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Le grand naufrage des médias mainstream occidentaux

par Dominique Delawarde.

Le 18 juin 2020, le « Reuters Institute Digital News » a publié son rapport annuel. En janvier et février 2020, avant la pandémie, des échantillons représentatifs de 2 000 personnes ont été sondés dans 40 pays d’obédience occidentale. Selon ces sondages, le taux moyen de confiance dans les médias, en baisse pour ces 40 pays, s’établit à 38%. Mais il n’est que de 29% aux USA, qui prétendent encore diriger la planète et se classent 31ème/40, de 28% au Royaume-Uni (34ème/40) et de 23% en France, phare de l’humanité, mais qui se classe, hélas, 39ème sur 40.








Le « Reuters Institute Digital News » est un outil qui fait partie intégrante du système médiatique mainstream occidental. Il n’a, par conséquent, aucun intérêt à noircir l’image des médias de son camp. Les résultats de ses sondages ne peuvent donc être biaisés, s’ils le sont, que dans un sens favorable à ceux-ci. En clair, les taux de confiance pourraient bien être, en réalité, moins élevés qu’annoncés…

Jusque-là, pas d’alarme ni de surprise, chacun se doutait bien que la crédibilité de l’information diffusée par les médias mainstream du trio USA, Royaume-Uni, France n’était pas très élevée en dehors de la météo, des résultats sportifs, de la nécrologie et des annonces de spectacles à venir. Il n’y a guère que des citadins pressés, parisiens entre autres, pour croire encore, les yeux fermés, à toutes les billevesées débitées par ces médias mainstream, dès lors qu’on aborde la politique intérieure ou étrangère et les sujets à la mode du « politiquement correct ». Les résultats compris entre 23% et 29% de taux de confiance et les classements peu glorieux qui en découlent pour les médias du trio USA, UK, France ne peuvent donc surprendre personne.

Mais l’évolution de ces taux de confiance au cours des toutes dernières années est préoccupante.

En effet, les mêmes études, du même institut, menées chaque année dans les mêmes pays, et dans les mêmes conditions, entre 2017 et 2020 montrent que l’évolution de ces taux de confiance au fil des ans est en chute libre pour ces 3 pays (USA, UK, France). Entre 2018 et 2020, en deux ans, le taux de confiance envers les médias a baissé de 12 points en France. Il a baissé de 10 points aux USA en 3 ans de mandature Trump (2017-2020) et de 15 points au Royaume-Uni sur la même période. La baisse n’est que de 5 points pour les médias allemands. Ces baisses sont générales, considérables, inédites et brutales. En France, les médias en sont réduits à quémander des subventions étatiques, à « solder » toujours plus leurs abonnements, voire à « acheter » des nouveaux abonnés en leur offrant des cadeaux (tablettes, portables, montres, etc…) ou à négocier avec les compagnies aériennes la mise à disposition gratuite de la presse pour leurs passagers et pouvoir ainsi justifier, auprès des annonceurs, d’un minimum d’audience.

Quelles explications peut-on raisonnablement donner à tout cela ?

Des explications différentes peuvent être avancées pour chaque pays.

Pour les USA, les fake news, véhiculées par les médias mainstream US n’ont jamais manqué dans l’histoire récente. La plus emblématique est celle des armes de destructions massives de l’Irak. Elle a été à l’origine d’un conflit meurtrier et de désordres mondiaux dont nos pays subissent encore les conséquences. Plus récemment, la guerre à outrance menée par la majorité des médias mainstream contre l’exécutif US actuel (Trump), ont conduit ces médias à créer de toute pièce et à véhiculer des « fake news » avec des procédés de plus en plus grossiers et une insistance partisane toujours plus évidente qui ont été révélés au fil du temps. Le Russiagate (ingérence présumée des russes dans les élections américaines au profit de Trump) en est un exemple parmi beaucoup d’autres.

Par ailleurs, une autre étude du Pew Research Center (US) publiée le 31 août 2020 indique que le public américain s’interroge de plus en plus sur l’opacité du financement de ces médias mainstream, sur leur regroupement, peu propice à la pluralité, et sur ceux qui les contrôlent… Tout cela a entraîné un fort déficit de confiance pour les médias US (-10 points en 3 ans).

Pour le Royaume-Uni, c’est incontestablement le traitement de l’affaire du Brexit par la majorité des médias mainstream qui a entraîné la perte considérable de confiance sur les trois dernières années. Ces médias sont apparus, à une majorité de l’opinion britannique, comme des auxiliaires des élites européistes défendant des intérêts perçus comme éloignés de ceux du Royaume-Uni. Dans ce combat contre une opinion publique qu’ils n’ont pas réussi à convaincre, les médias britanniques ont perdu 15 points de confiance en 3 ans. Je n’insisterai pas sur les fake news très grossières diffusées régulièrement au Royaume Uni contre la Russie (affaires Nemtsov, Skripal ou Navalny) ou contre la Syrie (attaques au gaz sous faux drapeau pour justifier des frappes illégales). Enfin, comme aux USA, l’opinion s’interroge toujours davantage sur les questions de l’opacité des financements, de la concentration des médias dans des « empires de presse » aux mains de quelques individus et du manque de pluralité qui en découle.

S’agissant de la France, le traitement biaisé par les médias mainstream de la crise des gilets jaunes, le matraquage médiatique partisan au profit d’un certain candidat et au détriment des autres lors de la dernière présidentielle, le manque de pluralité et le fait que les médias mainstream, subventionnés par le pouvoir, apparaissent, de plus en plus, comme des courroies de transmissions d’une parole politique en perte de crédibilité et de légitimité : tout cela joue un rôle évident dans le naufrage en cours. Comme aux USA et au Royaume-Uni, la partie « éclairée » de l’opinion publique commence à s’interroger sérieusement sur l’opacité des financements, la concentration des médias aux mains de quelques individus et sur les conflits d’intérêt.

Parfaitement informées de la perte de crédibilité de leurs médias mainstream, les gouvernances des trois pays les plus impactés ont réagi de manière très différente d’un pays à l’autre.

Aux USA, Trump ne peut que se réjouir de la perte de crédibilité des médias mainstream qui sont ses adversaires les plus acharnés. Cette défiance de l’opinion envers ces médias ne peut être qu’un facteur favorable à sa réélection. Trump continuera donc de les enfoncer autant qu’il le pourra jusqu’à l’élection présidentielle de novembre 2020 et au-delà, s’il est réélu. Ce combat pourrait mettre sa vie en péril s’il contrecarre trop fermement les objectifs à long terme d’un « état profond » qui contrôle la quasi-totalité de l’appareil médiatique US et influence encore considérablement celui de l’Union Européenne.

Pour le Royaume-Uni, pays où la liberté d’expression est très importante, la riposte passe par l’identification et la réfutation des informations alternatives à celles des médias mainstream.

Ces informations dérangeantes sont immédiatement classées « fake », attribuées à des « complotistes », forcément « instrumentalisés par l’ennemi rouge » (la Russie et Poutine, éternels boucs émissaires). Dès janvier 2018, une « National Security Communication Unit » a été créée pour s’occuper du problème. Elle n’a pas obtenu, à ce jour, de résultats probants pour convaincre l’opinion.

Comment la gouvernance et les médias mainstream britanniques pourraient-ils convaincre l’opinion d’être les seuls détenteurs de la vérité lorsqu’ils ont été pris, à plusieurs reprises, en flagrant délit de « gros » mensonges délibérés pour lesquels ils ne se sont jamais excusés et qui ont entraîné des conséquences graves pour le monde entier (armes de destruction massives de Saddam Hussein ou couveuses du Koweït pour n’en citer que deux parmi beaucoup d’autres).

S’agissant de la France, pays dans lequel la liberté d’expression est pourtant constitutionnelle, comme partout en occident, les lois ou projets de loi visant à l’encadrer, voire à la limiter sont plus nombreux que dans la plupart des pays occidentaux, faisant dire au juriste américain Jonathan Turley que la France est aujourd’hui la plus grande menace internationale contre la liberté d’expression.

Les efforts de l’exécutif Macron-Philippe pour faire passer la loi Avia ont été vains. Celle-ci a été reconnue attentatoire aux libertés par les instances européennes et anti-constitutionnelle dans sa version initiale. La loi promulguée le 24 juin dernier a donc été vidée de sa substance par le Conseil Constitutionnel. Notons qu’il s’est trouvé, en France, une majorité parlementaire « godillot » (Lrem-Modem) pour voter ce texte à deux reprises dans sa version initiale…

Les médias mainstream, pour leur part, ont créé des outils pour proposer aux internautes la détection de fake news sur internet. Ces outils ne sont pas fiables pour deux raisons :

1 – Ils travaillent directement au profit des grands médias qui les payent et oublient évidemment de décrypter leurs mensonges.

2 – Ils sont parfois, eux-mêmes, condamnés en justice pour diffamation (donc mensonge).

La caricature de ce type d’outil partisan, peu crédible, est le Décodex du journal Le Monde, dont un directeur de publication a déjà été condamné en justice dans l’exercice de ses fonctions.

De connivence avec les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi avec la complicité active des patrons de Google, de Face-Book, de Twitter et de Wikipédia les médias mainstream déploient des efforts acharnés pour détruire les sites dits de « réinformation », diffusant des informations alternatives. Ceux-ci ne cessent pourtant de se multiplier et d’augmenter leur audience sur internet au détriment des médias mainstream.

Parmi ces sites, objets d’attaque et de harcèlements de tous types par le système mainstream français et ses complices, on peut citer, entre autres, Breizh-Info (déréférencé par Google au moment où son audience atteignait des sommets), le site « Les Crises », faussement accusé de diffuser des informations mensongères mais qui a fait condamner ses diffamateurs (Le Decodex et le journal Le Monde), Boulevard Voltaire et enfin le site Égalité et Réconciliation, bête noire des médias mainstream et du gouvernement parce qu’il a de l’audience, et que cette audience ne cesse de grandir au fil des ans. On peut citer aussi les sites de Sputnik et de Russia Today qui dérangent par l’importance de leur audience et qui, par une inversion accusatoire amusante, sont accusés de propagande alors même que 80% de leurs articles sont de sources occidentales… On peut enfin citer TV Liberté dont le lecteur pourra apprécier, sur le lien ci-après, une courte émission sur la cérémonie parodique des « Bobards d’Or (médiatiques) 2020 »

Les méthodes d’attaque et/ou de harcèlement utilisées contre ces sites de ré-information sont toujours les mêmes :

1 – « On » les classe dans la catégorie complotiste, d’extrême droite, parfois même d’antisémite voire, « crime impardonnable », de russophile et on les accuse de diffuser des « fake-news » ; tout cela pour tenter d’effrayer l’internaute et de le dissuader de les fréquenter. Wikipédia, le Décodex du Monde et quelques ONG « bidons » jouent, évidemment, leur rôle de désinformateurs, voire de diffamateurs et de calomniateurs, agissant comme sources ou reprenant ces « fake accusations » à leur compte.

2 – « On » tente de leur couper les financements, voire de les ruiner pour les obliger à fermer boutique (dissuader les annonceurs par le chantage et la menace, amendes astronomiques sous des prétextes fallacieux). De telles pratiques, venant d’un gouvernement qui subventionne grassement, avec les deniers publics, les médias les plus serviles, sont évidemment peu glorieuses, mais elles sont aussi contre-productives car elles renforcent la détermination des sites de poursuivre la ré-information coûte que coûte. Elles renforcent aussi la détermination de ceux qui cherchent à s’informer en diversifiant leurs sources, en évaluant leur crédibilité et en décidant, eux-mêmes, de croire ou ne pas croire à telle ou telle d’entre elles.

3 – « On » organise un harcèlement judiciaire en initiant de faux procès ou des perquisitions pour un oui ou pour un non. Si nombre de ces procès n’aboutissent pas, ils assèchent les finances des sites attaqués, gênent considérablement leur fonctionnement, stressent leurs dirigeants, et hypothèquent leur énergie et leur attention. « On » va parfois jusqu’à faire incarcérer quelques heures ou quelques jour le responsable du site pour bien lui signifier la menace qui pèse sur lui au moindre faux pas. (Ce fut le cas pour Alain Soral, le mois dernier).

4- « On » censure les vidéos dérangeantes avec la complicité de You Tube. « On » censure leur circulation sur les réseaux sociaux, sous des prétextes souvent fallacieux, avec la complicité de Facebook. « On » déréférence les sites pour réduire leur fréquentation, avec la complicité de Google.                                                                                            *

En conclusion, que peut-on dire de ce grand naufrage de la confiance dans les médias mainstream constaté par le « Reuters Institute Digital News » ?

Il nous révèle à la fois une mauvaise et deux bonnes nouvelles :

une mauvaise nouvelle car les citoyens de grandes démocraties dignes de ce nom devraient pouvoir compter sur une information pluraliste qui exclue toute ingérence des états par le biais de subventions, toute concentration des médias entre les mains d’un petit nombre, tout conflit d’intérêt et, pour finir, toute ingérence d’organisme transnationaux sous contrôle de l’étranger (Face Book, Google, Twitter, Wikipédia).

une première bonne nouvelle parce que, lorsqu’un citoyen n’accorde pas sa confiance, c’est la preuve indéniable qu’il a réfléchi. La baisse importante de la confiance dans les médias mainstream est donc le signe d’une prise de conscience de plus en plus prégnante dans l’opinion publique des manipulations dont elle est l’objet.

une seconde bonne nouvelle parce que la défiance de l’opinion envers l’appareil médiatique mainstream occidental affaiblit celui-ci et le rend donc moins apte à promouvoir et à soutenir efficacement d’éventuelles initiatives belliqueuses de l’OTAN. Les grandes guerres ne peuvent être initiées sans un soutien massif de l’opinion, généralement obtenu par une manipulation et une propagande médiatiques intenses. Ce soutien sera beaucoup plus difficile à obtenir avec des médias en déficit de crédibilité.

Pas plus, mais pas moins que les médias mainstream, les sites d’information alternatifs ne peuvent prétendre détenir, à eux seuls, la vérité. Mais leur rôle est aujourd’hui utile et même indispensable pour rétablir un minimum de pluralisme de l’information et pour susciter la réflexion de tous. À chacun, ensuite, de se forger ses convictions en se fondant sur sa propre réflexion plutôt que de prendre pour argent comptant et de « gober » sans réfléchir toute l’information mainstream.

Après le traitement médiatique de la pandémie par les médias mainstream, où tout et son contraire ont été écrits, dits, entendus et martelés ; après les conflits d’intérêt qui sont apparus au grand jour, il n’est pas improbable que le taux de confiance aux médias mainstream français se détériore encore dans le rapport 2021 et passe au-dessous du seuil de 20%. Le record historique de défiance, déjà établi en 2020, serait à nouveau battu…

Wait and See

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Général Dominique Delawarde

Ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique» à l’État major interarmées de planification opérationnelle