http://www.confidentiel.net/article.php3?id_article=243

 

Suite à notre article concernant les magouilles des banques Suisse , nous avons reçu un courrier de l' ASDEB , nous informant que l'association à été condamné à la suite de la publication de divers documments concernant les agissements d'une famille d'escrocs dénommés GAON. Par solidarité avec ASDEB et l'ensemble des membres de cette association, Confidentiel a décidé de remettre en ligne la totalité des documents incriminés.

Article paru dans Le Courrier du mardi 2 septembre 2003

MESURE PROVISIONNELLE - Mis en cause par la justice argentine, Léon et David Gaon ont obtenu que l'ASDEB ne les compromette plus sur son site Internet. On ne badine pas avec la présomption d'innocence. L'association des clients des banques (ASDEB) vient de l'apprendre à ses dépens. Le 12 août, elle a été sommée par le Tribunal de première instance de Genève de retirer de son site Internet tout le dossier intitulé « Banco social de Cordoba » mettant sérieusement en cause Léon et David Gaon, et condamnée à payer 1500francs. Il ne s'agit là que d'une mesure provisionnelle, en attendant un verdict en procédure normale. Mais l'ASDEB a d'ores et déjà fait recours, allant jusqu'à demander aux juges de l'autoriser à faire la preuve de ce qu'elle avance. L'ASDEB est en effet convaincue que Léon et David Gaon ont bénéficié en 1993 et 1994 de 15millions de dollars de crédits frauduleux du Banco social de Cordoba, une banque argentine qui a par la suite fait faillite (lire Le Courrier du 1erjuillet 2003). C'est du moins ce qui figure dans un jugement prononcé par le Tribunal de Cordoba en novembre 1998. Et si les deux Gaon n'ont été ni formellement jugés ni condamnés, c'est uniquement parce qu'il ont fui l'Argentine avant l'ouverture du procès, estime l'Association des clients des banques.

ATTEINTE À LA PERSONNALITÉ

Parallèlement, la justice suisse refuse de se saisir du dossier, soit en arrêtant les deux Gaon comme le demande l'Argentine, soit en les jugeant elle-même comme le stipule l'article 6 du code pénal. C'est d'ailleurs pour montrer l'inaction helvétique en général et celle des juges genevois en particulier que l'ASDEB, arguant un intérêt public prépondérant, a diffusé sur son site Internet toutes les démarches entreprises et les résultats nuls obtenus. Le hic, c'est que, dans ce dossier, figure la dénonciation pénale formulée par l'ASDEB à l'encontre de David et Léon Gaon et adressée au procureur général de la Confédération le 12 septembre 2002. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les termes employés ne plaisent pas aux Gaon, lesquels ont à leur tour décidé de saisir la justice. Il est notamment écrit dans cette dénonciation pénale que « Messieurs Léon et David Gaon [...] se sont rendus à Cordoba pour y commettre des escroqueries ». Des propos attentatoires à l'honneur, selon les Gaon. La justice genevoise leur donne raison. Le Tribunal de première instance relève que les infractions dénoncées ne font « l'objet d'aucun jugement en force ». Du coup, poursuivent les juges, « la lecture des documents incriminés parus sur le site Internet [de l'ASDEB] constitue bien une atteinte à la personnalité des [Gaon] puisqu'elle les présente comme des escrocs ». Partant de là, la justice n'admet pas l'argumentation de l'ASDEB, qui invoque la liberté d'expression et l'intérêt général. Conclusion des juges : l'atteinte à l'encontre des Gaon « constitue un préjudice grave ».

PROCÈS DES GAON

Mais l'Association des clients des banques n'entend pas en rester là. D'une part, elle déplore que dans son ordonnance le Tribunal de première instance ne procède à aucune distinction entre les éléments contestés et ceux qui ne le sont pas, et censure l'ensemble du dossier. D'autre part, elle se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral selon lequel l'exposé de faits vrais ne constitue pas une atteinte illicite à la personnalité. Et quand bien même les faits dénoncés comporteraient quelque imprécision, incorrection, raccourci ou généralisation, cela « ne suffit pas à faire apparaître un compte rendu comme inexact dans son ensemble ». L'ASDEB demande donc à la justice de lever la mesure provisionnelle du 12 août. Puis il sera temps d'entamer la procédure ordinaire. Celle-ci comprendra des auditions de témoins, des plaignants et des accusés, ainsi que les plaidoiries. Dès lors, même si la seule question qui se pose est celle de la légitimité de l'action de l'ASDEB à l'encontre des Gaon, la justice risque indirectement de faire ce que l'association incriminée demande depuis une année : le procès de Léon et David Gaon.

IMPORTANT : La famille GAON vit aujourd'hui à GENEVE, au grand jour, et jouit de LA PLUS TOTALE IMPUNITE, et ce, malgré le mandat lancé par INTERPOL

L'ASDEB dénonce le pillage de la Banco Social de Cordoba en Argentine

A l'heure où l'Argentine croule sous les dettes, il est peut-être utile de rappeler que le pillage d'une des banques argentines, la Banco Social de Cordoba , a été organisé par des citoyens helvétiques qui n'ont jamais été inquiétés par la justice suisse et ce malgré les mandats d'arrêts d'Interpol comme l'affirment la presse argentine.

Les journalistes argentins de « La Voz del Interior » qui ont écrits 32 articles consacrés au procès de ce scandale financier qui a eu lieu d'octobre à décembre 1998, ont été profondément choqués que les principaux responsables de cette escroquerie désignés par la justice argentine, à savoir Monsieur Léon GAON , son fils David L. GAON , Mme  Monica GAON et M. Ruben KAPLAN, n'aient jamais été inquiétés à ce jour par la justice suisse.

Le pillage de la Banco Social de Cordoba en Argentine dont le système mis en place par ces escrocs est similaire à celui dont a été victime la Banque Cantonale de Genève (BCGe).

En effet, dans l'article de la Tribune de Genève du 30 janvier 2002, on apprend que le même groupe de Monsieur Léon GAON a bénéficié de crédits colossaux auprès de la CEG, Caisse d'Epargne de Genève qui font perdre aujourd'hui près 200 millions de francs à la BCGe.

Ces crédits ont été approuvés à l'origine par Monsieur Guy FONTANET , ancien Conseiller d'Etat, chef du département de justice et police, qui siégeait en qualité de président de la Caisse d'Epargne de Genève.

« L'Illustré » Les montants ont été débloqués en faveur du groupe de Monsieur Léon GAON à savoir « The Fountainhead Group SA » et ses filiales soit la même entité économique qui a pillé la Banco social de Cordoba

Or, cette société « The Fountainhead Group SA » domiciliée au Luxembourg était administrée depuis le 30 novembre 1987 par Monsieur Guy FONTANET , lui-même.

Le pillage de la BCGe n'étant plus à démontrer et celui de la Banco social de Cordoba non plus, nous constatons que dans ces deux banques le groupe de M.  Léon Gaon a bénéficié de crédits colossaux grâce à l'appui d'hommes politiques et des banquiers.

En Argentine, ces crédits ont été obtenus par le montage d'une escroquerie avec la complicité de banquiers et de politiciens.

On ne peut s'empêcher de constater que dans le cadre du scandale de la BCGe, là aussi comme en Argentine, des banquiers et des politiciens sont impliqués.

Rappelons que pour les 2,7 milliards de pertes potentielles reconnues officiellement, la justice a procédé à cinq inculpations et à aucune arrestation.

Une nouvelle fois, c'est grâce aux petits actionnaires de la BCGe qui sont à l'origine de toutes les plaintes déposées depuis mai 2000 contre les dirigeants de la BCGe, que ce nouveau scandale est dévoilé. Ils ont déposé une nouvelle plainte le 23 janvier 2002 auprès du Procureur Général dénonçant les agissements de Monsieur Guy FONTANET en faveur du groupe de Monsieur Léon GAON .

Si ces faits ne sont pas une surprise et sont connus des juges comme l'a annoncé le Procureur Général Bernard BERTOSSA , nous attendons avec intérêt les décisions judiciaires qui seront prises :

Classement de la plainte, inculpation ou arrestation ?

Lire la suite sur le site http://www.confidentiel.net

 

 

http://www.confidentiel.net/article.php3?id_article=241

 

mercredi 20 août 2003
par François V

Patrick Chazaud est certainement l'homme le plus détesté par "l'etablishment" genevois. Seul contre tous, il se bat pour défendre les petits épargnants, consommateurs et contribuables face aux gigantesque et redoutables machines à magouilles que sont les banques de la place genevoise. Forte d'une impunité jamais remise en cause, c'est l'association de Patrick Chazaud qui est désormais condamnée, baillonée, pour avoir évoqué la famille GAON, partie prenante dans la banqueroute de l'Argentine, il faut préciser que ces escrocs jouissent d'une totale liberté à Genève malgré l'avis de recherche lancé par Interpol et le mandat d'arrêt international lancé par l'Argentine. Face à cette condamnation inique, Confidentiel, toujours sur le coup, a décidé de vous livré en exclusivité l'interwiew de ce "David contre Goliath", Don Quichotte de la finance.

LA JUSTICE SUISSE AURAIT ELLE ENFIN REUSSI A FAIRE TAIRE PATRICK CHAZAUD  ???

Courrier de Patrick Chazeau reçu le 18/08/2003, ce qui à motivé la mise en ligne immédiate des documents suivants

Cher XXXXXX,

Je t'informe que l' ASDDEB a été condamné le 7 août 2003 par le Tribunal de Première Instance de Genève à retirer de son site www.asde.org la totalité du dossier banco Social del CORDOBA. Une véritable gifle à la démocratie et au droit d'information. Je te communique ci-dessous les conclusions du Tribunal :

Le Tribunal statuant en Chambre du Conseil :

1. Ordonne à l'ASSOCIATION DES CLIENTS DES BANQUES de retirer immédiatement de son site internet (www.asdeb.org) tout élément relatif au "dossier du Banco Social de Cordoba incriminant Léon et david GAON. 2. fait défense à l'A SSOCIATION DES CLIENTS DES BANQUES de diffuser, de quelques manière que ce soit, et par le biais de quelque support que ce soit, le "dossier" du Banco Social de Cordoba incriminant Léon et David GAON, auprès du public, jusqu'à droit jugé sur la validation des mesures provisionnelles sollicitées. 3. Dit que la présente ordonnance est prononcée, à l'encontre des organes de l'ASSOCIATION DES CLIENTS DES BANQUES, sous la menace des peines prévues par l'art. 292 du Code pénal suisse, qui dispose : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la pèeine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétent, sera pun i des arrêts ou de l'amende". 4. Condamne l'ASSOCIATION DES CLIENTS DES BANQUES2 aux dépens, y compris une indemnité procédure de Frs 1'500,— valant participation aux honoraires du Conseilé de3s requérants. Siégeant : Mme Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Présidente ad interim.

Genève, le 7 août 2003.

Patrick Chazaud est certainement l’homme le plus détesté par "l’etablishment" genevois. Seul contre tous, il se bat pour défendre les petits épargnants, consommateurs et contribuables face aux gigantesque et redoutables machines à magouilles que sont les banques de la place genevoise. Forte d’une impunité jamais remise en cause, c’est l’association de Patrick Chazaud qui est désormais condamnée, baillonée, pour avoir évoqué la famille GAON, partie prenante dans la banqueroute de l’Argentine, il faut préciser que ces escrocs jouissent d’une totale liberté à Genève malgré l’avis de recherche lancé par Interpol et le mandat d’arrêt international lancé par l’Argentine. Face à cette condamnation inique, Confidentiel, toujours sur le coup, a décidé de vous livré en exclusivité l’interwiew de ce "David contre Goliath", Don Quichotte de la finance.

 

LA JUSTICE SUISSE AURAIT ELLE ENFIN REUSSI A FAIRE TAIRE PATRICK CHAZAUD ???

Propos recueillis par Frank BRUNNER

Question :

M. Chazaud, dans quelles circonstances avez-vous créé, à Genève, l’Association des clients des banques ?

Patrick Chazaud : " Cette association a été créée, pour différentes raisons, par MM. Christian Wurth, Charles Dom et moi-même. A la suite de déconvenues dans nos relations avec des banques." Pour ma part, je réagissais contre la manière dont mes crédits immobiliers ont été très rapidement dénoncés, suite à la hausse des taux d’intérêts et d’une affaire de garantie bancaire."

Quels sont les ressources financières de l’ASDEB ?

"L’ASDEB tourne avec 5000.- FS, 6000.- FS par an. Les membres paient une cotisation de 80.- FS. Certains versent parfois 100.- FS, 200.- FS. Notre activité est entièrement bénévole. Nous avons réalisé des brochures. L’ASDEB peut rarement s’offrir des annonces dans les journaux. Nous n’avons pas les moyens de nous faire connaître, si la presse ne parle pas de nous."

Quelle était la nature de vos affaires immobilières ?

"J’effectuais des achats de terrains, pour obtenir des autorisations de construire et réaliser les travaux. J’achetais, aussi, des petits et moyens immeubles, pour les rénover et les louer. Il s’agissait d’opérations de mise en valeur. Mais j’ai surtout fait des opérations de construction. Je travaillais à mon nom. D’affaire en affaire, je m’associais avec des architectes ou des entrepreneurs. Ces activités ont duré de 1988 à 1993, époque où j’ai dû fermer mes bureaux et des procédures de poursuites ont été engagées contre moi."

Pourquoi votre entreprise a-t-elle soudain périclité ?

" En ce qui me concerne, à l’époque de la Banque Hypothécaire -avant sa fusion avec la Caisse d’Epargne au sein de la BCG-, j’étais actionnaire de la société immobilière SI La Proue, avec un partenaire. M. François Moser -un professionnel de l’immobilier- était administrateur de cette SI La Proue.

En 1988, on nous a proposé une affaire immobilière pour la SI La Proue. M. Maurice Sauthier -expert de la BCG- a estimé l’objet à plus de 13 millions de francs. En sa qualité d’administrateur de la SI La Proue, afin d’obtenir un crédit bancaire dans le but d’ acheter cet objet, M. Moser a signé des cédules hypothécaires -des garanties pour le prêt- pour un montant de 11 millions de francs, en faveur de la Banque Hypothécaire. Je me suis donc retrouvé co-débiteur de ce prêt accordé à la SI La Proue.

D’après ce que nous devions apprendre ultérieurement, M. Moser n’a pas signé ces cédules sans y trouver son intérêt personnel. Il a empoché 500000.- FS sur les 11 millions, en prétendant que le vendeur de la SI Laproue, Max Dubuis, lui devait cet argent. Selon Max Dubuis, qui a entamé une procédure judiciaire contre M. Moser, les allégations de ce dernier sont mensongères.

Toujours est-il qu’en signant ces cédules, M. Moser reconnaissait implicitement que l’objet valait en tout cas davantage que 11 millions.

Dans cette affaire de la SI La Proue, la BCG a procédé à une surévaluation de la valeur de l’immeuble en question, au moyen d’une fausse « expertise » qui l’estimait à 11 millions 450000.- FS. Notre contre-expertise arrivait à 4,75 millions... Ces deux expertises ont été communiquées à la BCG. Ultérieurement, nous avons constaté que la BCG ne possédait plus notre contre-expertise.

Il y a donc faux dans les titres, abus de confiance et dissimulation de documents.

Par la suite, comme bien d’autres, la SI La Proue a été victime de la crise immobilière, avec la hausse des taux d’intérêts. Incapable de rembourser le prêt, elle a fait faillite. Elle a alors été placée en gérance légale, sous le contrôle des OPF.

Quand vous faites des projets de construction, vous devez préparer des plans financiers. Il s’agit d’évaluer la relation coût/bénéfice, pour s’assurer de la rentabilité du projet. Comme ces coûts se répercuteront dans le prix de vente de l’immeuble, ou dans le prix des loyers, il faut tenir compte de la situation du marché, si vous voulez pouvoir trouver un acquéreur ou des locataires. Vous tenez compte, notamment, des intérêts que les banques vous demandent, pour les crédits nécessaires. A l’époque, il s’agissait de crédits à 4,5 %, 5 % d’intérêts.

Après que nos opérations aient démarrées, nous avons subi des hausses de taux d’intérêts. Ils sont passés à près de 10 %. Ces hausses ont doublé les charges financières proprement dites, ce qui s’est répercuté sur le prix qu’on devait réclamer aux clients.

Or, parallèlement, le marché immobilier s’est effondré de 30 %... Tous nos calculs de rentabilité sont tombés à l’eau."

Quel a été le comportement des banques, quand vous avez subi ces difficultés ?

"Avec les PME, les banques n’ont pas fait de sentiments. Elles ont dénoncé les crédits, dans les plus brefs délais. Offices de poursuites et faillites Les tribunaux accordent tout de suite les mains levées, pour les procédures de recouvrement. Ensuite, les OPF passent à la vente aux enchères, et la banque rachète l’immeuble."

Votre enquête ne fait-elle pas apparaître des liens entre les magouilles des dirigeants de la BCG et l’affaire de l’Office des poursuites et faillites ?

" Il faut commencer par expliquer l’affaire du New Morning. Il y a un lien avec la BCG et un lien avec les OPF. Le New Morning était une boîte de nuit, au rez-de-chaussée d’un immeuble, au bord du Rhône, à Genève. Il appartenait à une société immobilière, la SI Coulouvrenière, dont M. Eric Dougoud était l’actionnaire. M. Dougoud avait effectué une opération immobilière dans le quartier. Des choses avaient été construites. Il était le propriétaire du New Morning. Au-dessus de la boîte de nuit, il y avait des bureaux et des appartements.

Puis est venue la crise immobilière. L’affaire a mal tourné. La SI Coulouvrenière a été mise en faillite. Elle est tombée sous le contrôle des OPF. Ceux-ci ont mis les biens immobiliers aux enchères.

A l’époque, nous avions dénoncé le fait que ces biens avaient été rachetés par une société de portage de la BCG -Le capital immobilier-, administrée par M. Paul Epiney, responsable du Comptoir genevois immobilier. Une société de portage a pour but de camoufler des pertes comptables de la banque, en reprenant la créance de l’immeuble bien au-dessus de la valeur du marché. Ce procédé est illégal.

Quand nous avons affirmé que Le capital immobilier était une société de portage de la BCG, on nous a répondu que c’était faux ; qu’ il s’agissait d’une société privée.

Là-dessus, il y a eu la vente, par les OPF, du fonds de commerce du New Morning : murs de la boîte de nuit, enceintes stéréophoniques, actifs, meubles, bureaux, appartements, etc... La valeur totale de l’investissement était de l’ordre de 1,8 million de francs suisses. Le propriétaire du New Morning a dû produire un inventaire correspondant à ce montant, pour les OPF. Le contenu de cet inventaire était d’ailleurs assuré pour 2 millions.

Les OPF ont donc procédé à une mise aux enchères bidon des biens de la SI Coulouvrenière, et c’est une société de portage de la BCG qui a repris ça. La BCG était le partenaire financier de toute l’opération.

Souvent, les OPF procèdent à une vente de gré à gré, sans enchères. Même quand il y a enchères, l’opération est généralement truquée. Par exemple, l’administrateur d’une société de portage de la BCG propose un prix d’achat très supérieur à la valeur du marché. Son offre décourage tous les acquéreurs sérieux. La société de portage ramasse donc l’affaire et la BCG évite de reconnaître que le crédit qu’elle avait accordé pour cet immeuble ne correspond pas à la valeur réelle de l’immeuble, et moins encore à sa rentabilité.

La masse salariale impayée des employés du New Morning se situe entre 200000.- FS et 220000.- FS. Les salariés du New Morning devaient apparaître comme des créanciers de 1er rang et être payés prioritairement, avec les biens qui seraient encaissés ou saisissables, dans cette faillite. Ces salariés n’ont jamais reçu un franc.

Aux OPF, M. von Deschwanden a alors ordonné des évacuations et, par erreur, il a ordonné l’évacuation de bureaux dont les locataires étaient titulaires de baux réguliers. Ces locataires ont engagé une procédure judiciaire et ont obtenu des dommages pour un montant de 190000.- FS.

Les OPF se sont servis de l’argent provenant de la SI Coulouvrenière pour indemniser ces locataires, au lieu d’utiliser l’ argent pour payer les salariés...

C’était d’autant plus scandaleux qu’il y avait peu de Suisses parmi ces employés du New Morning. Les étrangers savent d’autant moins comment défendre leurs droits. M. Dougoud, leur ex-patron, a décidé de réagir pour leur compte. Il m’en a parlé. Quelques-uns de ces salariés ont engagé des procédures juridiques. Ces procédures ont été classées par le procureur général Bernard Bertossa. Aucun des plaignants n’a obtenu gain de cause, que ce soit au pénal ou au civil.

Nous avons constitué une association, pour défendre ces ex-employés, et nous avons rédigé une pétition à l’intention du Grand Conseil -le parlement cantonal- genevois, pour dénoncer ce scandale. Nous avons bien précisé que c’était lié à la BCG. La pétition a été déposée en 1997.

Certains députés ont été choqués. Ces députés ont décidé de faire une enquête. Il y a quand même des députés qui font leur boulot.

Dans le cadre de la commission de gestion du Grand Conseil, une commission spéciale a été constituée pour enquêter sur cette affaire. On m’a demandé si je connaissais d’autres cas de gens qui avaient été victimes des OPF. Dans le cadre des affaires liées à la BCG, il nous était arrivé d’avoir des échos quant à la manière suspecte dont étaient gérées ces faillites. J’ai pu citer certains noms. Il y a eu une monstre enquête. D’autres cas ont été découverts. C’est devenu le scandale des OPF.

La commission a achevé un rapport, vers la fin 2001. Dans ce rapport, il est écrit que les ex-employés du New Morning doivent être absolument payés. L’Etat de Genève est invité à les indemniser, parce qu’ils ont été volés par des fonctionnaires des OPF.

A l’époque où le New Morning avait été déclaré en faillite, les OPF l’ont vendu, pour 450000.- FS, à M. Beat Fritz, qui était censé reprendre l’affaire et la gérer. En réalité, M. Fritz n’a jamais eu à payer les 450000.- FS aux OPF, ni à verser cette somme au départ. Pourtant, pendant plus d’une année, voire deux ans, M. Fritz a géré cette affaire pour son profit personnel, en réalisant un chiffre d’affaires de 3 millions. Au bout du compte, M. Fritz n’a payé que 190000.- FS sur les 450000.- FS qu’il devait aux OPF. Puis il a disparu. Ce sont précisément ces 190000.- FS qui ont été dépensés pour indemniser les locataires évacués par erreur.

Déjà à l’époque, M. Fritz était connu pour traîner des casseroles financières. C’était un spécialiste des opérations analogues : prendre des choses et ne pas les payer. Et c’est à lui qu’on a confié la gestion du New Morning.

Ensuite, les OPF ont vendu les actifs du New Morning, pour la modique somme de 40000.- FS. ; alors qu’en 1992-1993 ces actifs étaient estimés à 1,8 million. Les fonctionnaires des OPF se sont permis de réduire arbitrairement la valeur de l’inventaire à 50000.- FS seulement. Par exemple, une chaise était estimée à 1.- FS, tandis qu’aucune valeur n’était attribuée au stock d’alcool.

Les actifs du New Morning ont été vendus, pour 40000.- FS, à une société appelée Cassis management. Il s’est écoulé, en tout et pour tout, quatre jours entre la constitution de Cassis management et l’achat des actifs du New Morning, par cette société, auprès des OPF. Elle a donc été constituée pour les besoins de la cause.

L’un des actionnaires de Cassis management est Philippe Glatz, député du parti démocrate-chrétien (PDC) au Grand Conseil genevois, actuellement président de la commission des Finances du Grand Conseil, et qui a été membre de la commission de contrôle et de gestion de l’Etat. C’est cette commission qui a auditionné les victimes des OPF.

Philippe Glatz est également directeur de la clinique des Grangettes. C’est avec deux autres personnes -dont un médecin- qu’il a constitué la société Cassis management, dans le but d’acquérir les actifs du New Morning pour 40000.- FS.

Coïncidences. Qui est président du conseil d’administration de la clinique des Grangettes ? M. Dominique Ducret, PDC, président du conseil d’administration de la BCG à l’époque de cette affaire, et actuellement inculpé. Qui est actuellement le directeur général de la BCG ? M. Blaise Goetschin, qui a succédé à M. Marc Fues. Avant d’être nommé à la direction générale de la BCG, M. Goetschin était administrateur de la clinique des Grangettes.

Bien que son nom figure dans les actes juridiques liés à la création de Cassis management, le député Philippe Glatz affirme qu’il n’ avait rien à voir dans l’affaire du New Morning. Il dit que c’est un M. Piguet qui avait négocié avec les OPF.

Jean-Claude Piguet est médecin à la clinique des Grangettes. A croire que la clinique des Grangettes avait pour vocation de tenir des bars, des restaurants et des boîtes de nuit. La raison sociale de la clinique des Grangettes, c’est « affaires en tous genre » ?

Philippe Glatz a d’ailleurs commencé par prétendre que les 40000.- FS étaient un prix trop élevé pour le New Morning. Selon lui, il y aurait eu des vols et l’affaire ne valait que 6500.- FS. Ainsi, Philippe Glatz commence par affirmer qu’il n’a rien à voir là dedans, puis il se plaint en disant que c’était trop cher. Manque de chance pour lui, la députée socialiste Alexandra Gobet a obtenu la copie d’une lettre, datée de 1997, qui offrait 200000.- FS pour ce que M. Glatz a payé 40000.- FS.

L’ex-propriétaire du New Morning, M. Dougoud, vous confirmera qu’il a assisté à des conversations téléphoniques entre M. von Deschwanden -des OPF- et M. Dominique Ducret -de la BCG-, à propos de ces problèmes liés au New Morning.

Nous avons des membres qui sont en litige avec la BCG et qui, comme par hasard, se retrouvent en litige avec les OPF. Parce qu’une fois qu’ils ont été spoliés par la BCG, en plus, ils se font encore « astiquer » par les OPF.

Je connais le cas d’une femme qui avait un grand commerce de vêtements, à la place Longemalle. Elle disposait, à la BCG, d’un petit crédit commercial de 200000.- FS. Cette dame a subi des problèmes de santé assez importants. Un des directeurs adjoints de la BCG s’ est proposé de gérer lui-même le magasin, depuis la banque, pendant la période où cette dame devait se faire soigner. Ainsi, ce magasin s’est bientôt retrouvé avec un découvert de 750000.- FS et il est tombé en faillite.

Le stock d’habits -qui avait été acheté pour 1,5 million- est passé sous le contrôle des OPF, qui devaient le vendre aux enchères. Ce stock a suscité l’intérêt de deux acheteurs potentiels et concurrents : l’un offrait 200000.- FS ; l’autre 150000.- FS. Il n’y a pas eu d’enchère. La vente s’est faite dans le magasin, de gré à gré. Et le stock d’habits a été attribué à un troisième acheteur qui n’a offert que 15000.- FS.

Au bout du compte, le stock n’a donc été payé que 1 % de sa valeur.

Par rapport au New Morning, c’est une petite affaire, mais elle met en évidence le même système. C’est-à-dire que la BCG prête de l’ argent ; le débiteur fait faillite ; il perd sa boîte ; il se retrouve avec des actes de poursuites qu’il devrait payer ; et, par-dessus le marché, les actifs saisis par les OPF sont bradés ou carrément offerts à des petits copains...

J’ai, sous les yeux, une lettre, datée du 24 août 1992, écrite par un employé de cette commerçante de la place Longemalle. Il s’ adresse à M. Zermatten, aux OPF. Il se plaint parce qu’on ne lui a pas versé les salaires qu’il aurait dû recevoir. Il écrit que le stock du magasin comptait mille cinq cents pièces. Les OPF l’ont bradé au prix de 10.- FS par vêtement, en moyenne. Et c’étaient des vêtements de luxe. C’étaient des costumes qui se vendaient 1500.- FS.

Tout le circuit de surveillance vidéo, les miroirs du magasin, les lampes, etc., ont été cédés gratuitement au co-directeur de la société qui a acquis le stock de vêtements. Un cadeau d’une valeur de 8500.- FS, au préjudice de la propriétaire du magasin."

Qui a obtenu ce stock ?

" L’un des anciens directeurs du magasin, que cette dame avait précédemment licencié. Elle a perdu plus de 1 million. Elle a été trompée. Une procédure juridique est en cours, contre le directeur adjoint de la BCG. La victime lui a envoyé un commandement de payer de plus de 1 million. Et il ne s’agit là que d’un cas parmi d’autres.

Vous pouviez toujours vous plaindre auprès de l’autorité de surveillance des OPF. Parce que les membres de cette autorité, quand ils étaient saisis d’une plainte, ils demandaient un rapport aux OPF. Et ils se contentaient d’avaliser ce rapport. Donc, automatiquement, le plaignant avait tort.

Nous sommes confrontés à une sorte de monolithe. Tout vient du milieu politique. Politique, magistrature, finance. C’est la même chose.

La BCG finance de l’immobilier, du commercial. Des affaires qui se cassent la figure, mais dont on veut garder le contrôle à des fins privées. Pas dans l’intérêt de la banque. Ce sont des gens de la banque qui veulent tirer un profit personnel de la situation.

Avec mon partenaire de la SI La Proue, nous avons consulté, successivement, plusieurs avocats.

Au début, ils vous reçoivent avec enthousiasme. Ils sont très heureux de s’occuper de ce dossier fantastique. Ils vont faire plier la BCG ! Pas de problème !

Ils encaissent des émoluments, des provisions de 3000.- FS à 5000.- FS. Ils expédient une lettre agressive à la banque. Il faut compter, au minimum, deux mois, pour un échange de correspondance entre l’avocat et la banque. Petite réponse de la banque. L’avocat vous reçoit de nouveau, expédie une autre lettre à la banque, etc...

Vous arrivez au moment où l’avocat vous dit que vous avez entièrement raison et qu’il est grand temps de déposer une plainte pénale. Alors, on lui dit : « Eh bien, déposons-la ! »

Quand on prend rendez-vous, dans ce but, il vous dit : « Ah, écoutez, ça ne sert à rien ! Vous êtes le pot de terre contre le pot de fer ! Il vaudrait mieux s’entendre... »

Alors, on lui retire le dossier. Cela fait une année, une année et demi de perdue. Vous recommencez la même chose, avec un autre avocat. Vous payez. Il écrit agressivement à la banque. On se calme. On passe à la négociation. Au bout du compte, courant 1994, nous n’avions plus les moyens de payer des avocats. Parce qu’il faut savoir qu’à Genève les frais d ’avocat et les frais de justice sont énormes.

A la suite de cela, je me suis adressé au procureur M. Kasper Ansermet. Je lui ai écrit. Il m’a reçu dans les quarante-huit heures, le 3 avril 1995.

Je lui ai remis, en mains propres, une plainte pénale, pour faux dans les titres et abus de confiance, contre les organes responsables de la BCG. J’ai profité de l’occasion pour lui remettre un dossier relatif à un financement effectué le 7 juin 1994. Une affaire portant sur plus de 5 millions, au taux fixe de 1,5 % d’intérêts pendant dix ans. C’est un immeuble qui valait, à l’époque, 3,5 millions. Les 5 millions représentaient le montant de la créance due à la banque. C’est une opération de portage.

Depuis 1989, il existait un Arrêté fédéral urgent sur la spéculation immobilière. Il interdisait de revendre un bien dans les cinq années consécutives à l’achat, sauf si on l’avait mis en valeur en y effectuant des travaux. Et il obligeait les acquéreurs à mettre 20 % de fonds propres. Là, en flagrant délit, la BCG propose au client de racheter l’immeuble sans mettre de fonds propres, puisqu’elle assure un crédit correspondant à 100 % du prix de vente.

Enfin, j’ai remis, au procureur, un autre dossier, relatif à 126000.- FS que me doit la BCG. Elle n’a pas respecté une convention signée à l’époque. L’entretien avec M. Kasper Ansermet a été très chaleureux, pendant une heure et quart. Il m’a dit qu’il prenait personnellement cette affaire en mains et qu’il me tiendrait au courant.

Le temps a passé.

Au mois de juin 1995, M. Kasper Ansermet a reçu un blâme, du Conseil de la magistrature, à cause de la manière dont il avait mené une enquête contre M. Nessim Gaon.

Depuis ce moment-là, M. Kasper Ansermet a changé d’attitude et n’a plus manifesté aucun intérêt à l’égard de ma plainte. Il faut rappeler que M. Nessim Gaon a des liens avec la BCG.

En août 1995, j’ai relancé M. Kasper Ansermet. Nous avons eu une conversation téléphonique. Il m’a alors dit :
« Je pense que votre affaire est plus civile que pénale. »

En septembre 1995, j’ai reçu une « invitation » pour subir un interrogatoire à la brigade financière de la police de Sûreté. Je me suis retrouvé, non pas dans la situation d’un plaignant, mais dans celle d’un éventuel futur inculpé...

Pendant une heure, une inspectrice m’a posé des questions très agressives :
« Pourquoi déposez-vous plainte contre la BCG ? Vous n’aviez qu’à pas demander de crédit ! La banque ne vous a pas demandé d’ acheter cet immeuble ! »

La deuxième heure d’interrogatoire a été moins agressive, parce que j’ai pu répondre aux allégations de la première heure. Là, l’ inspectrice était quand même gênée.

La troisième heure a été beaucoup plus détendue. J’avais même certains espoirs d’obtenir un rapport favorable. A la fin, l’ inspectrice m’a dit :

« Vous êtes content, maintenant, M. Chazaud ? »

« Pourquoi ? Vous allez inculper les organes de la banque ? »

« Non. Parce que vous avez déposé plainte contre eux. Vous vous rendez compte ? »

« Pourquoi ? Ils bénéficient d’un traitement de faveur ? »

« Non, mais il n’y a pas beaucoup de gens qui font comme vous. »

Après, nous n’avons plus eu de nouvelle.

Entre temps, procédure civile, contre la BCG. Cette procédure a avorté, parce qu’on ne m’a pas accordé l’assistance judiciaire, et je n’avais pas les moyens de payer les frais de procédure.

Pour engager une procédure civile, les droits d’introduction s’élevaient à plus de 70000.- FS pour un litige portant sur 10 millions. Si vous ne payez pas, le tribunal n’entre même pas en matière sur votre plainte civile. Ou alors, il faut demander l’assistance judiciaire. On me l’a refusée, pour le motif qu’il s’agissait d’un procès perdu d’avance... Comme vous n’avez pas d’argent et qu’on vous refuse l’assistance judiciaire, vous ne pouvez pas faire valoir vos droits. Le problème est réglé.

C’est alors, sur la base de tous les dossiers dont j’avais eu connaissance, que j’ai décidé d’alerter nos autorités politiques, puisque les fonds déposés à la BCG sont garantis par l’Etat de Genève.

Avec l’aide de représentants politiques, en octobre 1995, j’ai décidé de déposer une pétition au Grand Conseil, pour dénoncer la gestion de la BCG.

En mars 1996, j’ai été auditionné par la commission des Finances du Grand Conseil. Il y avait douze députés. En avril et mai 1996, audition, par la commission des Finances du Grand Conseil, de MM. Dominique Ducret et Marc Fues, dirigeants de la BCG.

M. Dominique Ducret était le président du conseil d’administration de la banque. Le conseil d’administration et les administrateurs ont des responsabilités légales, vis-à-vis des actionnaires, des déposants, etc... Ce sont eux qui doivent rendre des comptes, à propos de la gestion.

M. Marc Fues, le directeur général, était responsable de tous les employés, de tout le secteur bancaire. Tout ce qui sort des normes bancaires, toutes les grosses affaires doivent passer au conseil d’administration. Au comité de banque.

Mais je suis convaincu que certains membres du conseil d’administration de la BCG sont incompétents. Ce n’est pas de leur faute. Ils ne viennent pas du milieu bancaire. Ils ne sont pas formés. Certains sont nommés par des partis politiques, d’autres par la ville de Genève, d’autres par des actionnaires privés, etc... Il existe une clé de répartition des sièges.

En avril 1996, M. Ducret a refusé de répondre aux questions de la commission des Finances. Il a prétexté du secret bancaire. On a dû me demander un document le déliant du secret bancaire, dans l’affaire me concernant. La commission des finances n’a donc pu traiter, en mai 1996, qu’une des deux affaires que j’évoquais dans ma pétition.

Devant la commission des Finances, M. Dominique Ducret a dit :
« Si tous les clients de la BCG pensent qu’ils peuvent les uns et les autres s’adresser au Grand Conseil pour se plaindre, il est à craindre que ce dernier soit submergé, et ensuite -et surtout !-, c’est porter sur la place publique des faits qui pourraient nuire aux intérêts de la banque ! S’il y a un rapport sur cette affaire, cela va constituer un précédent qui va ouvrir la porte à toute une série de démarches de ce type ! »

M. Ducret a tenu à attirer l’attention de la commission des Finances sur « le danger qui découle de cette possibilité de n’importe quel citoyen de saisir le Grand Conseil. »

M. Ducret a suggéré que la commission des Finances se déclare incompétente, ou qu’elle dépose un rapport sans que celui-ci fasse ensuite l’objet d’un débat au Grand Conseil. Il a précisé qu’il craignait que la presse se saisisse du débat et il a ajouté que « même deux lignes contre la BCG feront les délices des concurrents, en particulier les banques zurichoises, dans la conjoncture actuelle où l’on joue à couteaux tirés ! »

Le député libéral M. Nicolas Brunschwig a déclaré que « le moins que l’on puisse dire est que certains collaborateurs de niveau supérieur ont été au mieux très incompétents ou au pire malhonnêtes. D’aucuns auraient saisi la justice. »

En résumé, le rapport de la commission des Finances disait : « Ce qui s’est passé est déplorable, mais c’est de l’histoire ancienne. Maintenant, ces choses ne sont plus possibles, parce qu’il y a des contrôles internes. Tout va mieux. »

Ce qui n’était absolument pas vrai."

La population n’est-elle pas en droit d’être informée ?

"Absolument. Les gens sont trompés. Le 8 novembre 1996, débat, au Grand Conseil, à propos de ma pétition. Une heure et quart de débat, retranscrit dans le Mémorial. Aucun article dans la presse... Pas une ligne. 2 décembre 1996, classement de ma plainte pénale, signé par M. Jean-Louis Crochet, nouveau procureur et successeur de M. Kasper Ansermet."

La plainte a-t-elle été classée sans qu’il y ait d’enquête ?

"En fait d’enquête, c’est moi, le plaignant, qui ai dû répondre aux questions de la brigade financière, à la police de Sûreté. La BCG a dû simplement remettre des pièces du dossier, pour se justifier.

Mais, ce qui est grave, ce sont les arguments du procureur, pour motiver le classement de ma plainte. Je vous les cite de mémoire : « M. Chazaud a tenté, mais en vain, de faire pression sur la banque par des moyens judiciaires et politiques...

On classe ma plainte, parce que j’ai utilisé des droits démocratiques...

L’un de mes amis, juriste, m’a dit, après avoir lu l’ordonnance de classement de ma plainte pénale : « Du moment que, dans l’ordonnance de classement, ils t’ont reproché d’avoir exercé des pressions, ils auraient dû déposer plainte contre toi. Parce que tu as exercé des pressions. Des pressions, c’est du chantage ! »

Je n’ai jamais exercé de pressions. J’ai déposé une plainte pénale. Et j’ai déposé une pétition au Grand Conseil. Ce sont des droits démocratiques.

Durant six ans, nous avons été empêchés d’accéder au dossier de la SI La Proue, tombée sous le contrôle des OPF depuis sa mise en faillite.

Quand, enfin, ça a bougé -parce que le scandale des OPF avait éclaté-, le premier relevé de gérance légale qu’on nous a montré, en septembre 2001, concernait l’encaissement des loyers pendant six ans. Les OPF étaient censés encaisser les loyers, pour les verser au créancier. Qui était le créancier ? Il s’agissait désormais de la BCG. Donc, en théorie, les OPF devaient encaisser les loyers, payer les petites charges d’entretien de l’immeuble et verser le solde disponible à la BCG. D’autant plus que la BCG a besoin d’ argent, dans la triste situation qui est la sienne... Eh bien, non ! Pendant ces six années, les OPF n’ont pas versé l’argent à la BCG. Ils l’ont versé dans les caisses de l’Etat de Genève. Je détiens les pièces qui le prouvent.

Ainsi, d’un côté, l’Etat de Genève s’engage, à hauteur de 5 milliards, pour soutenir la BCG. Il encaisse les loyers destinés à la BCG, et il garde cet argent, au lieu de le verser à la BCG. Et la BCG ne réclame pas cet argent, alors qu’elle y a théoriquement droit.

J’ai écrit, à ce propos. J’ai effectué des démarches. Je n’ai pas obtenu de réponse. Et on me dit que je suis « acharné » à vouloir impliquer des gens. Je n’ai toujours pas obtenu d’explication satisfaisante.

Nous avons envoyé deux plaintes, à l’autorité de surveillance des OPF, en demandant les comptes de la gérance légale. Nous n’avons pas obtenu gain de cause.

Une plainte pénale a été déposée, pour abus de confiance, en 1993, contre les organes de la BCG, par un monsieur dont je tairai le nom. C’est assez complexe à expliquer.

Disons qu’il y a eu un montage de crédits. La BCG a pris, à titre de garantie, les actions d’une société immobilière, propriétaire d ’un bien immobilier, et elle est devenue actionnaire de cette société. En qualité d’actionnaire de cette société, la BCG s’est accordée un prêt supplémentaire -qu’elle avait refusé aux anciens propriétaires-, pour réaliser la construction. La société est tombée en faillite et la BCG voulait faire porter le chapeau aux anciens actionnaires, alors qu’ils ne contrôlaient absolument plus cette affaire.

C’est un peu la même chose que ce qui s’est passé avec le Crédit Lyonnais et le fameux Florio Fiorini -qui n’était plus du tout maître du bateau, puisque le Crédit Lyonnais faisait ce qu’il voulait.

Dans le cas de cette affaire de la BCG, un entrepreneur genevois connu, M. Luc Perret -patron de Construction Perret-, devait réaliser l’ouvrage. Après le début des travaux, il y a eu un défaut de construction et les propriétaires lui ont réclamé 1 million. Comme M. Perret est très bien vu par les organes de la BCG, dès que la procédure contre son entreprise a été engagée, le crédit accordé aux plaignants a été dénoncé...

Deux ans plus tard, en lisant la Feuille d’Avis Officielle, on constate que l’immeuble est devenu la propriété de M. Luc Perret... Et avec des conditions de prêt extraordinaires, puisqu’il ne paie pas d’intérêt aussi longtemps que l’immeuble reste vide.

Cela est prouvé par des pièces que j’ai vues au Palais de justice, dans le dossier de l’instruction.

Dans le cas d’une autre plainte pénale déposée, par l’un de nos membres, contre la BCG, en juillet 1998, nous sommes allés consulter le dossier déposé au Parquet. Nous avons pris note des documents qu’il contenait.

Comme notre membre a fait recours contre l’ordonnance de classement du Procureur Général, M. Bernard Bertossa, le dossier est passé à la chambre d’accusation, qui a confirmé le classement.

En janvier 1999, nous sommes retournés consulter le dossier. Le contenu du dossier n’était plus le même qu’en juillet 1998... Sur les cinq classeurs, l’un avait disparu. Certaines pièces, dont nous avions noté l’existence, n’y étaient plus.

Nous avons demandé, au procureur général, une copie des pièces qui intéressent notre membre.

Par exemple, dans l’une des pièces, le juge d’instruction écrit à la BCG : « Je vous prie de m’envoyer le dossier de M. « X » dans les quinze jours, faute de quoi je me verrai dans l’obligation d’effectuer personnellement une perquisition chez vous. »

Si quelqu’un dépose une plainte pénale contre moi, le juge d’instruction ne va pas m’écrire : « Si vous ne répondez pas à mes questions dans les quinze jours, je ferai une perquisition chez vous. »

Je n’ai jamais vu ça. La BCG bénéficiait d’un traitement de faveur systématique."

N’est-ce pas une façon de dire que vous avez quinze jours pour faire disparaître le dossier ?

" Voilà ! Il les met en alerte ! Bien entendu... Alors, on a demandé les pièces, mais on s’est entendu répondre que le procureur général Bertossa ne voudrait peut-être pas nous les donner, parce que les organes de la BCG n’avaient pas été inculpés.

Dans ce système mafieux, si vous opposez, devant les tribunaux, deux citoyens dépourvus de relations politiques ou autres, la justice arrive encore à fonctionner. Par contre, si l’un des deux justiciables bénéficie de relations politiques et dispose d’un pouvoir d’influence, c’est fini. Les dés sont pipés. La justice ne peut plus fonctionner.

Il arrive que nous nous déplacions, pour représenter les membres de notre association, quand leurs biens sont vendus aux enchères. Un jour, par hasard, pour un des membres, j’assiste à une vente aux enchères. Dans la salle, assises juste sur la rangée devant moi, trois personnes. Elles misent, et tout ça. Un nom est annoncé, comme acquéreur, et je me dis : « Tiens, ce nom-là me dit quelque chose !... » Parce que j’avais le dossier d’un membre qui avait déposé une plainte pénale contre la BCG. En fait, j’avais, juste devant moi, mon ancien professeur de l’Ecole d’ingénieurs -j’ai été diplômé, en 1976- et, à côté de lui, il y avait son fils, qui est juge d’instruction. Et ce monsieur instruisait le dossier d’un membre qui a déposé plainte contre la BCG. A la fin de l’enchère, à côté, il y avait un représentant de la BCG. Il a serré la main du juge d’instruction, de son père, et de son partenaire :
« Alors, on se voit bientôt ! Je vous félicite pour votre achat ! »

N’est-on pas frappé, dans ces affaires, par le mépris complet de toute légalité ? Un mépris manifesté non seulement par le milieu politique, mais aussi par l’administration et la magistrature. Tout se déroule dans une ambiance cynique et amorale.

" Je dirais qu’il y a des juges très sympathiques qui travaillent certainement beaucoup.

Mais il y a le problème des élections judiciaires. Dans le canton de Genève, ce sont les partis politiques institutionnels qui choisissent les juges en vue de l’élection. Quand on regarde les gens en place, dans tous les tribunaux, 98,5 % sont sous contrôle du PDC, du parti libéral, du parti radical et du parti socialiste... Comment voulez-vous que ces juges, lors d’enquêtes futures, inculpent des gens qui les ont désignés pour l’élection ? "

N’est-ce pas institutionnaliser le trafic d’influence au sein de la magistrature ?

"C’est clair. Et c’est pourquoi le mouvement genevois Action citoyenne -que je soutiens- préconise d’instituer une école de la magistrature, commune à plusieurs cantons. Les magistrats sortant diplômés de cette école exerceraient leurs fonctions sans être nommés par le pouvoir politique.

« Qu’il s’agisse du scandale de la BCG ou de celui des OPF, le plus grave c’est qu’ils n’ont éclaté que grâce à de simples citoyens privés d’appuis, et quelques journalistes qui ont réussi à faire passer des articles. C’est pour ça, que ça a bougé. Sinon, j’ignore où on en serait actuellement...

J’estime que les banques sont grandement responsables de la situation économique, dans le domaine de l’immobilier. Entre 1985 et 1989, elles prêtaient davantage que ce qu’on leur demandait. Elles poussaient à la consommation. Pour tout vous réclamer quelques années plus tard. Elles se retrouvent toujours avec le contrôle du bien immobilier qu’elles ont financé. Elles sont devenues propriétaires de pratiquement tous les terrains et immeubles qui étaient en contentieux."

Ainsi, les centaines d’hectares de locaux commerciaux vides qu’il y a à Genève appartiennent-ils à des banques ?

" Certainement. Tout est sous contrôle bancaire. Ou alors, vous avez encore des propriétaires, inscrits au registre foncier, mais ils sont sous contrôle de la banque. Parce que les crédits ont été dénoncés."

Les banques détiennent-elles donc pour une énorme valeur d’immeubles de bureaux qu’elles ne peuvent pas louer ?

"Les bureaux ne trouvent pas de preneurs. Leur transformation en appartements implique des frais importants, au niveau sanitaires et tout ça. La conception des pièces n’est pas la même. A moins d’une reprise économique, dans le secteur tertiaire, ces bureaux vont demeurer vides."

Normalement, au niveau bancaire, comment un crédit immobilier s’effectue-t-il ?

" Un client vient demander un prêt. La banque fait procéder à une estimation de la valeur du bien -par exemple, le terrain, l’ immeuble ou la villa- qui servira de garantie pour le remboursement de l’emprunt. Admettons que le bien soit estimé à 500000.- FS. En général, la banque demande au client 20 % de fonds propres. Donc, sur les 500000.- FS nécessaires, la banque prête 400000.- FS.

Deux ans plus tard -le marché de l’immobilier évolue-, la banque est en droit de procéder à une nouvelle estimation du bien.

Manque de chance, le marché s’est effondré de 30 %. Au lieu de 500000.- FS, le bien ne vaut plus que 350000.- FS. La banque ne peut prêter que 80 % de ce montant, parce qu’elle doit se garantir une couverture, au cas où elle devrait réaliser le bien, dans l’ hypothèse où le client ne parviendrait pas à rembourser son emprunt. Puisque le bien ne vaut plus que 350000.- FS, la banque ne devrait plus consentir qu’un prêt de 280000.- FS. Comme elle avait accordé un prêt de 400000.- FS, elle est en droit de demander, au débiteur, un remboursement de 120000.- FS.

Si le débiteur est incapable de payer cette somme, la banque essuie une perte que la valeur du bien ne suffit pas à éponger. Comme la banque a accordé, simultanément, un grand nombre de crédits immobiliers et que tous les débiteurs se retrouvent simultanément dans la même situation, à cause de l’effondrement du marché, la banque subit une perte sur toutes ces opérations simultanément... Le total des pertes peut représenter une somme astronomique.

Pour la banque, le portage a pour but de refinancer le montant qu’elle a prêté à un client incapable de rembourser. Cela évite de comptabiliser une perte en tant que telle...

Comme la banque ne peut pas refinancer le crédit à elle-même, elle le refinance, soit à des personnes physiques -solvables ou non-, soit à des sociétés anonymes (SA) créées à l’extérieur de la banque ; en l’occurrence, auprès de certaines régies immobilières.

Par exemple, la banque demande à un régisseur, avec qui elle collabore, d’être administrateur d’une SA créée chez un notaire. Il suffit de verser un montant de 100000.- FS pour la constitution du capital. La SA « X » est ainsi créée. La banque n’est pas administratrice de cette société. Ensuite, cette SA -j’ai une liste de SA connues, qui font ça régulièrement- rachète le bien immobilier, non pas à la valeur du marché, mais à la valeur de la dette due à la banque...

Par exemple, si la banque avait une créance de 1 million, sur un immeuble qui vaut 600000.- FS, la société de portage le rachète à 1 million. Donc, la banque évite de comptabiliser une perte."

Mais quelle est la réalité ?

"La réalité, c’est que la banque n’a pas comptabilisé les 400000.- FS de perte qu’elle aurait dû comptabiliser.

La société de portage ne prend aucun risque. Elle emprunte 1 million, mais à quel taux d’intérêts ? Au taux d’intérêts correspondant au revenu locatif net... C’est-à-dire que, si les loyers de l’immeuble rapportent 1,5 %, la banque va accorder le crédit à un taux de 1,5 %, de façon à ce que la société de portage ne soit pas en difficulté."

Mais ne se retrouve-t-elle pas avec une dette, alors que les loyers perçus sur l’immeuble paient tout juste les intérêts ?

" La dette subsiste. Mais, pour la banque, c’est une nouvelle société. Un nouveau débiteur. Ce n’est pas comme s’il fallait reconnaître que l’ancien débiteur n’a pas réussi à rembourser son emprunt...

En général, le contrat est établi sur dix ans. Cela veut dire que la société ne court aucun risque, pendant dix ans... De toute façon, ce n’est qu’une SA créée sur demande de la banque."

Mais le seul but de l’opération n’est-il pas d’externaliser une perte ?

"Au niveau comptable, le but de la banque est de camoufler 1 million qui figurait au contentieux -un crédit non remboursé. En procédant à cette « vente » de l’immeuble qui servait de garantie à l’emprunt, la banque annule le million qu’elle avait au contentieux et, d’un point de vue comptable, elle le présente comme un crédit « normal » accordé à une société de portage."

N’est-ce pas de la manipulation comptable ?

"C’est de la manipulation.

Alors, voyons ce qui s’est passé à la Banque Cantonale de Genève (BCG), qui a effectué des opérations de portage, précisément pour éviter de comptabiliser des pertes...

Avant la création de la BCG, il y avait, d’une part, la Banque Hypothécaire du canton de Genève -qui était la banque des communes genevoises- et, d’autre part, la Caisse d’Epargne -qui était la banque de l’Etat de Genève. Le capital de l’une était garanti par les communes, tandis que l’Etat garantissait le capital de l’autre.

Comme la Banque Hypothécaire s’était spécialisée dans le domaine de l’immobilier, elle a prêté énormément d’argent dans ce secteur. C’était sa vocation principale.

Plus de 140 millions ont été engloutis dans l’affaire Sécheron."

Pouvez-vous nous résumer l’affaire Sécheron ?

"Les Ateliers de Sécheron voulaient, soit quitter Genève, soit vendre leurs terrains pour être relogés ailleurs, dans le canton.

Comme cette entreprise était l’un des derniers fleurons industriels de Genève, le conseiller d’Etat Jean-Philippe Maître -PDC-, alors chef du Département genevois de l’économie publique, s’est fait un honneur de « sauver Sécheron ».

Comme par hasard, l’homme d’affaires Nessim Gaon voulait acheter ces terrains industriels, mais pour construire des immeubles. Pas pour faire de l’industriel. Or, les terrains sont classés en zone industrielle...

M. Nessim Gaon a payé ces terrains plus de 2000.- FS le m2, sans même faire une promesse d’achat liée au changement de zone d’ affectation des terrains. Alors que, normalement, en zone industrielle, l’Etat de Genève tolère, au maximum, un prix de 500.- FS le m2."

Pourquoi Nessim Gaon a-t-il payé ces terrains quatre fois plus cher que le prix maximum autorisé ?

"Parce que la Banque Hypothécaire lui a prêté l’argent nécessaire.

Nessim Gaon est un monsieur qui connaît les affaires. S’il a acheté ces terrains sans avoir l’autorisation de construire, il allait au casse-pipe. Il est très dangereux d’acheter des terrains sans savoir ce qu’on peut y faire. Donc, s’il l’a fait, c’est qu’il avait des garanties du Conseil d’Etat genevois, pour un changement de zone d’affectation de ces terrains.

On m’a confirmé qu’il avait obtenu des garanties, sauf celles des conseillers d’Etat Christian Grobet et Bernard Ziegler."

Les autres conseillers d’Etat lui ont-ils garanti : « Si vous achetez ces terrains industriels, on les déclassera en zone à bâtir ?

" Bien entendu. Sinon, il ne les aurait jamais achetés. Il n’est pas fou. "

Surtout les acheter quatre fois plus cher que le maximum de la valeur autorisée...

" Bien sûr !...

Avec ça, Sécheron a reçu, de M. Gaon, 120 millions pour la vente des terrains ; et 40 millions, aux frais des contribuables, pour les coûts de construction des nouveaux bâtiments, dans la zone industrielle de ZIMEYSA... "

Si les terrains avaient été déclassés en zone à bâtir, leur prix cessait-il d’être excessif ?

"Disons que les projets immobiliers devenaient réalisables. Tout à fait. M. Nessim Gaon voulait construire des immeubles assez élevés. Il arrivait à rentabiliser.

Mais le résultat est que les terrains sont demeurés en zone industrielle. Il n’y a toujours rien de construit. Et la Banque Hypothécaire a englouti 140 millions dans l’affaire, dont 20 millions de dépenses inavouables. Elle n’a pas pu récupérer l’argent.

La fusion entre la Banque Hypothécaire et la Caisse d’Epargne s’est traduite, le 1er janvier 1994, par la création de la BCG. Cette fusion a été impérativement exigée par les représentants de l’Etat de Genève, parce que la Banque Hypothécaire était en situation de faillite.

Les représentants des deux banques et du Conseil d’Etat ont, chacun, désigné un expert architecte, pour évaluer tout le patrimoine immobilier. Les dossiers et les risques.

Là-dessus, d’un point de vue comptable, on a constitué pour 1 milliard de provisions, dans le but de faire face à des risques encourus. Cela signifie que la banque risque de perdre 1 milliard...

Il existe des manières subtiles de constituer ces provisions. Soit on dispose vraiment des fonds pour le faire, soit on peut surévaluer les actifs -par exemple, la valeur des immeubles- qu’on a au bilan.

Ce milliard de provisions signifie que les deux banques reconnaissaient, plus ou moins, avoir fait 1 milliard de pertes.

Apparemment, ça ne suffisait pas puisque, depuis fin 1992, début 1993, la BCG pratiquait le portage.

La perte liée à l’affaire de Sécheron est passée à la BCG, qui a vendu les terrains à deux sociétés de portage. Parce que personne ne va racheter cette affaire pour 120 millions.

D’après la liste des opérations de portage que nous connaissions début 1999, et compte tenu de celles que nous ignorions -des opérations de portage effectuées par des personnes physiques, comme tel client qu’on ne veut pas mettre en difficulté-, nous estimions que les pertes réelles de la BCG étaient de l’ordre de 3 milliards. Notre estimation devait se confirmer par la suite, puisque l’Etat a provisionné 2,7 milliards en 2001.

Il faut savoir que la BCG traitait les débiteurs de façon inégale. A l’égard des petits débiteurs, la BCG pratiquait la politique des grandes banques. Elle dénonçait le crédit, mettait l’immeuble en vente, et elle le reprenait. Mais les grandes banques reprennent l’immeuble à la valeur du marché, le jour de la vente, tandis que la BCG le reprenait au montant de la dette, ce qui lui évitait de comptabiliser des pertes.

Si on avait effectué un contrôle digne de ce nom, les experts auraient examiné les cent vingt dossiers que nous pouvions leur désigner -et il y en avait probablement d’autres-, pour effectuer des estimations de la valeur actuelle du bien. Ils vérifiaient le crédit en cours. Et ils demandaient le remboursement de ce qui manquait. Comme les débiteurs étaient incapables de rembourser, la BCG était foutue... Elle est était en faillite.

Le portage était fait à des débiteurs insolvables ! En 1995, ils m’ont proposé de me refinancer le crédit que je leur devais, et annuler le précédent crédit."

Par rapport aux épargnants, dont les économies constituent une partie du capital de la banque, ne s’agit-il pas d’une escroquerie -au moins d’un point de vue moral- et, en tout cas, d’un abus de confiance ?

"C’est sûr.

Réfléchissons. A Genève, nous avons la Banque Cantonale de l’Etat. On voit ce qui s’est passé, à propos de la politique des crédits. On constate que M. Dominique Ducret était en poste, depuis 1981, au conseil d’administration de l’ex-Banque Hypothécaire. Sauf erreur, il a débuté comme secrétaire du conseil d’administration, puis il est devenu vice-président. Quand M. Raisin a démissionné, M. Ducret est devenu président. Ensuite, lors de la fusion entre la Banque Hypothécaire et la Caisse d’Epargne -fusion dont est issue la Banque Cantonale de Genève-, M. Ducret est devenu président de la BCG. Il a été présent durant au moins dix-huit ans. Il est informé de toutes les affaires que nous citons, et de celles que nous ignorons.

En 1998, le Conseil d’Etat genevois a mis son poste en question. Mais un ancien collaborateur du Palais de justice m’a dit que personne n’a voulu prendre sa place. Cinq personnes ont été contactées, par le Conseil d’Etat, mais toutes ont refusé la place... Cette place devait être très inconfortable.

Le 17 février 1998, nous avions diffusé un communiqué de presse relatif à un conflit d’intérêts de M. Dominique Ducret, président du conseil d’administration de la BCG. Il s’est octroyé, à lui-même et au promoteur immobilier M. Jean-Pierre Magnin, des prêts destinés à l’achat de terrains... Notre communiqué de presse n’a pas eu de suites.

Comment voulez-vous que le président d’une banque défende les intérêts de la banque, alors qu’il emprunte de l’argent avec un client ?

Comme M. Dominique Ducret affirmait traiter tous les promoteurs de la même façon, je lui ai envoyé un courrier, pour lui rappeler ses achats immobiliers avec M. Jean-Pierre Magnin. Quinze jours plus tard, il vendait ses terrains -parce que M. Jean-Pierre Magnin avait été mis en faillite- à une société de portage contrôlée par lui-même... "

Sur quelle somme cette affaire portait-elle ?

" Plus de 1 million. Le 7 décembre 1998, nous avons expédié un courrier à la Commission fédérale des banques. Il s’agit d’un dossier que nous avons également transmis au Conseil d’Etat genevois et à la commission d’enquête du Grand Conseil sur la BCG. Car il faut savoir qu’il existe une commission d’enquête sur la BCG... "

Cette commission d’enquête a-t-elle produit un résultat quelconque ?

"Depuis le mois de septembre 1998, je ne sais pas combien de fois elle s’est réunie. Ses membres sont tenus au secret.

A la fin de 1998, le Conseil d’Etat genevois a demandé, à la Commission fédérale des banques, un petit rapport sur la BCG. En résumé, la Commission fédérale des banques a répondu : « Selon le rapport de l’organe de contrôle de la banque, la société Atag Ernst & Young, tout va bien. »

Atag rendait toujours des rapports favorables sur les comptes de la BCG. On a de la peine à imaginer qu’une société fiduciaire produise des rapports négatifs sur une banque qui lui paie ses honoraires... "

L’entreprise qui établissait le rapport était payée par la BCG ?

"Voilà... C’est la réalité."

Il ne s’agissait donc pas d’une enquête indépendante ?

"Ah non ! C’est un organe extérieur, mais qui est payé par la BCG.

Il en va de même pour d’autres entreprises. Mais, quand il s’agit d’une PME, si elle est vraiment en difficulté, je peux vous dire que l’organe de contrôle dénonce l’entreprise. Parce qu’il a une responsabilité légale, vis-à-vis de la justice. Mais, quand il s’ agit d’une banque, on voit mal une fiduciaire déclarer que la banque doit déposer le bilan... C’est rarissime, voire impossible.

Quand vous voyez qui siège au sein d’Atag... Par exemple, il y a Dominique Grobéty -ancien responsable de l’Office des poursuites. Il y a des liens avec d’autres personnes, comme l’ex-conseiller d’Etat socialiste Bernard Ziegler. Les relations de copinage peuvent aussi jouer un rôle.

Pour en revenir à notre dossier, transmis à la Commission fédérale des banques et au Grand Conseil genevois, on y parle des opérations de portage ; de conflits d’intérêts...

Nous avons lu, dans le quotidien Le Monde, que la BCG avait racheté, pour 350 millions de francs français, la Banque d’ Investissements Privés (BIP), à la place de l’université, à Genève. En lisant l’article, nous nous sommes étonnés, parce qu’il apparaissait que la BIP -ex-filiale de la Banque Rivaud, à Paris- servait de plaque tournante à des activités de recyclage d’argent sale, par mise en ouvre de cautions fictives.

C’est-à-dire que la Banque Rivaud envoyait ses clients déposer de l’argent, à Genève, à la BIP ; et la BIP émettait une garantie pour accorder un crédit à Paris... Comme ça, l’argent était blanchi.

Et la BCG a racheté la BIP, alors que des dirigeants de la BIP ont été inculpés, en France... Blanchiment d’argent politique. Il y avait une histoire politique.

Quelle clientèle la BCG a-t-elle bien pu reprendre, en rachetant la BIP ?

Pourquoi la BCG, qui doit s’occuper des entreprises genevoises, des citoyens genevois, va-t-elle racheter la BIP, dont les dirigeants viennent d’être inculpés pour blanchiment d’argent ?"

Et comment se fait-il, alors que la BCG avait déjà tellement de problèmes financiers, qu’elle soit encore allée acheter une autre banque ?

« Voilà !...

Alors, nous avons notre petite idée, mais nous n’avons pas de preuve.

La BCG s’est précipitée, pour racheter la BIP. En logique bancaire, si une autre banque avait racheté la BIP, cette autre banque aurait accédé à tous les documents internes : dossiers des clients, etc...

A notre avis, la BCG savait ce qui se passait au sein de la BIP. Peut-être certains clients, qui voulaient blanchir de l’argent, ont-ils été à la BIP avant d’emprunter de l’argent à la BCG. Parce qu’apparemment cette BIP se livrait à passablement de choses analogues. Si une autre banque avait racheté la BIP, elle aurait pu découvrir le pot aux roses... "

Donc, selon vous, la BCG aurait racheté la BIP dans le but de prévenir des divulgations compromettantes ?

"Voilà, oui.

Mais nous n’avons pas de preuve. Il s’agit d’une supposition. Je ne suis pas la Commission fédérale des banques. C’est peut-être à eux de vouloir faire leur boulot !...

En 1998, la BIP a été absorbée par la Compagnie Bancaire Genève qui appartient à 40 % à la BCG. Depuis, la BIP n’existe plus.

Il y a encore le cas de la Cantrada Banca Privada Lugano SA. Pourquoi la BCG a-t-elle racheté cette banque, à Lugano ? Pourquoi achète-t-elle une banque, au Tessin ? "

Les banques tessinoises ne sont-elles pas réputées pour accueillir l’argent de la mafia italienne ?

"Eh bien voilà !...

Pourquoi la BCG -banque de l’Etat et des communes du canton de Genève-, qui devrait avoir pour vocation d’aider l’économie genevoise, va-t-elle acheter, à Lugano, cette petite banque privée du groupe United Bank of Switzerland, pour un montant que les parties ont convenu de tenir confidentiel ? Quelle clientèle la BCG a-t-elle repris ?

Je vous cite un autre fait relaté dans notre dossier : « Les avocats d’un importateur de voitures, poursuivi pour escroqueries devant le tribunal correctionnel de Lyon, ont souligné, à l’instar du procureur, l’ambiguïté du rôle joué par la Banque Cantonale de Genève dans cette affaire. A Genève, un membre de la direction de la banque a estimé que « la justice française fait une interprétation erronée des faits », sans autre commentaire. Patrick Minguez, 40 ans, est poursuivi pour avoir escroqué cent cinquante-deux personnes, avoir utilisé des fausses traites, des faux chèques et des chèques sans provision pour payer ses fournisseurs, pour un préjudice total évalué à 50 millions de FF.

« La matière première » du dossier est un prêt de 5 millions de FF effectué à Minguez par la banque suisse, a déclaré l’un des avocats de l’accusé, Me Jean-Luc Vincent. Il est une victime dans ce dossier qui n’est pas là, qui n’ose pas se constituer partie civile, c’est la Banque Cantonale de Genève », a lancé l’avocat devant le tribunal. Il a rappelé que cet établissement avait évalué à 6 millions de FF, capital et intérêts pénalisés, la somme qui lui serait encore due par la SA Minguez, mise en liquidation judiciaire. En garantie du prêt effectué par la banque a correspondu un dépôt d’espèces d’une même valeur. Ce dépôt, a précisé la défense, a été effectué par Minguez auprès de la banque avec de l’argent prêté par de mystérieux créanciers, appartenant vraisemblablement à la pègre. Minguez a toujours refusé de dévoiler leur identité en alléguant sa sécurité et celle de sa famille. Tant la défense que le procureur ont fait observer que l’ensemble de l’opération ressemblerait fort à du « blanchiment » d’argent sale.

« Il semblerait que l’opération n’ait été ni surprenante, ni nouvelle pour la banque », a lancé Me Jean-Luc Vincent. »

Pouvez-vous m’expliquer comment il se fait qu’un Français, qui a 5 millions à blanchir, débarque à la BCG ? On lui a bien donné l’ adresse ! Et on lui a même donné le nom du gestionnaire qui fait ça !

Cette affaire est sortie dans le quotidien français Le Progrès de Lyon et l’hebdomadaire français Marianne. Ces informations ont également été transmises à la Commission fédérale des banques. »

Et le résultat ?

"Plus de quatre mois après notre courrier, nous n’avions toujours pas de réponse...

Le Conseil d’Etat genevois et la commission d’enquête parlementaire ont tous deux accusé réception, mais sans répondre.

La Commission fédérale des banques n’a même pas accusé réception... On a essayé de téléphoner. Il nous a fallu environ trois semaines, pour contacter M. Tinguely -qui était notre interlocuteur depuis trois ou quatre ans. "

Quelle a été son attitude ?

"C’était de dire : « Ecoutez, il n’y a pas grand-chose à espérer... »

C’était l’éternel refrain...

Le procureur général Bernard Bertossa a classé la plainte pour blanchiment, en alléguant que l’instruction n’avait pas réussi à prouver l’origine des 5 millions versés à la BCG par M. Patrick Minguez.

Ces messieurs du Palais de Justice genevois semblent avoir ignoré que nous étions en possession d’un second jugement, d’un tribunal français, confirmant, avec davantage de détails, que les fonds de M. Patrick Minguez sont loin d’être clairs. Ils ont été déposés à la BCG de Genève. M. Minguez a déclaré qu’il ne pouvait pas donner le nom de ses créanciers -les gens qui lui ont prêté ces 5 millions-, parce que, sinon, sa famille et lui-même seraient en danger. Cela figure dans un recours auprès de la Cour de cassation de Lyon.

Cela veut bien dire que l’origine de cet argent est hautement suspecte. En plus, M. Minguez a déclaré qu’il devait payer 30 % d’ intérêts, pour ce prêt.

Alors, quand, à Genève, on classe la plainte pour blanchiment, en alléguant qu’on n’arrive pas à prouver l’origine des fonds de M. Minguez, c’est un peu gros. Surtout de la part du procureur général Bernard Bertossa, qui s’exhibait sur les plateaux de télévision pour se vanter de lutter contre le blanchiment. De toute évidence, quand il s’agissait de la BCG, M. Bertossa préférait fermer les yeux.

Il ne faut pas oublier que, depuis 1993, il y a eu plusieurs plaintes déposées, contre les dirigeants de la BCG. Ces plaintes ont été classées. Ce qui est curieux, c’est que vous reprenez des éléments de ces plaintes classées, vous les réintroduisez dans la plainte globale du 17 mai 2000 et ce n’est plus classé.

Dans la plainte du 17 mai 2000, l’un des cas évoqués était la fameuse convention passée entre la BCG et Jurg Stäubli. Cette affaire avait déjà été évoquée en 1995, par la Tribune de Genève. La BCG avait accordé, à Jurg Stäubli, un prêt de 80 millions de francs, dont il n’était censé rembourser que 800000.- FS. Et on lui accordait même des facilités pour ces 800000.- FS, puisqu’il ne devait rien payer avant 2001 et qu’il lui suffirait, ensuite, de payer 100000.- FS par an, pendant huit ans. Autrement dit, la BCG a fait cadeau, à Jurg Stäubli, des 91 % de 80 millions !. En 1995, plainte classée. On remet ça dans la plainte du 17 mai 2000 et là, tout à coup, il devient évident, pour la magistrature, que l’affaire n’est pas correcte.

Pourquoi la magistrature genevoise n’est-elle donc pas intervenue, à l’époque ?"

Les plaignants du 17 mai 2000 ont-ils été inquiétés ?

"Il y a eu des rétorsions. L’entreprise qui figurait au nombre des plaignants n’a plus obtenu de commandes pour tout ce qui dépend de la BCG et de la Fondation de valorisation. Il fallait s’y attendre. Mais, je vous rassure, cette entreprise ne va pas trop mal. Heureusement, elle a d’autres clients.

Il faut mentionner que le Département fédéral de justice et police a été alerté du dépôt de la plainte du 17 mai 2000 non pas par le Parquet genevois, mais par les actionnaires plaignants.

En principe, comme cette plainte dénonçait des violations de la loi fédérale sur les banques, le Parquet genevois aurait dû alerter Berne. A partir de là, soit Berne prend ça sous contrôle et mène l’enquête, soit l’enquête est déléguée à Genève."

Voulez-vous dire que le Parquet genevois a dissimulé l’information aux autorités fédérales ?

"Je l’ignore.

J’ai davantage confiance dans la police genevoise que dans la magistrature. Mais, les pauvres, je crois qu’ils en ont ras-le-bol. Parce qu’ils ont eu d’autres dossiers, où ils auraient dû arrêter des gens bien placés dans la république, et ils n’ont pas pu le faire. Il y a quand même eu des démissions, dans la police genevoise.

C’est un système mafieux."

Mais, si on arrive au développement d’une situation de type mafieux, n’est-ce pas précisément parce que, dans le milieu politique, et dans le milieu journalistique, pendant des années, il ne s’est trouvé personne qui ait eu le courage de réagir comme il l’aurait dû ; que chacun, par opportunisme, a chaque fois préféré se taire, et que cette passivité a permis au système de se développer, avec la complicité tacite de ceux même qui le réprouvent, en privé ?

"Exactement. J’ai contacté des politiciens de toutes tendances.

Au niveau du PDC, il n’y a rien à espérer, puisque M. Ducret est membre de ce parti.

Les libéraux, pour des raisons d’alliance électoraliste, ne cautionnent pas mais, disons... Il y a une déclaration du député Nicolas Brunschwig -un des patrons du grand magasin Bon Génie- qui est intéressante. Au sein de la commission des finances du Grand Conseil, il m’avait traité -sans que je sois présent- de « spéculateur de la pire espèce ». Comme j’avais obtenu une copie du rapport de cette commission, je lui ai adressé un courrier. Je lui ai écrit qu’avant de me traiter de « spéculateur de la pire espèce », il aurait pu se renseigner. Parce que je pourrais le traiter d’« employeur de la pire espèce », sur la base des propos d’une employée du Bon Génie qui me dit qu’elle est mal payée... Alors, il m’a répondu en s’excusant. Toutefois, au niveau de la BCG, il pensait que c’était du passé, que tout était rentré dans l’ordre.

Ces gens étaient au courant. Du fait de nos propres démarches, ils ne peuvent pas dire qu’ils méconnaissent.

Ensuite, vous allez voir du côté de la gauche.

Au parti socialiste -surtout du côté des femmes députées-, certaines personnes m’ont soutenu, dans mes démarches. Mais, à un moment donné, elles ont compris que j’irai jusqu’au bout. Là, elles ont eu peur. Dès qu’elles ont su que j’avais obtenu certains rapports de la commission des Finances, elles ont estimé que j’étais trop dangereux... Elles ont redouté qu’on les soupçonne à tort de m’ avoir transmis les documents entrés en ma possession.

Pour ma part, j’ai milité, pendant un certain temps, au parti d’extrême gauche Solidarités, l’une des formations de l’Alliance de gauche genevoise. J’ai même été candidat à l’élection du Conseil municipal de Meyrin. Parce qu’en octobre 1995, quand j’avais déposé ma pétition au Grand Conseil genevois, les gens de l’Alliance de gauche -et plus particulièrement le député Bernard Clerc- étaient les seuls à m’avoir soutenu.

En 2000, je consacrais l’essentiel de mon bénévolat à l’ASDEB, mais j’assistais encore à certaines réunions du parti Solidarités. Dans le périodique de Solidarités, j’ai pu faire paraître un article que j’avais intitulé : « BCG, un scandale pire que le Crédit Lyonnais ». Si on considère le montant des pertes de la BCG, proportionnellement à la population du canton de Genève, ces pertes représentent sept fois plus que l’affaire du Crédit Lyonnais.

Entre mars et mai 2000, j’ai informé les gens de Solidarités des implications du scandale de la BCG. Je leur ai expliqué qu’il faudrait faire le ménage jusqu’au bout. M. Vanek et compagnie s’en fichaient éperdument. Ils n’ont pas la franchise de vous le dire en face, mais ils vous écoutent et ne font rien. Cette absence de réaction m’a démotivé, par rapport à l’extrême gauche genevoise.

Je suis convaincu que, derrière cette passivité, il y avait du Christian Grobet. Au sein de l’Alliance de gauche -dont il est député et conseiller national-, tout ce qui est juridique passe par lui. Quand on sait que, par la suite, il s’est retrouvé à la Fondation de valorisation des actifs de la BCG.

Politiquement, l’Alliance de gauche avait tout à gagner en ameutant l’opinion publique, à propos du scandale de la BCG. Politiquement, l’exploitation de cette catastrophe financière était très intéressante. La BCG était un fief des partis bourgeois. Le président du conseil d’administration de la BCG a toujours été un membre du PDC.

Eh bien, au contraire, l’Alliance de gauche a avalisé le « plan de sauvetage » de Mme Calmy-Rey, conseillère d’Etat socialiste, cheffe du Département genevois des finances. Parce que Mme Calmy-Rey a fait appel aux bons offices de Me Christian Grobet, pour préparer ce « plan de sauvetage » : la loi du 19 mai 2000. »

En 1995, M. Christian Ferrazino -actuellement conseiller administratif de la ville de Genève- m’avait tenu le raisonnement suivant :
« Vous avez raison. La BCG est certainement en faillite virtuelle, mais est-ce que vous imaginez ce qui se passera, si l’Alliance de gauche diffuse une information en disant que la banque est en faillite ? Les épargnants vont se précipiter à la banque, pour retirer leur argent. La banque ne pourra pas faire face. La banque tombe en faillite. Qui paiera la facture ? Les petits et les moyens épargnants. »

Les fonds déposés à la BCG sont garantis, jusqu’à concurrence de 500000.- FS par client. En théorie, si la BCG tombe en faillite, c’ est à l’Etat de Genève de payer. Et, si l’Etat de Genève doit éponger 3 milliards de pertes -ou davantage-, qu’il faudrait ajouter aux 10 milliards officiels de la dette publique, l’Etat pourrait être mis en péril.

M. Ferrazino me disait :
« Et nos électeurs se retourneraient contre le responsable qui a diffusé la mauvaise nouvelle ! Ils mettraient la faillite sur le dos de l’Alliance de gauche ! »

N’est-ce pas un raisonnement d’opportuniste ? Il équivaut à pratiquer la fuite en avant ; parce que la BCG était virtuellement en faillite...

"On la maintenait en état de survie."

Oui, mais au moyen d’artifices comptables, etc...Comme le problème n’est pas résolu, il s’aggrave, au fil du temps.

"On le repousse."

Ne le repousse-t-on pas, pour des considérations électoralistes ?

"Les dirigeants de la BCG sont responsables de la situation. Ces gens-là ont certainement dû alimenter les élus politiques. Peut-être même financer des partis politiques. J’ai eu des échos, là aussi.

Mais peut-être s’agit-il aussi de gagner du temps, afin de pouvoir faire jouer la prescription par rapport à toutes ces affaires.

Nous avions déjà dénoncé ces procédés, à plusieurs reprises. Dix-sept journaux avaient reçu nos communiqués de presse. Nous avions même informé la Télévision suisse romande. Nous n’avions pas eu beaucoup de succès... Les journalistes disaient toujours : « C’est de la musique ancienne ! »

Mais il faut dire que toutes ces magouilles, quelles qu’elles soient, trouvaient un terrain propice, en tout cas à Genève, parce que les gens s’en foutaient."

La plupart des gens ne se doutent même pas de tout ça, parce que les médias ne les informent pas.

"C’est clair. Il y a un gros problème d’information.

Un journaliste de la Tribune de Genève m’avait dit que certaines personnes du canton étaient fichées chez eux, en sorte que, si elles expédiaient une lettre de lecteur destinée à publication, on les censurait...

A plusieurs reprises, nous sommes intervenus, auprès de la Tribune de Genève, et j’ai appris fortuitement, par sa secrétaire, que M. Guy Mettan -l’ex-rédacteur en chef et directeur- transmettait nos courriers à la BCG, pour qu’elle y réponde.

Ultérieurement, j’ai appris qu’un journaliste était allé interviewer M. Dominique Ducret. Ce journaliste l’a interrogé à propos de ses achats de terrains avec M. Jean-Pierre Magnin. Quand le journaliste a abordé ce sujet, M. Ducret lui a dit :

« C’est Chazaud ! »

« Comment, c’est Chazaud ? »

« Oui ! C’est lui qui vous a donné ces informations ! C’est toujours lui qui nous calomnie ! »

Un journaliste, qui a publié pas mal d’articles sur la BCG, m’a dit que celle-ci s’était plainte de lui et menaçait de retirer sa publicité à la Tribune de Genève...

M. Marco Cattanéo - le rédacteur en chef qui a succédé à M. Guy Mettan- m’a écrit qu’il ne trouvait pas trace de mes courriers relatifs à la BCG... C’est curieux, non ?

Depuis 1992, dans la Tribune de Genève, le journaliste Serge Guertchakoff et moi-même avons annoncé que la BCG avait des sociétés de portage, destinées à camoufler ses pertes. Les dirigeants de la BCG ont toujours affirmé que c’était faux, que ça n’existait pas. Désormais, c’est archi-connu et avoué.

Au fil des années, M. Guertchakoff a fait paraître des articles, aux ¾ censurés par le rédacteur en chef de l’époque, M. Guy Mettan -actuellement élu du PDC. Quand M. Cattanéo a succédé à M. Mettan, il y a eu une amélioration. Davantage d’informations ont été publiées.

Par contre, Le Courrier -qui voudrait faire croire à son indépendance rédactionnelle-, a brillé par son silence. Je leur avais communiqué un dossier, en 1995 ou 1996. Au lieu de me dire franchement qu’ils ne publieraient rien -parce qu’ils craignaient, de la part de la BCG, un procès qui les coulerait financièrement-, ils m’ont fait perdre mon temps en me menant en bateau... Il faut dire que Le Courrier n’ose pas dénoncer des politiciens de gauche, car il dépend financièrement des abonnements de complaisance de ce milieu."

N’est-on pas frappé par la capacité des médias suisses de censurer l’information ou de la présenter sous un jour trompeur ?

En fait -et de nombreux éditoriaux le démontrent-, les médias locaux s’efforcent délibérément d’entretenir la fiction d’un milieu politique composé d’altruistes dévoués au bien public. Quiconque critique le milieu politique est censé « tenir des propos de Café du Commerce », qu’on résume ironiquement à « tous pourris ! ». Lorsqu’il s’agit du milieu politique dans son ensemble, seule l’ admiration béate est « politiquement correcte », à en croire les grands prêtres du prêt-à-penser.

La conseillère d’Etat genevoise Micheline Calmy-Rey, ne présente-t-elle pas un exemple frappant de désinformation, de la part des médias suisses ?

Voilà une personne qui, pendant des années, a couvert toutes les magouilles du milieu politique, qui a dissimulé, qui a menti, qui a trompé la population, et que les médias nous présentent néanmoins comme une Superwoman au service de la veuve et de l’orphelin.

"Oh oui, c’est une Superwoman !.

D’ailleurs, le Harvard Club of Switzerland -l’association des anciens étudiants de l’université de Harvard, en Suisse- a organisé une conférence intitulée : « Comment le canton de Genève a réussi à redresser sa situation financière, par Micheline Calmy-Rey, présidente du canton de Genève ».

Ce qui est intéressant, c’est que le président de ce club est Lukas Mühlemann, président du Crédit Suisse, administrateur de Swissair -dont on mesure les brillants résultats- ; et le vice-président du club est Mario Corti, qui présidait Swissair au moment de sa faillite. Quel beau parrainage, pour Mme Calmy-Rey !.

En réalité, Mme Calmy-Rey a réussi à redresser le budget du canton de Genève grâce au décès de trois riches personnes, dont la succession a rapporté 320 millions de droits de succession au canton. D’habitude, les droits de succession rapportent une dizaine de millions.

Le résultat, ce sont des comptes officiels qui annoncent 9,6 milliards de dette. On ajoute 2,7 milliards de provisions pour la BCG et on arrive à une dette de 70000.- FS par contribuable : il y a cent septante-cinq mille contribuables, dans le canton de Genève. Cette réalité n’est pas brillante. Et, comme l’Etat de Genève garantit également la Fondation de valorisation des actifs de la BCG, il faut ajouter un risque de 2,3 milliards.

De son côté, la BCG a constitué 1,5 milliard de provisions qui correspondent à des pertes potentielles. Des pertes qui ne figurent pas à la Fondation de valorisation.

Et ces chiffres se modifient, s’aggravent régulièrement, parce que les responsables en « oublient » tout le temps.

D’abord, ils en ont pris pour 5 milliards « tout compris ». En 2001, ils ont ajouté 92 millions, puis encore 225 millions au mois de novembre.

Et il ne faut pas oublier que l’Etat de Genève garantit l’épargne de la BCG : 4,6 milliards !.

Alors, si on arrondit tout ça -pour garder une marge de sécurité-, on n’est pas loin des 20 milliards.

Voilà comment Mme Calmy-Rey a « redressé » les finances du canton de Genève. "

Ne les a-t-on pas redressées par des jeux d’écritures ?

"Oui. Mais c’est extrêmement grave. Une entreprise privée n’a pas le droit de manipuler sa comptabilité ainsi. "

Peu après la publication de l’interview que nous avons réalisé en 1999, M. Dominique Ducret -alors président du conseil d’ administration de la BCG- m’a expédié un courrier vous concernant, et destiné à vous diffamer, dans le but évident de vous discréditer et de jeter le doute sur la véracité de vos allégations. Ce courrier contenait le texte d’un jugement qui vous avait condamné, bien des années auparavant, à la suite d’une faillite.

En lisant ce jugement, on constatait que son contenu n’infirmait en rien vos allégations à propos de la BCG...

"Je sais que M. Ducret a expédié des copies de ce jugement dans plusieurs rédactions.

Le 15 janvier 2002, j’ai lu, dans la Tribune de Genève, que, selon Me Eric Alves de Souza, l’avocat de l’Etat de Genève, la Commission fédérale des banques savait, depuis le début des années 1990, que la société Atag, vérificateur des comptes de la BCG, procédait à l’étalement dans le temps des provisions de la banque. Cela veut dire que, depuis 1990, la Commission fédérale des banques connaissait la situation de la BCG et acceptait que les pertes soient provisionnées sur le temps. Ainsi, depuis en tout cas 1993, on nous a mené en bateau...

Dans le cadre de l’affaire Dorsaz, les gens de la Banque Cantonale du Valais avaient quelqu’un à eux au sein de la Commission fédérale des banques."

Pouvez-vous nous résumer ce qu’on a appelé « l’affaire Dorsaz » ?

"M. Jean Dorsaz était un Valaisan habitant à Fully, un petit bled près de Martigny. Il était l’agent local de la Banque Cantonale du Valais. Il accordait des crédits.

Parallèlement, il faisait des affaires immobilières. Pour lui, c’était assez simple de se faire accorder des crédits. Il les demandait à la Banque Cantonale du Valais. Il a réussi à obtenir des crédits pour plus de 400 millions.

Parmi les gens qui déposaient de l’argent auprès de M. Jean Dorsaz, à la Banque Cantonale du Valais, il y avait M. Michel Carron.

Un jour, M. Carron a voulu retirer une grande partie de son argent et il a constaté qu’une somme avait disparu de son compte... Alors, il a déposé plainte. "

C’est-à-dire qu’on lui piquait du fric sur son compte ?

"Oui. On avait utilisé ses fonds... Il n’a pas pu récupérer l’argent qu’il avait versé.

M. Dorsaz s’était livré à des manipulations bancaires. Mais il était protégé. M. Michel Carron a déposé plusieurs plaintes, qui ont toutes été classées, sans qu’il soit jamais auditionné...

Il y avait un responsable de la banque, le conseiller d’Etat Hans Wyer, qui était le chef des finances en Valais et aussi le président du conseil d’administration de la Banque Cantonale du Valais. Il savait tout ce qui se passait dans sa banque. Quand M. Dorsaz a emprunté plus de 400 millions, M. Hans Wyer était, bien entendu, au courant. Des sommes pareilles, ça passe par le conseil d’administration. Quand vous savez que M. Hans Wyer siégeait aussi à la Commission fédérale des banques, vous comprenez pourquoi ça n’a pas bougé.

On est quand même arrivé à mettre M. Jean Dorsaz en faillite, pour ses affaires personnelles. Il est passé au tribunal. Mais M. Hans Wyer n’a jamais été inquiété par la magistrature.

Les magistrats ont tenté de faire porter le chapeau aux réviseurs de la Banque Cantonale du Valais, mais ceux-ci ont pris des mesures pour se défendre. Les employés de la banque ont écopé de peines assez minimes, assorties du sursis. Mais les vrais responsables, au sommet, n’ont jamais été inquiétés.

En mars 2000, la Commission fédérale des banques avait renoncé à fermer les yeux sur la situation de la BCG. C’était devenu beaucoup trop grave. D’ailleurs, récemment, l’un des actionnaires de la BCG a déposé plainte contre le président de la Commission fédérale des banques.

Sur la base d’un rapport de cette Commission fédérale des banques, Mme Calmy-Rey a dit, en commission des Finances du Grand Conseil genevois, que la BCG tomberait en faillite si son « plan de sauvetage » n’était pas avalisé. Ce plan de sauvetage allait devenir la loi du 19 mai 2000, avec une clause d’urgence permettant de la soustraire au référendum et empêcher ainsi les citoyens de s’opposer à son adoption. Cette loi a été concoctée avec les juristes Me Bernard Ziegler et Me Christian Grobet.

Concrètement, il s’agissait, aux frais des contribuables, d’augmenter le capital actions de la BCG, d’engager l’Etat de Genève à hauteur de 5 milliards de francs, afin de garantir ce capital, de soustraire les casseroles immobilières du bilan de la banque et de les transmettre à une Fondation de valorisation constituée pour les besoins de la cause.

Cette fondation, dans sa conception, n’est donc rien d’autre qu’une gigantesque société de portage, chargée d’écouler, peu à peu, tous les immeubles que la BCG avait achetés au-dessus de leur valeur commerciale dans le but de camoufler ses pertes. Désormais, le portage se pratique avec la bénédiction des élus.

Avec M. Dougoud, nous avons recouru, auprès du Tribunal fédéral, contre cette loi du 19 mai 2000. Nous avons été les seuls à le faire.

Au Grand Conseil, ce même 19 mai 2000, le député libéral Michel Halpérin a fait un long discours, pour critiquer cette loi. Pourtant, aucun politicien n’a fait recours. Ils ont délibérément empêché les électeurs genevois de s’exprimer sur un risque financier de 5 milliards, et ceci alors que la dette de l’Etat de Genève s’élevait déjà à 10 milliards.

Quand nous avons recouru, auprès du Tribunal fédéral, contre la loi du 19 mai 2000, Mme Calmy-Rey a mandaté Me Bernard Ziegler, pour représenter l’Etat de Genève contre notre recours. Rappelons que Me Ziegler est, comme Mme Calmy-Rey, membre du parti socialiste. Il a été juge suppléant au Tribunal fédéral, de 1980 à 1985 ; puis conseiller d’Etat genevois, chef du Département de justice et police.

Il se trouve que Me Ziegler a acheté un immeuble, avec Me Charles Poncet, et cela grâce à un crédit de la BCG consenti à un taux d’ intérêts favorable. A cette époque, Me Ziegler avait été mandaté, par M. Dominique Ducret, pour s’occuper des dossiers des plus gros débiteurs de la BCG.

Quand j’ai su que Me Ziegler avait été mandaté par l’Etat, j’ai remis, à un journaliste de la Tribune de Genève, des documents prouvant que Me Ziegler défendait des intérêts en conflit avec la BCG. D’un côté, il est mandaté par M. Ducret pour défendre les intérêts de la BCG ; d’un autre côté, il défend des clients contre la BCG ; et on va le chercher pour défendre les intérêts de l’ Etat de Genève.

Le conseiller d’Etat, M. Lamprecht, chef du Département genevois de l’économie, a demandé à Me Ziegler de se dessaisir du mandat que lui avait confié sa camarade de parti, Mme Calmy-Rey. C’est ainsi que Me de Souza a hérité de ce mandat. "

Me de Souza continue-t-il dans la même ligne, ou se comporte-t-il correctement ?

"Je l’ignore. Je n’ai jamais été en contact avec lui.

Au tout début mai 2000, avant l’assemblée générale de la BCG, avant le dépôt de la fameuse plainte pénale contre les dirigeants de la banque, l’un de mes amis a téléphoné à Mme Calmy-Rey, pour lui dire : « Nous aurions des éléments à vous communiquer, concernant la BCG ». Elle nous a reçu dans les quarante-huit heures. Nous y sommes allés.

Il faut se remémorer le contexte de l’époque : M. Marc Fues, directeur général de la BCG, toujours en place ; M. Dominique Ducret, président du conseil d’administration, annoncé comme partant et, prétendant à la succession de M. Ducret, M. Jacques Perrot.

Nous avons dit à Mme Calmy-Rey que M. Perrot n’était pas un novice en matière financière et bancaire. Qu’il était, notamment, directeur d’une société qui s’appelle Medgroup SA, dont les actionnaires sont cubains -bien que nous n’ayons rien contre les Cubains ! Et que cette société, au lieu d’être domiciliée à la fiduciaire Duchosal -la fiduciaire de M. Perrot-, était domiciliée à la BCG !. J’ai dit, à Mme Calmy-Rey : « Il me semblait que la BCG était une banque pour les Genevois, pour l’économie genevoise, les PME. C’est bien ça, le message ? Parce que s’il faut sauver la BCG à n’importe quel prix, c’est non ! Comment se fait-il que cette banque cantonale serve de boîte aux lettres pour des sociétés appartenant à M. Perrot, dont les actionnaires sont cubains ? J’aimerais savoir ce que fait cette société à l’adresse de la BCG. C’est quand même plutôt maladroit, de leur part, de domicilier ces sociétés à la banque cantonale. Même pas dans une fiduciaire ; à la Banque Cantonale de Genève ! » Et Mme Calmy-Rey me dit : « Ah, mais, écoutez, Monsieur, vous savez. »

A l’époque, elle affirmait ne pas trouver un directeur général pour remplacer M. Marc Fues. Personne ne sonnait à la porte. Vous voyez ce que je veux dire ?

En mars 2000, dans un communiqué, le Conseil d’Etat genevois avait annoncé la démission de M. Marc Fues. En réalité, il n’a jamais démissionné. Il a été démissionné. Et par qui a-t-il été remplacé ? Par M. Blaise Goetschin, administrateur de la clinique des Grangettes que présidait M. Ducret. On ne peut pas dire que le choix de M. Goetschin exprime une véritable volonté de changement.

Deux mois après l’intervention de Mme Calmy-Rey devant la commission des Finances du Grand Conseil, les petits actionnaires de la BCG ont déposé leur première plainte pénale et toute l’affaire de la Banque Cantonale de Genève éclatait dans les médias.

L’affaire de la BCG a éclaté grâce au travail de documentation réalisé entre 1994 et début 2000, quand nous avons déposé la fameuse plainte pénale des petits actionnaires, le 17 mai 2000. Les plaignants étaient quatre personnes physiques et une petite entreprise de peinture. Ces plaignants ont témoigné d’un sacré courage.

N’étant pas actionnaire de la BCG, je ne pouvais pas signer avec eux. Pourtant, cette plainte pénale a été rédigée, à 75 %, par moi-même. Quant aux derniers 25 %, ils ont été rédigés par des experts juridiques et comptables. Elle était datée du 17 mai 2000 et elle a été déposée le lendemain. Cette plainte énumérait un certain nombre de cas précis et comportait des annexes. Compte tenu de sa médiatisation, la magistrature genevoise pouvaitdifficilementl’enterrer.

Nous avions accordé une exclusivité à l’hebdomadaireDimanche.ch. L’article est paru le dimanche 21 mai 2000, trois jours avant une assemblée générale de la BCG, avec, sur l’affichette des kiosques et des caissettes à journaux : « Plainte pénale contre les dirigeants de la Banque cantonale de Genève ».

Le 30 mai 2000, par l’intermédiaire de M. Marc Fues, directeur général, et de son juriste M. Burckhardt, la BCG a déposé plainte contre moi-même, l’ASDEB et inconnu, pour diffamation, calomnie et atteinte au crédit. Cette plainte se référait aux allégations de blanchiment d’argent figurant, entre autres, dans la plainte du 17 mai 2000. "

L’affaire Minguez ?

"C’est cela.

Voilà un tous ménages diffusé par l’Alliance de gauche, en juin 2000. Il y est dit : « Certains articles de la Tribune de Genève ont tenté de minimiser nos interventions, alors qu’il est notoire que l’Alliance de gauche est la seule formation politique qui soit intervenue sans relâche dans la gestiondelaBanque Cantonale et qui ait demandé, depuis plus d’une année déjà, une enquêtepénale contre ses dirigeants aujourd’hui inculpés par un juge d’instruction ».

En réalité, l’Alliance de gauche n’a jamaisdéposé de plainte pénale. Seuls les cinq actionnaires ont déposé une plainte pénale. Personne d’autre ne l’a fait.

Le tous ménages poursuit : « Nous n’entendons pas relativiser les interventions d’autres acteurs. Mais nous réfutons la thèse de la Tribune de Genève, selon laquelle des petits actionnaires, dont certains font partie des débiteurs ayant pillé la BCG (ce qui est absolument faux !), seraient les seuls à avoir agi ».

Les partis politiques, il y en a qui mangent beaucoup. Il y en a qui mangent un peu moins. Mais ils mangent tous. Même les partis de gauche, ils mangent. Ils mangent grâce au système des subventions.

Comment faire tourner une association qui dérange ? On a besoin d’argent. Nous-mêmes, à l’ASDEB, on a besoin d’ argent. Les autres associations, on leur dit : « Si vous avez besoin d’une subvention, faites une demande ! » Alors, vous faites une demande, et la subvention est votée, grâce à vos petits copains du Conseil municipal ou du Grand Conseil.

Vous partez d’une association qui n’a pas un rond. Vous obtenez une subvention qui permet de salarier des gens, de payer le loyer d’ un local, de manger. A partir de là, l’association est tenue par le milieu politique. Vous êtes coincé. Vous faites quoi ? Vous dérangez ? On vous coupe la subvention. Au revoir !.

En échange de petites subventions de 50000.- FS, 100000.- FS, on arrive à contrôler tout le système. On tient le petit comme le plus gros. Le plus gros coûte plus cher. On voit ce que ça a donné avec la BCG.

Toutes les entreprises ont des crédits bancaires. Comment voulez-vous qu’elles crient contre la BCG ?Cellesquicrient sont celles qui n’ontplus de crédit. Leurs crédits ont été dénoncés. Elles ont fait faillite.

Les politiciens sont tellement primaires, avec leurs « argumentations ». On m’a balancé, en face : « Toi, tu es pour Nessim Gaon, parce que tu es contre la BCG ! » J’ai répondu : « Pauvre imbécile ! Je ne suis pas pour Gaon. Je ne le connais pas et je ne veux pas le connaître. Et je suis partisan de la BCG. Mais je suis contre ces gens qui se sont servis de cette banque pour leurs magouilles. Je veux qu’ils paient. Je ne veux pas que ce soient les citoyens qui paient. C’est ça, la base de notre lutte ! »

En juillet 2000, alors que le recours contre la loi du 19 mai 2000 était pendant au Tribunal fédéral, par l’intermédiaire d’une députée, Me Grobet a demandé à me voir. Je l’ai rencontré, à son étude. Il m’a demandé pourquoi j’avais fait recours. Je lui ai dit : « C’est très simple à comprendre. Je fais recours parce que les électeurs-contribuables genevois ne sont pas sollicités d’ approuver cette loi qui les engage à hauteur de 5 milliards. En démocratie, c’est inadmissible ». Il m’a demandé quelles étaient mes conditions, pour retirer le recours.

Donc, ils avaient peur. Parce que, juridiquement, le recours était valable. On l’avait rédigé avec des avocats. Ce qui n’allait pas empêcher le Tribunal fédéral de nous débouter.

J’ai dit à Me Grobet : « Je veux que l’Etat de Genève dépose plainte pénale et se constitue partie civile contre les responsables de la BCG, en demandant des dommages et intérêts. Tout ça pour éviter aux contribuables de payer l’ardoise. Qu’on aille chercher l’ argent chez ceux qui l’ont pris. Parce qu’on peut récupérer une certaine somme ». Me Grobet m’a rétorqué : « Non ! Non ! Non ! Alors là, je ne suis pas d’accord avec toi (il me tutoyait) ! Il ne faut absolument rien faire pour déstabiliser la banque. Sinon, les gens vont prendre peur et ils vont retirer leurs économies. Ce sera la panique ! ».

Ce qui était assez désagréable, c’est qu’à deux reprises il m’a demandé : « Mais, pour toi, qu’est-ce que tu veux. ? » Pour retirer mon recours. Je lui ai dit : « Mais, moi, je ne veux rien. Moi, j’agis dans l’intérêt général. Tu connais mes conditions : l’Etat de Genève dépose plainte, avec les actionnaires, il se constitue partie civile, et je retire mon recours ». Et, encore avant de partir, après plus d’une heure d’entretien, il me sort : « Mais, dis donc, mais, toi, ton affaire personnelle avec la BCG, c’est où ?. Parce que, tu sais, je suis à la Fondation de valorisation. » Il y avait été nommé. D’ailleurs, je lui avais signalé que son collègue, M. Moser, était à l’origine de mes déboires immobiliers.

Voilà pour l’Alliance de gauche et Christian Grobet. Ils sont tous de mèche.

En septembre 2000, j’ai reçu une « invitation » pour être auditionné par la brigade financière de la police de Sûreté genevoise. J’ ai confirmé mes allégations de blanchiment contre la BCG. Ces allégations se fondent sur des actes juridiques de tribunaux français.

A l’époque où j’ai été entendu par la brigade financière, l’instruction concernant les allégations de blanchiment n’était de loin pas terminée. Et pourtant, déjà, on m’interrogeait pour déterminer si je diffamais ou si je calomniais.

La juge d’instruction saisie du dossier, Mme Junod, était allée jusqu’à dire à mon avocat que, si je récidivais dans mes allégations concernant les dirigeants de la BCG, elle m’inculperait !"

Ce qui ressort, de la suite de l’enquête de l’ASDEB, c’est que plusieurs des actuels conseillers d’Etat genevois sont compromis dans les magouilles de la BCG, puisqu’ils étaient membres des conseils d’administration de la Banque Hypothécaire ou de la Caisse d’ Epargne avant qu’elles fusionnent pour constituer la BCG.

Confirmez-vous ?

"Tout à fait !"

Pouvez-vous nous citer les noms de ces conseillers d’Etat ?

"Eh bien, le mouvement Action citoyenne a demandé la démission de quatre des sept conseillers d’Etat actuels : Mme Calmy-Rey -Département des finances- ; Mme Brunschwig-Graf -Département de l’instruction publique- ; M. Moutinot -Département des travaux publics- ; et M. Lamprecht -Département de l’économie publique. Les deux dames ont siégé à la Caisse d’Epargne, M. Moutinot à la Banque Hypothécaire et M. Lamprecht à la BCG, en qualité d’administrateurs.

Nous avons réclamé leur démission parce que les avocats de l’organe de révision de la BCG -la société multinationale Atag- ont demandé, à soixante personnes ayant siégé à la direction de l’administration de la banque, de signer une lettre par laquelle elles renonçaient à faire valoir la prescription dans le cadre de la procédure en cours, faute de quoi chacune d’entre elles se verrait notifier un commandement de payer personnel de 2,7 milliards de francs.

Comment voulez-vous que ces conseillers d’Etat, qui risquent d’être attaqués, à titre personnel, pour 2,7 milliards, puissent agir et préserver les intérêts de l’Etat de Genève ? Je crois qu’ils devraient démissionner.

Me de Souza, l’avocat mandaté par l’Etat de Genève, va s’occuper de la procédure en dommages et intérêts, contre les réviseurs externes -la société Atag- et, éventuellement, contre les anciens dirigeants de la BCG. Dans L’Hebdo de mai 2001, Mme Calmy-Rey a annoncé environ 1,2 milliard de francs de dommages et intérêts réclamés par l’Etat de Genève à la société Atag. Or, pour quel montant provisionne-t-elle les comptes de l’Etat ? Pour 2,7 milliards. "

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

"En mai 2001, Mme Calmy-Rey annonce 1,2 milliard de dommages contre Atag et elle provisionne à 2,7 milliards.

Alors, ces dommages, ils s’élèvent à 1,2 ou 2,7 milliards ?

Simultanément, Atag attaque Mme Calmy-Rey, à titre personnel, pour 2,7 milliards. C’est bien le montant figurant dans la lettre qu’ elle a reçue en qualité d’ancienne administratrice de la Caisse d’Epargne ?

Je serais curieux de connaître le montant pour lequel Atag est réellement attaquable. Parce que, là-dedans, des assurances responsabilité civile sont engagées. Pour quelle somme ?

A mon avis -mais je n’en sais rien-, la stratégie d’Atag consiste à dire : « Certes, nous avons des responsabilités. Encore que des représentants d’Atag, à Genève, étaient peut-être de mèche avec les dirigeants de la BCG. » Peut-être arriveront-ils à soutenir, dans le cadre de la procédure : « Voyez ! Les responsables sont des employés malhonnêtes ! Ce n’est pas Atag ! » Personnellement, je pense que la stratégie d’Atag vise à pousser les anciens dirigeants et administrateurs de la BCG à la négociation, pour déterminer un montant. On signe des accords. On paie. Et la procédure s’arrête.

Alors, quel sera le montant de la transaction ? Je serais étonné qu’il s’élève à 2,7 milliards. Mais c’est là, le danger, pour l’ Etat."

Si Atag est en mesure de lancer des commandements de payer pour un tel montant, comment se fait-il que cette société ne les lance pas ?

"Elle ne les lance pas, parce qu’elle leur a d’abord envoyé une lettre d’ultimatum au 30 janvier 2002. Les destinataires devaient renoncer à la prescription."

Oui, mais pourquoi perdre du temps avec cet ultimatum, puisque le commandement de payer annule de toute façon la prescription ?

Vous savez, si vous recevez un commandement de payer d’un tel montant, vous ne pouvez plus rien faire, professionnellement. Si vous cherchez un travail, si vous cherchez un appartement, si vous voulez obtenir un crédit bancaire, vous n’obtenez plus rien.

"C’est d’ailleurs terrible. Parce que vous pouvez faire envoyer un commandement de payer sans qu’on vous demande de prouver que la somme vous est réellement due par la personne visée. Et ce commandement de payer est inscrit à l’Office des poursuites. Personnellement, j’estime que, quand quelqu’un veut lancer un commandement de payer, il devrait, au préalable, prouver que le débiteur visé lui doit réellement de l’argent. Parce que c’est un peu trop facile, d’envoyer des commandements de payer à n’importe qui. Et après, pendant une année, ça reste sur votre extrait des Offices de poursuites. Si le créancier ne demande pas la main levée -parce que vous faites opposition, que vous ne devez pas cet argent-, ça reste.

C’est une menace sérieuse qui pèse sur les soixante personnes visées par l’ultimatum d’Atag. Il y a là des conseillers municipaux, des députés, des conseillers d’Etat. Peut-être les quatre conseillers d’Etat n’ont-ils pas reçu cet ultimatum. Mais ça, ce serait encore plus grave, parce qu’on se demande pourquoi ils ne l’auraient pas reçu. Je pense qu’ils l’ont effectivement reçu et que cela constitue une pression évidente sur eux. Une pression pour négocier. Je suis persuadé qu’ils vont signer. Sinon, ils ne savent pas ce qui va leur arriver. Est-ce que Atag exécutera sa menace."

En date du 19 avril 2002, on apprenait que le Conseil d’Etat genevois a « invité » les anciens administrateurs de la BCG à renoncer à la prescription.

"Sur le plan politique, Action citoyenne estime qu’on ne peut pas gouverner une république en subissant de telles menaces pour de tels montants. Ce n’est pas possible.

A la BCG, les dépôts d’épargne garantis par l’Etat de Genève s’élèvent à 4,6 milliards de francs. La Fondation de valorisation, c’ est 5 milliards. Donc, l’Etat de Genève garantit 10 milliards. C’est ce que coûterait aux contribuables une faillite de la BCG. Sans oublier la dette publique cantonale, de 10 milliards elle aussi. Au total, ça fait une ardoise de 20 milliards.

Dans le passé, il y a déjà eu des conseillers d’Etat, des députés, des conseillers municipaux, objets de poursuites. Personnellement, ça ne me gêne pas. Mais là, pour de tels montants, à ce niveau-là, ce n’est pas possible de pouvoir défendre les intérêts de l’Etat. "

Ces gens se soucient-ils réellement des intérêts de l’Etat ? Cette histoire ne démontre-t-elle pas que seul compte leur intérêt personnel ?

"Leurs intérêts personnels, ce serait le thème d’une monstre enquête. Elle devrait englober le Palais de Justice de Genève.

En octobre 2001, nous avons déposé au Grand Conseil une pétition demandant à tous les gens qui ont siégé en tant qu’ dministrateurs -de la Banque Hypothécaire, de la Caisse d’Epargne ou de la BCG- de rembourser leurs jetons de présence. Il s’agit d’ ailleurs, pour eux, d’une obligation légale. Nous demandons simplement l’application de la loi. Le Code des obligations interdit à un administrateur d’encaisser des jetons de présence d’une société qui est en difficulté. Mais ils oublient. De temps en temps, il est nécessaire de le leur rappeler. "

Que pouvez-vous nous dire à propos de la fameuse Fondation de valorisation des actifs de la BCG ?

"Comme je l’ai déjà expliqué, la Fondation de valorisation -qui a été instituée en mai 2000, à la suite de la loi votée par le Grand Conseil- n’est rien d’autre qu’une grosse société de portage qui hérite de tout le contentieux de la BCG. Et ça, c’est voté par les élus.

Cette fondation est présidée par Me Alain Lévy, avocat. Je sais que l’immobilier ne lui est pas inconnu, puisqu’il s’est occupé, entre autres, des affaires de la régie Kramer. Ce qui n’est pas une référence.

On y trouve M. Moser, régisseur, promoteur immobilier, auteur des cédules dans le cadre de mon affaire personnelle de faillite.

Vous avez aussi M. Yves Crépin, qui était l’un des hauts responsables des crédits immobiliers à la Société de Banque Suisse, puis à l’Union de Banques Suisses. Il a été à l’origine des crédits immobiliers sur le marché genevois. A l’origine de la spéculation immobilière.

Il faut rappeler que la spéculation immobilière a été financée grâce aux banques. Parce que, les promoteurs immobiliers, quand ils vont demander 10 millions, si on leur dit non, ils ne les ont pas. Donc, c’est bien grâce à ces banquiers, qui ont avalisé les demandes de crédits, qu’il y a eu la spéculation immobilière.

De plus, M. Crépin est l’un des protagonistes de l’affaire de l’hôtel des Nations : alors que l’objet valait 14 millions, la BCG a prêté une vingtaine de millions et les promoteurs ont accumulé des prêts pour 32 millions. Et ce M. Crépin a été nommé à la Fondation de valorisation pour gérer les casseroles.

On y trouve encore M. David Lachat, membre du parti socialiste genevois, avocat à l’ASLOCA, puis nommé au comité de banque de la BCG.

Et il y a Me Christian Grobet, député de l’Alliance de gauche au Grand Conseil genevois, conseiller national, auteur de la loi qui a permis, sans leur laisser la possibilité d’un référendum, de faire payer aux contribuables les magouilles des dirigeants de la BCG.

Le directeur de la Fondation de valorisation est M. Gilbert Vonlanthen, qui a été fondé de pouvoir, sous-directeur, directeur adjoint, à la BCG, des « affaires spécifiques » : les affaires de contentieux, les affaires de portage, les prêts à 0 % d’intérêt, 1 % d’intérêt, etc.

De plus, il faut savoir que le personnel employé par cette Fondation de valorisation se compose de gens qui sont sortis de la BCG et qui ont passé à la fondation pour continuer de gérer les casseroles.

On prend les mêmes et on continue... 5 milliards. Allez-y ! L’Etat de Genève garantit. Et on gère tout ça.

Alors, maintenant, qu’est-ce qui se passe, là-dedans ? C’est une grosse question.

De toute façon, officiellement, ces 5 milliards de créances ne valent qu’environ 2 milliards. Ces 5 milliards ont une rentabilité d’ environ 1,9 %. Arrondissons à 2 %. "

Qu’appelez-vous la rentabilité ?

"C’est ce que rapportent les biens immobiliers : les loyers qui rentrent, etc.

Donc, ces 5 milliards rapportent 100 millions par an.

Mais, dans le même temps, ces 5 milliards coûtent 250 millions par an. C’est le taux d’intérêts qu’on doit normalement payer pour des hypothèques. A cela, il faut ajouter les frais de fonctionnement de la fondation et les investissements indispensables. En plus, il faut payer tous ces gens qui sont à la fondation. Il faut payer les administrateurs.

Au total, on peut estimer que cette fondation coûte 400 millions par an. Ces 400 millions s’ajoutent à la facture garantie par les contribuables genevois... Je pose la question : combien touchent les administrateurs de la Fondation de valorisation ? "

Est-ce un secret ?

"C’est un secret.

Ce que je sais -sans détenir la pièce-, c’est que, probablement, certains membres de la Fondation de valorisation reçoivent un salaire qui dépasse le plafond de celui des employés de l’Etat.

Vous savez que, pour les fonctionnaires, il existe différentes classes de salaires. Les salariés de la Fondation de valorisation sont devenus des fonctionnaires de l’Etat. Ils ont dû s’affilier à la caisse de pension des employés de l’Etat de Genève -la CIA-, dont la présidente est Mme Calmy-Rey. Elle a dû demander une dérogation, pour les membres concernés de la Fondation de valorisation, à cause de leur salaire tellement excessif. "

Dans toutes ces affaires, on trouve peu de bénévolat.

"Nous, ce qu’on fait, c’est du bénévolat. C’est un sacerdoce."

N’a-t-on pas le sentiment que, dans toute cette histoire, le commun des citoyens se fait pigeonner jusqu’au trognon ?

N’assiste-t-on pas à un véritable pillage des finances publiques ?

"C’est infernal." En mai 2000, quand l’Etat de Genève a souscrit de nouvelles actions de la BCG, le cours était à 236.- FS. En janvier 2002, ce cours avait chuté à 143.- FS. Et ça continue de dégringoler...

Les conseillers d’Etat savaient très bien que c’était à fonds perdus. "

Et, par-dessus le marché, vous subissez des pressions, des plaintes pénales.

"Les événements de ma vie font que je ne dépends de personne. Je n’ai pas de patron. Personne ne peut exercer des pressions financières sur moi. C’est bien là leur drame.

De toute façon, s’ils ne l’ont pas encore compris, il faut bien qu’ils sachent qu’en 1995 Chazaud était tout seul ; mais que Chazaud n’est plus tout seul. L’équipe s’est sérieusement renforcée.

Jusqu’à présent, aucun élu, aucune autorité ne m’a dit : « Vous avez raison ! Je vous soutiens ! » Aujourd’hui, j’attends encore. En coulisses, certains disent que j’ai raison, mais nous n’avons même pas reçu un appel téléphonique.

On dirait que je suis l’ennemi No 1 des partis politiques genevois ; gauche, droite confondues. Je les mets tous dans le même panier.

Il paraît que M. Dominique Ducret a été ruiné à cause de moi.

Il y en a un autre qui va beaucoup transpirer. Lui aussi est membre du PDC. C’est l’ex-conseiller d’Etat Guy Fontanet, qui a été chef du Département genevois de justice et police. C’est le prochain qui dira que Patrick Chazaud l’a ruiné. Parce qu’une plainte pénale le concernant est arrivée au Palais de justice.

Cette plainte contre M. Fontanet vise sa gestion en qualité d’ex-président du conseil d’administration de la Caisse d’Epargne. Il avait accordé des faveurs à l’un de ses gros clients. C’est une histoire de 150 millions de crédits accordés à des coquilles vides : des sociétés qui n’existent que sur le papier.

On peut aussi, à propos de M. Fontanet, parler du scandale du Banco social de Cordoba, en Argentine. Les épargnants, les agriculteurs de la région ont tout perdu à la suite de la faillite de cette banque.

En 1993-1994, cette banque a été dépouillée par un groupe international d’escrocs bénéficiant de la complicité de certains hauts dirigeants de la banque et de responsables politiques.

Ces escrocs étaient le groupe de Léon Gaon -le frère de Nessim Gaon. Ils ont opéré par l’intermédiaire de sa Holding : Foutainhaid Group SA. Cette holding a été créée, au Luxembourg, par Léon Gaon. En novembre 1987, M. Guy Fontanet était l’un des administrateurs de Fountainhaid.

Ces gens-là sont allés en Argentine et ont demandé des crédits, sous prétexte d’acheter des usines désaffectées, relancer la production, embaucher des salariés, etc. Grâce à la complicité des président et directeur général, au sein de la direction de la Banco social de Cordoba, et à celle du gouverneur de la province de Cordoba, les escrocs ont obtenu des crédits.

Ils n’ont jamais remis les usines en fonction et sont partis avec l’argent. A l’époque, cela représentait 40 millions de francs.

Fin 1998, il y a eu un procès. Là-bas, ils l’ont appelé le Superprocesso. Le quotidien local a publié une série de trente-deux articles, pour relater les débats. Il y avait eu une soixantaine d’inculpations, qui ont abouti à trente-deux condamnations.

Les instigateurs principaux de cette escroquerie sont M. Léon Gaon, son fils David Gaon, Mme Monica Gaon et M. Ruben Kaplan. Ceux-là n’étaient pas présents au procès. Ils ont échappé à la condamnation, car l’Argentine ne condamne pas par contumace.

Par contre, M. Pablo Gaon a été condamné à quatre ans de prison. C’est un cousin de Léon Gaon. Il était resté sur place et il a été arrêté là-bas.

En lisant ces articles de presse, on apprend qu’un mandat international avait été lancé, afin d’arrêter Léon Gaon. Or, je n’ai jamais entendu dire qu’en Suisse Léon Gaon ait été arrêté à la suite de cette escroquerie commise en Argentine.

Une fois devenu président du conseil d’administration de la Caisse d’Epargne, M. Guy Fontanet a signé les crédits de 150 millions accordés au groupe de Léon Gaon. Maintenant, cela représente une perte de 200 millions pour la BCG.

On retrouve donc, aussi bien à Genève qu’en Argentine, l’implication de politiciens derrière les crédits accordés. C’est le même système.

Ce qui est frappant, c’est que ce procès, qui a duré plusieurs mois et a fait la Une des journaux, en Argentine, a été complètement passé sous silence par la presse suisse. Et, en Suisse, la magistrature n’est pas intervenue, à propos de cette affaire.

Les responsables ont bénéficié de l’impunité, en Suisse, aussi bien pour ce qu’ils ont fait en Argentine que pour les 200 millions perdus par la BCG. "

Dans la Tribune de Genève du 26 mars 2002, le chroniqueur économique Serge Guertchakoff évoquait « Les Gaon et la chute du Banco Social de Cordoba » :

« Avant de sombrer dramatiquement, l’Argentine avait déjà connu de très sérieuses crises. C’est ainsi que le Banco Social de Cordoba, 4ème plus grosse banque provinciale de ce pays, s’est retrouvé, au milieu des années 1990, avec des pertes supérieures à 300 millions de dollars, dont 27 millions liés aux sociétés du groupe Granadex de Léon Gaon. »

Selon l’article, les dirigeants de Granadex soutiennent que du personnel a bien été embauché et qu’il y avait même 10 % de travailleurs « en trop » dans leurs usines argentines. L’affaire aurait été ruinée par l’hyperinflation, car les banques argentines exigeaient 950 % d’intérêts sur leurs crédits.

Enfin, toujours selon l’article, les prêts obtenus du Banco Social de Cordoba étaient garantis par la valeur des terrains sur lesquels se trouvaient les usines achetées.

Granadex est également endettée à l’égard d’entreprises genevoises, dont la BCG. Parmi ses créanciers figurent encore le Crédit Lyonnais et le groupe BNP Paribas.

"Depuis 1999, nous collaborons occasionnellement avec M. Arnaud Montebourg, député à l’Assemblée nationale française. Il est rapporteur de la commission sur le blanchiment.

Nous sommes également en rapport avec des autorités françaises, à propos de ces affaires de blanchiment.

Sur le plan international, nous disposons d’un gros dossier que la presse genevoise a passé sous silence. C’est l’affaire Clearstream.

Clearstream est une société de clearing bancaire. Elle assure les transferts d’argent. Normalement, quand vous avez un compte et que vous voulez virer de l’argent -par exemple aux Etats-Unis-, ça se fait par clearing bancaire. On débite votre compte, on indique un code et ça passe par le Luxembourg, la centrale pour l’Europe. Ensuite, ça part pour New York, où on achemine vers les banques correspondantes.

Denis Robert et Ernest Backes ont publié, à propos de Clearstream, un livre, intitulé Révélations, dans lequel ils évoquent des comptes officiels et des comptes qui ne le seraient pas, c’est-à-dire des comptes « non référencés ».

On a constaté que, chez Clearstream, au Luxembourg, des établissements bancaires étaient titulaires de comptes non déclarés. Des comptes pas officiels. Des comptes non déclarés. Et, là-dedans, il y a la BCG.

Alors, est-ce que cet argent est « gris » ou « noir » ? Gris, c’est fiscal. Noir, c’est de l’argent sale.

Pourquoi le Palais de justice de Genève ne s’occupe-t-il pas de cette affaire ? L’argent qui arrive sur le compte « non référencé » de la BCG c/o Clearstream n’est, de toute évidence, pas déclaré. Dans le cas contraire, ce compte devrait être officiel. Or, les dirigeants de la BCG ont nié l’existence d’un compte chez Clearstream.

Selon Le Monde du Renseignement, la BCG aurait utilisé les services de la société Bridport, 1 place Longemalle, à Genève, dont le numéro de compte, chez Clearstream, est le 70076. Apparemment, il s’agit d’un compte officiel.

Dans Le Monde du Renseignement du 6 septembre 2001, on nous révélait une information extrêmement importante, qui n’a pas du tout été reprise en Suisse. L’article était intitulé : « Découvrira-t-on où renvoie le discret compte Bridport ? » :

C’est un compte secret qui figure dans les registres de Clearstream. La Chambre de Compensation bancaire au centre d’un des plus grands scandales de blanchiment. Bridport appartenait en toute illégalité à la désormais sulfureuse Banque cantonale de Genève. »

Nous avons souvent entendu parler d’une fiduciaire de la BCG, dont nous ne connaissions pas le nom. Il s’agit peut-être de Bridport.

« Pour mémoire, ajoute Le Monde du Renseignement, l’établissement bancaire était titulaire de la créance de Nessim Gaon à l’égard de la Russie : 450 millions de francs suisses. Or, la BCG n’a diligenté aucune action pour recouvrir ces fonds. Mieux : elle a effacé ce débit de ses registres, en échange du paiement, par Moscou, des seuls intérêts de la dette. Une opération essentielle. Tant que la Fédération de Russie s’acquittait des intérêts de la dette, au regard du droit international elle n’était pas en cessation de paiement et donc le FMI était autorisé à lui verser ses aides.

Officiellement, l’argent des dits intérêts est bien parti de Moscou vers la BCG, grâce au Crédit Lyonnais, désigné comme opérateur du versement. Hélas, dans les registres de la banque, personne n’en trouve plus trace. Cet argent serait-il revenu vers la Russie, via d’opaques Chambres de compensation ?

L’éventuel secret réside peut-être dans les archives du Crédit Lyonnais à Moscou, qui ont fait l’objet d’une saisie globale, sur ordre du Kremlin. »

Alors ça, ça n’a eu aucune suite.

Il est vrai que la Russie doit payer cette créance, sinon le FMI lui coupe les vivres. La créance a dû être payée, mais on n’en parle pas.

M. Mendicino, un journaliste du Matin, s’est penché sur le second livre de M. Robert : La boîte noire. Dans Le Matin du 8 février 2002, M. Mendicino écrit qu’il a contacté la BCG, pour demander si elle était cliente de Clearstream. Selon son article : « Une certaine distance est affichée, à la Banque Cantonale de Genève, d’autant que l’établissement « n’a jamais été client chez Clearstream », affirme Daniel Burckhardt, secrétaire général. En revanche, nous avons travaillé avec Euroclear, l’autre grande société de clearing en Europe ».

Donc, M. Burckhardt affirme que la BCG n’avait pas de compte chez Clearstream, mais cette affirmation est contredite par les documents publiés dans les livres que j’ai cités. D’ailleurs, La boîte noire, à la page 372, précise que la BCG est titulaire du compte non référencé No 1630.

Si la BCG a ouvert ces comptes, c’est bien parce que de l’argent y a transité pour elle. Et cet argent ne figure pas dans la comptabilité officielle, à Genève.

Y aurait-il une double comptabilité, à la BCG ? "

Propos recueillis par Frank BRUNNER

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