1 - Colonisation,
par Michael Schwart, 9 JUILLET 2007.
2 - L’obsession du complot
islamique mondial, par Thierry Meyssan, 26 JUIN 2007
3 - Désinformation et mensonges
: Reporters sans frontières et RCTV, par Salim Lamrani,
29 JUIN 2007.
1 - Colonisation.
9 JUILLET 2007, par
Michael Schwartz.
Michael Schwartz est professeur de sociologie
à l’université d’État de New York, Stony
Brook
L’occupation US de l’Irak tue-t-elle
10 000 civils par mois ou beaucoup plus encore ?
par Michael Schwartz*
Alors que la presse atlantiste rend compte des 3 000 GI’s morts
en Irak et des nombreuses victimes civiles des attentats inter-confessionnels,
elle passe sous silence le massacre quotidien des civils, victimes des
patrouilles US et de leurs opérations de recherche de suspects.
Le professeur Michael Schwartz estime leur nombre à plus de 10000
par mois au cours des 3 premières années. Et bien plus encore,
depuis le renforcement des opérations ordonné par le président
Bush.
Une étude scientifique réalisée
avec les derniers outils statistiques de pointe a été publiée
le 12 octobre 2006 dans le Lancet, (la publication médicale britannique
la plus réputée) [1]. L’étude concluait que
- à la date de l’an passé — 600 000 irakiens
étaient morts de mort violente directement attribuable aux opérations
militaires en Irak. Répartis sur les 39 premiers mois de la guerre
en Irak, cela équivaut à une moyenne d’environ 15
000 morts par mois. .
Mais le pire n’était pas encore atteint, le taux de mortalité
violente était alors en pleine augmentation, et pendant la première
moitié de 2006 la moyenne mensuelle est passée à
30 000 morts, une moyenne qui a fort probablement encore augmenté,
étant donné les violents combats qui accompagnent l’actuel
renforcement militaire états-unien en Irak.
Les gouvernements U.S. et Britanniques ont rapidement disqualifié
les résultats de cette étude en mettant en cause «
les erreurs méthodologiques de l’enquête » -
et ce malgré le fait que les enquêteurs avaient eu recours
aux méthodes standard d’investigation, couramment utilisées
pour mesurer le taux de mortalité dans des zones de conflit ou
de catastrophe. (Les chercheurs se sont rendus dans un panel d’habitations
choisies au hasard et ont demandé aux habitants si quelqu’un
dans leur maisonnée était mort ces dernières années,
notant les détails et vérifiant les certificats de décès
autant que possible). Les deux gouvernements à l’origine
de la guerre ne donnèrent aucune raison concrète pour laquelle
ils rejetaient les résultats de l’enquête et ils ignorèrent
le fait qu’ils avaient mandaté des études identiques
(parfois menées par les mêmes chercheurs) dans d’autres
régions de conflit, y compris le Darfour et le Kosovo. Les raisons
pour lesquelles ces gouvernements ne pouvaient accepter cette étude
étaient par contre suffisamment claires : les résultats
étaient tout simplement trop dévastateurs pour qu’ils
les reconnaissent. (Secrètement le gouvernement britannique reconnut
plus tard que la méthodologie employée était «
une méthode fiable et éprouvée pour mesurer la mortalité
dans des zones de conflit », sans pour autant jamais reconnaître
publiquement la validité de l’étude).
Des chercheurs réputés ont validé l’étude
du Lancet sans quasiment aucune critique. Juan Cole, un des principaux
experts états-uniens sur le Moyen-Orient, résuma la conclusion
de l’étude de manière abrupte mais correcte : «
La mésaventure US en Irak a tué [en un peu plus que trois
ans] deux fois plus de civils que le nombre de personnes assassinées
par Saddam en 25 ans ».
Malgré ce consensus des experts, les démentis officiels
ont eu un impact certain sur l’opinion publique, et les rares articles
de presse qui mentionnent l’étude du Lancet l’accompagnent
systématiquement des propos officiels désobligeants. Ainsi,
sur le site web de la BBC, l’étude du Lancet était
mentionnée sous le titre « Forte augmentation du nombre de
tués en Irak » [2] mais le reste de l’article citait
longuement la déclaration du président Bush rejetant l’étude
sous prétexte que « la méthodologie employée
est discréditée par la plupart des scientifiques »
et que « le chiffre de 600 000 qu’ils avancent n’est
tout simplement pas crédible ». En conséquence de
ce traitement médiatique de l’information, la plupart des
États-uniens pensent probablement que le chiffre avancé
par M. Bush en décembre 2005, soit 30 000 victimes civiles environ
(moins de 10% du chiffre réel) est correct.
Tenter d’évaluer le nombre de victimes de l’occupation
de l’Irak
Ces statistiques choquantes en elles-mêmes le sont encore plus lorsque
l’on observe que parmi les 600 000 victimes environ de la guerre
en Irak, la majeure partie a été tuée par l’armée
US. Ce nombre est de loin supérieur à tous les morts victimes
d’attentats à la voiture piégée, d’escadrons
de la mort, de violence ethnique ou de criminels meurtrier. Même
comptées ensemble, le nombre de ces victimes est encore loin en
dessous de celui de la violence militaire générée
par l’armée des États-unis.
Les enquêteurs de l’étude du Lancet ont demandé
à leur échantillon de population comment les personnes de
leur famille étaient mortes et qui était responsable de
leur mort. Les familles n’avaient aucun mal à donner la cause
de la mort, plus de la moitié (56 %) des interrogés indiquant
des morts par balle, 13 % mentionnèrent des attentats à
la voiture piégée, 13 % des bombardements aériens,
14 % des tirs d’artillerie et autres explosions... seulement 4 %
des interrogés répondirent qu’ils ne savaient pas
de quoi étaient morts les membres de leur famille.
Les familles interrogées étaient moins précises quand
il s’agissait d’identifier les responsables de la mort. Si
la plupart était en mesure de séparer les responsabilités
— les victimes d’un bombardement aérien étaient
attribuées aux occupants tandis que les attentats à la voiture
piégée étaient indiqués comme étant
l’œuvre de l’insurrection, les morts par balle ou par
tirs d’artillerie étaient moins faciles à attribuer,
la plupart se produisant lors d’échanges de coups de feu
ou bien dans des circonstances sans témoin. Dans de très
nombreux cas les familles étaient donc dans l’incapacité
de préciser qui était responsable de ces morts. Les enquêteurs
n’enregistraient que les témoignages de ceux qui étaient
certains de l’origine de la mort, laissant vide le champ «
responsabilité » si « la maisonnée exprime des
doutes quand à l’origine des circonstances ayant causé
la mort ».
Pour nous, lecteurs quotidiens de la presse aux États-unis, les
résultats sont effarants : dans la catégorie des morts dont
la famille était en mesure d’identifier le coupable, 56 %
avaient été tués par les soldats U.S. (ou par leurs
alliés de la Coalition des volontaires). En nous basant sur ces
chiffres, nous pouvons en déduire sans trop de doute que les forces
de la Coalition avaient tué au moins 180 000 Irakiens vers la mi-2006.
Par ailleurs nous avons toutes les raisons de croire que les États-Unis
sont responsables d’une partie au prorata (voire plus) des morts
non attribuées. Ceci signifie que — à la date de l’étude,
mi-2006 — les U.S. et leurs alliés avaient peut être
tués plus de 330 000 irakiens.
Les autres morts ont été les victimes de l’insurrection,
des criminels de droit commun et des forces du nouveau gouvernement irakien.
Et n’hésitons pas à insister encore une fois sur un
chiffre qui va à rebrousse-poil de l’opinion généralement
admise : les attentats à la voiture piégée, la raison
de la mort la plus facilement identifiable par les familles interrogées,
ne sont responsables que de 13 % des victimes, soit environ 80 000 morts,
2 000 tués par mois. Ce chiffre est horrible se situe loin en dessous
du nombre des victimes des militaires US. Il représente moins de
la moitié du nombre officiel de victimes des actions militaires,
et même pas un quart du nombre probable.
Même si nous nous arrêtons au chiffre officiel et confirmé
de 180 000 irakiens tués par les opérations militaires des
troupes d’occupation U.S. et alliées depuis le début
de l’occupation, nous arrivons à une moyenne de plus de 5
000 morts par mois. Et nous devons garder à l’esprit que
le taux de mortalité violente en 2006 était deux fois plus
élevé que le taux moyen, ceci signifiant que la moyenne
des tués par les forces US en 2006 était d’environ
10 000 morts par mois - soit à peu près 300 irakiens par
jour, dimanche compris. Avec le renforcement des opérations militaires
en 2007, ce chiffre est probablement bien plus élevé aujourd’hui.
Pourquoi ne savons nous rien de tout cela ?
Ces chiffres paraissent totalement improbables à la majorité
des États-uniens. Si l’armée US tuait 300 Irakiens
chaque jour, cela ferait la « une » des journaux, n’est-ce
pas ? Et pourtant, la presse tant imprimée qu’électronique
ne nous dit jamais que les soldats U.S. tuent tous ces gens. On nous parle
beaucoup d’attentats à la voiture piégée et
d’escadrons de la mort, mais on parle beaucoup moins des victimes
des soldats US, sauf de temps en temps quand il s’agit d’un
« terroriste » important, ou ici et là, parfois, quand
l’atrocité est vraiment trop visible.
Comment font les États-unis pour accomplir un tel carnage, et pourquoi
la presse ne s’y intéresse t-elle pas ? La réponse
se trouve dans une autre statistique incroyable : celle-ci est publiée
officiellement par le Pentagone et est confirmée par la hautement
respectable Brookings Institution [3] : ces 4 dernières années,
l’Armée de terre U.S. a effectué en moyenne plus de
1 000 patrouilles par jour dans les zones hostiles, dans le but de capturer
ou tuer des insurgés ou des « terroristes ». (Depuis
février 2007, ce nombre est passé à environ 5 000
patrouilles par jour, si nous incluons les troupes irakiennes participant
au renforcement des opérations militaires états-uniennes.)
Ces milliers de patrouilles quotidiennes ont pour conséquence des
milliers de morts irakiennes, étant donné que ces patrouilles
ne sont pas de simples promenades dans les rues, comme nous pourrions
le croire. Dans son livre indispensable In The Belly Of The Green Bird
[4], le journaliste d’investigation Nir Rosen décrit ces
patrouilles comme « toutes entières remplies d’une
énergie brutale et d’une tension violente qui n’est
que rarement décrite par les journalistes "embarqués"
de la presse "mainstream" aux États-unis ».
Cette brutalité est facilement compréhensible, compte tenu
des objectifs de ces patrouilles. Des soldats états-uniens sont
envoyés dans des communautés hostiles dans lesquelles la
quasi totalité de la population soutient les insurgés. Les
soldats disposent souvent d’une liste de suspects et de leurs adresses.
Leur mission est d’interroger, d’arrêter ou de tuer
les suspects, de fouiller leurs maisons pour y trouver des preuves, notamment
des armes et des munitions, mais aussi de la littérature, des équipement
vidéos et autres éléments utilisés par la
résistance pour ses activités politiques et militaires.
Quand les patrouilles n’ont pas de liste précise, ils fouillent
des pâtés de maison à la recherche de personnes aux
comportements suspects ou de preuves d’activités terroristes.
Dans ce contexte, n’importe quel homme en âge de porter une
arme n’est pas seulement un suspect, mais un adversaire potentiellement
meurtrier. Les soldats sont régulièrement briefés
de ne prendre aucun risque : par exemple, frapper à la porte est
souvent dangereux car on pourrait se faire tirer dessus à travers
la porte. Les instructions sont donc de faire jouer l’élément
de surprise dès qu’il y a un risque de danger — enfoncer
la porte, la faire sauter, tirer sur tout ce qui pourrait être suspect,
lancer des grenades dans les maisons ou les pièces pouvant abriter
une quelconque résistance... si vraiment ils rencontrent une résistance
tangible, ils peuvent demander une assistance d’artillerie ou l’aviation
pour détruire le bâtiment plutôt que de tenter d’y
pénétrer.
(...)
Si elles ne rencontrent pas de résistance, ces patrouilles peuvent
interpeller environ 30 suspects ou fouiller plusieurs dizaines de maisons
en une seule journée. Ceci veut dire que nos 1 000 patrouilles
quotidiennes peuvent envahir plus de 30 000 maisons par jour.
Mais si une mine explose sous leur Humvee ou si elles sont prises sous
le feu d’un sniper, alors leur mission change et a pour objectif
de trouver, capturer ou tuer le responsable de l’attaque. Les officiers
sur le terrain pensent d’ailleurs que très souvent les attentats
à l’explosif au passage de patrouilles sont faites par des
insurgés qui veulent détourner la patrouille de son objectif
initial, empêchant la fouille généralement brutale
des maisons, la violation de l’intimité des femmes de la
maison et l’humiliation des habitants.
Les échanges de coups de feu qui suivent généralement
une attaque sur une patrouille, débordent toujours sur les maisons
avoisinantes, étant donné que les insurgés s’y
cachent pour échapper à la contre-attaque états-unienne.
En conséquence, les soldats US ont pour habitude de systématiquement
tirer sur ces maisons soupçonnées d’abriter des insurgés
prenant le risque de faire des victimes innocentes parmi les habitants.
Les règles d’engagement de l’armée US insistent
sur l’importance de tout faire pour éviter de mettre en danger
les civils, et il existe de nombreux exemples où les soldats ont
mesuré leur riposte afin d’épargner les civils. Mais
les témoignages d’officiers et de soldats montrent clairement
que, dans le feu de l’action, la priorité est la capture
ou la mort de l’insurgé, pas la sécurité des
civils.
Tout ceci paraît assez encadré et ne permettant pas de générer
le nombre de morts avancé par l’étude du Lancet. Mais
l’importance du nombre de patrouilles — 1 000 par jour —
et en conséquence le nombre important de confrontations dans les
maisons, les ripostes aux attaques des snipers ou des mines, les échanges
de coups de feu qui s’ensuivent... tout cela finit par s’additionner
en former un massacre quotidien.
(...)
[Lors de la commissions d’enquête sur le massacre de Haditha,
où un groupe de soldats US à massacré 24 membres
d’une famille dans une maison, en représailles d’un
attentat ayant tué un des leurs] le Major General Richard Huck,
officier commandant l’unité de Marines à Haditha [aujourd’hui
chargé de la planification des opérations au Pentagone],
a souligné à nouveau la limpidité de ces règles
d’engagement, quand il a expliqué pourquoi il n’avait
pas jugé bon à l’époque de procéder
à une enquête sur la mort de ces victimes civiles :
« Ces morts sont survenues lors d’une opération de
combat et il est fréquent qu’il y ait des victimes civiles
dans ce type d’engagement. Dans mon esprit, j’ai vu que les
insurgés avaient tiré sur mes soldats et que les soldats
de la Kilo Company avaient riposté. Dans ces circonstances, la
mort de 15 civils non concernés ne me paraissait pas suffisamment
inhabituelle pour justifier une enquête ».
Pour le Général Huck, comme pour les autres officiers commandant
en Irak, à partir du moment où il y a « des coups
de feu ennemis » — voire simplement la menace de ces coups
de feu — alors les actions commises par les Marines dans cette maison
d’Haditha étaient non seulement légitimes (à
partir du moment où elles sont mentionnées dans le rapport
d’intervention), mais carrément exemplaires. Les soldats
ont riposté de manière appropriée dans une situation
de combat, et la mort de « civils non concernés » n’est
« pas inhabituelle » dans ces circonstances.
Partant de cette constatation, souvenons nous que les soldats de l’Armée
de terre mènent un peu plus de 1 000 patrouilles par jour —
ce chiffre ayant grimpé à 5 000 patrouilles si on inclut
celles menées conjointement avec les troupes irakiennes). Si l’on
croit les chiffres publiés par le Pentagone — et confirmés
par la Brookings Institution — ces patrouilles résultent
en 3 000 échanges de coups de feu chaque mois, soit environ une
centaine par jour en moyenne juste pour les soldats états-uniens.
Ces combats ne causent pas toujours la mort de 24 civils innocents d’un
coup, mais les règles d’engagement appliquées par
nos soldats — lancer des grenades à main dans des maisons
soupçonnées d’abriter des insurgés, utiliser
une puissance de feu maximum contre des snipers, utiliser l’artillerie
et l’aviation contre tout nid de résistance — garantissent
un flot continu de morts civils.
Il est important d’analyser comment ces évènements
sont relatés par la presse des États-unis, quand celle-ci
se donne la peine d’en parler. Voici par exemple une dépèche
de l’Associated Press à propos de patrouilles dans la province
de Meyssan, un bastion de l’armée du Mahdi (Juin 2007).
« Plus loin dans le Sud, les autorités irakiennes ont indiqué
que plus de 36 personnes ont trouvé la mort lors de combats violents
durant la nuit, lors d’une opération de ratissage de maisons
menée par des soldats britanniques et irakiens dans la ville d’Amarah,
un bastion de la milice chiite, l’Armée du Mahdi »
[5].
Cette information fait partie d’une dépêche relatant
plusieurs combats dans tout l’Irak, intitulée « Les
forces U.S. et irakiennes accentuent la pression sur les insurgés
». Aucun des combats présentés n’est décrit
comme étant autre chose que la routine. Il y eut environ 100 combats
ce jour là, tous produisant leur lot de victimes. Combien ? Si
nous partons des chiffres estimés par l’article du Lancet,
les incidents d’Amarah représentent environ un dixième
de tous les Irakiens tués par les États-uniens ce jour là.
Extrapolés au reste du mois de Juin, le total des Irakiens tués
avoisine probablement les 10 000.
Lors de la commission d’enquête sur Haditha l’un des
enquêteurs posa la question de la justification d’un taux
aussi élevé de victimes, notamment civiles, dans la traque
et l’arrestation des insurgés en Irak. Le Lieutenant Max
D. Frank, premier officier à avoir enquêté sur les
morts d’Haditha, déclara alors que ces morts étaient
« un résultat malheureux et involontaire découlant
du fait que les habitants locaux permettent aux combattants insurgés
d’utiliser leurs maisons comme base d’attaques contre des
patrouilles états-uniennes ». Dans la même veine, le
premier Lieutenant Adam P. Mathes, responsable de l’unité
impliquée dans le massacre, refusa de manière véhémente
l’idée que l’armée puisse s’excuser auprès
de la population locale pour les exactions commises. Au contraire, Mathes
insista sur le fait que l’armée devrait plutôt faire
savoir à la population que l’incident d’Haditha (le
massacre de femmes et enfants) était représentatif «
des choses désagréables qui vont vous arriver si vous laissez
des terroristes utiliser votre maison pour attaquer nos soldats ».
Dans mon exemplaire du Dictionnaire Merriam Webster, le mot « terrorisme
» est défini ainsi : « des actes de violence ou de
destruction (attentats à la bombe) commis par des groupes dans
le but d’intimider la population. ... » Ce qui s’est
passé à Haditha cette nuit là était précisément
un tel acte de violence. Et il n’était pas isolé,
il y en eut plus de 100 ce jour là. Et ils furent commis par des
gens comme le Lt. Mathes dans le but d’intimider la population d’Haditha
et d’autres villes en Irak, afin qu’ils cessent de soutenir
l’insurrection.
2 - L’obsession du complot
islamique mondial
par Thierry Meyssan*
26 JUIN 2007
Faire en sorte que l’opinion publique occidentale
approuve le traitement réservé aux Palestiniens par les
forces sionistes et les guerres de prédation autour du Golfe persique
requiert, face à la diversité des situations et à
l’inévitable complexité de la réalité,
des techniques de propagande élaborées visant à déshumaniser
l’ennemi et réduire sa cause politique générale
à l’obscurantisme religieux d’une minorité.
Une maison de production financée par le régime israélien
fait figure de véritable laboratoire dans ce domaine. Thierry Meyssan
analyse les techniques mises en œuvre dans sa dernière production,
Obsession : Radical Islam’s War Against the West, un « documentaire
» résolument consacré à la promotion du «
Choc des civilisations ».
Depuis un an, une mystérieuse maison de
production tente de faire diffuser mondialement un « documentaire
» consacré à « l’islam radical ».
À ce jour, ce film a donné lieu à de nombreuses projections
privées, y compris au Congrès des États-Unis, mais
n’a trouvé d’audience de masse que lors de sa programmation
par la chaîne néoconservatrice Fox News, fin octobre et début
novembre 2006. Il a alors été vu par une dizaine de millions
de personnes. Des versions sous-titrées en diverses langues ont
été préparées, notamment en français.
Il est peu probable que ce « documentaire » soit programmé
par une chaîne française, tout au moins tant que les lois
républicaines seront respectées, mais il trouvera peut-être
un public par DVD ou téléchargement.
Intitulé Obsession : Radical Islam’s War Against the West
(Obsession : la guerre de l’islam extrémiste contre l’Occident),
il tente en 78 minutes de démontrer que le monde musulman contemporain
est plus malade encore que l’Allemagne nazie, qu’il est pénétré
d’une obsession haineuse conduisant inéluctablement à
une « guerre des civilisations », sorte de guerre civile globale
dont le terrorisme est le signe précurseur.
Il s’agit en fait d’une hasbarah (c’est-à-dire
en hébreu, d’une œuvre de propagande). Elle recourt
classiquement à l’émotion, à la dissimulation,
à l’amalgame et à la répétition, jusqu’à
susciter une forte angoisse chez le spectateur, même le plus averti.
Le message de ce film peut se résumer ainsi : « Le complot
jihadiste mondial est le fer de lance de l’islam qui est une civilisation
nazie ». Ce slogan concentre les principaux arguments en faveur
du « choc des civilisations » et les développe à
outrance. Il offre donc une bonne occasion de réfléchir
à leur pertinence et de s’en prémunir.
En premier lieu, le film pose l’existence d’un mouvement secret.
Il affirme que diverses actions manifestent ce mouvement, lequel est défini
par les actions diverses qu’il vient de lui attribuer. Le raisonnement
est parfaitement circulaire. Il se nourrit de la juxtaposition d’images
similaires entre elles et de commentaires d’experts. D’emblée,
le spectateur est extrait du domaine du rationnel et plongé dans
une horreur répulsive.
Dans un second temps, le film pose que ce mouvement secret n’est
pas un groupuscule, mais le fer de lance d’une civilisation d’un
milliard d’hommes. Il affirme que les membres de ce mouvement sont
les produits exemplaires d’une éducation de masse, qu’ils
forment l’élite d’une civilisation. Pour ce faire,
il décontextualise les images en faisant abstraction de situations
politiques particulières et de la signification culturelle de gestes
et d’expressions données.
Enfin, dans un troisième temps, le film pose que cette civilisation
est nazie. Il revient sur l’alliance entre le grand mufti de Jérusalem,
dont il fait le représentant de tous les musulmans, et le Reich
nazi, mais en la décontextualisant complètement de sorte
qu’elle n’a plus pour objet de libérer la Palestine
britannique, mais d’exterminer les juifs d’Europe.
A. Le complot jihadiste mondial…
Dès les premières minutes, le spectateur est confronté
à des images d’attentats survenus un peu partout dans le
monde au cours des dix dernières années. Le président
Bush déclare avec gravité qu’il s’agit là
d’actes de guerre. Les attentats sont localisés sur un planisphère
de manière à démontrer que ce qui s’est passé
le 11 septembre 2001 à New York n’est pas un acte isolé,
mais une bataille parmi d’autres livrées par « l’islam
extrémiste ».
Tétanisé par la vue de ces images sanglantes, le spectateur
ne remet pas en cause l’affirmation selon laquelle tous ces crimes
ont une cause unique ; ce que classiquement les sociologues nomment la
« théorie du complot ». J’ai évidemment
quelque hésitation à employer ici ce concept, tant il a
été dévoyé depuis six ans pour stigmatiser
tous ceux —et moi en premier— qui se sont interrogés
sur la version gouvernementale des attentats du 11 septembre. Quoi qu’il
en soit, il s’agit ici de la « théorie du complot »
au sens le plus strict. Les auteurs amalgament par exemple l’attentat
du métro Saint-Michel (généralement attribué
à une faction du gouvernement algérien) en 1996 et les attentats
en Thaïlande en 2006 (revendiqués par les séparatistes
de Pattani). Ils désignent une cause unique : « l’islam
extrémiste ». Pour augmenter la pression, le surtitrage indique
à chaque attentat le jour de la semaine : mardi à New York,
jeudi à Madrid, jeudi encore à Londres, vendredi à
Beslan, pourtant ces évènements s’étalent sur
une décennie.
Caroline Glick
Une seyante politologue d’un think tank néoconservateur,
Caroline Glick, explique que l’on ne doit pas considérer
comme distinctes la lutte des Palestiniens et celle des Irakiens : tous,
participent au jihad global. Le surtitrage omet d’indiquer que le
capitaine Caroline Glick a servi au département des opérations
psychologiques de Tsahal et a conseillé le Premier ministre israélien
Benjamin Netanyahu. Cette information aurait alerté le spectateur
qui aurait plus facilement perçu le mobile de son intervention
: si les Palestiniens, et d’autres, participent au jihad global,
c’est qu’alors ils ne luttent pas pour le respect de leurs
droits et qu’il n’y a rien à négocier avec eux.
Un « journaliste palestinien », Khaled Abu Toameh, assure
que tout cela fait partie d’une « campagne du jihad pour renverser
l’Occident et saper les fondations mêmes de la chrétienté
et du judaïsme ». Les références religieuses
sur fond de cadavres déchiquetés et de victimes en pleurs
sont assez puissantes pour paralyser toute réflexion. On aimerait
pourtant savoir ce qu’est cet Occident judéo-chrétien
qui comprend nous dit-on le Maroc, la Turquie, la Russie, la Thaïlande,
etc. On souhaiterait comprendre ce que peuvent signifier des expressions
comme « renverser l’Occident » ou « saper les
fondements de la chrétienté ». Le surtitrage omet
d’indiquer que Khaled Abu Toameh est journaliste au quotidien néoconservateur
The Jerusalem Post.
Robert Wistricht
Le professeur Robert Wistricht, président du Sasson Center, souligne
qu’une partie de l’islam « récuse un pilier central
de la civilisation humaine : le caractère sacré de la vie
». Apparaît alors Hassan Nasrallah, secrétaire général
du Hezbollah, glorifiant ceux qui sont tués au nom de leur foi.
Le montage dénature la déclaration du cheik Nasrallah :
la plupart des religions —comme d’ailleurs de nombreuses idéologies
séculières— font l’apologie du martyre (c’est-à-dire
du sacrifice de soi), cela ne signifie pas qu’elles méprisent
la vie, mais qu’elles lui attribuent un sens. Le surtitrage omet
d’indiquer que le Sasson Center est un centre d’études
de l’antisémitisme et que le professeur Wistricht est un
conseiller du ministère des Affaires étrangères israélien.
Le narrateur prend soin de préciser que le film n’est pas
dirigé contre les musulmans dans leur ensemble, mais cette réserve
n’a pas de sens au regard de la terminologie employée : s’il
existe un islam extrémiste, c’est par opposition à
un islam modéré ; et si l’islam extrémiste
se manifeste par un très haut degré de violence, le terrorisme,
c’est que l’islam modéré porte en lui un degré
moindre de violence, la haine. Aussi, sur fond d’images du pèlerinage
de la Mecque, le narrateur se demande-t-il immédiatement quel pourcentage
de musulmans a déjà basculé de la haine vers le terrorisme.
La réponse est de 10 à 15 %, ce qui serait l’équivalent,
nous dit-on, de la population des États-Unis (Au diable l’arithmétique
: pour 1,2 milliard de musulmans, cela fait 120 à 180 millions
de personnes, tandis qu’il y a 300 millions d’habitants aux
USA). D’une certaine manière, nous voilà rassurés
: l’énorme puissance US ne panique pas devant quelques groupuscules,
mais doit affronter un adversaire à sa mesure.
B. …est le fer de lance de l’islam…
Puis, le documentaire présente la « culture du jihad ».
Les musulmans seraient persuadés à tort que les États-Unis
veulent dominer le monde et imposer leur mode de vie. Se croyant menacés,
ils riposteraient en cherchant à leur tour à dominer le
monde et à imposer leur mode de vie, l’islam en l’occurrence.
Ce raisonnement opère un efficace jeu de miroir dans lequel le
spectateur mesure l’erreur des autres à l’aune de sa
propre vérité.
Dans ce contexte, le spectateur pense de manière ethnocentrique
et interprète chaque citation qui lui est présentée
sans tenir compte du contexte culturel. En réalité, le jihad
est l’équivalent de ce que les chrétiens appellent
le « devoir d’état ». C’est une ascèse
; à la fois quelque chose que le croyant doit accomplir là
où il se trouve (selon son état) et qui, lorsqu’il
l’accomplit, le transforme. Le jihad, c’est aussi bien faire
la charité aux pauvres que défendre sa patrie, pourvu qu’on
le fasse en s’approchant de Dieu.
Cette manipulation donne l’impression à un spectateur vivant
dans une société de consommation que la culture du sacrifice
qui permet de se transcender soi-même serait une culture du nihilisme,
de la destruction et de l’auto-destruction.
Walid Shoebat
Un ancien « terroriste de l’OLP », Walid Shoebat, explique
que la bonne traduction de « mon jihad » en allemand est Mein
Kampf (allusion au livre programme d’Adolf Hitler). Cette référence
à l’antisémitisme nazi est immédiatement suivie
d’un extrait de prêche où un cheik exalté appelle,
épée à la main, à couper la tête des
juifs, sous les hourras de fidèles fanatiques.
Le spectateur est saisi de frisson. Il s’agit d’un effet de
montage. En réalité, il est peu probable que Walid Shoebat
ait jamais participé à des attentats de l’OLP : il
serait passible de la peine de mort aux États-Unis où il
vit librement. Il n’est pas musulman, mais chrétien sioniste.
Le cheik exalté est un ouléma qui s’exprime dans une
mosquée de Bagdad un mois avant l’invasion anglo-états-unienne.
Il n’appelle pas à « tuer les juifs », mais à
résister l’arme à la main aux envahisseurs sionistes.
Le documentaire se concentre sur la « culture de la haine »
avec des images de foules scandant « Mort aux USA ! ». Après
les attentats du 11 septembre, les États-Uniens ont eu tort de
se demander pourquoi les arabes les haïssent, car cette haine ne
vient pas de leur attitude, mais est inculquée aux arabes tout
au long de leur éducation. Rien de fort précis ne venant
étayer cette affirmation, plusieurs intervenants assurent que cette
culture de la haine est entretenue par les dictateurs arabes pour détourner
la colère de leurs peuples. Pour preuve, cette vidéo d’Hassan
Nasrallah dénonçant la responsabilité des États-Unis
dans les malheurs qui frappent le Proche-Orient. Les images s’enchaînent
assez rapidement pour que le spectateur n’ait pas le temps de se
demander de quel pays le leader de l’opposition libanaise peut bien
être le dictateur.
La haine musulmane s’exprime à travers des scènes
de liesse à Jérusalem et à Karachi après les
attentats du 11 septembre.
Cependant, la vidéo tournée à Jérusalem le
11 septembre ne concerne qu’une vingtaine d’excités
et n’a aucune représentativité. Tandis que la manifestation
de Karachi ne célèbre pas la destruction du World Trade
Center, mais dénonce l’attaque de l’Afghanistan.
Suivent des images d’États-Uniens tués dans des embuscades
en Irak (2004) et en Somalie (1991), dont les corps sont traînés
par la populace. Là encore les images sont diffusées hors
contexte comme s’il n’y avait aucune ingérence US dans
ces États et qu’il s’agissait de crimes gratuits.
Le documentaire dénonce « l’infiltration de l’islam
extrémiste » en « Occident ». Le discours se
fait ici plus subtil : l’islam serait porteur de valeurs différentes
de celles de « l’Occident », les musulmans modérés
seraient capables de s’intégrer en adoptant progressivement
les valeurs occidentales, tandis que les musulmans radicaux seraient inassimilables
et tenteraient de renverser les institutions occidentales. Cette présentation
des choses, tout en prenant grand soin de ne pas accuser tous les musulmans,
s’évertue à les rendre tous suspects. D’autant
que ceux-ci tiennent un double langage selon qu’ils s’adressent
au public occidental ou qu’ils parlent entre eux. Pour étayer
cette affirmation, des images de Yasser Arafat se succèdent, le
montrant successivement parler de paix à la Maison-Blanche et prêcher
le jihad en Palestine.
Peu importe qu’Arafat ait été laïque, ses propos
hors contexte servent la démonstration.
Des vidéos d’Abu Hamza al-Masri attestent la présence
de fanatiques en Occident. Le célèbre prêcheur de
Finsbury Park et ses acolytes célèbrent les attentats du
11 septembre, et appellent à tuer les non-musulmans. Les vidéos
sont commentées par Glenn Jenvey, l’agent de renseignement
qui avait été infiltré dans son groupe et qui organisa
sa mise en examen.
Il n’est pas précisé qu’Abu Hamza purge une
peine de prison pour incitation à la haine raciale et que son groupe
se limitait à quelques paumés. Au contraire le montage laisse
croire qu’il est en activité et dispose de troupes nombreuses,
comme s’il représentait un danger réel et proche.
Ils sont donc partout. Pour preuve, Brigitte Gabriel, une journaliste
en croisade contre le politiquement correct qui restreint la liberté
d’expression, assure que le Hamas a déployé une vaste
organisation terroriste aux États-Unis. La situation est encore
plus grave en Europe où la minorité musulmane est en pleine
croissance. Celle-ci s’est soulevée en France, en novembre
2005, pour rejeter les valeurs occidentales.
(Bigre ! Pour conserver un peu de crédibilité, il va falloir
couper ce passage avant de diffuser ce film en France).
Il n’est pas précisé que Mme Gabriel a fuit son Liban
natal lorsque les troupes israéliennes avec lesquelles elle collaborait
s’en retirèrent.
C. …qui est une civilisation nazie
Des images d’archives montrent le chancelier Hitler appelant à
la destruction de la race juive en Europe. L’historien Sir Martin
Gilbert dénonce la politique d’apaisement face au Reich nazi
et les accords de Munich qui, en voulant préserver la paix, rendirent
la guerre plus longue et plus atroce. De la même manière,
nous dit-on, le fait de minimiser le péril islamique, alors que
la volonté des jihadistes de détruire les juifs est établie,
est une folie qui conduira à une confrontation générale.
Le vieil Alfons Heck, un citoyen états-unien d’origine allemande,
témoigne de son enfance parmi les Jeunesses hitlériennes
et compare l’embrigadement dont il fut victime avec celui des jeunes
musulmans. L’histoire se répète.
Pour accréditer ce parallèle, le montage amalgame des discours
antisémites nazis et des discours anti-israéliens arabes
et perses. De même, il alterne des images de jeunes combattants
arabes et de jeunes hitlériens faisant, les uns et les autres,
le salut romain. Le spectateur qui ignore la culture méditerranéenne
assimile automatiquement tout serment solennel à un rituel nazi.
John Loftus, le procureur qui dirigea la traque des criminels nazis aux
États-Unis, explique doctement que la culture musulmane considère
les juifs comme non-humains et enseigne qu’Allah commande de les
tuer. Itamar Marcus, directeur d’un centre d’étude
des médias palestiniens, souligne que la propagande musulmane relaie
les poncifs moyen-âgeux accusant les juifs de se nourrir du sang
d’enfants chrétiens. Ainsi, la série Diaspora met
en scène ce mythe du sacrifice rituel en laissant croire qu’il
appartient à l’idéologie juive. Cependant, le plus
grave ne serait pas cette scène, mais le moment où elle
a été programmée sur les écrans : le ramadan,
période où l’on regarde la télévision
en famille.
Cette scène est odieuse. Malheureusement, elle ne veut pas dire
grand chose car on n’aurait aucune difficulté à en
trouver de comparables dans de nombreuses « séries américaines
» imputant des crimes imaginaires aux musulmans.
Le documentaire se poursuit en relevant le préjugé selon
lequel les juifs manipuleraient les États-Unis et en le comparant
à la théorie du complot juif mondial développée
par les nazis. Le choc des images est si fort que le spectateur ne se
rend pas compte que, précisément, depuis le début
du film, le propos vise à dénoncer… un imaginaire
complot islamique mondial.
Revenant au parallèle historique, plusieurs intervenants rappellent
que le grand mufti de Jérusalem (qui était à son
époque le leader du nationalisme palestinien) fit alliance avec
Adolf Hitler en 1941 pour exterminer les juifs et qu’il créa
une division SS musulmane.
Là encore, les images sont convaincantes, parce qu’elles
éludent la complexité de la période historique et
partent d’un présupposé erroné selon lequel
la « question juive » aurait été l’enjeu
de la Seconde Guerre mondiale. Ce que le documentaire reproche aux Palestiniens
pourrait s’appliquer à presque tous les peuples colonisés
de l’Empire britannique qui tentèrent de s’allier au
Reich pour obtenir leur liberté. Ainsi, dans le cas des Indiens,
le Mahatma Gandhi ne put se rendre en Allemagne, mais il écrivit
à Adolf Hitler pour lui demander son aide, tandis que Chandra Bose
constitua une division SS hindoue. Cela n’a rien à voir avec
l’antisémitisme nazi, mais les séquences précédentes
qui accréditaient l’idée d’un antisémitisme
musulman ont balayé cette objection.
Suivent des images de profanation de synagogue par les nazis, de profanations
d’églises en Bosnie, au Nigéria, et en Irak, et de
profanation de temple hindou en Indonésie, toutes attribuées
à des musulmans. Et même d’une croix brulée
en public à Londres. Que veulent-ils donc ? Et John Loftus de répondre
: « C’est très simple. Ils veulent tuer les juifs,
renverser la démocratie et détruire la civilisation occidentale
».
Le documentaire se termine sur un message d’espoir accompagné
d’une musique réconfortante après tant d’images
éprouvantes. De même que Roosevelt conduisit la guerre contre
les nazis, de même les États-Unis d’aujourd’hui
doivent faire obstacle au fascislamisme en s’appuyant sur les musulmans
modérés. Face au Mal, la pire chose serait de ne rien faire.
The End.
Les producteurs
Obsession : Radical Islam’s War Against the West a été
produit par une yeshiva (école talmudique), la Aish HaTorah, largement
financée par les autorités israéliennes. Cette organisation
dispose d’une association de relations publiques, la Hasbara Fellowship,
qui s’est récemment distinguée en organisant des campagnes
de protestation contre l’ancien président états-unien
Jimmy Carter coupable d’avoir qualifié le traitement des
Palestiniens d’apartheid. Elle dispose également d’une
association de monitoring et de production audiovisuelle, Honest Reporting,
revendiquant 140 000 adhérents en Israël. L’ensemble
est dirigé par le rabbin Ephraim Shore, et son adjoint Yarden Frankl,
un lobbyiste de l’AIPAC.
Le film Obsession : Radical Islam’s War Against the West sous-titré
en français
Nb : sous-titrage non officiel.
Une version non sous-titrée est disponible à cette adresse
: http://www.youtube.com/watch ?v=gG1gSdBhhjE
Thierry Meyssan est journaliste et écrivain,
président du Réseau Voltaire.
3 - Désinformation et mensonges.
Reporters sans frontières
et RCTV, par Salim Lamrani*, 29 JUIN 2007.
Le département d’État des
États-Unis, aussitôt suivi par Reporters sans frontières,
a dénoncé les atteintes à la liberté de la
presse au Venezuela. Les tribunaux administratifs ont en réalité
refusé de renouveller la concession hertzienne d’une chaîne
de télévision qui avait participé à la tentative
de coup d’État et avait multiplié les violations de
son cahier des charges. Salim Lamrani analyse cette nouvelle campagne
d’intoxication de « l’ONG » parisienne.
Tribunal suprême de Justice, Caracas, le
17 avril 2007
Le directeur actuel de RCTV, Eladio Lares, vient de faire appel à
la décision du gouvernement vénézuélien de
ne pas renouveler la concession de sa chaîne.
Le non renouvellement de la concession d’une durée de 20
ans de la chaîne privée vénézuelienne RCTV,
arrivée à son terme le 27 mai 2007, a suscité une
extraordinaire hystérie médiatique au niveau international.
Pendant plusieurs semaines, la presse du monde entier s’est focalisée
sur un évènement banal qui d’ailleurs passe inaperçu
quand il survient dans les autres pays de la planète. Elle a transformé
une décision administrative tout à fait régulière
et légitime en un attentat contre la liberté de la presse.
Reporters sans frontières a évidemment participé
à cette campagne internationale de désinformation en publiant,
le 5 juin 2007, un rapport hautement tendancieux sur RCTV [1].
Fermeture de RCTV et hégémonie médiatique ?
RSF intitule son dossier « Fermeture de Radio Caracas Television
: la consolidation d’une hégémonie médiatique
». L’organisation donne d’emblée le ton en distillant
deux mensonges en une seule phrase. Tout d’abord, RCTV n’a
pas été fermée et peut continuer d’émettre
via le câble ou le satellite. Le spectre radioélectrique
étant par définition limité, le gouvernement vénézuelien
a décidé de ne pas renouveler le contrat à la chaîne
et d’accorder ainsi l’espace libéré à
une autre chaîne afin de démocratiser les médias.
Donc, contrairement à ce qu’affirme RSF, RCTV ne «
cesse [pas] d’émettre [2] ».
La seconde contre-vérité réside dans l’expression
« hégémonie médiatique ». Avec ce titre,
RSF voudrait faire croire au lecteur que les autorités vénézueliennes
contrôlent les médias et disposent quasiment d’un monopole
dans ce secteur. Pour convaincre l’opinion publique, Robert Ménard,
le secrétaire général de l’organisation, répète
inlassablement la même maxime à la presse : « Chávez
détient une position hégémonique sur les moyens de
communication [3] ». Or, la réalité est tout autre.
Au Venezuela, 80% des chaînes de télévision ouverte
et des radios appartiennent au secteur privé. Pour ce qui est de
la télévision par câble et par satellite, qui est
relativement bien développée dans le pays, elle est presque
entièrement contrôlée par des fonds privés.
Au niveau de la presse écrite, les 118 journaux nationaux et régionaux
qui circulent dans le pays sont également contrôlés
par le secteur privé. Il existe effectivement une « hégémonie
médiatique », mais elle est entièrement le fait des
groupes économiques et financiers privés [4].
Décision arbitraire du Président Hugo Chávez ?
RSF certifie que la décision a été prise «
sur ordre du président Hugo Chávez », et assure qu’elle
est illégale car, selon elle, il faut une « condamnation
judiciaire […] pour refuser à la chaîne le droit d’émettre
pendant les vingt prochaines années ». Là encore,
RSF a recours à un double mensonge. En effet, la décision
est parfaitement légale, respectueuse des normes internationales
et légitime. Comme dans la plupart des pays du monde, le spectre
des ondes hertziennes appartient l’Etat et est destiné à
promouvoir l’intérêt public. De plus, l’article
156 de la Constitution vénézuelienne ainsi que l’article
108 de la Loi organique des télécommunications donnent au
gouvernement le pouvoir de réguler l’accès à
cet espace. Il n’est aucunement question de « condamnation
judiciaire » comme le prétend RSF. Enfin, RCTV a toujours
le « droit d’émettre » via câble ou satellite
[5].
D’ailleurs, ce n’est pas Hugo Chávez qui a décidé
du non renouvellement de la concession mais la Commission nationale des
télécommunications du Venezuela. La concession de RCTV n’a
pas été renouvelée pour plusieurs raisons bien précises.
Tout d’abord, le gouvernement souhaite procéder à
un rééquilibrage entre chaînes publiques et chaînes
privées. Ensuite, RCTV n’a pas respecté ses obligations
et son cahier des charges. Un seul exemple édifiant : entre juin
et décembre 2006, les autorités ont recensé pas moins
de 652 infractions de la part de RCTV. La chaîne a également
dénigré de manière systématique la politique
du gouvernement et a incité à plusieurs reprises la population
à la violence et à la rupture de l’ordre constitutionnel.
La participation avérée de RCTV dans le coup d’Etat
du 11 avril 2002 [6] ainsi que son comportement putschiste ont été
des facteurs non négligeables dans la prise de décision.
RCTV avait notamment participé au sabotage pétrolier de
décembre 2002 qui avait coûté près de 20 milliards
de dollars à l’économie nationale [7].
RSF affirme à ce sujet que RCTV est simplement « accusée
» d’avoir participé au coup d’Etat, alors que
les preuves et les témoignages sont accablants. Le très
conservateur journal français Le Figaro rappelle que « pendant
des années, la chaîne a ouvertement conspiré contre
le président en place en relayant des appels à renverser
le régime ». Le Figaro souligne également que lors
du coup d’Etat, la chaîne « annonçait qu’Hugo
Chávez avait démissionné », suivant ainsi le
plan établi les putschistes, et avait même reconnu Pedro
Carmona comme président intérimaire [8].
Suite au retour du président Chávez, RCTV avait interdit
à ses journalistes de diffuser une quelconque information à
ce sujet et se bornait à diffuser des dessins animés. Le
responsable de production de la chaîne, Andrés Izarra, opposé
au putsch, avait aussitôt démissionné pour ne pas
se rendre complice du coup de force. Lors d’un témoignage
à l’Assemblée nationale, Izarra avait indiqué
que le jour du coup d’Etat et les jours suivants il avait reçu
l’ordre formel de Marcel Granier, le président de RCTV, de
« ne transmettre aucune information sur Chávez, ses partisans,
ses ministres ou n’importe quelle autre personne qui pourrait être
en relation avec lui [9] ».
Le conservateur Los Angeles Times retrace également l’itinéraire
de RCTV depuis l’élection de Hugo Chávez à
la présidence de la République en 1998 et souligne qu’elle
s’était donnée pour mission de « renverser le
président démocratiquement élu ». Après
le coup d’Etat, « RCTV a basculé ouvertement dans la
sédition [et a] diffusé des images truquées pour
faire croire que les partisans de Chávez étaient à
l’origine des morts et des blessés ». Le journal rappelle
que Marcel Granier s’était rendu au Palais présidentiel
pour faire allégeance au « dictateur Pedro Carmona qui venait
d’abolir la Cour suprême, l’Assemblée nationale
et la Constitution ». Puis le LA Times conclut : « Granier
et les autres ne doivent pas être considérés comme
des martyrs de la liberté d’expression » mais comme
des putschistes [10]. D’ailleurs, Granier a fait une déclaration
éloquente à RSF au sujet du coup d’Etat : «
Je veux bien admettre que je n’étais pas mécontent
de voir partir Hugo Chávez [11] ». Comment pouvait-il être
« mécontent » puisqu’il avait activement participé
à son renversement ?
A l’évidence, en soutenant et en participant ouvertement
à la rupture de l’ordre constitutionnel en avril 2002, RCTV
ne se souciait pas de l’intérêt public. De plus, il
n’est guère nécessaire de rappeler que si une chaîne
de télévision française ou de n’importe quel
autre pays du monde s’avisait d’adopter un comportement similaire
à celui de RCTV, elle ne durerait pas 24 heures et ses dirigeants
se retrouveraient immédiatement en prison. Pour sa part, le journal
étasunien Houston Chronicle notait que « les actions de RCTV
n’auraient pas duré plus de quelques minutes » aux
Etats-Unis [12].
Pourquoi RSF veut-elle faire croire à l’opinion publique
que la culpabilité de RCTV est encore sujette à discussion
? Tout simplement parce que Robert Ménard et son organisation avaient
eux-mêmes soutenu le coup d’Etat d’avril 2002. Est-il
besoin de rappeler la déclaration publiée par RSF le 12
avril 2002 ? :
« Reclus dans le palais présidentiel, Hugo Chávez
a signé sa démission dans la nuit, sous la pression de l’armée.
Il a ensuite été conduit au fort de Tiuna, la principale
base militaire de Caracas, où il est détenu. Immédiatement
après, Pedro Carmona, le président de Fedecámaras,
a annoncé qu’il dirigerait un nouveau gouvernement de transition.
Il a affirmé que son nom faisait l’objet d’un "consensus"
de la société civile vénézuélienne
et du commandement des forces armées [13] ».
Décision impopulaire ?
L’entité parisienne déclare également que les
« opposants (nombreux) et partisans (plus rares) » avaient
simultanément défilé à Caracas pour appuyer
la décision du gouvernement ou la répudier. Ici, RSF n’hésite
aucunement à mentir de manière éhontée. Les
manifestations d’opposants qui ont eu lieu en signe de protestation
n’ont réuni que quelques milliers de personnes. Par contre,
les manifestations de soutien qui se sont déroulées dans
la capitale à l’image de celles du 27 mai et du 2 juin 2007
ont été impressionnantes. En effet, des centaines de milliers
de citoyens avaient défilé dans les rues de Caracas, montrant
leur soutien à Hugo Chávez [14]. Dans quel but RSF manipule-t-elle
cette réalité ?
RSF reprend également les sondages réalisés par RCTV
et l’opposition pour démontrer l’impopularité
de la décision, en leur accordant un crédit entier et adoptant
ainsi une position ouvertement partisane. Le ministre de l’Intérieur
et de la Justice, Pedro Carreño, a répondu de manière
cinglante à cette allégation : « la liberté
d’expression n’est pas celle de l’empire, ni celle de
Reporters sans frontières, ni celle de la Société
interaméricaine de presse (SIP), ni celle de l’oligarchie,
mais celle du peuple qui aujourd’hui est sorti dans la rue [15]
».
RSF évoque « une fermeture désavouée par l’opinion
et la communauté internationale » et cite pêle-mêle
une résolution du Parlement européen adoptée le 24
mai 2007, et « plusieurs gouvernements ou Parlements latino-américains,
du Brésil au Mexique en passant par le Chili, et même de
son homologue et allié bolivien Evo Morales ». RSF veut donner
l’impression d’une unanimité mondiale contre Hugo Chávez
alors que la réalité est totalement différente. De
tout le continent américain, c’est-à-dire sur près
de 25 nations, seuls trois organes parlementaires (Brésil, Chili,
Nicaragua) se sont prononcés contre le non renouvellement de la
concession et seul le président costaricien Oscar Arias a émis
une déclaration défavorable. Le reste du continent, en commençant
par Evo Morales, s’est soit prononcé en faveur du gouvernement
de Chávez (Bolivie, Cuba, Nicaragua), soit a signalé qu’il
s’agissait d’une mesure administrative qui ne regardait que
le Venezuela et ne souhaitait pas s’immiscer dans les affaires internes
de la nation. Comme on le voit, RSF est experte dans le domaine de la
désinformation [16].
Pour ce qui est de la résolution du Parlement européen,
elle a été effectivement adoptée le 24 mai 2007,
mais seulement par 43 des 784 députés européens,
c’est-à-dire à peine 5,4% des parlementaires. Cette
résolution a été unanimement rejetée par 741
députés pour son caractère politisé et surtout
parce qu’elle représentait une inacceptable ingérence
dans les affaires internes d’un pays souverain. La plupart d’entre
eux ont refusé de participer au vote et ont quitté l’hémicycle.
Quant à l’OEA et à la Commission interaméricaine
des droits de l’homme, elles n’ont émis aucune condamnation,
contrairement à ce qu’avance RSF, mais simplement des recommandations
d’ordre général sur la liberté de la presse
[17].
Les autres manipulations de RSF
RSF assure également que « les demandes de rendez-vous avec
des membres du gouvernement et des représentants de médias
publics ou progouvernementaux sont restées sans réponse.
Aussi éloquent que les propos des personnes rencontrées,
ce silence tend à confirmer que l’affaire RCTV ne se limite
pas à une simple mesure administrative ». Pourtant, le gouvernement
a réitéré à maintes reprises n’avoir
reçu aucune demande de rendez-vous de la part de RCTV. En promouvant
le point de vue de Marcel Granier, RSF fait montre une nouvelle fois de
son côté partisan et stigmatise le gouvernement démocratique
d’Hugo Chávez en le qualifiant de « régime politique
particulier qu’on appelle le ‘chavisme’ ». Ici,
on est loin du thème de la « liberté d’expression
». Ménard se place dans une situation d’opposition
politique et idéologique en caricaturant délibérément
le gouvernement vénézuelien. Le terme « chavisme »
est en effet souvent utilisé de manière péjorative
par l’opposition [18].
RSF conclut son rapport par une contre-vérité manifeste,
mettant en garde contre « l’hégémonie médiatique
» du président. Il est nécessaire d’être
précis à ce sujet. Pour la bande VHF, en 2000, il y avait
19 chaînes de télévision privées et 1 publique.
En 2006, le chiffre est passé à 20 chaînes privées
contre une seule chaîne publique. Depuis le 28 mai 2007, il y a
19 chaînes privées et deux chaînes publiques, Venezolana
de Televisión et TVes qui remplace RCTV sur les ondes hertiziennes.
Pour la bande UHF, en 2000, il y avait 28 chaînes privées
et deux chaînes publiques. En 2006, il y avait 44 chaînes
privées et 6 publiques. Au niveau des radios, pour les ondes AM,
en 2000 et 2006, il y avait 36 radios publiques contre 143 radios privées.
Pour les ondes FM, il y avait 3 radios publiques contre 365 radios privées
en 2000. En 2006, le chiffre est passé à 440 radios privées
et 10 radios publiques. Comme on le voit, RSF affabule [19].
« RCTV diffuserait de la pornographie », déclare RSF,
utilisant le conditionnel pour suggérer qu’un doute subsiste
sur cette accusation. Pourtant, la chaîne a été condamnée
à plusieurs reprises par le Tribunal Suprême en 1981 et en
2006 pour avoir diffusé des scènes pornographiques à
des horaires de grande écoute. Désormais, RSF remet en cause
les décisions de la plus haute autorité judiciaire du pays
[20]. De plus, il convient de rappeler que RCTV est la chaîne qui
a été la plus sanctionnée (six fois) dans l’histoire
du Venezuela pour violations de la loi, et une seule fois sous le gouvernement
de Chávez [21].
RSF accuse même le Tribunal suprême, qui a ordonné
la mise à disposition des équipements de RCTV à la
nouvelle chaîne TVes, de vouloir « compromettre la présence
de la chaîne du lion sur le câble ». Ici, la maladresse
de Ménard le pousse même à dévoiler à
l’opinion publique qu’en réalité RCTV ne disparaît
pas. En fait, le Tribunal suprême a simplement ordonné la
cession temporaire des émetteurs afin d’assurer la continuité
du service public. De plus, cette décision ne compromet nullement
les possibilités de la chaîne d’émettre par
câble, comme l’ont affirmé publiquement les principales
entreprises de ce domaine [22].
Pour RSF, Televen et Venevisión, deux des principales chaînes
privées, qui ont adopté une position plus rationnelle à
l’égard du gouvernement et qui depuis 2004 ont cessé
de lancer des appels à l’insurrection et au renversement
du gouvernement – tout en restant dans l’opposition comme
le montrent aisément leurs programmes –, sont entre les mains
du président Chávez. Même chose pour le quotidien
national privé Últimas Noticias. Pour qu’ils soient
qualifiés de médias d’opposition par RSF, sans doute
faudrait-il que ces médias continuent à dénigrer
le gouvernement, à manipuler l’information, à déstabiliser
la nation et à lancer des appels au meurtre contre Chávez
comme l’ont fait RCTV et Globovisión en mai 2007. RSF fait
preuve d’une vision manichéenne : soit les médias
sont contre Chávez, soit ils sont à sa botte [23].
RSF affirme que « Hugo Chávez n’a cure du droit international
». Cette accusation est complètement gratuite. En effet,
RSF est incapable de citer un seul cas de violation du droit international
qu’aurait commis le gouvernement bolivarien. L’organisation
certifie également que de nombreux « recours [de RCTV ont
été] reçus favorablement à […] la Cour
interaméricaine des droits de l’homme ». En réalité,
ladite Cour a accepté d’étudier un seul recours le
25 mai 2007 et ne s’est toujours pas prononcée à ce
sujet [24].
« Hugo Chávez veut pour 2008 une réforme constitutionnelle
qui lui permettrait d’être réélu indéfiniment
», signale le rapport qui présente cette volonté comme
un grand danger pour la démocratie. RSF a-t-elle oublié
que dans la plupart des pays occidentaux, dont la France, la réélection
illimitée est une réalité constitutionnelle ? Pourquoi
RSF se prononce-t-elle sur des aspects de politique interne alors qu’elle
affirme être uniquement intéressée par la «
liberté de la presse » et être « apolitique [25]
» ?
« Un contrôle total de l’État, du gouvernement,
des forces armées. Pas d’adversaire au Parlement, l’opposition
ayant boycotté le scrutin législatif de 2005. Un parti dominant
quasi unique. Vingt-deux gouverneurs d’État (sur vingt-quatre)
entièrement dévoués. Et bientôt, une société
civile pratiquement sous cloche ». Voici le constat alarmiste de
RSF. « Un parti dominant quasi unique », vitupère RSF,
alors qu’il existe plus d’une dizaine de partis politiques
au Venezuela. Sans doute qu’en France, l’Etat, le gouvernement
et les forces armées sont contrôlés par l’opposition.
Quant au Parlement et aux postes de gouverneur, RSF remettrait-elle en
cause le choix démocratique des électeurs vénézueliens
? Et la société civile se limite-t-elle à l’opposition
de plus en plus marginale ? Ou bien concerne-t-elle l’ensemble de
la population ? Reprenant la rhétorique de l’opposition qui
a subi plus de 10 déroutes électorales consécutives
depuis 1998, RSF prétend fallacieusement que Chávez contrôle
toutes les institutions du pays, dans le but de faire passer le gouvernement
le plus démocratique de l’Amérique latine pour un
régime autoritaire. Du reste, ces considérations n’ont
strictement rien à voir avec la « liberté de la presse
[26] ».
L’organisation parisienne s’en prend également à
l’avocate Eva Golinger. Son crime ? Avoir révélé
au grand jour le nom de tous les journalistes vénézueliens
financés par les Etats-Unis par le biais de la USAID, et où
« figure notamment le correspondant de Reporters sans frontières
», comme le reconnaît le rapport rédigé par
Ménard [27].
RSF assure également que le président Chávez est
conseillé par plusieurs personnalités mondiales pour la
réforme constitutionnelle et cite, entre autres, l’Argentin
Norberto Ceresole. Le seul problème est que Ceresole est décédé
en 2003 d’un infarctus du myocarde. Ces grossières erreurs
factuelles montrent le peu de crédit du rapport de l’organisation
[28].
RSF s’est forgée son opinion sur la réalité
médiatique vénézuelienne après seulement cinq
jours de présence dans le pays, « du 24 au 28 mai 2007 »,
et après s’être entretenue uniquement avec des journalistes
et patrons de presse de l’opposition. Son objectif de départ
était très clair : transformer une décision administrative
commune à tous les pays du monde en un acte de censure et d’atteinte
à la liberté de la presse. Comment l’organisation
parisienne peut-elle prétendre faire preuve d’impartialité
et de sérieux avec de telles pratiques [29] ?
Pourquoi RSF ne s’est-elle pas indignée contre le non renouvellement
de la concession de la chaîne de télévision espagnole
TV Laciana en 2004, de la chaîne TV Católica en 2005 et de
la chaîne Tele-Asturias en 2006 ? Pourquoi RSF ne s’est-elle
pas mobilisée contre le non renouvellement de la concession des
chaînes britanniques One TV, Actionworld et StarDate TV 24 en 2006,
ou de Look for Love 2 en 2007 ? Pourquoi Robert Ménard ne s’est-il
pas rendu au Pérou pour enquêter sur la fermeture de deux
chaînes de télévision en 2007, ou au Salvador quand
le gouvernement a décidé de révoquer la concession
de la chaîne Salvador Network en 2003 ? Pourquoi RSF est-elle restée
impassible quand le Canada n’a pas procédé au renouvellement
de la concession de la chaîne Country Music Television (CMT) en
1999 ? Pourquoi RSF a-t-elle passé sous silence la révocation
de la concession des chaînes étasuniennes Daily Digest en
1998 et FCC Yanks Trinity License en 1999 [30] ?
Cette indignation à géométrie variable démontre
clairement que le cas ordinaire de RCTV n’est qu’un prétexte
pour RSF afin de stigmatiser Hugo Chávez et continuer sa guerre
de désinformation contre un gouvernement démocratique et
populaire. Quand à la liberté d’expression, toute
personne ayant passé 24 heures au Venezuela ne peut que s’étonner
du ton acerbe et fanatique des chaînes d’opposition à
l’égard du gouvernement. Affirmer le contraire serait un
extraordinaire acte de mauvaise foi.
Le véritable rôle de RSF n’est pas de défendre
la liberté de la presse comme elle le prétend, mais de promouvoir
les intérêts politiques et économiques des entités
qui la financent. Parmi celles-ci se trouve le gouvernement des Etats-Unis,
qui arrose généreusement l’organisation parisienne
par le biais la Fondation nationale pour la démocratie (National
Endowment for Democracy), organisation que le journal le plus important
du monde, le New York Times, qualifie d’officine écran de
la CIA [31].
Salim Lamrani, enseignant, écrivain et
journaliste français.
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