De : Michel Dakar

 

A : Maurice Papon

 

Paris, le 11 mars 2006

 

 

Lettre ouverte

 

 

Monsieur,

 

Une seule fois dans toute ma vie, j'ai hurlé avec les loups, piétiné un homme à terre, participé lâchement à la chasse en meute à l'homme seul et désarmé, et c'est de vous dont il s'agit.

 

Je m'en fais depuis le reproche constant.

 

Vous êtes le seul fait politique et humain qui me déshonore, et j'écris cette lettre publique que je vous communique, afin de me racheter et de pouvoir à nouveau me considérer.

 

Vers la fin des années 1990, visitant le Musée de la Préfecture de police de Paris, installé au commissariat central du 5 ème arrondissement, j'ai remarqué votre photographie, parmi celles des autres préfets, disposées à l'intérieur de deux cadres accrochés à l'entrée du Musée.

 

J'ai saisi par écrit le préfet de police de Paris de l'époque, et ai transmis la copie de ma lettre à la presse et aux associations « citoyennes ». Plusieurs articles parurent, dont dans Le Monde, Libération et Le Canard enchaîné.

 

La direction du Musée fit retirer le cadre contenant votre photographie, et celles de tous les préfets contemporains. Elle ne le remis jamais, et depuis, le Musée semble être définitivement fermé.

 

Vous avez été victime de la manifestation de la haine sous jacente qui constitue le socle de notre société, culture de la haine et de l'exécration vieille de plusieurs milliers d'années, et qui maintenant s'épanouie au grand jour, apparaît à la lumière, aveuglante, comme moi-même, j'ai été victime de cette culture de haine qui m'a circonvenu, et qui m'a transformé en brute sadique et obéissante, en persécuteur inconscient et servile, en un bourreau « bien-pensant », « méritant », un « juste ».

 

En tant que victime moi-même, je vous prie de recevoir la marque de ma solidarité, vous qui êtes de même victime de cette haine, qui est la détermination néfaste et morbide qui fonde notre société, et qui la détruira si nous ne parvenons à nous en libérer.

 

Cette lettre que je vous écris et que je rends publique, me nettoie de la souillure et me fait supporter le dégoût que j'éprouve depuis pour moi-même, pour m'être laissé entraîner par ceux dont la haine et l'exécration composent l'unique énergie qui les fait mouvoir, qui les maintien en vie, et qui leur permet de se masquer, et de masquer aux yeux d'autrui, ce qu'en réalité ils sont.

 

Je vous prie de recevoir, Monsieur, l'expression de ma sympathie.

 

 

M. DAKAR

 

Engagé dans la lutte contre le génocide des Palestiniens, et contre tous les génocides, et tous les racismes, dont le racisme sioniste.