Sarkozy à la rencontre des imams aux Mureaux

Frédéric Antoine Le Courrier de Mantes Publié le 02 avril 2003

Une semaine avant l’élection du conseil du culte musulman (C.F.C.M.) qui se déroulera les 6 et 13 avril prochains partout en France, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy est venu rencontrer quelque deux cents imams réunis en congrès national à la mosquée des Mureaux.

« Les imams sont les oubliés de la consultation... Ils se réunissent aujourd’hui pour évoquer un certain nombre de questions liées à leur statut. Nous espérons que le ministre saura les entendre », déclare Abdelhakim Sefrioui, trésorier du conseil des imams de France (C.I.F.).

Nicolas Sarkozy avait dit auparavant son souhait d’être présent au IVe congrès des imams, pour aborder le sujet du « statut de l’imam » dans le culte musulman français et surtout convaincre les tenants du culte de l’importance du rendez-vous des 6 et 13 avril. C’est là que va se jouer l’élection de délégués représentant les cinq millions de musulmans dans un conseil français du culte musulman. Les imams veulent faire savoir qu’ils garderont jalousement leurs prérogatives théologiques, et qu’ils joueront un « rôle complémentaire » auprès du C.F.C.M. Dont la vocation est d’organiser « techniquement » le culte musulman. « 

Comment assurer cette complémentarité ?... Le ministre vient clarifier les choses », introduit Dhaou Meskine, secrétaire général du conseil des imams de France.

Rencontre historique

Si l’Islam de France a souffert jusqu’à présent de ce défaut d’organisation et de représentation reconnue, « l’élection d’un conseil du culte musulman nous emmène sur la voie d’un islam de France intégré », assure Abdelhakim Sefrioui. C’est pourquoi, selon les imams, Nicolas Sarkozy se devait de faire passer un message sur le bienfait de la consultation prochaine.

Toutes les sensibilités de l’Islam avaient été invitées samedi aux Mureaux. On comptait même quelques imams de l’Union des organisations islamiques de France (U.O.I.F.), fédération jugée fondamentaliste. Dhaou Meskine s’est d’ailleurs félicité de sa présence « qui reconstitue le conseil tel qu’il existait à l’origine ». Un peu bousculé par le calendrier électoral, le conseil des imams a précipité la date du congrès à un moment peu propice à un rassemblement de plus grande ampleur (à une semaine des élections du C.F.C.M. , les représentants des communautés travaillent à l’organisation de la consultation dans chaque région). Néanmoins, près de deux cents imams ont assisté à cette « rencontre historique » : « c’est la première fois qu’un ministre de l’Intérieur vient rencontrer une structure qui ne fait pas partie de la COMOR (commission d’organisation de la consultation sur l’islam de France qui est une émanation du Ministère de l’Intérieur) », se félicitait Mohammed Bechari (président de la Fédération nationale des musulmans de France) à l’issue de la rencontre. En premier lieu, on peut retenir l’hommage appuyé au ministre, rendu par les représentants du conseil des imams : « depuis votre arrivée, le processus de la consultation des musulmans de France a pris un tournant décisif », a déclaré le secrétaire général du C.I.F.

Précarité

« Les imams sollicités par la collectivité, jouent pleinement leur rôle religieux et social », plaide Dhaou Meskine. « Mais souvent, ils sont freinés ou découragés par les obstacles qui tiennent à leur situation sur le territoire. Certains n’ont pas de titre de séjour permanent. D’autre part, les portes des casernes, des prisons, des hôpitaux leur sont trop souvent fermées... ».

Autre souci des imams, l’absence d’un conseil théologique des musulmans de France. « Les religieux sont obligés de recourir à des fatwas importées de Grande-Bretagne ou d’ailleurs », explique Dhaou Meskine. Un argument très bien entendu par Nicolas Sarkozy.

Sur le statut de l’imam, le ministre ne voit d’amélioration que par le truchement des futures instances du culte. « Comment les imams peuvent-ils avoir un discours apaisant quand ils vivent dans la précarité, quand ils gagnent le RMI ? Il faudra que le conseil du culte, par ses instances régionales et nationales, veillent à créer leur statut. Ce devra être la première question posée par le C.F.C.M. ».

Prêts à « unifier les fidèles », les imams insistent sur leur volonté de « dispenser un enseignement islamique en français », de préserver un « islam d’ouverture et de paix », et de « combattre tout ce qui s’oppose aux lois de la République ». Là encore, selon le ministre de l’Intérieur, le C. F. C. M. Devra se soucier de la formation des imams sur le territoire français quand beaucoup partent étudier en Syrie, en Arabie saoudite, en Lybie ou en Algérie. Pour l’instant on ne compte que quatre centres de formations des imams (un dans la Nièvre, deux à Paris dont l’Institut supérieur de sciences islamiques et un centre à Marseille). Le ministre a encouragé les membres du C. I. F. , qui se sont réunis en table rondes après, à préciser leurs demandes en termes de formation. « La formation des imams doit pouvoir être dispensée et financée en France. Les imams doivent connaître le droit et les traditions du pays dans lequel ils exercent leurs fonctions religieuses », a déclaré Nicolas Sarkozy. Le ministère se déclare prêt à étudier ce qui relèvera de la sphère publique, et qui ouvrira droit à un financement de l’Etat.

Appel à l’apaisement

Difficile dans un contexte international aussi dramatique de ne pas évoquer les risques d’affrontements intercommunautaires qui trouveraient leur prétexte dans le conflit en Irak. « Si cette guerre n’est pas la nôtre, n’acceptons pas les tensions communautaires qui pourraient en découler », a déclaré Nicolas Sarkozy dans un tonnerre d’applaudissements. Le conseil des imams de France a dans la foulée rendu hommage aux positions du président Chirac avant l’entrée en guerre des Etats-Unis.

Faisant référence à la récente agression dont ont été victimes une vingtaine d’individus de confession juive en marge d’un cortège de manifestation pacifiste, le ministre a solennellement exhorté les imams à « chasser hors des mosquées les racistes et les violents... » « Chaque fois qu’un juif ou qu’un musulman est frappé ou injurié, c’est la même tâche, de la même couleur et de la même ampleur, qui se répand sur le drapeau de la République française ».

Le ministre : « L’intégration de l’Islam dans la République est une priorité »

« L’intégration du culte musulman, sa pleine reconnaissance, est prioritaire depuis onze mois. C’est mon objectif, comme celui du président de la République », déclare Nicolas Sarkozy au début de l’allocution. « Ma présence n’est pas une atteinte aux principes de la laïcité car la laïcité n’est pas l’indifférence à l’endroit de la religion. Ce serait là une vision sectaire de la laïcité. La loi de 1905 est censée préserver l’exercice de tous les cultes dans le cadre de la République française. La laïcité, c’est la neutralité (...) Cette conception positive de la laïcité reconnaît à chacun le droit de transmettre sa foi, et de l’exercer. Il n’y a pas deux catégories de citoyens, les musulmans qui n’auraient pas le droit de croire et de pratiquer... et les autres. En construisant l’Islam de France, on pourra débarrasser l’Islam des relents sectaristes qui n’ont rien à voir avec sa culture. Il y a cinq millions de musulmans en France, si on déclare l’Islam contraire à la République, faut-il exclure cinq millions de personnes de la République ? A force de n’avoir pas accepté cette religion en France, on a laissé se développer un Islam des caves dont l’extrémisme a profité (...) Aujourd’hui le contexte international n’est pas bon et les relations entre musulmans et la communauté nationale sont marquées d’incompréhension. Des voix s’élèvent pour dire que la République et l’Islam sont incompatibles. De leur côté les musulmans s’estiment victimes d’amalgame et de racisme dans le regard des autres. On observe ici et là des regroupements identitaires. Voilà pourquoi, un ministre de l’Intérieur doit s’engager sur les questions religieuses ».

http://www.courrierdemantes.com/news/archivestory.php/aid/9796/Sarkozy_%E0_la_rencontre_des_imams_aux_Mureaux.html