direction dès le début comme direction collective, en servant de courroie de transmission entre les expériences de chacun et la collectivité. Cette action a été exemplaire parce que dans la lutte contre l'impérialisme il s'agit somme toute de libérer des prisonniers, de les libérer de la prison qu'est depuis toujours le système pour toutes les couches populaires exploitées et opprimées, et sans autre perspective historique que la mort, la terreur, le fascisme et la barbarie. De les libérer de leur emprisonnement dans la plus totale aliénation, et de leur auto-aliénation ; de l'état d'exception politique et existentiel dans lequel le peuple est obligé de vivre, dans les griffes de l'impérialisme, de la société de consommation, des media, des appareils de contrôle de la classe dominante, sous la dépendance donc du marché et de l'appareil d'Etat. La guérilla — et pas seulement ici ; il en a été tout de même au Brésil, en Uruguay, à Cuba et pour le Che en Bolivie — part toujours de rien, et la première phase de sa mise en place est la plus difficile. Venir en effet de la classe bourgeoise prostituée par l'impérialisme, ou de la classe prolétarienne colonisée par lui, ne procure rien qu'on pourrait utiliser dans cette lutte. Nous sommes un groupe de camarades qui avons décidé d'agir, de quitter le stade de la léthargie, du radicalisme seulement de mots, des discussions de plus en plus vaines sur la stratégie, de nous battre. Mais tout manque encore, et pas seulement les moyens ; c'est seulement maintenant que l'on découvre quelle espèce d'homme on est. On dé-couvre l'individu-des-métropoles : il est issu du processus de décomposition du système, des relations aliénées, fausses, mortelles qu'il crée dans la vie —à l'usine, au bureau, à l'école, à l'université, dans les groupes révisionnistes, lors de l'apprentissage ou de jobs occasionnels. Voilà où parais-sent les effets de la division entre vie professionnelle et vie privée, de la répartition du travail en travail intellectuel et travail manuel, de l'infantilisation dans les opérations du travail organisées hiérarchiquement ; voilà les altérations psychiques que produit la société de consommation, cette société dégénérée des métropoles, tombée en décomposition et dans la stagnation. Mais c'est ce que nous sommes, c'est de là que nous venons. Ce que nous sommes : cette « engeance » qui sort des procédures d'anéantissement et de destruction de la société des métropoles, de la guerre de tous contre tous, de la concurrence de chacun contre chacun, du système où règne la loi de la peur, de l'obligation du rendement, du profit des uns au détriment des autres, de la division du peuple en hommes et femmes, en jeunes et vieux, en malades et bien portants, en étrangers et allemands, et des luttes pour le prestige. D'où nous venons : de l'isolement dans la maison individuelle de série, des cités de béton des banlieues, des cellules de prison, des asiles et des sections spéciales. Du lavage de cerveau par les media, par la consommation, par les châtiments corporels, par l'idéologie de la non-violence. De la dépression, de la maladie, du déclassement, de l'humiliation, de l'avilissement des être humains, de tous les hommes exploités dans l'impérialisme. Jusqu'à ce que nous ayons saisi la détresse de chacun de nous comme une nécessité de nous libérer de l'impérialisme, comme une nécessité de lutter contre lui ; jusqu'à ce que nous ayons compris que nous n'avons rien à perdre dans la destruction du système, mais tout à gagner dans la lutte armée : la libération collective, la vie, la dignité humaine, notre identité ; que la cause du peuple, des masses, des travailleurs à la chaîne, du « lumpen-prolétariat », des prisonniers, des apprentis — des masses les plus basses ici, et des mouvements de libération dans le tiers monde — est notre cause. Notre cause — la lutte armée contre l'impérialisme —, est celle des masses et réciproquement — même si cela ne peut devenir une réalité, et ne deviendra une réalité que dans un processus de longue haleine qui verra les offensives politico-militaires se développer et la guerre populaire éclater. Voilà la différence entre une politique véritablement révolutionnaire et une politique qui n'est que soi-disant révolutionnaire — en réalité une politique opportuniste : il faut que nous partions de la situation objective, des conditions objectives, de la situation effective du prolétariat, des masses dans les métropoles —, du fait que le peuple, dans toutes ses couches et de tous les côtés, est dans les griffes et sous le contrôle du système. Les opportunistes partent de la conscience aliénée du prolétariat ; nous, nous partons du fait de son aliénation, d'où s'ensuit la nécessité de sa libération. Il n'y a pas de raison — écrivait Lénine en 1916 contre le sale colonialiste et renégat Kautsky —, de supposer sérieusement que dans le capitalisme la majorité des prolétaires puisse être regroupée dans des organisations. En second lieu — et c'est l'essentiel —, il ne s'agit pas tant du nombre de membres qui appartiendraient à ces organisations, que de la signification réelle, objective de leur politique. Cette politique défend-elle les masses ? sert-elle les masses, c'est-à-dire à la libération des masses du capitalisme ? Ou bien défend-elle les intérêts de la minorité, c'est-à-dire sa réconciliation avec le capitalisme ? Nous ne pouvons pas, et personne ne peut prévoir avec précision quelle partie du prolétariat suit et suivra les socialo chauvinistes et les opportunistes. Seule la lutte le révélera, c'est la révolution socialiste qui en décidera en dernier ressort. Mais si nous voulons rester des socialistes, il est de notre devoir d'aller plus profondément vers les masses les plus défavorisées, les vraies masses : c'est en cela que la lutte contre l'opportunisme prendra toute sa signification et que réside tout le contenu de cette lutte. » Le guérillero, c'est le groupe La fonction de direction dans la guérilla, la fonction d'Andreas dans la « R.A.F. » est d'orienter. Il ne s'agit pas seulement de distinguer dans chaque situation l'essentiel de l'accessoire, mais aussi de savoir s'attacher dans chaque situation au contexte politique d'ensemble, en le dégageant de toutes ses particularités ; de ne jamais perdre de vue le but — qui est la révolution, pour les détails, les problèmes techniques et logistiques particuliers ; de ne jamais perdre de vue, dans l'ensemble de la politique d'alliance, la question des classes, dans l'ensemble des coups tactiques, la stratégie. Ce qui signifie : ne jamais tomber dans l'opportunisme. C'est, dit Le Duan', « l'art de lier dialectiquement la fermeté des principes avec la souplesse dans l'action, l'art d'appliquer dans la conduite de la révolution la loi du développement qui veut que les changements progressifs se transforment en sauts qualitatifs ». C'est aussi l'art « de ne jamais reculer devant la dimension démesurée de ses propres buts », mais de les pour-suivre avec opiniâtreté et sans s'en laisser détourner ; c'est le courage de tirer les leçons de ses erreurs, la volonté d'apprendre de façon générale. Toute organisation révolutionnaire, toute organisation pour la guérilla le sait, c'est le principe, que la praxis exige le développement de ces capacités. Du moins toute organisation qui admet le matérialisme dialectique, qui a pour but la victoire dans la guerre du peuple, et non l'édification d'une bureaucratie de parti, l'association comme partenaire à la puissance de l'impérialisme. Nous ne parlons pas de centralisme démocratique parce que la guérilla urbaine dans la métropole de la R.F.A. ne . peut avoir d'appareil centralisateur. Elle ne relève pas d'un parti, mais d'une organisation politico-militaire qui remplit ses fonctions de direction collectivement en partant de chaque groupe, qui forme une unité séparée — et avec une tendance à se dissoudre dans les groupes par le processus de l'apprentissage collectif. Le but en permanence : c'est de laisser une orientation autonome, du point de vue tactique, aux militants, aux guérilleros, aux cadres. La collectivisation est un processus politique qui fonctionne à tous les niveaux, dans l'interaction et la communication, dans l'apprentissage réciproque qui se fait dans tous les processus de travail et de formation. Une structure autoritaire pour la direction ne trouverait aucune base matérielle dans la guérilla, parce que le développe-ment réel, c'est-à-dire volontaire, de la force productive de chaque individu, est la condition de l'efficacité de la guérilla révolutionnaire : où il s'agit d'intervenir de façon révolutionnaire avec de faibles forces pour déclencher la guerre de libération du peuple. La tactique de la guerre psychologique Andreas, parce qu'il est révolutionnaire, et qu'il l'est de-puis le début, est visé en première ligne dans la guerre psychologique que les flics mènent contre nous, et ceci depuis 1970, depuis la première apparition de la guérilla urbaine, avec l'opération pour le sortir de prison. Le principe du fonctionnement de la guerre psychologique, qui doit aboutir à monter le peuple contre la guérilla, à isoler la guérilla du peuple, est de défigurer et masquer les fins réelles, matérielles de la révolution par la personnalisation et la psychologisation. Fins qui sont : la libération de la domination impérialiste, la libération des territoires occupés par le colonialisme et le néo-colonialisme, la libération de la dictature de la bourgeoisie, la libération de la dictature militaire, de l'exploitation, du fascisme et de l'impérialisme. La tactique est de rendre incompréhensible ce qui est facile à comprendre, de faire apparaître comme irrationnel ce qui est très rationnel, de présenter les révolutionnaires comme des êtres in-humains. La méthode, c'est : la diffamation, le mensonge, les injures, le racisme, la manipulation, la mobilisation des angoisses inconscientes du peuple et des réflexes inculqués au cours des décennies, des siècles de domination coloniale et d'exploitation — réflexes d'angoisse devant l'existence et de superstition devant les puissances incompréhensibles, parce que ces structures pour assurer la domination sont indécelables. En essayant ainsi, par la guerre psychologique, de réduire à néant la politique révolutionnaire, la lutte armée contre l'impérialisme dans la métropole allemande et leurs effets dans la conscience du peuple — en la personnalisant et en la psychologisant —, les flics cherchent à nous présenter comme ce qu'ils sont eux-mêmes ; ils cherchent à présenter la structure de la « R.A.F. » comme analogue à la leur, une structure de domination — à l'image de l'organisation et du fonctionnement de leurs propres appareils de domination : comme le Ku Klux Klan, comme la Maffia, comme la C.I.A. Et ils nous attribuent les moyens mêmes que les masques de l'impérialisme et leurs marionnettes utilisent pour s'imposer : le chantage, la corruption, la concurrence, le favoritisme, la brutalité, l'habitude de se frayer un chemin sur des cadavres. En utilisant la guerre psychologique contre nous, les flics misent sur la confusion dans laquelle sont tous ceux qui sont obligés de vendre leur force de travail pour pouvoir tout simplement vivre, une confusion née de l'obligation du rende-ment et de l'angoisse devant l'existence que le système entre-tient en eux. Ils misent sur la pratique maladive de la diffamation, tournée par la classe dirigeante depuis des décennies, depuis des siècles, contre le peuple : mélange d'anticommunisme, d'antisémitisme, de racisme, d'oppression sexuelle, d'op-pression religieuse, d'oppression par le système scolaire autoritaire. Ils misent sur le lavage de cerveau qu'opèrent la société de consommation et les media impérialistes, la rééducation et le « miracle économique ». La guérilla permet à chacun de déterminer pour soi où il se situe, de trouver, en général pour la première fois, où il se situe en somme et de trouver sa place dans la société de classes, dans l'impérialisme, de se déterminer pour lui-même. Car beaucoup pensent être du côté du peuple, mais dès qu'il s'agit de s'affronter avec la police, dès que le peuple commence à se battre, ils se sauvent, dénoncent, freinent, se mettent du côté de la police. C'est le problème que Marx a si souvent expliqué : qu'on n'est pas ce qu'on croit être ; mais ce qu'on est dans ses fonctions réelles, dans son rôle dans la société de classes, c'est qu'on est livré au système, qu'on sert d'instrument réel aux buts du système, à moins d'avoir consciemment décidé d'agir contre le système, c'est-à-dire de s'armer et de se battre. Par la guerre psychologique, les flics cherchent à renverser les faits que l'action de la guérilla avait remis sur leurs pieds. A savoir que ce n'est pas le peuple qui dépend de l'État, mais l'État qui dépend du peuple ; que ce n'est pas le peuple qui a besoin des sociétés par actions, des multinationales et de leurs usines, mais que ce sont ces salauds de capitalistes qui ont besoin du peuple ; que la police n'a pas pour but de protéger le peuple des criminels, mais de protéger l'ordre des exploiteurs de l'impérialisme, du peuple ; que le peuple n'a pas besoin de la justice, mais que c'est la justice qui a besoin du peuple ; que nous n'avons pas besoin ici de la présence des troupes et des installations américaines, mais que c'est l'impérialisme U.S. qui a besoin de nous. En personnalisant et en psychologique, ils projettent sur nous ce que eux sont, les clichés de l'anthropologie du capitalisme, la réalité de ses masques, de ses juges, de ses procureurs, de ses matons, de ses fascistes : un salaud qui se complaît dans son aliénation, qui ne vit qu'en torturant, en opprimant, en exploitant les autres, dont la base de l'existence est la carrière, l'avance-ment, jouer des coudes, profiter des autres ; qui se réjouit de l'exploitation, de la faim, de la misère et du dénuement de quelques milliards d'êtres humains dans le tiers monde et ici. Ce que la classe dirigeante hait en nous, c'est que la révolution, malgré cent ans de répression, de fascisme, d'anticommunisme, de guerres impérialistes, de génocides, relève à nouveau la tête. En menant une guerre psychologique, la bourgeoisie, avec son Etat-flic, a accumulé contre nous tout ce qu'elle hait et craint du peuple. Surtout contre Andreas. C'est lui qui incarne la plèbe, la rue, l'ennemi. Elle a reconnu en nous ce qui la menace et la renversera : la détermination à provoquer la révolution, la violence révolutionnaire, à l'action politique et militaire ; en même temps que sa propre impuissance, la limite de ses moyens à partir du moment où le peuple s'arme et commence à se battre. Ce n'est pas nous, c'est lui-même que le système représente dans sa campagne de diffamation contre nous. Toute campagne de diffamation contre la guérilla renseigne sur ceux qui la conduisent, sur leur ventre de porc, sur leurs buts, leurs ambitions et leurs peurs. Et dire par exemple que nous sommes « une avant-garde qui s'est désignée elle-même comme telle » n'a aucun sens. Etre à l'avant-garde est une fonction à laquelle on ne peut ni se nommer soi-même, ni que l'on peut revendiquer. C'est une fonction que le peuple donne à la guérilla dans sa propre conscience, dans le processus de sa prise de conscience, de la redécouverte de son propre rôle dans l'histoire, lorsqu'il se reconnaît lui-même dans l'action de la guérilla, qu'il reconnaît la nécessité « en soi » de détruire le système comme une nécessité « pour soi », à travers l'action de la guérilla qui l'a déjà transformée en nécessité pour soi. L'idée d'une « avant-garde qui se désignerait elle-même comme telle » reflète une pensée de prestige, qui a sa place dans la classe dominante, qui vise à la domination. Mais ça n'a rien à voir avec le rôle du prolétariat, qui repose sur l'absence de propriété, avec son émancipation, avec le matérialisme dialectique, avec la lutte contre l'impérialisme. La dialectique de la révolution et de la contre-révolution C'est la dialectique dans laquelle se place la stratégie de la lutte contre l'impérialisme. C'est par la défensive, par la réaction du système, par l'escalade de la contre-révolution, par la transformation de l'état d'exception politique en état d'exception militaire, que l'ennemi se démasque, montre son vrai visage ; — amenant ainsi, par sa propre terreur, les masses à s'insurger contre lui, renforçant les contradictions et rendant la lutte révolutionnaire inéluctable. Comme dit Marighela (3) : « Le principe de base de la stratégie révolutionnaire dans les conditions d'une crise politique permanente, est de développer, aussi bien dans les villes que dans les campagnes, une telle quantité d'actions révolutionnaires que l'ennemi se voie obligé de transformer la situation politique du pays en une situation militaire. De cette façon, l'insatisfaction s'étendra à toutes les couches de la population, et les seuls responsables de toutes les méprises seront les militaires. » (3). Carlos Marighela, assassiné par les fascistes brésiliens le 4 novembre 1969. Auteur de Pour la libération du Brésil, éd. du Seuil. Ou comme dit un camarade iranien, A.-P. Pusan : « Par le renforcement de la violence contre les militants de la résistance à quoi est contraire la réaction, la répression atteindra inévitablement toutes les autres couches et classes dominées de façon encore plus massive. De ce fait, la classe dirigeante augmente les contradictions entre les classes opprimées et elle-même, et en créant un tel climat auquel elle aboutit nécessairement, elle fait faire un grand bond en avant à la conscience politique des masses. » Marx lui-même disait : « Le progrès révolutionnaire fait son chemin quand il provoque une contre-révolution puissante, qui se ferme sur elle-même, en engendrant son adversaire qui ne pourra amener le parti de l'insurrection, dans sa lutte contre lui, qu'à évoluer vers un véritable parti révolutionnaire. » Si en 1972, avec 150 000 hommes, les flics ont réalisé une mobilisation générale pour poursuivre les membres de la R.A.F. » — en faisant participer la population à la chasse à l'homme par la télévision, en faisant intervenir le Chancelier fédéral, en centralisant toutes les forces de police entre les mains de la police criminelle fédérale —, c'est que déjà à cette époque un groupe de révolutionnaires numériquement faible suffisait à mettre en branle toutes les forces matérielles et en hommes de l'État. Il était déjà matériellement visible que le monopole de l'État sur la violence est limité, que ses forces peuvent s'épuiser, que si l'impérialisme est sur le plan tactique un monstre dévoreur d'hommes, il est sur le plan stratégique un tigre de papier. Il était matériellement visible qu'il dépend de nous que l'oppression demeure, de nous aussi qu'elle soit brisée. Maintenant ces salauds, après tout ce qu'ils ont préparé contre nous par le moyen de la guerre psychologique, s'apprêtent à assassiner Andreas. Nous, prisonniers politiques, membres de la « R.A.F. » et d'autres groupes en lutte contre l'impérialisme, nous mettons, à dater d'aujourd'hui, en grève de la faim. En conformité avec les poursuites engagées par les flics pour liquider la « R.A.F. » et avec leur tactique de la guerre psychologique, s'ajoute le fait que la plupart d'entre nous se trouvent, depuis quelques années, détenus dans l'isolement, ce qui veut dire : en cours d'extermination. Mais nous sommes décidés à ne pas cesser de penser et de lutter, nous sommes décidés à faire retomber sur ses propres pieds le roc que l'Etat impérialiste a levé sur nous. Nous déclarons donc aujourd'hui : si les flics devaient mettre à exécution leurs intentions et leurs plans en supprimant l'eau à Andreas, tous les prisonniers de la « R.A.F. » qui font la grève de la faim, réagiraient immédiatement en refusant à leur tour toute absorption de liquide. Nous réagirons de la même façon devant toute tentative d'assassinat par suppression de l'eau, où que ce soit et sur quelque prisonnier qu'elle s'exerce.
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