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Introduction de Klaus Croissant : Chronologie

Auteurs du texte collectif de la Fraction Armée Rouge (« R.A.F. ») :

Andreas BAADER (né en 1943 — « suicidé » à Stammheim en 1977)

Gudrun ENssLIN (née en 1940 — « suicidée» à Stammheim en 1977)

Ulrike MEINHOF (née en 1934 — «suicidée» à Stammheim en 1976)

Holger MEINS (né en 1941 — assassiné à Wittlich en 1974) ;

Jan-Carl RASPE (né en 1944 — « suicidé » à Stammheim en 1977).

Faisant suite à l'agitation étudiante en 1967-68 s'est constitué en Allemagne fédérale (R.F.A.) un mouvement de résistance armée, en opposition à un gouvernement social-démocrate qui soutenait et a continué de soutenir le génocide du peuple vietnamien. Une partie de la gauche extraparlementaire — au regard de l'histoire et des conditions particulières de l'Etat ouest-allemand et de son type de société —, s'est décidée pour cette forme extrême du combat. Son opposition vient de la prise de conscience que les structures qui ont servi de base au national-socialisme et ont donné naissance à la Seconde Guerre mondiale, n'ont jamais été brisées en R.F.A. Le régime qui a succédé au IIIe Reich a uniquement changé de façade et de terminologie. Mais la propriété et les rapports de production sont restés inchangés.

Il est faux de définir la « R.A.F. » comme,un « terrorisme international ». Elle n'a en effet jamais projeté « d'actions illégales dans les autres pays d'Europe de l'Ouest ». Cette affirmation est pure invention des représentants de la R.F.A. qui voudrait étendre son appareil répressif pour combattre la résistance armée dans les autres pays européens.

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Le mouvement de résistance en R.F.A. est convaincu que se prépare, après la Première et la Seconde Guerres mondiales, une troisième catastrophe : elle sortira de la R.F.A. dans des conditions exactement semblables, mais avec des conséquences incomparablement plus terrifiantes pour les nations européennes. C'est pourquoi toute la stratégie de la lutte armée en R.F.A. vise à isoler politiquement cet Etat vassal qui sert uniquement de rouage à la pénétration américaine en Europe.

2 juin 1967 — Benno OHNESORG, un étudiant, est abattu par un policier à Berlin, lors d'une manifestation de protestation contre la visite du Chah d'Iran. C'est cette date qui va donner son nom au groupe de résistance : le « mouvement du 2 juin ».

2 avril 1968 — Incendie d'un grand magasin à Francfort, un flambeau dressé contre le génocide au Vietnam. Andreas BAADER, Gudrun ENSSLIN et deux autres camarades sont condamnés à trois ans de prison.

11 avril 1968 — Attentat contre Rudi DUTSCHKE à Berlin, celui qui incarne la résistance dans le mouvement étudiant. Blessé mortellement, Rudi Dutschke ne se relèvera que quelques années après. Importantes manifestations dans toute la R.F.A., pour protester notamment contre le groupe Springer.

24 juin 1968 — Décret des lois d'exception par la coalition C.D.U.-S.P.D. contre les meetings et manifestations de l'op-position extraparlementaire.
1969-1970 — Amnistie de toutes les inculpations pour les actes commis lors des manifestations étudiantes.

14 mai 1970 — Libération d'Andreas BAADER par un commando de la « R.A.F. », dont Ulrike MEINHOF faisait partie.

Juin-septembre 1970 — Développement des premières luttes, de la guérilla, au titre de la « R.A.F. » en faveur des camarades palestiniens.

D'octobre 1970 à avril 1972 — Mise sur pied d'une organisation de la guérilla en R.F.A. Opérations d'approvisionnement aux dépens d'un certain nombre de banques. Mise

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en circulation des premiers textes de la « R.A.F. ». De l'autre côté, tactique de la guerre psychologique et déclaration de la guerrc civile contre « l'ennemi n° 1 » — la « R.A.F. ». Chasse à l'homme paramilitaire sur tout le territoire de la République fédérale contre la « bande Baader-Meinhof ».

A partir d'octobre 1970 — Premières arrestations des militants de la « R.A.F. ». Inauguration d'un nouveau système de détention : l'isolement total, interdiction de tout contact avec les prisonniers « normaux », interdiction de participer en quoi que ce soit à la vie dans les prisons. (Les premières expériences d'isolement pour éprouver la capacité de résistance ont été mises sur pied par la C.I.A. dans les années 1950-1960 dans le cadre du pro-gramme de recherche « Blue bird ».)

15 juillet 1971 — Petra SCHELM, militante de la « R.A.F. »,
est abattue à Hambourg lors d'un contrôle de police.

4 décembre 1971 — Georg von RAUCH, militant de la « R.A.F. » est abattu à Berlin au cours d'un contrôle par la police politique.

1971-1972 — Les sondages d'opinion révèlent de fortes sympathies dans la population pour le « Groupe Baader-Meinhof », qui vont de 5 à 20 %. D'où un renforcement des procédés de la guerre psychologique, du conditionnement de la population par le gouvernement au moyen des media.

28 janvier 1972 — Mesures radicales. L'ancien chancelier fédéral Willi Brandt et le président du Conseil des Lânder décident que les « ennemis de l'Etat ou de la Constitution » ne doivent plus être employés dans les services publics. Ce décret conduit à la pratique des interdictions de travail, à la vérification des convictions de .100 000 personnes et à l'extension du pouvoir de la police politique et du conseil de sécurité de la Constitution.

Ces mesures radicales ont pour but d'empêcher les pro-grès de la gauche « en passant par les institutions », comme cela avait été annoncé en 1968.

2 mars 1972 — Thomas WEISBECKER, militant de la « R.A.F. », est descendu à Augsbourg d'une balle en plein coeur tirée à trois mètres. Une froide exécution de deux agents

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de la police politique, « A » et « B ». Leurs noms continuent d'être tenus secrets, même après qu'une procédure de « légitime défense » eut été engagée.
16 mars 1972 — Carmen ROLL, militante de la « R.A.F. » est soumise de force, aux seules fins de l'enquête, à une narcose totale à l'éther — la dose peut être mortelle —, à la prison de femmes de Aichach en Bavière. Au cours de cette narcose, on lui relève ses empreintes digitales, en présence même des agents de la sûreté de l'Etat.

Mai 1972 — Plasticages par les commandos de la R.A.F. » :
— du bureau central de la C.I.A. à Francfort ;
— du Quartier général des Américains en Europe à Heidelberg ;
— de l'immeuble Springer à Hambourg, le responsable des poursuites contre la « R.A.F. » et contre toute la Gauche en R.F.A. ;
— des bureaux de la police politique, à Augsbourg et à Munich, responsable de l'exécution de leur camarade Tho-mas Weisbecker.
Les attaques menées contre les installations américaines visent à soutenir le peuple vietnamien. A Heidelberg, l'ordinateur qui coordonnait une partie des expéditions pour exterminer le peuple vietnamien, sera détruit. A Hanoï, la nouvelle sera placardée sur les murs.

Fin mai 1972 — Fausses alertes à la bombe à Stuttgart pour encourager la population à la dénonciation. Les contre-explications de la « R.A.F. » sont étouffées.

Juin juillet 1972 — Arrestation d'Andreas Baader, de Jan-Karl Raspe et de Holger Meins à Francfort ; de Gudrun Ensslin à Hambourg ; de Ulrike Meinhof à Hanovre. Dès les premiers jours de leur détention, ils sont soumis à un statut particulier, l'isolement systématique. S'ajoute pour Ulrike Meinhof la condamnation au silence absolu : elle est mise en sûreté dans un quartier spécial, totalement vide, à la prison de Cologne. Ces mesures supplémentaires de torture seront appliquées aux quatre autres prisonniers de la « R.A.F. ».

17 janvier-15 février 1973 — Première grève de la faim contre ces conditions de détention. Revendication : être traité de la même façon que les autres détenus (« normaux »).

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9-12 février 1973 — Douze avocats manifestent dans leur te-nue devant la Cour du tribunal fédéral pour protester ou-vertement contre ces moyens de torture, et plus particulièrement contre l'internement d'Ulrike Meinhof dans le quartier de la mort.
Le but de la grève de la faim n'a pas été atteint, mais Ulrike est déplacée dans une aile de la prison où elle peut au moins percevoir quelques sonorités humaines.

8 mai-2 juin 1973 — Deuxième grève de la faim pour le même but. A la fin du mois de mai, le ministre de la Justice de Hesse, de qui relevait la prison de Schwalmstadt, donne son accord pour supprimer l'eau à Andreas Baader. Andreas tombe dans le coma. Depuis, sa santé supporte difficilement les suites fâcheuses de cette tentative de meurtre. Les prisonniers mettent fin à leur grève de la faim.

13 septembre 1974-5 février 1975 — La troisième, et la plus longue grève de la faim, pour atteindre finalement leur but : la suppression de la torture par isolement qui durait depuis plus de deux ans, et l'intégration aux conditions normales d'accomplissement de la détention. La lutte pour un minimum de communication sociale, contre le lent mais sûr anéantissement par la privation des exercices sensoriels, dure 145 jours.

Depuis octobre-novembre 1974 — Alimentation forcée de 25 prisonniers dans huit prisons de la R.F.A.

9 novembre 1974 — Holger Meins meurt dans la prison de Wittlich (Palatinat), le 53e jour de la grève de la faim. Au moment de sa mort, il pesait 39 kg, pour une taille de 1,84 m. Au lieu des 1 200 calories par jour, on ne lui en accordait que 400. Le médecin de la prison était en congé.
Holger Meins aurait dû être transféré, conformément à une décision du tribunal de Stuttgart, au plus tard le 2 novembre dans la prison de Stuttgart-Stammheim. L'avocat général — à cette époque Siegfried Buback — négligea le délai de justice, bien qu'il connût parfaitement la situation critique du prisonnier. Buback prétendit qu'il ne pouvait retenir le délai en raison de l'importance des dis-positifs de sécurité.

Manifestations sur tout le territoire de la R.F.A. et à Berlin-Ouest en hommage à son militantisme depuis 1968.

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10 novembre 1974 — Le président de la Cour suprême de Berlin, Günther von Drenckmann, est abattu au cours d'une tentative d'enlèvement. L'opération est signée « Mouvement du 2 juin ».
Décembre 1974 — Le Parlement fédéral à Bonn décrète les lois ad hoc en prévision du procès qui doit se dérouler contre la « R.A.F. ». Ces mesures d'exception permettent :
— de conduire un procès contre des inculpés même dans le cas où ils seraient incapables de comparaître — c'est-à-dire en l'absence des prisonniers (« ils s'en sont eux-mêmes rendus coupables ») ;
— d'interdire aux avocats de plaider s'ils sont susceptibles d'être suspectés de soutenir une association criminelle ou de mettre en danger la sécurité de l'Etat.
En outre, la défense collective telle qu'elle était jusque-là pratiquée par les avocats de la « R.A.F. », est maintenant interdite. Depuis, un avocat ne peut pas prendre la défense de plus d'un accusé.
Ces lois d'exception sont entrées en vigueur le le, janvier 1975, soit quelques mois avant le début du procès.

5 février 1975 — Fin de la grande grève de la faim. Une lettre des membres de la « R.A.F. » qui poursuivent la lutte armée, invite ceux qui sont emprisonnés à arrêter leur grève de la faim pour ne pas décharger l'Etat de la mort d'autres prisonniers. Les auteurs de la lettre expliquent que la lutte doit prendre d'autres formes.

23 février 1975 — Enlèvement de Peter Lorenz — membre du C.D.U., chef de l'opposition au parlement de Berlin —, revendiqué par le « Mouvement du 2 juin ». Cinq prisonniers du « Mouvement du 2 juin » seront échangés contre Peter Lorenz.

Mars-mai 1975 — Les avocats Croissant, Grônewold et StrÔ-bele sont récusés pour défendre la « R.A.F. » dans le procès qui s'ouvre à Stammheim. Motif de l'exclusion : on les soupçonne de complicité avec la « R.A.F. ». Conférences de presse et dispositions diverses pour informer en Allemagne et à l'étranger de l'entreprise d'extermination, exposer les exigences légitimes des grévistes de la faim et protester contre l'impossibilité des avocats de communiquer avec les prisonniers pour préparer le procès, sous peine désormais de poursuites.

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24 avril 1975 — Occupation de l'ambassade d'Allemagne à Stockholm par un commando de la « R.A.F. » qui se réclame de Holger Meins. Le chancelier fédéral Schmidt refuse l'échange de vingt-six détenus de la « R.A.F. » et du « mouvement du 2 juin », contre onze fonctionnaires de l'ambassade pris en otages.
Pour pouvoir mettre sur le dos du commando « Holger Meins » la responsabilité de la mort délibérée des onze fonctionnaires, Schmidt donne son accord pour l'as-saut de l'ambassade par une section spéciale antiguérilla chargée secrètement des opérations. Dans le procès des quatre membres survivants du commando, le gouverne-ment fédéral refusera de consentir, à produire comme té-moins le ministre de l'Intérieur, le chef de la police criminelle et un agent du Conseil de Sécurité de la Constitution. Raison : leurs dépositions pourraient nuire à l'Etat, à la République fédérale. La demande de citation de Schmidt est pour la même raison refusée.

4 mai 1975 — Siegfried HAUSNER, membre du commando « Holger Meins », meurt dans la prison de Suttgart-Stammheim. Son transport d'un hôpital de Stockholm en R.F.A., exigé sous la pression du gouvernement Schmidt, avait été qualifié de pur arrêt de mort par le médecin suédois, le docteur Zetterstroem. Une fois le prisonnier arrivé en Allemagne fédérale, bien que dans un état grave, le procureur général fédéral Siegfried Buback avait ordonné de transférer Hausner de la clinique de l'Université de Cologne dans la prison de Stammheim. Buback était parfaitement informé que la vie du prisonnier ne pouvait être sauvée que dans un hôpital par un traite-ment spécial.

12 mai 1975 — L'avocat Haag, le dernier défenseur d'Andreas Baader, déclare, après son passage en détention, qu'il ne laissera pas plus longtemps sa liberté menacée par un Etat qui torture les prisonniers politiques, qu'il est temps de « prendre des mesures plus importantes pour combattre l'impérialisme ». Haag se joint au mouvement de résistance.

21 mai 1975 — Début du procès contre la « R.A.F. » devant le Haut Tribunal de Stuttgart.

23 juin 1975 — Arrestation des avocats Croissant et Strôbele

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pour les mêmes motifs que ceux qui avaient conduit à leur exclusion de la défense. Str~bele est libéré quatre semaines après, Croissant sept semaines après. Leur bureau avait été perquisitionné, toutes les notes manuscrites relatives aux prisonniers avaient été saisies. Perquisition et saisie opérées chez deux autres avocats, Grônewold et Becker.

29 juin 1975 — Katharina HAMMERSCHMIDT, militante de la « R.A.F. », ne pouvant être soignée en prison, est transportée dans un hôpital et y trouve la mort, faute d'y avoir été envoyée assez tôt pour des « raisons de sécurité ».

Septembre 1975 — Au cours du procès contre la « R.A.F. », les experts médicaux non attachés au corps judiciaire établissent que les prisonniers sont dans un état de santé très grave par suite de leur longue mise en isolement. Ils ne peuvent suivre les principaux débats que deux à trois heures par jour. Ce qui veut dire qu'ils sont en fait dans l'incapacité d'y participer.
Pour améliorer l'état. de santé des inculpés les médecins exigent un changement total des conditions actuelles de détention, lesquelles sont en train de les détruire. Le minimum exigible pour survivre dans le réseau social n'est pas du tout garanti dans un tel isolement, que les prisonniers soient seuls ou en très petit groupe.

Septembre-octobre 1975 — Par son arrêt du 30 septembre, le Haut tribunal de Stuttgart exclut les prisonniers du procès. Cette exclusion est ratifiée par la Cour fédérale le 22 octobre. Pour essayer de justifier la suite du déroule-ment du procès en l'absence des inculpés, on invoque l'argumentation suivante :
— les inculpés se sont eux-mêmes rendus coupables de leur incapacité à comparaître (et par suite, de l'atteinte à leur santé),
— parce qu'ils ne laissent aux magistrats « aucun autre choix » que celui d'entériner les conditions particulières de détention, en raison du danger qu'ils font courir à la sécurité,
— parce qu'ils ont continué de maintenir leurs idées en prison et ont essayé de poursuivre leur « association criminelle »,
— parce qu'ils n'appartiennent qu'à « une fraction de plus en plus restreinte de la population ».

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Les tribunaux de la R.F.A. ont par là « justifié en droit » l'extermination de l'adversaire politique : le mépris de sa revendication à l'intégrité corporelle. Le droit le plus fondamental de l'être humain, le droit à la vie, a été aboli par la force pour les prisonniers du mouvement de résistance, l'extermination se trouve légalisée.

4 mai 1976 — Production des preuves au procès de Stammheim, mettant en relief la compromission du gouverne-ment de la R.F.A. dans le génocide au Vietnam, en particulier quand Willy Brandt était chancelier.

8-9 mai 1976 — Assassinat déguisé en suicide de Ulrike MEINHOF dans la nuit du 8 au 9 mai à la prison de Stammheim. Les magistrats refusent de faire appel à un médecin non reconnu auprès des tribunaux pour l'autopsie, ils refusent même l'autopsie. Aucun avocat ni exécuteur testamentaire n'est autorisé à assister à la perquisition de la cellule. La cellule est rapidement « rénovée » après la perquisition. Un appel est lancé pour la constitution d'une commission d'enquête internationale afin d'éclairer les circonstances de la mort d'Ulrike Meinhof.

En mars 1977 on reconnaît que les services de renseignements fédéraux (B.N.D.), la S.T.E.C.E. allemande, contre les assurances officielles données jusque-là, avaient accès aux cellules des prisonniers de la « R.A.F. » dans le septième bloc de la prison de Stammheim.

1er juin 1976 — Dépôt d'une bombe au bureau central de la C.I.A. à Francfort par un groupuscule révolutionnaire, le jour-anniversaire de l'arrestation d'Andreas Baader, de Holger Meins et de Jan-Karl Raspe.

16 juillet 1976 — Alors qu'il s'efforçait de convoquer une commission d'enquête internationale pour éclaircir les circonstances de la mort d'Ulrike Meinhof, l'avocat Croissant est arrêté pour la deuxième fois. Le prétexte : une déposition à charge d'un « témoin de la couronne », un prisonnier du nom de Gerhard Müller qui avait été ache-té par la police criminelle fédérale en échange d'une pro-messe de libération immédiate. Les allégations de Müller, selon lesquelles l'avocat Croissant aurait recruté Siegfried Hausner pour la « R.A.F. », se sont révélées fausses. Croissant a été à nouveau mis en liberté cinq semaines après.

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Mars 1977 — Scandale des écoutes. Le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur de Bade-Wurtemberg avouent au cours, d'une conférence de presse, devant la publication qui menaçait d'en être faite, que les conversations confidentielles entre les avocats et leurs clients dans la prison de Stuttgart-Stammheim ont été secrètement écoutées. Les dispositifs d'écoute avaient été installés par les services secrets fédéraux (le B.N.D.), les services allemands du S.T.E.C.E. ; et cela avant même que le procès ne débute. Les avocats de la défense exigèrent en vain la suspension de la procédure et boycottèrent le procès.

30 mars-30 avril 1977 — Quatrième mouvement de grève collective de la faim. But : que les quinze à vingt prisonniers politiques soient mis ensemble conformément aux recommandations de l'expert médical.

8 avril 1977 — Un commando de la « R.A.F. » qui se réclame d'« Ulrike Meinhof » abat le procureur fédéral Siegfried Buback à Karlsruhe, responsable de la torture et de l'extermination — de la mort de Holger Meins et de Siegfried Hausner.
Le gouvernement fédéral organise des funérailles nationales. Tout cri hostile à Buback entraîne des poursuites pénales. La ville de Karlsruhe veut lui ériger un monument, à lui et à ses deux gardes du corps qui l'accompagnaient lors de l'attentat.

27 avril 1977 — Les derniers avocats choisis pour la défense, les avocats Heldmann, Schily, Oberwinder et Weidenhammer « plaident » à l'extérieur de la salle de tribunal, devant la presse. Le chancelier fédéral Schmidt blâme les chaînes de télévision pour avoir laissé passer des extraits des explications des avocats de la défense.

25-28 avril 1977 — Lors de la quatrième grève de la faim, l'état de santé fortement amoindri des prisonniers s'aggrave très rapidement. Gudrun Ensslin, qui oscille entre la vie et la mort, doit être nourrie de force le 25 avril. Elle proteste avec la dernière énergie contre ces mesures. Les médecins se refusent à poursuivre cette nourriture forcée. Le comité exécutif d'« Amnesty International » à Londres, convaincu de la légitimité des revendications des prisonniers, adresse le 28 avril un télégramme au gouvernement fédéral. Il lui demande de suivre, pour le traite-

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ment des prisonniers, les articles de loi préconisés par l'O.N.U. contre les traitements inhumains : que la torture soit interdite et qu'on écoute les avis des médecins.

28 avril 1977 — Le tribunal de Stuttgart rend son verdict — en l'absence des avocats de la défense et des inculpés, qui ne sont plus reparus au procès depuis la mort d'Ulrike Meinhof : prison à vie pour Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Karl Raspe.

30 avril 1977 — Le gouvernement cède pour la première fois devant la grève de la faim.
Le ministre de la Justice de Bade-Wurtemberg fait remettre aux grévistes de la faim de Stammheim, par-dessus le directeur de la prison, la promesse formelle que les prisonniers politiques, conformément à une décision du cabinet ministériel, seront mis par groupes avec possibilités d'échanges.

Fin de la grève de la faim.

Cette promesse est vivement critiquée dans les media, on accuse le gouvernement d'avoir cédé au chantage. Une chose est sûre : le gouvernement n'a pas cédé aux exigences des grévistes de la faim en considération des conventions internationales. Il a voulu éviter de perdre encore plus de prestige à l'étranger qu'il n'en avait déjà perdu à cause du traitement fait aux prisonniers politiques.
Ni la conférence de Belgrade, ni l'intervention d'Amnesty International, ni le nombre de prisonniers qui ont succombé ne constituaient pour la R.F.A. une raison suffisante.
Sans l'aspect international, la R.F.A. n'aurait pas cédé à une grève de la faim dont la revendication essentielle est la reconnaissance de fait d'un statut de détenus politiques. C'est-à-dire avant tout l'observation du minimum de garanties posées par la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre.

Fin mai-4 août 1977 — Les magistrats cherchent à faire traîner l'application de la décision gouvernementale. Verena Becker et Sabine Schmitz se mettent en grève de la faim pour obtenir d'être mises avec les cinq prisonniers de la « R.A.F. », alors qu'elles étaient coupées de tout dans la section spéciale de la prison de Stammheim. En juin huit prisonniers de quatre autres prisons s'y joignent. Pour empêcher une éventuelle escalade et couper court aux in-

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terventions renouvelées d'« Amnesty International », on transfère, le 5 juillet, trois prisonniers de Hambourg à Stammheim, y portant à huit le nombre des co-détenus. On fait à peu près la même chose à Berlin avec les prisonniers du « Mouvement du 2 juin ». Le troisième groupe de détenus est constitué à Cologne : les premiers prisonniers y sont transférés le 4 août.

30 juillet 1977 — Le président d'une grande banque allemande, Jürgen Ponto, conseiller du Chah d'Iran et de Hel-mut Schmidt, est abattu à Francfort. Un commando de la « R.A.F. » revendique la responsabilité de cette action.

8 août-2 septembre 1977 — Cinquième grève de la faim, durcie par une grève également de la soif. Pendant qu'ils cernent les huit prisonniers à Stammheim, une vingtaine de gardiens entament une discussion violente. Les détenus sont frappés et brutalisés. Suites prévues de cet incident provoqué : suppression de la co-détention. Retransfert des trois détenus vers Hambourg. Et à nouveau isolement total.

Réaction des prisonniers : grève de la faim et de la soif. But : revenir ensemble. Alors qu'on tente une alimentation forcée, certains prisonniers tombent dans le coma. On en conduit une partie dans les hôpitaux pour les tirer du coma.

14 août 1977 — « Amnesty International », depuis Londres, exige par télégramme des informations du ministre de la Justice fédérale et du ministre de la Justice de Bade-Wurtemberg. L'organisation d'aide aux prisonniers politiques tient à exprimer ses craintes sur l'état critique des détenus. Déclaration de l'avocat général fédéral Kurt Rebmann dans une interview au journal Welt am Sonn-
tag :
« La population entend que ces gens soient traités sévère-ment, comme ils le méritent à la mesure des actes qu'ils ont commis. »

15 août 1977 — Dépôt d'une charge explosive dans les bureaux des avocats Croissant, Müller et Newerla à Stuttgart.

26 août 1977 — La presse et la télévision allemande publient un sondage d'opinion réalisé par l'hebdomadaire Die

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Zeit. 74 % de la population se prononce contre l'alimentation forcée des prisonniers qui font la grève de la faim, c'est-à-dire pour leur mort. Mais la population n'a nulle-ment été informée des raisons et des buts de cette grève de la faim.

Le gouvernement n'est donc plus obligé de suivre ses engagements, ni l'avis des médecins, ni les appréciations d'« Amnesty International ». Ce « référendum » manipulé est déterminant pour préparer psychologiquement l'assassinat concerté des prisonniers au cours de leur grève de la faim.

30 août 1977 — L'avocat Newerla est arrêté à la requête de l'avocat général fédéral : on aurait trouvé dans sa voiture des tracts invitant à la violence.
Cette arrestation vise à intimider grossièrement les derniers avocats auxquels les prisonniers peuvent se fier.

2 septembre 1977 — Les prisonniers arrêtent leur grève de la faim et de la soif : ils voient maintenant dans cet arrêt le seul moyen pour contrecarrer le plan d'assassinats du gouverne-ment.

5 septembre 1977 — Un commando de la « R.A.F. », qui se réclame de « Siegfried Hausner », enlève le président du syndicat des patrons et de l'association des industriels allemands, Hanns Martin Schleyer, un des grands magnats de l'économie allemande et le premier conseiller d'Helmut Schmidt. Schleyer faisait partie, sous le IIle Reich, des nazis et S.S. actifs : c'est l'homme qui était chargé d'intégrer l'industrie tchèque à l'économie national-socialiste.
Au cours de l'enlèvement à Cologne, quatre des personnes qui l'accompagnaient bien armées ont été abattues : trois gardes du corps et le chauffeur.

30 septembre 1977* — L'avocat Klaus Croissant, réfugié en France depuis le 11 juillet, poursuivi par un mandat d'arrêt international délivré par la Cour de Stuttgart, est arrêté à Pa-ris malgré sa demande d'asile politique.

Le même jour, l'avocat Müller, son collègue, est arrêté en Allemagne.
* A partir-de cette date, cette chronologie n'est évidemment plus due à Maître Klaus Croissant.

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16 octobre 1977 — Occupation et mise à sac du bureau des avocats de Stuttgart, désormais tous arrêtés (Newerla, Croissant et Müller), par le B.K.A.

13 octobre 1977 — Détournement d'un avion de la Lufthansa revenant des Baléares vers Francfort par le commando « Martyr Halimeh » (appartenant au S.A.W.I.O.). Il for-mule les mêmes exigences que le commando « Siegfried Hausner ».

Nuit du 17-18 octobre 1977 — Intervention du commando spécial antiterroriste G.S.G. 9 à Mogadiscio (Somalie) où l'avion avait finalement été conduit. Trois des membres du commando sont abattus sur place ; un quatrième, très grièvement blessé.

Liquidation des quatre derniers détenus de la prison de Stammheim : Andreas Baader et Jan-Karl Raspe sont abattus au revolver, Gudrun Ensslin est pendue. Irmgard Müller, frappée au couteau, est dans un état grave.

Le gouvernement a alors organisé le même type de référendum, pour juger cette fois les ravisseurs. 71 % de la population se sont prononcés pour la sévérité : c'est-à-dire pour la mort de Schleyer et contre la libération dès onze prisonniers de la « R.A.F. » qu'a exigée le commando.
Pendant toute la durée de captivité de Schleyer les prisonniers ont été totalement isolés. Sur ordre du gouverne-ment, même les visites de leurs avocats sont interdites. C'est « l'état d'urgence prévu par les lois d'exception ».

Klaus CROISSANT.

Au moment où le tirage de ce livre se termine, nous apprenons que l'un des derniers témoins de l'incident du 8 août 1977, Ingrid Schubert, a été «suicidée» à la prison de Munich, le 12 novembre 1977.

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