1 - Colonisation, par Michael Schwart, 9 JUILLET 2007.

2 - L’obsession du complot islamique mondial, par Thierry Meyssan, 26 JUIN 2007

3 - Désinformation et mensonges : Reporters sans frontières et RCTV, par Salim Lamrani, 29 JUIN 2007.

 

1 - Colonisation.

9 JUILLET 2007, par Michael Schwartz.

Michael Schwartz est professeur de sociologie à l’université d’État de New York, Stony Brook

L’occupation US de l’Irak tue-t-elle 10 000 civils par mois ou beaucoup plus encore ?
par Michael Schwartz*
Alors que la presse atlantiste rend compte des 3 000 GI’s morts en Irak et des nombreuses victimes civiles des attentats inter-confessionnels, elle passe sous silence le massacre quotidien des civils, victimes des patrouilles US et de leurs opérations de recherche de suspects. Le professeur Michael Schwartz estime leur nombre à plus de 10000 par mois au cours des 3 premières années. Et bien plus encore, depuis le renforcement des opérations ordonné par le président Bush.

Une étude scientifique réalisée avec les derniers outils statistiques de pointe a été publiée le 12 octobre 2006 dans le Lancet, (la publication médicale britannique la plus réputée) [1]. L’étude concluait que - à la date de l’an passé — 600 000 irakiens étaient morts de mort violente directement attribuable aux opérations militaires en Irak. Répartis sur les 39 premiers mois de la guerre en Irak, cela équivaut à une moyenne d’environ 15 000 morts par mois. .
Mais le pire n’était pas encore atteint, le taux de mortalité violente était alors en pleine augmentation, et pendant la première moitié de 2006 la moyenne mensuelle est passée à 30 000 morts, une moyenne qui a fort probablement encore augmenté, étant donné les violents combats qui accompagnent l’actuel renforcement militaire états-unien en Irak.
Les gouvernements U.S. et Britanniques ont rapidement disqualifié les résultats de cette étude en mettant en cause « les erreurs méthodologiques de l’enquête » - et ce malgré le fait que les enquêteurs avaient eu recours aux méthodes standard d’investigation, couramment utilisées pour mesurer le taux de mortalité dans des zones de conflit ou de catastrophe. (Les chercheurs se sont rendus dans un panel d’habitations choisies au hasard et ont demandé aux habitants si quelqu’un dans leur maisonnée était mort ces dernières années, notant les détails et vérifiant les certificats de décès autant que possible). Les deux gouvernements à l’origine de la guerre ne donnèrent aucune raison concrète pour laquelle ils rejetaient les résultats de l’enquête et ils ignorèrent le fait qu’ils avaient mandaté des études identiques (parfois menées par les mêmes chercheurs) dans d’autres régions de conflit, y compris le Darfour et le Kosovo. Les raisons pour lesquelles ces gouvernements ne pouvaient accepter cette étude étaient par contre suffisamment claires : les résultats étaient tout simplement trop dévastateurs pour qu’ils les reconnaissent. (Secrètement le gouvernement britannique reconnut plus tard que la méthodologie employée était « une méthode fiable et éprouvée pour mesurer la mortalité dans des zones de conflit », sans pour autant jamais reconnaître publiquement la validité de l’étude).
Des chercheurs réputés ont validé l’étude du Lancet sans quasiment aucune critique. Juan Cole, un des principaux experts états-uniens sur le Moyen-Orient, résuma la conclusion de l’étude de manière abrupte mais correcte : « La mésaventure US en Irak a tué [en un peu plus que trois ans] deux fois plus de civils que le nombre de personnes assassinées par Saddam en 25 ans ».
Malgré ce consensus des experts, les démentis officiels ont eu un impact certain sur l’opinion publique, et les rares articles de presse qui mentionnent l’étude du Lancet l’accompagnent systématiquement des propos officiels désobligeants. Ainsi, sur le site web de la BBC, l’étude du Lancet était mentionnée sous le titre « Forte augmentation du nombre de tués en Irak » [2] mais le reste de l’article citait longuement la déclaration du président Bush rejetant l’étude sous prétexte que « la méthodologie employée est discréditée par la plupart des scientifiques » et que « le chiffre de 600 000 qu’ils avancent n’est tout simplement pas crédible ». En conséquence de ce traitement médiatique de l’information, la plupart des États-uniens pensent probablement que le chiffre avancé par M. Bush en décembre 2005, soit 30 000 victimes civiles environ (moins de 10% du chiffre réel) est correct.
Tenter d’évaluer le nombre de victimes de l’occupation de l’Irak
Ces statistiques choquantes en elles-mêmes le sont encore plus lorsque l’on observe que parmi les 600 000 victimes environ de la guerre en Irak, la majeure partie a été tuée par l’armée US. Ce nombre est de loin supérieur à tous les morts victimes d’attentats à la voiture piégée, d’escadrons de la mort, de violence ethnique ou de criminels meurtrier. Même comptées ensemble, le nombre de ces victimes est encore loin en dessous de celui de la violence militaire générée par l’armée des États-unis.
Les enquêteurs de l’étude du Lancet ont demandé à leur échantillon de population comment les personnes de leur famille étaient mortes et qui était responsable de leur mort. Les familles n’avaient aucun mal à donner la cause de la mort, plus de la moitié (56 %) des interrogés indiquant des morts par balle, 13 % mentionnèrent des attentats à la voiture piégée, 13 % des bombardements aériens, 14 % des tirs d’artillerie et autres explosions... seulement 4 % des interrogés répondirent qu’ils ne savaient pas de quoi étaient morts les membres de leur famille.
Les familles interrogées étaient moins précises quand il s’agissait d’identifier les responsables de la mort. Si la plupart était en mesure de séparer les responsabilités — les victimes d’un bombardement aérien étaient attribuées aux occupants tandis que les attentats à la voiture piégée étaient indiqués comme étant l’œuvre de l’insurrection, les morts par balle ou par tirs d’artillerie étaient moins faciles à attribuer, la plupart se produisant lors d’échanges de coups de feu ou bien dans des circonstances sans témoin. Dans de très nombreux cas les familles étaient donc dans l’incapacité de préciser qui était responsable de ces morts. Les enquêteurs n’enregistraient que les témoignages de ceux qui étaient certains de l’origine de la mort, laissant vide le champ « responsabilité » si « la maisonnée exprime des doutes quand à l’origine des circonstances ayant causé la mort ».
Pour nous, lecteurs quotidiens de la presse aux États-unis, les résultats sont effarants : dans la catégorie des morts dont la famille était en mesure d’identifier le coupable, 56 % avaient été tués par les soldats U.S. (ou par leurs alliés de la Coalition des volontaires). En nous basant sur ces chiffres, nous pouvons en déduire sans trop de doute que les forces de la Coalition avaient tué au moins 180 000 Irakiens vers la mi-2006. Par ailleurs nous avons toutes les raisons de croire que les États-Unis sont responsables d’une partie au prorata (voire plus) des morts non attribuées. Ceci signifie que — à la date de l’étude, mi-2006 — les U.S. et leurs alliés avaient peut être tués plus de 330 000 irakiens.
Les autres morts ont été les victimes de l’insurrection, des criminels de droit commun et des forces du nouveau gouvernement irakien. Et n’hésitons pas à insister encore une fois sur un chiffre qui va à rebrousse-poil de l’opinion généralement admise : les attentats à la voiture piégée, la raison de la mort la plus facilement identifiable par les familles interrogées, ne sont responsables que de 13 % des victimes, soit environ 80 000 morts, 2 000 tués par mois. Ce chiffre est horrible se situe loin en dessous du nombre des victimes des militaires US. Il représente moins de la moitié du nombre officiel de victimes des actions militaires, et même pas un quart du nombre probable.
Même si nous nous arrêtons au chiffre officiel et confirmé de 180 000 irakiens tués par les opérations militaires des troupes d’occupation U.S. et alliées depuis le début de l’occupation, nous arrivons à une moyenne de plus de 5 000 morts par mois. Et nous devons garder à l’esprit que le taux de mortalité violente en 2006 était deux fois plus élevé que le taux moyen, ceci signifiant que la moyenne des tués par les forces US en 2006 était d’environ 10 000 morts par mois - soit à peu près 300 irakiens par jour, dimanche compris. Avec le renforcement des opérations militaires en 2007, ce chiffre est probablement bien plus élevé aujourd’hui.
Pourquoi ne savons nous rien de tout cela ?
Ces chiffres paraissent totalement improbables à la majorité des États-uniens. Si l’armée US tuait 300 Irakiens chaque jour, cela ferait la « une » des journaux, n’est-ce pas ? Et pourtant, la presse tant imprimée qu’électronique ne nous dit jamais que les soldats U.S. tuent tous ces gens. On nous parle beaucoup d’attentats à la voiture piégée et d’escadrons de la mort, mais on parle beaucoup moins des victimes des soldats US, sauf de temps en temps quand il s’agit d’un « terroriste » important, ou ici et là, parfois, quand l’atrocité est vraiment trop visible.
Comment font les États-unis pour accomplir un tel carnage, et pourquoi la presse ne s’y intéresse t-elle pas ? La réponse se trouve dans une autre statistique incroyable : celle-ci est publiée officiellement par le Pentagone et est confirmée par la hautement respectable Brookings Institution [3] : ces 4 dernières années, l’Armée de terre U.S. a effectué en moyenne plus de 1 000 patrouilles par jour dans les zones hostiles, dans le but de capturer ou tuer des insurgés ou des « terroristes ». (Depuis février 2007, ce nombre est passé à environ 5 000 patrouilles par jour, si nous incluons les troupes irakiennes participant au renforcement des opérations militaires états-uniennes.)
Ces milliers de patrouilles quotidiennes ont pour conséquence des milliers de morts irakiennes, étant donné que ces patrouilles ne sont pas de simples promenades dans les rues, comme nous pourrions le croire. Dans son livre indispensable In The Belly Of The Green Bird [4], le journaliste d’investigation Nir Rosen décrit ces patrouilles comme « toutes entières remplies d’une énergie brutale et d’une tension violente qui n’est que rarement décrite par les journalistes "embarqués" de la presse "mainstream" aux États-unis ».
Cette brutalité est facilement compréhensible, compte tenu des objectifs de ces patrouilles. Des soldats états-uniens sont envoyés dans des communautés hostiles dans lesquelles la quasi totalité de la population soutient les insurgés. Les soldats disposent souvent d’une liste de suspects et de leurs adresses. Leur mission est d’interroger, d’arrêter ou de tuer les suspects, de fouiller leurs maisons pour y trouver des preuves, notamment des armes et des munitions, mais aussi de la littérature, des équipement vidéos et autres éléments utilisés par la résistance pour ses activités politiques et militaires. Quand les patrouilles n’ont pas de liste précise, ils fouillent des pâtés de maison à la recherche de personnes aux comportements suspects ou de preuves d’activités terroristes.
Dans ce contexte, n’importe quel homme en âge de porter une arme n’est pas seulement un suspect, mais un adversaire potentiellement meurtrier. Les soldats sont régulièrement briefés de ne prendre aucun risque : par exemple, frapper à la porte est souvent dangereux car on pourrait se faire tirer dessus à travers la porte. Les instructions sont donc de faire jouer l’élément de surprise dès qu’il y a un risque de danger — enfoncer la porte, la faire sauter, tirer sur tout ce qui pourrait être suspect, lancer des grenades dans les maisons ou les pièces pouvant abriter une quelconque résistance... si vraiment ils rencontrent une résistance tangible, ils peuvent demander une assistance d’artillerie ou l’aviation pour détruire le bâtiment plutôt que de tenter d’y pénétrer.
(...)
Si elles ne rencontrent pas de résistance, ces patrouilles peuvent interpeller environ 30 suspects ou fouiller plusieurs dizaines de maisons en une seule journée. Ceci veut dire que nos 1 000 patrouilles quotidiennes peuvent envahir plus de 30 000 maisons par jour.
Mais si une mine explose sous leur Humvee ou si elles sont prises sous le feu d’un sniper, alors leur mission change et a pour objectif de trouver, capturer ou tuer le responsable de l’attaque. Les officiers sur le terrain pensent d’ailleurs que très souvent les attentats à l’explosif au passage de patrouilles sont faites par des insurgés qui veulent détourner la patrouille de son objectif initial, empêchant la fouille généralement brutale des maisons, la violation de l’intimité des femmes de la maison et l’humiliation des habitants.
Les échanges de coups de feu qui suivent généralement une attaque sur une patrouille, débordent toujours sur les maisons avoisinantes, étant donné que les insurgés s’y cachent pour échapper à la contre-attaque états-unienne. En conséquence, les soldats US ont pour habitude de systématiquement tirer sur ces maisons soupçonnées d’abriter des insurgés prenant le risque de faire des victimes innocentes parmi les habitants. Les règles d’engagement de l’armée US insistent sur l’importance de tout faire pour éviter de mettre en danger les civils, et il existe de nombreux exemples où les soldats ont mesuré leur riposte afin d’épargner les civils. Mais les témoignages d’officiers et de soldats montrent clairement que, dans le feu de l’action, la priorité est la capture ou la mort de l’insurgé, pas la sécurité des civils.
Tout ceci paraît assez encadré et ne permettant pas de générer le nombre de morts avancé par l’étude du Lancet. Mais l’importance du nombre de patrouilles — 1 000 par jour — et en conséquence le nombre important de confrontations dans les maisons, les ripostes aux attaques des snipers ou des mines, les échanges de coups de feu qui s’ensuivent... tout cela finit par s’additionner en former un massacre quotidien.
(...)
[Lors de la commissions d’enquête sur le massacre de Haditha, où un groupe de soldats US à massacré 24 membres d’une famille dans une maison, en représailles d’un attentat ayant tué un des leurs] le Major General Richard Huck, officier commandant l’unité de Marines à Haditha [aujourd’hui chargé de la planification des opérations au Pentagone], a souligné à nouveau la limpidité de ces règles d’engagement, quand il a expliqué pourquoi il n’avait pas jugé bon à l’époque de procéder à une enquête sur la mort de ces victimes civiles :
« Ces morts sont survenues lors d’une opération de combat et il est fréquent qu’il y ait des victimes civiles dans ce type d’engagement. Dans mon esprit, j’ai vu que les insurgés avaient tiré sur mes soldats et que les soldats de la Kilo Company avaient riposté. Dans ces circonstances, la mort de 15 civils non concernés ne me paraissait pas suffisamment inhabituelle pour justifier une enquête ».
Pour le Général Huck, comme pour les autres officiers commandant en Irak, à partir du moment où il y a « des coups de feu ennemis » — voire simplement la menace de ces coups de feu — alors les actions commises par les Marines dans cette maison d’Haditha étaient non seulement légitimes (à partir du moment où elles sont mentionnées dans le rapport d’intervention), mais carrément exemplaires. Les soldats ont riposté de manière appropriée dans une situation de combat, et la mort de « civils non concernés » n’est « pas inhabituelle » dans ces circonstances.
Partant de cette constatation, souvenons nous que les soldats de l’Armée de terre mènent un peu plus de 1 000 patrouilles par jour — ce chiffre ayant grimpé à 5 000 patrouilles si on inclut celles menées conjointement avec les troupes irakiennes). Si l’on croit les chiffres publiés par le Pentagone — et confirmés par la Brookings Institution — ces patrouilles résultent en 3 000 échanges de coups de feu chaque mois, soit environ une centaine par jour en moyenne juste pour les soldats états-uniens. Ces combats ne causent pas toujours la mort de 24 civils innocents d’un coup, mais les règles d’engagement appliquées par nos soldats — lancer des grenades à main dans des maisons soupçonnées d’abriter des insurgés, utiliser une puissance de feu maximum contre des snipers, utiliser l’artillerie et l’aviation contre tout nid de résistance — garantissent un flot continu de morts civils.
Il est important d’analyser comment ces évènements sont relatés par la presse des États-unis, quand celle-ci se donne la peine d’en parler. Voici par exemple une dépèche de l’Associated Press à propos de patrouilles dans la province de Meyssan, un bastion de l’armée du Mahdi (Juin 2007).
« Plus loin dans le Sud, les autorités irakiennes ont indiqué que plus de 36 personnes ont trouvé la mort lors de combats violents durant la nuit, lors d’une opération de ratissage de maisons menée par des soldats britanniques et irakiens dans la ville d’Amarah, un bastion de la milice chiite, l’Armée du Mahdi » [5].
Cette information fait partie d’une dépêche relatant plusieurs combats dans tout l’Irak, intitulée « Les forces U.S. et irakiennes accentuent la pression sur les insurgés ». Aucun des combats présentés n’est décrit comme étant autre chose que la routine. Il y eut environ 100 combats ce jour là, tous produisant leur lot de victimes. Combien ? Si nous partons des chiffres estimés par l’article du Lancet, les incidents d’Amarah représentent environ un dixième de tous les Irakiens tués par les États-uniens ce jour là. Extrapolés au reste du mois de Juin, le total des Irakiens tués avoisine probablement les 10 000.
Lors de la commission d’enquête sur Haditha l’un des enquêteurs posa la question de la justification d’un taux aussi élevé de victimes, notamment civiles, dans la traque et l’arrestation des insurgés en Irak. Le Lieutenant Max D. Frank, premier officier à avoir enquêté sur les morts d’Haditha, déclara alors que ces morts étaient « un résultat malheureux et involontaire découlant du fait que les habitants locaux permettent aux combattants insurgés d’utiliser leurs maisons comme base d’attaques contre des patrouilles états-uniennes ». Dans la même veine, le premier Lieutenant Adam P. Mathes, responsable de l’unité impliquée dans le massacre, refusa de manière véhémente l’idée que l’armée puisse s’excuser auprès de la population locale pour les exactions commises. Au contraire, Mathes insista sur le fait que l’armée devrait plutôt faire savoir à la population que l’incident d’Haditha (le massacre de femmes et enfants) était représentatif « des choses désagréables qui vont vous arriver si vous laissez des terroristes utiliser votre maison pour attaquer nos soldats ».
Dans mon exemplaire du Dictionnaire Merriam Webster, le mot « terrorisme » est défini ainsi : « des actes de violence ou de destruction (attentats à la bombe) commis par des groupes dans le but d’intimider la population. ... » Ce qui s’est passé à Haditha cette nuit là était précisément un tel acte de violence. Et il n’était pas isolé, il y en eut plus de 100 ce jour là. Et ils furent commis par des gens comme le Lt. Mathes dans le but d’intimider la population d’Haditha et d’autres villes en Irak, afin qu’ils cessent de soutenir l’insurrection.

 

 

 

2 - L’obsession du complot islamique mondial

par Thierry Meyssan*

26 JUIN 2007

Faire en sorte que l’opinion publique occidentale approuve le traitement réservé aux Palestiniens par les forces sionistes et les guerres de prédation autour du Golfe persique requiert, face à la diversité des situations et à l’inévitable complexité de la réalité, des techniques de propagande élaborées visant à déshumaniser l’ennemi et réduire sa cause politique générale à l’obscurantisme religieux d’une minorité. Une maison de production financée par le régime israélien fait figure de véritable laboratoire dans ce domaine. Thierry Meyssan analyse les techniques mises en œuvre dans sa dernière production, Obsession : Radical Islam’s War Against the West, un « documentaire » résolument consacré à la promotion du « Choc des civilisations ».

Depuis un an, une mystérieuse maison de production tente de faire diffuser mondialement un « documentaire » consacré à « l’islam radical ». À ce jour, ce film a donné lieu à de nombreuses projections privées, y compris au Congrès des États-Unis, mais n’a trouvé d’audience de masse que lors de sa programmation par la chaîne néoconservatrice Fox News, fin octobre et début novembre 2006. Il a alors été vu par une dizaine de millions de personnes. Des versions sous-titrées en diverses langues ont été préparées, notamment en français. Il est peu probable que ce « documentaire » soit programmé par une chaîne française, tout au moins tant que les lois républicaines seront respectées, mais il trouvera peut-être un public par DVD ou téléchargement.
Intitulé Obsession : Radical Islam’s War Against the West (Obsession : la guerre de l’islam extrémiste contre l’Occident), il tente en 78 minutes de démontrer que le monde musulman contemporain est plus malade encore que l’Allemagne nazie, qu’il est pénétré d’une obsession haineuse conduisant inéluctablement à une « guerre des civilisations », sorte de guerre civile globale dont le terrorisme est le signe précurseur.
Il s’agit en fait d’une hasbarah (c’est-à-dire en hébreu, d’une œuvre de propagande). Elle recourt classiquement à l’émotion, à la dissimulation, à l’amalgame et à la répétition, jusqu’à susciter une forte angoisse chez le spectateur, même le plus averti.
Le message de ce film peut se résumer ainsi : « Le complot jihadiste mondial est le fer de lance de l’islam qui est une civilisation nazie ». Ce slogan concentre les principaux arguments en faveur du « choc des civilisations » et les développe à outrance. Il offre donc une bonne occasion de réfléchir à leur pertinence et de s’en prémunir.
En premier lieu, le film pose l’existence d’un mouvement secret. Il affirme que diverses actions manifestent ce mouvement, lequel est défini par les actions diverses qu’il vient de lui attribuer. Le raisonnement est parfaitement circulaire. Il se nourrit de la juxtaposition d’images similaires entre elles et de commentaires d’experts. D’emblée, le spectateur est extrait du domaine du rationnel et plongé dans une horreur répulsive.
Dans un second temps, le film pose que ce mouvement secret n’est pas un groupuscule, mais le fer de lance d’une civilisation d’un milliard d’hommes. Il affirme que les membres de ce mouvement sont les produits exemplaires d’une éducation de masse, qu’ils forment l’élite d’une civilisation. Pour ce faire, il décontextualise les images en faisant abstraction de situations politiques particulières et de la signification culturelle de gestes et d’expressions données.
Enfin, dans un troisième temps, le film pose que cette civilisation est nazie. Il revient sur l’alliance entre le grand mufti de Jérusalem, dont il fait le représentant de tous les musulmans, et le Reich nazi, mais en la décontextualisant complètement de sorte qu’elle n’a plus pour objet de libérer la Palestine britannique, mais d’exterminer les juifs d’Europe.
A. Le complot jihadiste mondial…
Dès les premières minutes, le spectateur est confronté à des images d’attentats survenus un peu partout dans le monde au cours des dix dernières années. Le président Bush déclare avec gravité qu’il s’agit là d’actes de guerre. Les attentats sont localisés sur un planisphère de manière à démontrer que ce qui s’est passé le 11 septembre 2001 à New York n’est pas un acte isolé, mais une bataille parmi d’autres livrées par « l’islam extrémiste ».

Tétanisé par la vue de ces images sanglantes, le spectateur ne remet pas en cause l’affirmation selon laquelle tous ces crimes ont une cause unique ; ce que classiquement les sociologues nomment la « théorie du complot ». J’ai évidemment quelque hésitation à employer ici ce concept, tant il a été dévoyé depuis six ans pour stigmatiser tous ceux —et moi en premier— qui se sont interrogés sur la version gouvernementale des attentats du 11 septembre. Quoi qu’il en soit, il s’agit ici de la « théorie du complot » au sens le plus strict. Les auteurs amalgament par exemple l’attentat du métro Saint-Michel (généralement attribué à une faction du gouvernement algérien) en 1996 et les attentats en Thaïlande en 2006 (revendiqués par les séparatistes de Pattani). Ils désignent une cause unique : « l’islam extrémiste ». Pour augmenter la pression, le surtitrage indique à chaque attentat le jour de la semaine : mardi à New York, jeudi à Madrid, jeudi encore à Londres, vendredi à Beslan, pourtant ces évènements s’étalent sur une décennie.

Caroline Glick
Une seyante politologue d’un think tank néoconservateur, Caroline Glick, explique que l’on ne doit pas considérer comme distinctes la lutte des Palestiniens et celle des Irakiens : tous, participent au jihad global. Le surtitrage omet d’indiquer que le capitaine Caroline Glick a servi au département des opérations psychologiques de Tsahal et a conseillé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Cette information aurait alerté le spectateur qui aurait plus facilement perçu le mobile de son intervention : si les Palestiniens, et d’autres, participent au jihad global, c’est qu’alors ils ne luttent pas pour le respect de leurs droits et qu’il n’y a rien à négocier avec eux.
Un « journaliste palestinien », Khaled Abu Toameh, assure que tout cela fait partie d’une « campagne du jihad pour renverser l’Occident et saper les fondations mêmes de la chrétienté et du judaïsme ». Les références religieuses sur fond de cadavres déchiquetés et de victimes en pleurs sont assez puissantes pour paralyser toute réflexion. On aimerait pourtant savoir ce qu’est cet Occident judéo-chrétien qui comprend nous dit-on le Maroc, la Turquie, la Russie, la Thaïlande, etc. On souhaiterait comprendre ce que peuvent signifier des expressions comme « renverser l’Occident » ou « saper les fondements de la chrétienté ». Le surtitrage omet d’indiquer que Khaled Abu Toameh est journaliste au quotidien néoconservateur The Jerusalem Post.

Robert Wistricht
Le professeur Robert Wistricht, président du Sasson Center, souligne qu’une partie de l’islam « récuse un pilier central de la civilisation humaine : le caractère sacré de la vie ». Apparaît alors Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, glorifiant ceux qui sont tués au nom de leur foi. Le montage dénature la déclaration du cheik Nasrallah : la plupart des religions —comme d’ailleurs de nombreuses idéologies séculières— font l’apologie du martyre (c’est-à-dire du sacrifice de soi), cela ne signifie pas qu’elles méprisent la vie, mais qu’elles lui attribuent un sens. Le surtitrage omet d’indiquer que le Sasson Center est un centre d’études de l’antisémitisme et que le professeur Wistricht est un conseiller du ministère des Affaires étrangères israélien.
Le narrateur prend soin de préciser que le film n’est pas dirigé contre les musulmans dans leur ensemble, mais cette réserve n’a pas de sens au regard de la terminologie employée : s’il existe un islam extrémiste, c’est par opposition à un islam modéré ; et si l’islam extrémiste se manifeste par un très haut degré de violence, le terrorisme, c’est que l’islam modéré porte en lui un degré moindre de violence, la haine. Aussi, sur fond d’images du pèlerinage de la Mecque, le narrateur se demande-t-il immédiatement quel pourcentage de musulmans a déjà basculé de la haine vers le terrorisme. La réponse est de 10 à 15 %, ce qui serait l’équivalent, nous dit-on, de la population des États-Unis (Au diable l’arithmétique : pour 1,2 milliard de musulmans, cela fait 120 à 180 millions de personnes, tandis qu’il y a 300 millions d’habitants aux USA). D’une certaine manière, nous voilà rassurés : l’énorme puissance US ne panique pas devant quelques groupuscules, mais doit affronter un adversaire à sa mesure.
B. …est le fer de lance de l’islam…
Puis, le documentaire présente la « culture du jihad ». Les musulmans seraient persuadés à tort que les États-Unis veulent dominer le monde et imposer leur mode de vie. Se croyant menacés, ils riposteraient en cherchant à leur tour à dominer le monde et à imposer leur mode de vie, l’islam en l’occurrence. Ce raisonnement opère un efficace jeu de miroir dans lequel le spectateur mesure l’erreur des autres à l’aune de sa propre vérité.
Dans ce contexte, le spectateur pense de manière ethnocentrique et interprète chaque citation qui lui est présentée sans tenir compte du contexte culturel. En réalité, le jihad est l’équivalent de ce que les chrétiens appellent le « devoir d’état ». C’est une ascèse ; à la fois quelque chose que le croyant doit accomplir là où il se trouve (selon son état) et qui, lorsqu’il l’accomplit, le transforme. Le jihad, c’est aussi bien faire la charité aux pauvres que défendre sa patrie, pourvu qu’on le fasse en s’approchant de Dieu.
Cette manipulation donne l’impression à un spectateur vivant dans une société de consommation que la culture du sacrifice qui permet de se transcender soi-même serait une culture du nihilisme, de la destruction et de l’auto-destruction.

Walid Shoebat
Un ancien « terroriste de l’OLP », Walid Shoebat, explique que la bonne traduction de « mon jihad » en allemand est Mein Kampf (allusion au livre programme d’Adolf Hitler). Cette référence à l’antisémitisme nazi est immédiatement suivie d’un extrait de prêche où un cheik exalté appelle, épée à la main, à couper la tête des juifs, sous les hourras de fidèles fanatiques.
Le spectateur est saisi de frisson. Il s’agit d’un effet de montage. En réalité, il est peu probable que Walid Shoebat ait jamais participé à des attentats de l’OLP : il serait passible de la peine de mort aux États-Unis où il vit librement. Il n’est pas musulman, mais chrétien sioniste. Le cheik exalté est un ouléma qui s’exprime dans une mosquée de Bagdad un mois avant l’invasion anglo-états-unienne. Il n’appelle pas à « tuer les juifs », mais à résister l’arme à la main aux envahisseurs sionistes.
Le documentaire se concentre sur la « culture de la haine » avec des images de foules scandant « Mort aux USA ! ». Après les attentats du 11 septembre, les États-Uniens ont eu tort de se demander pourquoi les arabes les haïssent, car cette haine ne vient pas de leur attitude, mais est inculquée aux arabes tout au long de leur éducation. Rien de fort précis ne venant étayer cette affirmation, plusieurs intervenants assurent que cette culture de la haine est entretenue par les dictateurs arabes pour détourner la colère de leurs peuples. Pour preuve, cette vidéo d’Hassan Nasrallah dénonçant la responsabilité des États-Unis dans les malheurs qui frappent le Proche-Orient. Les images s’enchaînent assez rapidement pour que le spectateur n’ait pas le temps de se demander de quel pays le leader de l’opposition libanaise peut bien être le dictateur.
La haine musulmane s’exprime à travers des scènes de liesse à Jérusalem et à Karachi après les attentats du 11 septembre.
Cependant, la vidéo tournée à Jérusalem le 11 septembre ne concerne qu’une vingtaine d’excités et n’a aucune représentativité. Tandis que la manifestation de Karachi ne célèbre pas la destruction du World Trade Center, mais dénonce l’attaque de l’Afghanistan.
Suivent des images d’États-Uniens tués dans des embuscades en Irak (2004) et en Somalie (1991), dont les corps sont traînés par la populace. Là encore les images sont diffusées hors contexte comme s’il n’y avait aucune ingérence US dans ces États et qu’il s’agissait de crimes gratuits.
Le documentaire dénonce « l’infiltration de l’islam extrémiste » en « Occident ». Le discours se fait ici plus subtil : l’islam serait porteur de valeurs différentes de celles de « l’Occident », les musulmans modérés seraient capables de s’intégrer en adoptant progressivement les valeurs occidentales, tandis que les musulmans radicaux seraient inassimilables et tenteraient de renverser les institutions occidentales. Cette présentation des choses, tout en prenant grand soin de ne pas accuser tous les musulmans, s’évertue à les rendre tous suspects. D’autant que ceux-ci tiennent un double langage selon qu’ils s’adressent au public occidental ou qu’ils parlent entre eux. Pour étayer cette affirmation, des images de Yasser Arafat se succèdent, le montrant successivement parler de paix à la Maison-Blanche et prêcher le jihad en Palestine.
Peu importe qu’Arafat ait été laïque, ses propos hors contexte servent la démonstration.
Des vidéos d’Abu Hamza al-Masri attestent la présence de fanatiques en Occident. Le célèbre prêcheur de Finsbury Park et ses acolytes célèbrent les attentats du 11 septembre, et appellent à tuer les non-musulmans. Les vidéos sont commentées par Glenn Jenvey, l’agent de renseignement qui avait été infiltré dans son groupe et qui organisa sa mise en examen.
Il n’est pas précisé qu’Abu Hamza purge une peine de prison pour incitation à la haine raciale et que son groupe se limitait à quelques paumés. Au contraire le montage laisse croire qu’il est en activité et dispose de troupes nombreuses, comme s’il représentait un danger réel et proche.
Ils sont donc partout. Pour preuve, Brigitte Gabriel, une journaliste en croisade contre le politiquement correct qui restreint la liberté d’expression, assure que le Hamas a déployé une vaste organisation terroriste aux États-Unis. La situation est encore plus grave en Europe où la minorité musulmane est en pleine croissance. Celle-ci s’est soulevée en France, en novembre 2005, pour rejeter les valeurs occidentales.
(Bigre ! Pour conserver un peu de crédibilité, il va falloir couper ce passage avant de diffuser ce film en France).
Il n’est pas précisé que Mme Gabriel a fuit son Liban natal lorsque les troupes israéliennes avec lesquelles elle collaborait s’en retirèrent.
C. …qui est une civilisation nazie

Des images d’archives montrent le chancelier Hitler appelant à la destruction de la race juive en Europe. L’historien Sir Martin Gilbert dénonce la politique d’apaisement face au Reich nazi et les accords de Munich qui, en voulant préserver la paix, rendirent la guerre plus longue et plus atroce. De la même manière, nous dit-on, le fait de minimiser le péril islamique, alors que la volonté des jihadistes de détruire les juifs est établie, est une folie qui conduira à une confrontation générale. Le vieil Alfons Heck, un citoyen états-unien d’origine allemande, témoigne de son enfance parmi les Jeunesses hitlériennes et compare l’embrigadement dont il fut victime avec celui des jeunes musulmans. L’histoire se répète.
Pour accréditer ce parallèle, le montage amalgame des discours antisémites nazis et des discours anti-israéliens arabes et perses. De même, il alterne des images de jeunes combattants arabes et de jeunes hitlériens faisant, les uns et les autres, le salut romain. Le spectateur qui ignore la culture méditerranéenne assimile automatiquement tout serment solennel à un rituel nazi.
John Loftus, le procureur qui dirigea la traque des criminels nazis aux États-Unis, explique doctement que la culture musulmane considère les juifs comme non-humains et enseigne qu’Allah commande de les tuer. Itamar Marcus, directeur d’un centre d’étude des médias palestiniens, souligne que la propagande musulmane relaie les poncifs moyen-âgeux accusant les juifs de se nourrir du sang d’enfants chrétiens. Ainsi, la série Diaspora met en scène ce mythe du sacrifice rituel en laissant croire qu’il appartient à l’idéologie juive. Cependant, le plus grave ne serait pas cette scène, mais le moment où elle a été programmée sur les écrans : le ramadan, période où l’on regarde la télévision en famille.
Cette scène est odieuse. Malheureusement, elle ne veut pas dire grand chose car on n’aurait aucune difficulté à en trouver de comparables dans de nombreuses « séries américaines » imputant des crimes imaginaires aux musulmans.
Le documentaire se poursuit en relevant le préjugé selon lequel les juifs manipuleraient les États-Unis et en le comparant à la théorie du complot juif mondial développée par les nazis. Le choc des images est si fort que le spectateur ne se rend pas compte que, précisément, depuis le début du film, le propos vise à dénoncer… un imaginaire complot islamique mondial.
Revenant au parallèle historique, plusieurs intervenants rappellent que le grand mufti de Jérusalem (qui était à son époque le leader du nationalisme palestinien) fit alliance avec Adolf Hitler en 1941 pour exterminer les juifs et qu’il créa une division SS musulmane.
Là encore, les images sont convaincantes, parce qu’elles éludent la complexité de la période historique et partent d’un présupposé erroné selon lequel la « question juive » aurait été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale. Ce que le documentaire reproche aux Palestiniens pourrait s’appliquer à presque tous les peuples colonisés de l’Empire britannique qui tentèrent de s’allier au Reich pour obtenir leur liberté. Ainsi, dans le cas des Indiens, le Mahatma Gandhi ne put se rendre en Allemagne, mais il écrivit à Adolf Hitler pour lui demander son aide, tandis que Chandra Bose constitua une division SS hindoue. Cela n’a rien à voir avec l’antisémitisme nazi, mais les séquences précédentes qui accréditaient l’idée d’un antisémitisme musulman ont balayé cette objection.
Suivent des images de profanation de synagogue par les nazis, de profanations d’églises en Bosnie, au Nigéria, et en Irak, et de profanation de temple hindou en Indonésie, toutes attribuées à des musulmans. Et même d’une croix brulée en public à Londres. Que veulent-ils donc ? Et John Loftus de répondre : « C’est très simple. Ils veulent tuer les juifs, renverser la démocratie et détruire la civilisation occidentale ».
Le documentaire se termine sur un message d’espoir accompagné d’une musique réconfortante après tant d’images éprouvantes. De même que Roosevelt conduisit la guerre contre les nazis, de même les États-Unis d’aujourd’hui doivent faire obstacle au fascislamisme en s’appuyant sur les musulmans modérés. Face au Mal, la pire chose serait de ne rien faire. The End.
Les producteurs
Obsession : Radical Islam’s War Against the West a été produit par une yeshiva (école talmudique), la Aish HaTorah, largement financée par les autorités israéliennes. Cette organisation dispose d’une association de relations publiques, la Hasbara Fellowship, qui s’est récemment distinguée en organisant des campagnes de protestation contre l’ancien président états-unien Jimmy Carter coupable d’avoir qualifié le traitement des Palestiniens d’apartheid. Elle dispose également d’une association de monitoring et de production audiovisuelle, Honest Reporting, revendiquant 140 000 adhérents en Israël. L’ensemble est dirigé par le rabbin Ephraim Shore, et son adjoint Yarden Frankl, un lobbyiste de l’AIPAC.

Le film Obsession : Radical Islam’s War Against the West sous-titré en français

Nb : sous-titrage non officiel.
Une version non sous-titrée est disponible à cette adresse : http://www.youtube.com/watch ?v=gG1gSdBhhjE

Thierry Meyssan est journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.

 

 

3 - Désinformation et mensonges.

Reporters sans frontières et RCTV, par Salim Lamrani*, 29 JUIN 2007.

Le département d’État des États-Unis, aussitôt suivi par Reporters sans frontières, a dénoncé les atteintes à la liberté de la presse au Venezuela. Les tribunaux administratifs ont en réalité refusé de renouveller la concession hertzienne d’une chaîne de télévision qui avait participé à la tentative de coup d’État et avait multiplié les violations de son cahier des charges. Salim Lamrani analyse cette nouvelle campagne d’intoxication de « l’ONG » parisienne.

 

Tribunal suprême de Justice, Caracas, le 17 avril 2007
Le directeur actuel de RCTV, Eladio Lares, vient de faire appel à la décision du gouvernement vénézuélien de ne pas renouveler la concession de sa chaîne.
Le non renouvellement de la concession d’une durée de 20 ans de la chaîne privée vénézuelienne RCTV, arrivée à son terme le 27 mai 2007, a suscité une extraordinaire hystérie médiatique au niveau international. Pendant plusieurs semaines, la presse du monde entier s’est focalisée sur un évènement banal qui d’ailleurs passe inaperçu quand il survient dans les autres pays de la planète. Elle a transformé une décision administrative tout à fait régulière et légitime en un attentat contre la liberté de la presse. Reporters sans frontières a évidemment participé à cette campagne internationale de désinformation en publiant, le 5 juin 2007, un rapport hautement tendancieux sur RCTV [1].
Fermeture de RCTV et hégémonie médiatique ?
RSF intitule son dossier « Fermeture de Radio Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique ». L’organisation donne d’emblée le ton en distillant deux mensonges en une seule phrase. Tout d’abord, RCTV n’a pas été fermée et peut continuer d’émettre via le câble ou le satellite. Le spectre radioélectrique étant par définition limité, le gouvernement vénézuelien a décidé de ne pas renouveler le contrat à la chaîne et d’accorder ainsi l’espace libéré à une autre chaîne afin de démocratiser les médias. Donc, contrairement à ce qu’affirme RSF, RCTV ne « cesse [pas] d’émettre [2] ».
La seconde contre-vérité réside dans l’expression « hégémonie médiatique ». Avec ce titre, RSF voudrait faire croire au lecteur que les autorités vénézueliennes contrôlent les médias et disposent quasiment d’un monopole dans ce secteur. Pour convaincre l’opinion publique, Robert Ménard, le secrétaire général de l’organisation, répète inlassablement la même maxime à la presse : « Chávez détient une position hégémonique sur les moyens de communication [3] ». Or, la réalité est tout autre. Au Venezuela, 80% des chaînes de télévision ouverte et des radios appartiennent au secteur privé. Pour ce qui est de la télévision par câble et par satellite, qui est relativement bien développée dans le pays, elle est presque entièrement contrôlée par des fonds privés. Au niveau de la presse écrite, les 118 journaux nationaux et régionaux qui circulent dans le pays sont également contrôlés par le secteur privé. Il existe effectivement une « hégémonie médiatique », mais elle est entièrement le fait des groupes économiques et financiers privés [4].
Décision arbitraire du Président Hugo Chávez ?
RSF certifie que la décision a été prise « sur ordre du président Hugo Chávez », et assure qu’elle est illégale car, selon elle, il faut une « condamnation judiciaire […] pour refuser à la chaîne le droit d’émettre pendant les vingt prochaines années ». Là encore, RSF a recours à un double mensonge. En effet, la décision est parfaitement légale, respectueuse des normes internationales et légitime. Comme dans la plupart des pays du monde, le spectre des ondes hertziennes appartient l’Etat et est destiné à promouvoir l’intérêt public. De plus, l’article 156 de la Constitution vénézuelienne ainsi que l’article 108 de la Loi organique des télécommunications donnent au gouvernement le pouvoir de réguler l’accès à cet espace. Il n’est aucunement question de « condamnation judiciaire » comme le prétend RSF. Enfin, RCTV a toujours le « droit d’émettre » via câble ou satellite [5].
D’ailleurs, ce n’est pas Hugo Chávez qui a décidé du non renouvellement de la concession mais la Commission nationale des télécommunications du Venezuela. La concession de RCTV n’a pas été renouvelée pour plusieurs raisons bien précises. Tout d’abord, le gouvernement souhaite procéder à un rééquilibrage entre chaînes publiques et chaînes privées. Ensuite, RCTV n’a pas respecté ses obligations et son cahier des charges. Un seul exemple édifiant : entre juin et décembre 2006, les autorités ont recensé pas moins de 652 infractions de la part de RCTV. La chaîne a également dénigré de manière systématique la politique du gouvernement et a incité à plusieurs reprises la population à la violence et à la rupture de l’ordre constitutionnel. La participation avérée de RCTV dans le coup d’Etat du 11 avril 2002 [6] ainsi que son comportement putschiste ont été des facteurs non négligeables dans la prise de décision. RCTV avait notamment participé au sabotage pétrolier de décembre 2002 qui avait coûté près de 20 milliards de dollars à l’économie nationale [7].
RSF affirme à ce sujet que RCTV est simplement « accusée » d’avoir participé au coup d’Etat, alors que les preuves et les témoignages sont accablants. Le très conservateur journal français Le Figaro rappelle que « pendant des années, la chaîne a ouvertement conspiré contre le président en place en relayant des appels à renverser le régime ». Le Figaro souligne également que lors du coup d’Etat, la chaîne « annonçait qu’Hugo Chávez avait démissionné », suivant ainsi le plan établi les putschistes, et avait même reconnu Pedro Carmona comme président intérimaire [8].
Suite au retour du président Chávez, RCTV avait interdit à ses journalistes de diffuser une quelconque information à ce sujet et se bornait à diffuser des dessins animés. Le responsable de production de la chaîne, Andrés Izarra, opposé au putsch, avait aussitôt démissionné pour ne pas se rendre complice du coup de force. Lors d’un témoignage à l’Assemblée nationale, Izarra avait indiqué que le jour du coup d’Etat et les jours suivants il avait reçu l’ordre formel de Marcel Granier, le président de RCTV, de « ne transmettre aucune information sur Chávez, ses partisans, ses ministres ou n’importe quelle autre personne qui pourrait être en relation avec lui [9] ».
Le conservateur Los Angeles Times retrace également l’itinéraire de RCTV depuis l’élection de Hugo Chávez à la présidence de la République en 1998 et souligne qu’elle s’était donnée pour mission de « renverser le président démocratiquement élu ». Après le coup d’Etat, « RCTV a basculé ouvertement dans la sédition [et a] diffusé des images truquées pour faire croire que les partisans de Chávez étaient à l’origine des morts et des blessés ». Le journal rappelle que Marcel Granier s’était rendu au Palais présidentiel pour faire allégeance au « dictateur Pedro Carmona qui venait d’abolir la Cour suprême, l’Assemblée nationale et la Constitution ». Puis le LA Times conclut : « Granier et les autres ne doivent pas être considérés comme des martyrs de la liberté d’expression » mais comme des putschistes [10]. D’ailleurs, Granier a fait une déclaration éloquente à RSF au sujet du coup d’Etat : « Je veux bien admettre que je n’étais pas mécontent de voir partir Hugo Chávez [11] ». Comment pouvait-il être « mécontent » puisqu’il avait activement participé à son renversement ?
A l’évidence, en soutenant et en participant ouvertement à la rupture de l’ordre constitutionnel en avril 2002, RCTV ne se souciait pas de l’intérêt public. De plus, il n’est guère nécessaire de rappeler que si une chaîne de télévision française ou de n’importe quel autre pays du monde s’avisait d’adopter un comportement similaire à celui de RCTV, elle ne durerait pas 24 heures et ses dirigeants se retrouveraient immédiatement en prison. Pour sa part, le journal étasunien Houston Chronicle notait que « les actions de RCTV n’auraient pas duré plus de quelques minutes » aux Etats-Unis [12].
Pourquoi RSF veut-elle faire croire à l’opinion publique que la culpabilité de RCTV est encore sujette à discussion ? Tout simplement parce que Robert Ménard et son organisation avaient eux-mêmes soutenu le coup d’Etat d’avril 2002. Est-il besoin de rappeler la déclaration publiée par RSF le 12 avril 2002 ? :
« Reclus dans le palais présidentiel, Hugo Chávez a signé sa démission dans la nuit, sous la pression de l’armée. Il a ensuite été conduit au fort de Tiuna, la principale base militaire de Caracas, où il est détenu. Immédiatement après, Pedro Carmona, le président de Fedecámaras, a annoncé qu’il dirigerait un nouveau gouvernement de transition. Il a affirmé que son nom faisait l’objet d’un "consensus" de la société civile vénézuélienne et du commandement des forces armées [13] ».
Décision impopulaire ?
L’entité parisienne déclare également que les « opposants (nombreux) et partisans (plus rares) » avaient simultanément défilé à Caracas pour appuyer la décision du gouvernement ou la répudier. Ici, RSF n’hésite aucunement à mentir de manière éhontée. Les manifestations d’opposants qui ont eu lieu en signe de protestation n’ont réuni que quelques milliers de personnes. Par contre, les manifestations de soutien qui se sont déroulées dans la capitale à l’image de celles du 27 mai et du 2 juin 2007 ont été impressionnantes. En effet, des centaines de milliers de citoyens avaient défilé dans les rues de Caracas, montrant leur soutien à Hugo Chávez [14]. Dans quel but RSF manipule-t-elle cette réalité ?
RSF reprend également les sondages réalisés par RCTV et l’opposition pour démontrer l’impopularité de la décision, en leur accordant un crédit entier et adoptant ainsi une position ouvertement partisane. Le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Pedro Carreño, a répondu de manière cinglante à cette allégation : « la liberté d’expression n’est pas celle de l’empire, ni celle de Reporters sans frontières, ni celle de la Société interaméricaine de presse (SIP), ni celle de l’oligarchie, mais celle du peuple qui aujourd’hui est sorti dans la rue [15] ».
RSF évoque « une fermeture désavouée par l’opinion et la communauté internationale » et cite pêle-mêle une résolution du Parlement européen adoptée le 24 mai 2007, et « plusieurs gouvernements ou Parlements latino-américains, du Brésil au Mexique en passant par le Chili, et même de son homologue et allié bolivien Evo Morales ». RSF veut donner l’impression d’une unanimité mondiale contre Hugo Chávez alors que la réalité est totalement différente. De tout le continent américain, c’est-à-dire sur près de 25 nations, seuls trois organes parlementaires (Brésil, Chili, Nicaragua) se sont prononcés contre le non renouvellement de la concession et seul le président costaricien Oscar Arias a émis une déclaration défavorable. Le reste du continent, en commençant par Evo Morales, s’est soit prononcé en faveur du gouvernement de Chávez (Bolivie, Cuba, Nicaragua), soit a signalé qu’il s’agissait d’une mesure administrative qui ne regardait que le Venezuela et ne souhaitait pas s’immiscer dans les affaires internes de la nation. Comme on le voit, RSF est experte dans le domaine de la désinformation [16].
Pour ce qui est de la résolution du Parlement européen, elle a été effectivement adoptée le 24 mai 2007, mais seulement par 43 des 784 députés européens, c’est-à-dire à peine 5,4% des parlementaires. Cette résolution a été unanimement rejetée par 741 députés pour son caractère politisé et surtout parce qu’elle représentait une inacceptable ingérence dans les affaires internes d’un pays souverain. La plupart d’entre eux ont refusé de participer au vote et ont quitté l’hémicycle. Quant à l’OEA et à la Commission interaméricaine des droits de l’homme, elles n’ont émis aucune condamnation, contrairement à ce qu’avance RSF, mais simplement des recommandations d’ordre général sur la liberté de la presse [17].
Les autres manipulations de RSF
RSF assure également que « les demandes de rendez-vous avec des membres du gouvernement et des représentants de médias publics ou progouvernementaux sont restées sans réponse. Aussi éloquent que les propos des personnes rencontrées, ce silence tend à confirmer que l’affaire RCTV ne se limite pas à une simple mesure administrative ». Pourtant, le gouvernement a réitéré à maintes reprises n’avoir reçu aucune demande de rendez-vous de la part de RCTV. En promouvant le point de vue de Marcel Granier, RSF fait montre une nouvelle fois de son côté partisan et stigmatise le gouvernement démocratique d’Hugo Chávez en le qualifiant de « régime politique particulier qu’on appelle le ‘chavisme’ ». Ici, on est loin du thème de la « liberté d’expression ». Ménard se place dans une situation d’opposition politique et idéologique en caricaturant délibérément le gouvernement vénézuelien. Le terme « chavisme » est en effet souvent utilisé de manière péjorative par l’opposition [18].
RSF conclut son rapport par une contre-vérité manifeste, mettant en garde contre « l’hégémonie médiatique » du président. Il est nécessaire d’être précis à ce sujet. Pour la bande VHF, en 2000, il y avait 19 chaînes de télévision privées et 1 publique. En 2006, le chiffre est passé à 20 chaînes privées contre une seule chaîne publique. Depuis le 28 mai 2007, il y a 19 chaînes privées et deux chaînes publiques, Venezolana de Televisión et TVes qui remplace RCTV sur les ondes hertiziennes. Pour la bande UHF, en 2000, il y avait 28 chaînes privées et deux chaînes publiques. En 2006, il y avait 44 chaînes privées et 6 publiques. Au niveau des radios, pour les ondes AM, en 2000 et 2006, il y avait 36 radios publiques contre 143 radios privées. Pour les ondes FM, il y avait 3 radios publiques contre 365 radios privées en 2000. En 2006, le chiffre est passé à 440 radios privées et 10 radios publiques. Comme on le voit, RSF affabule [19].
« RCTV diffuserait de la pornographie », déclare RSF, utilisant le conditionnel pour suggérer qu’un doute subsiste sur cette accusation. Pourtant, la chaîne a été condamnée à plusieurs reprises par le Tribunal Suprême en 1981 et en 2006 pour avoir diffusé des scènes pornographiques à des horaires de grande écoute. Désormais, RSF remet en cause les décisions de la plus haute autorité judiciaire du pays [20]. De plus, il convient de rappeler que RCTV est la chaîne qui a été la plus sanctionnée (six fois) dans l’histoire du Venezuela pour violations de la loi, et une seule fois sous le gouvernement de Chávez [21].
RSF accuse même le Tribunal suprême, qui a ordonné la mise à disposition des équipements de RCTV à la nouvelle chaîne TVes, de vouloir « compromettre la présence de la chaîne du lion sur le câble ». Ici, la maladresse de Ménard le pousse même à dévoiler à l’opinion publique qu’en réalité RCTV ne disparaît pas. En fait, le Tribunal suprême a simplement ordonné la cession temporaire des émetteurs afin d’assurer la continuité du service public. De plus, cette décision ne compromet nullement les possibilités de la chaîne d’émettre par câble, comme l’ont affirmé publiquement les principales entreprises de ce domaine [22].
Pour RSF, Televen et Venevisión, deux des principales chaînes privées, qui ont adopté une position plus rationnelle à l’égard du gouvernement et qui depuis 2004 ont cessé de lancer des appels à l’insurrection et au renversement du gouvernement – tout en restant dans l’opposition comme le montrent aisément leurs programmes –, sont entre les mains du président Chávez. Même chose pour le quotidien national privé Últimas Noticias. Pour qu’ils soient qualifiés de médias d’opposition par RSF, sans doute faudrait-il que ces médias continuent à dénigrer le gouvernement, à manipuler l’information, à déstabiliser la nation et à lancer des appels au meurtre contre Chávez comme l’ont fait RCTV et Globovisión en mai 2007. RSF fait preuve d’une vision manichéenne : soit les médias sont contre Chávez, soit ils sont à sa botte [23].
RSF affirme que « Hugo Chávez n’a cure du droit international ». Cette accusation est complètement gratuite. En effet, RSF est incapable de citer un seul cas de violation du droit international qu’aurait commis le gouvernement bolivarien. L’organisation certifie également que de nombreux « recours [de RCTV ont été] reçus favorablement à […] la Cour interaméricaine des droits de l’homme ». En réalité, ladite Cour a accepté d’étudier un seul recours le 25 mai 2007 et ne s’est toujours pas prononcée à ce sujet [24].
« Hugo Chávez veut pour 2008 une réforme constitutionnelle qui lui permettrait d’être réélu indéfiniment », signale le rapport qui présente cette volonté comme un grand danger pour la démocratie. RSF a-t-elle oublié que dans la plupart des pays occidentaux, dont la France, la réélection illimitée est une réalité constitutionnelle ? Pourquoi RSF se prononce-t-elle sur des aspects de politique interne alors qu’elle affirme être uniquement intéressée par la « liberté de la presse » et être « apolitique [25] » ?
« Un contrôle total de l’État, du gouvernement, des forces armées. Pas d’adversaire au Parlement, l’opposition ayant boycotté le scrutin législatif de 2005. Un parti dominant quasi unique. Vingt-deux gouverneurs d’État (sur vingt-quatre) entièrement dévoués. Et bientôt, une société civile pratiquement sous cloche ». Voici le constat alarmiste de RSF. « Un parti dominant quasi unique », vitupère RSF, alors qu’il existe plus d’une dizaine de partis politiques au Venezuela. Sans doute qu’en France, l’Etat, le gouvernement et les forces armées sont contrôlés par l’opposition. Quant au Parlement et aux postes de gouverneur, RSF remettrait-elle en cause le choix démocratique des électeurs vénézueliens ? Et la société civile se limite-t-elle à l’opposition de plus en plus marginale ? Ou bien concerne-t-elle l’ensemble de la population ? Reprenant la rhétorique de l’opposition qui a subi plus de 10 déroutes électorales consécutives depuis 1998, RSF prétend fallacieusement que Chávez contrôle toutes les institutions du pays, dans le but de faire passer le gouvernement le plus démocratique de l’Amérique latine pour un régime autoritaire. Du reste, ces considérations n’ont strictement rien à voir avec la « liberté de la presse [26] ».
L’organisation parisienne s’en prend également à l’avocate Eva Golinger. Son crime ? Avoir révélé au grand jour le nom de tous les journalistes vénézueliens financés par les Etats-Unis par le biais de la USAID, et où « figure notamment le correspondant de Reporters sans frontières », comme le reconnaît le rapport rédigé par Ménard [27].
RSF assure également que le président Chávez est conseillé par plusieurs personnalités mondiales pour la réforme constitutionnelle et cite, entre autres, l’Argentin Norberto Ceresole. Le seul problème est que Ceresole est décédé en 2003 d’un infarctus du myocarde. Ces grossières erreurs factuelles montrent le peu de crédit du rapport de l’organisation [28].
RSF s’est forgée son opinion sur la réalité médiatique vénézuelienne après seulement cinq jours de présence dans le pays, « du 24 au 28 mai 2007 », et après s’être entretenue uniquement avec des journalistes et patrons de presse de l’opposition. Son objectif de départ était très clair : transformer une décision administrative commune à tous les pays du monde en un acte de censure et d’atteinte à la liberté de la presse. Comment l’organisation parisienne peut-elle prétendre faire preuve d’impartialité et de sérieux avec de telles pratiques [29] ?
Pourquoi RSF ne s’est-elle pas indignée contre le non renouvellement de la concession de la chaîne de télévision espagnole TV Laciana en 2004, de la chaîne TV Católica en 2005 et de la chaîne Tele-Asturias en 2006 ? Pourquoi RSF ne s’est-elle pas mobilisée contre le non renouvellement de la concession des chaînes britanniques One TV, Actionworld et StarDate TV 24 en 2006, ou de Look for Love 2 en 2007 ? Pourquoi Robert Ménard ne s’est-il pas rendu au Pérou pour enquêter sur la fermeture de deux chaînes de télévision en 2007, ou au Salvador quand le gouvernement a décidé de révoquer la concession de la chaîne Salvador Network en 2003 ? Pourquoi RSF est-elle restée impassible quand le Canada n’a pas procédé au renouvellement de la concession de la chaîne Country Music Television (CMT) en 1999 ? Pourquoi RSF a-t-elle passé sous silence la révocation de la concession des chaînes étasuniennes Daily Digest en 1998 et FCC Yanks Trinity License en 1999 [30] ?
Cette indignation à géométrie variable démontre clairement que le cas ordinaire de RCTV n’est qu’un prétexte pour RSF afin de stigmatiser Hugo Chávez et continuer sa guerre de désinformation contre un gouvernement démocratique et populaire. Quand à la liberté d’expression, toute personne ayant passé 24 heures au Venezuela ne peut que s’étonner du ton acerbe et fanatique des chaînes d’opposition à l’égard du gouvernement. Affirmer le contraire serait un extraordinaire acte de mauvaise foi.
Le véritable rôle de RSF n’est pas de défendre la liberté de la presse comme elle le prétend, mais de promouvoir les intérêts politiques et économiques des entités qui la financent. Parmi celles-ci se trouve le gouvernement des Etats-Unis, qui arrose généreusement l’organisation parisienne par le biais la Fondation nationale pour la démocratie (National Endowment for Democracy), organisation que le journal le plus important du monde, le New York Times, qualifie d’officine écran de la CIA [31].

Salim Lamrani, enseignant, écrivain et journaliste français.