LI PO (701 – 762)


Boire seul au clair de lune


Un flacon de vin au milieu des fleurs
Je bois seul et sans compagnon.
Je lève ma coupe. Lune, à ta santé.
Moi, la lune, mon ombre : nous voilà trois.
La lune, hélas, ne boit pas.
Mon ombre ne sait qu'être là.
Amis d'un moment, la lune et mon ombre.
Le printemps nous dit d'être vite heureux.
Je chante, et la lune flâne.
Je danse, et mon ombre vacille.
Avant d'être ivres nous jouons ensemble.
L'ivresse venue, nous nous séparons.
Puisse longtemps durer notre amitié calme.
Rendez-vous un jour dans la voie lactée.



S'éveillant de l'ivresse un matin de printemps


Puisque vivre en ce monde est le songe d'un songe
ni soucis, ni travail ne me le gâcheront.
Et du matin au soir je bois et je m'enivre
endormi, allongé sur le pas de ma porte.

Lorsque je me réveille, il y a le jardin,
un seul oiseau qui chante au milieu des fleurs
Je ne sais plus le jour, la saison, ni le temps.
Un loriot sans repos bavarde dans le vent.

Tant me touche son chant que je pousse un soupir.
Le vin est devant moi. Je m'en verse une coupe,
puis j'attends en chantant que la lune se lève,
et ma chanson finie je retourne à l'oublie.




WANG WEI (600 – 759)


Un adieu


Je descends de cheval, je bois le vin que vous m'offrez.
Je vous demande ; « Où allez-vous ? »
Vous me répondez que vous êtes fatigué de la vie
et que vous allez vous étendre sur les versants
lointains des collines du Sud.

Je pense qu'il ne faut pas vous poser d'autres question.

Les nuages blancs s'en vont dans le ciel.




PO KIU YI (772 – 846)


Les serments inutiles


L'année dernière
malade et couché
j'ai fait le vœu
de ne plus toucher
une goutte de vin
de toute ma vie.

Qui pouvait savoir
en cette année-là
ce qu'apporterait
le printemps nouveau
en cette année-ci ?

Et me voilà, moi
sortant de chez Liou
paisiblement saoul.