¡³guantanameros² !
CHRONIQUE DE GUANTANAMO
4ème année - N° 2 - 15 janvier 2006
Publication bimensuelle du Collectif guantanamo, 5 rue de Douai, 75009 Paris
Tél. 00 33 (0)6 13 99 28 86 € Courriel : collectifguantanamo@yahoo.fr
Cette Chronique contient toutes les informations publiées au jour le jour sur le site http://quibla.net
NOUS PRATIQUONS LE COPYLEFT : TOUT OU PARTIE DE CETTE CHRONIQUE PEUT ÊTRE REPRODUIT LIBREMENT, EN MENTIONNANT LA SOURCE
« La possibilité, pour le pouvoir exécutif, de jeter un homme en prison sans formuler aucune charge reconnue par la loi contre lui, et notamment de lui refuser le jugement par ses pairs, est odieuse au plus haut degré et elle est le fondement de tout gouvernement totalitaire, qu'il soit nazi ou communiste. »
Winston Churchill
1 5 Janvier 2005 : CELA FAIT 1 475 JOURS
QUE NOS FRÈRES HUMAINS SONT RETENUS EN OTAGES À GUANTANAMO !
LES INFORMATIONS SONT CLASSÉES EN ORDRE CHRONOLOGIQUE DÉCROISSANT
AU SOMMAIRE DE CE NUMÉRO
13/01/06 - Éditorial - Guantanamo, An V : choisir son camp
13/01/06 - Amnesty rend publics de nouveaux témoignages accablants
13/01/06 - Nizar Sassi et Mourad Benchellali remis en liberté : ils seront jugés cette année
13/01/06 - Angela Merkel: « Une institution comme Guantanamo ne peut pas et ne doit pas exister sous sa forme actuelle à long terme. Nous devons trouver d¹autres façons de traiter les prisonniers. Pour moi, 13/01/06 - Le gouvernement fédéral allemand exige la libération de Murat Kurnaz
13/01/06 - GITMO - The New Rules of War : un documentaire suédois sur Guantanamo
09/01/06 - Omar Khadr devant un tribunal militaire cette semaine
09/01/2006 - Guantanamo Bay, devenue partie émergée de l¹iceberg par Michel Porcheron
06/01/06 - Quand le nouveau goulag retrouve l¹ancien : les USA envisagent le transfert de prisonniers de guantanamo à Pul-i-Charki, une ancienne geôle soviétique en Afghanistan, rénovée avec l¹argent de l¹UE !
05/01/06 - Le procès de cinq ex-détenus marocains de guantanamo reporté au 3 février
04/01/06 - «Extraordinary renditions » («Transferts spéciaux ») : « La CIA a le droit d¹enfreindre toutes les lois » - Une interview de Michael Scheuer
04/01/06 - « Ici, c¹est un goulag ! » : le combat des détenus de guantanamo à travers les lettres de Sami Al Hajj
04/01/06 - Liberté pour Sami Al Arian !
04/01/06 - Puni pour trois grains de riz et quatre fourmis : lettre de guantanamo de Sami Al Hajj
Éditorial
Guantanamo, An V : choisir son camp
par le Collectif guantanamo, 12 janvier 2006
Le 10 janvier 2006, l¹ordalie des 500 hommes enfermés à guantanamo est entrée dans sa cinquième année. Pour fêter cet anniversaire sinistre, les tribunaux militaires expéditifs siégeant à guantanamo ont entamé leurs audiences. 9 détenus doivent comparaître devant eux, à commencer par le jeune Canadien d¹origine égyptienne Omar Khadr. Ces derniers mois, les témoignages se sont accumulés sur la réalité de guantanamo, faite de déni total du droit, de tortures et d¹humiliations, mais aussi de combat acharné des détenus pour leur dignité, dont témoigne notamment le caméraman soudanais d¹Al Jazeera Sami Al Hajj dans ses lettres, traduites par le réseau Tlaxcala et publiées sur de nombreux sites web, dont Quibla, en français, en anglais, espagnol et italien. Les détenus continuent leurs grèves de la faim dans un isolement quasi-total, à peine rompu par quelques visites d¹avocats à certains d¹entre eux. Et le Pentagone continue d¹ignorer superbement la décision de la Cour suprême US de l¹été 2004 et statuant que les détenus ont le droit de remettre en cause leur détention devant une juridiction courante.
Durant les quatre premières années du nouveau goulag impérial, l¹opinion publique internationale a semblé tétanisée et ne s¹est pas vraiment engagée dans la dénonciation de cette anomalie. Le combat pour les droits des otages de guantanamo a été confié essentiellement aux juristes et aux associations spécialisées dans les droits humains. Certains parlementaires européens et arabes se sont aussi engagés. Les médias ont accordé un place certaine à guantanamo. Mais on n¹a vu pratiquement aucune manifestation de rue, aucun meeting public, aucune action symbolique autre que celle des certains pères de détenus qui se sont enfermés dans des cages (Mehdi Ghezali à Stockholm, dont le fils est enfin libre et Terry Hicks, à Melbourne, dont le fils David est toujours détenu.
L¹élément nouveau le plus récent est la prise de position d¹¹Angela Merkel, qui a déclaré [voir ses déclarations ci-dessous] que ³guantanamo ne devrait pas exister² et dont le gouvernement a proposé au gouvernement turc une une action commune pour obtenir la libération de Murat Kurnaz, jeune détenu turc originaire de Brême, en Allemagne du Nord, et qui avait publié de retirer son passeport allemand avant de partir au Pakistan. On a appris récemment que les autorités allemandes avaient menti à sa famille et à son avocat, en prétendant ne pas voir de nouvelles de lui. or, a su que des policiers allemands étaient allés l¹interroger à guantanamo. Une faute de plus à ajouter à la longue liste des manquements graves au droit et à la morale commis par Joschka Fischer et Otto Schily. Schily, autrefois avocat des prisonniers politiques de la Fraction armée rouge, semble avoir, en finissant sa carrière comme ministre de l¹Intérieur, complètement oublié son passé courageux. Et que dire sur ces fameux vols aériens de la CIA, qui ont utilisé les aéroports de tous les pays d¹Europe pendant 10 ans, sans que cela suscite une seule protestation d¹un seul gouvernement européen ?
Qu¹est-ce qui a empêché jusqu¹à aujourd¹hui la création d¹un vaste mouvement mondial unitaire en faveur des détenus de guantanamo ? La réponse est à la fois simple et complexe. Simple : les détenus sont tous des Musulmans accusés de terrorisme, donc les gens - de gauche, comme de droite, altermondialistes comme souverainistes - ont peur de s¹engager pour la défense des droits de tels pestiférés. Complexe : les familles de détenus sont souvent terrorisées; les organisations de défense des droits humains fonctionnent désormais comme des entreprises concurrentes, qui se battent pour le contrôle des marchés; le clivage Nord-Sud traverse aussi ces organisations et mouvements.
Le Collectif guantanamo, créé en février 2003 alors que le monde entier avait les yeux braqués sur l¹Iraq se fichait éperdument de guantanamo, a continué au fils des trois années écoulées un travail patient et obscur de fourmi, pour informer, informer, informer. Des dizaines de milliers de personnes ont été informées en long et en large sur tous les aspects de guantanamo. Disposant de ces informations, c¹est à chacun de se déterminer et de choisir d¹agir ou de se taire. Encore faudrait-il que chacun, en son âme et conscience, cesse de croire que guantanamo n¹est que la péripétie d¹une guerre privée entre d¹obscurs et inquiétants barbus - ³le Musulmans intégristes² et un Empire somme toute démocratique. encore faudrait-il que chacun comprenne que l¹enjeu symbolisé par guantanamo, c¹est la défense de l¹humanité dans toutes ses composantes contre une agression planétaire sans précédent dans l¹histoire. Que vous soyez ³islamistes², ³communistes², ³altermondialistes², ³souverainistes², ³anarchistes², sachez que tous ces ismes ne sont que des détails qui pèsent de peu de poids face à un Empire qui se fiche comme de l¹an 40 de vos opinions et n¹en a qu¹à vos richesses et à votre capacité d¹acheter ses produits les plus invraisemblables.
Guantanamo n¹est que la pointe avancée du goulag impérial. Non seulement l¹Empire envisage désormais de transférer les détenus de guantanamo vers l¹ex-prison soviétique de Pul-i-Charki, en Afghanistan, qui a été remise à neuf par les Nations Unies avec de l¹argent italien, mais, si l¹on ose dire, pire encore : 600 camps de concentration sont fins prêts à accueillir plusieurs millions d¹internés, sur le territoire même des USA, au cas où... Ces camps - dont le plus grand, en Alaska, pourrait accueillir un million d¹internés - sont prêts à entrer en fonction dans un laps de quelques heures : la maintenance et l¹entretien y sont assurés depuis...1984. C¹est sous la présidence de Ronald Reagan que ces camps avaient été établis. À l¹époque, ces camps étaient prévus pour accueillir quelques millions de Mexicains et de centraméricains dans l¹hypothèse, envisagée très sérieusement, d¹une invasion d¹immigrants affamés. L¹invasion n¹a pas eu lieu, ou plutôt ces migrants, baptisés les ³wetbacks² (les dos mouillés) trouvent dans les plantations et sur les chantiers de la sur-Amérique libre mieux à faire que chômer dans des camps de concentration. Et le système n¹en est pas à ue contradiction près : alors qu¹il a besoin de cete main d¹oeuvre corvéable à merci, il envisage de construire un Mur le long de la frontière mexicano-US.
Avant d¹avoir accueilli des musulmans kidnappés en Afghanistan et au Pakistan, Guantanamo aurait du héberger des prisonniers faits au Kosovo lors de l¹attaque contre la Yougoslavie, après avoir hébergé pendant les années 1990 des milliers de boat-people haïtiens indésirables sur le territoire US. Comme on le voit, pour l¹Empire, la frontière entre la guerre contre les terroristes e la guerre contre les pauvres et les migrants est plus que floue. Raison de plus pour non seulement s¹indigner, mais s¹informer et agir contre guantanamo.
Comme on disait autrefois, il faut ³choisir son camp²...
13/01/06 - Amnesty rend publics de nouveaux témoignages accablants
Quatre ans après les premiers transfèrements de prisonniers à Guantanamo,
Amnesty a rendu publics mercredi de nouveaux témoignages de détenus faisant
état de mauvais traitements et humiliations à répétition dans la base
américaine à Cuba.
L'un des témoignages recueillis semble aussi confirmer la pratique des
"enlèvements illégaux" pour le compte de la CIA, un détenu affirmant avoir
été enlevé en Egypte avant d'être envoyé apparemment à Bakou (Azerbaïdjan),
puis en Afghanistan et enfin à Guantanamo.
"J'ai été emprisonné en Afghanistan par les Américains, après avoir été
arrêté en Egypte lors d'un court voyage d'affaires", a écrit Abdulsalam
al-Hela, un Yéménite de 34 ans. Arrêté en septembre 2002, il a affirmé être
passé par cinq prisons différentes avant son transfèrement à Guantanamo, le
17 septembre 2004, avoir été régulièrement battu et insulté, et privé de
soins médicaux.
Quelque 500 hommes d'environ 35 nationalités sont détenus à Guantanamo, dont
les premiers sont arrivés le 11 janvier 2002, quatre mois après les
attentats contre New York et Washington.
Une quarantaine y font actuellement une grève de la faim.
Amnesty évoque également le cas d'un journaliste travaillant pour la chaîne
de télévision Al-Jazira, Sami al Hajj, 35 ans, transféré à Guantanamo le 13
juin 2002.
"Pendant plus de trois ans, la plupart des mes interrogatoires ont eu pour
but de me faire dire qu'il y a une relation entre Al-Jazira et al-Qaïda",
a-t-il raconté.
Comme al-Hela, Sami al Hajj affirme avoir été battu, intimidé à l'aide de
chiens. Il aurait également fait l'objet d'insultes racistes, été poussé du
haut d'un escalier, placé à l'isolement pendant huit mois, et privé des
médicaments qui lui sont indispensables en raison d'un cancer de la gorge en
1998.
"Il n'y a pas de mesure intermédiaire en ce qui concerne Guantanamo. Le
centre de détention doit être fermé et une enquête doit être immédiatement
menée sur les nombreuses informations faisant état d'actes de torture et de
mauvais traitements depuis 2002", a demandé mercredi Amnesty.
Source : AP, 11 janvier 2006
13/01/06 - Nizar Sassi et Mourad Benchellali remis en liberté : ils seront jugés cette année
Trois jours après Nizar Sassi, c'était au tour de Mourad Benchellali de quitter jeudi soir la maison d'arrêt française où il était incarcéré depuis son retour de la base américaine de Guantanamo Bay en juillet 2004, a-t-on appris de sources judiciaires. Le jeune homme originaire de Vénissieux a été remis en liberté par le juge d'instruction antiterroriste Jean-Louis Bruguière.
Mourad Benchellali est le troisième Français rentré de Guantanamo à bénéficier d'une remise en liberté. Le parquet dispose d'un délai de dix jours pour faire appel de cette décision.
Le 7 juillet dernier, le juge Bruguière avait déjà ordonné la remise en liberté d'Imad Kanouni qui est retourné dans sa famille en province. Lundi il a signé la remise en liberté de Nizar Sassi, l'ami avec lequel Mourad Benchellali s'était rendu à Kaboul en juin 2001. Devant les enquêteurs, les deux ont assuré que la durée de leur séjour ne devait pas excéder deux mois.
Leur billet de retour était un billet ouvert valable six mois.
Tous deux avaient quitté la capitale afghane au début du conflit entre le régime des talibans et les forces de la coalition occidentale. Après avoir erré de village en village jusqu'à la frontière pakistanaise, ils avaient été arrêtés par des policiers pakistanais avant d'être livrés aux Américains. Ils avaient passé trois semaines dans la prison de Kandahar avant d'être transférés à Guantanamo Bay.
Les deux frères de Mourad Benchellali, Menad et Hafed, ainsi que son père, un imam de Vénissieux, et sa mère, sont mis en examen dans le dossier dit des "filières tchétchènes", un réseau de soutien aux combattants de la République du Caucase. Récemment renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris, ils doivent être jugés au cours du printemps avec 23 autres personnes.
Quatre jeunes Français qui avaient été détenus pendant trois ans sur la base américaine de Guantanamo Bay à Cuba ont été rapatriés en juillet 2004 à Paris. Parmi eux, Imad Kanouni et Nizar Sassi et Mourad Benchellali. Le quatrième, Brahim Yadel, est toujours détenu, tout comme deux des trois Français rentrés en France en mars dernier, Ridouane Khalid et Khaled ben Mustafa.
Seul le Franco-Indien Mustaq Ali Patel qui n'a aucun lien avec la mouvance islamiste a été libéré dès son retour en mars dernier sans être mis en examen.
Les six autres ont été mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et incarcérés dans le cadre de l'enquête sur les Français de Guantanamo ouverte à Paris en 2002. L'enquête touche à sa fin et le procès doit se tenir à Paris au courant de l'année 2006.
Source : AP, 12 janvier 2006
13/01/06 - Angela Merkel: « Une institution comme Guantanamo ne peut pas et ne doit pas exister sous sa forme actuelle à long terme. Nous devons trouver d¹autres façons de traiter les prisonniers. Pour moi, il n¹y a aucun doute la-dessus. »
par Werner Scheuering, der Spiegel, n°1, janvier 2006. Oriiginal http://service.spiegel.de/cache/international/0,1518,394180,00.html. Traduit de l¹allemand par Eva, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (Transtlaxcala@yahoo;com). Cette traduction est en Copyleft.
Quelques jours avant sa visite d¹investiture aux États-Unis d¹Amérique, la chancelière allemande a critiqué le fait que les États-Unis d¹Amérique détiennent des terroristes présumés sans procès préalable à Guantanamo Bay. Voici des extraits concernant la politique étrangère de son interview avec l¹hebdomadaire allemand Der Spiegel .
Chancelière allemande Angela Merkel : « Je souhaiterais améliorer la qualité et la substance des relations germano-américaines ».
Spiegel : « Les relations de politique étrangère étaient considérablement harmonieuses ce qui a déconcerté beaucoup car c¹était le secteur où il y a toujours eu le plus de différends. Les relations avec les États-Unis d¹Amérique restent distantes tandis que celles avec la Russie sont amicales. A quel niveau est-ce qu¹il y a un écart entre vous et le parti socialiste SPD ? »
Merkel: « Le ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et moi-même avons une très bonne relation de travail. Je ne peux pas exclure qu¹il y ait des divergences à un moment donné mais je suis contente que ce ne soit pas le cas pour l¹instant. »
Spiegel : « Vous allez effectuer un voyage aux États-Unis d¹Amérique cette semaine. Comptez-vous discuter du sujet de la torture avec (le Président américain) George W. Bush ? »
Merkel : « Entre des partenaires comme les États-Unis d¹Amérique et l¹Allemagne il ne doit pas y avoir de sujet tabou, il faut discuter même de ces questions. Je me réjouis du fait qu¹il y a des discussions concernant les méthodes légitimes d¹interrogation en Allemagne et aux États-Unis d¹Amérique. Et je me réjouis d¹autant plus que le Président et le Congrès américain ont trouvé un accord quant à leur position sur ce sujet. Ceci représente un changement du débat public aux États-Unis d¹Amérique pour lequel je les félicite profondément. »
Spiegel: « Le gouvernement américain considère comme légitime de maintenir des prisonniers la tête sous l¹eau jusqu¹à ce qu¹ils sont au bord de la mort par noyade. Est-ce que vous trouvez cela acceptable ? »
Merkel : « En Allemagne, il y a eu un débat similaire en 2002 à l¹occasion du kidnapping de Jakob von Metzler, le fils du banquier. On se demandait s¹il était légitime de menacer un détenu par l¹utilisation de la torture afin de sauver la vie d¹un enfant. Le débat public a démontré que la majorité absolue des citoyens pense que même dans un tel cas extrême la fin ne doit pas justifier les moyens. Je suis du même avis. »
Spiegel : « Êtes-vous d¹accord avec le ministre de l¹intérieur Wolfgang Schäuble qui pense qu¹il est nécessaire d¹utiliser des informations éventuellement obtenues par la torture dans la lutte anti-terroriste. »
Merkel : « Pas dans un procès pénal. Une information obtenue dans des circonstances douteuses ne doit pas jouer un rôle au cours d¹une procédure légale dans un État constitutionnel. Mais il faut que toutes les informations soient prises en compte pour le travail de prévention. Que faire si des services secrets étrangers vous font parvenir des informations mais vous n¹êtes pas absolument sûrs de leur source ? Les ignorer tout simplement serait impossible. Il est de notre devoir de garantir la sécurité de nos citoyens. »
Spiegel : « Dans l¹intérêt de la prévention de menaces, des personnages officiels allemands peuvent-ils être envoyés à Guantanamo Bay afin d¹interroger des détenus ? »
Merkel : « Une institution comme Guantanamo ne peut pas et ne doit pas exister sous sa forme actuelle à long terme. Nous devons trouver d¹autres façons de traiter les prisonniers. Quant à moi, il n¹y a aucun doute la-dessus. »
Spiegel : « Allez-vous discuter de Guantanamo avec le Président Bush ? »
Merkel : « Nous allons sûrement du sujet de la lutte anti-terroriste. Mais je ne souhaite pas et je le dirai clairement que notre relation avec les États-Unis d¹Amérique se limite aux questions de la lutte anti-terroriste et la guerre en Iraq. Les relations germano-américaines ont été si bonnes pendant de longues années parce qu¹elles étaient profondément ancrées dans la vie quotidienne des gens. »
Spiegel : « Votre parti en particulier soulignait dans le passé l¹amitié germano-américaine. Maintenant vous ne parlez que de « relations ». Est-ce un refroidissement délibéré ? »
Merkel : « Oh, par pitié ! Je pourrais également dire « amitié » - l¹amitié germano-américaine ! C¹est mieux ça ? Là, nous sommes en train de couper les cheveux en quatre. Je souhaiterais améliorer la qualité et la substance des relations germano-américaines. »
Spiegel : « Est-ce qu¹on peut également définir les relations germano-russes par le mot « amitié » ? »
Merkel : « Il s¹agit là plutôt d¹un partenariat stratégique. Je pense que nous ne partageons pas encore autant de valeurs avec la Russie que c¹est actuellement le cas avec les États-Unis d¹Amérique. Mais d¹un autre côté, c¹est dans notre intérêt que la Russie évolue dans une direction raisonnable. »
Spiegel : « Pensez-vous que Vladimir Putin est un « démocrate impeccable » comme votre prédécesseur l¹a appelé une fois ? »
Merkel : « Je souhaiterais voir la Russie devenir aussi démocratique que possible. Mais si nous sommes en train de juger la Russie, nous devons prendre en compte son point de départ. Notre conception de la démocratie ne peut pas être transférée de façon schématique à un autre pays. Pourtant, je dois avouer que je suis inquiète concernant quelques évolutions récentes comme par exemple les nouvelles lois à l¹encontre des organisations non-gouvernementales. »
Spiegel : « Putin a utilisé le gaz naturel russe comme arme politique dans son dispute avec l¹Ukraine. Comment devrait l¹Occident réagir à cela ? »
Merkel : « Je pense que nous avons clairement compris récemment que l¹achat et la livraison de gaz naturel, à l¹origine un sujet économique, est en réalité un sujet politique. J¹ai l¹impression que le Président russe l¹a bien compris ces derniers jours. »
Spiegel : « Qu¹est-ce que vous déduisez de cet incident au niveau politique ? »
Merkel : « Tout d¹abord nous avons besoin d¹établir de bonnes et stables relations avec la Russie. Deuxièmement, nous devons essayer de faire de considérables économies en énergie et nous devons nous concentrer sur l¹utilisation de ressources variées afin de satisfaire nos besoins énergétiques. Il ne faut surtout pas que nous soyons trop dépendants d¹un autre pays. »
Spiegel : « Est-ce que cela signifie que vous souhaitez vous éloigner du gaz naturel russe ? »
Merkel : « A long terme nous sommes dépendants du gaz naturel russe. Mais nous ne nous appuyons pas exclusivement sur le gaz naturel russe et pas trop fortement non plus. Nous avons aussi besoin de nous faire une idée claire de la provenance de notre énergie dans les décennies à venir. »
Spiegel : « N¹est-ce pas une question qu¹il vaudrait mieux poser au niveau européen ? »
Merkel : « L¹Union européenne devra également s¹occuper de ce problème. C¹est une question d¹une énorme envergure économique et d¹une grande importance au niveau de la stratégie politique. »
Spiegel : « Votre première apparition sur la scène européenne en tant que chancelière au sommet européen à Bruxelles a été considérée comme un succès international. Pourtant, les Allemands vont devoir payer cher pour le compromis à la négociation duquel vous avez participez. Les paiements net vont augmenter de 2 milliards d¹euros par an. Est-ce que c¹était le prix à payer auquel Angela Merkel, l¹Européenne engagée, s¹attendait ? »
Merkel : « L¹accord conclu en décembre 2005 représente un bon résultat pour l¹Europe et l¹Allemagne. L¹Europe a démontré qu¹elle était capable d¹agir et peut maintenant se concentrer sur l¹amélioration de sa compétitivité. L¹Allemagne va devoir payer même moins que prévu dans le cadre du compromis présente par le Premier Ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, en juin 2005. Au début de l¹année 2007, les paiements bruts de l¹Allemagne seront nettement en dessous de notre propre objectif d¹un pour cent du revenu national brut annuel. Comme les autres contributeurs net, l¹Allemagne se montrera solidaire en payant sa contribution à l¹Union européenne élargie et les fonds structurels revenant à l¹Allemagne seront moins importants que ceux de l¹exercice financier précédent. Ce serait naïf de croire que nous paierons moins et recevrons plus avec dix nouveaux membres d¹Europe de l¹Est et d¹Europe Central. »
Spiegel : « Quelles sont à votre avis les perspectives pour la constitution européenne qui n¹a pas su convaincre lors de différents référendums ?
Merkel : « Mettre en vigueur certaines parties de cette constitution et en laisser de côté d¹autres sans savoir dans quelle direction nous allons n¹est pas une option. Ce serait au détriment de la balance générale et nous devons donc reparler de ce sujet et livrer de plus amples explications. Je souhaiterais voir à la fin l¹Europe retenir l¹idée d¹une constitution et je projette de faire une campagne en ce sens. »
Spiegel : « Pensez-vous que l¹occasion de résoudre ce problème se présentera lorsque l¹Allemagne présidera l¹Union européenne en 2007 ? »
Merkel : « Je ne pense pas qu¹il s¹agit là d¹une opportunité. Je pense plutôt qu¹il faudra discuter beaucoup plus de ce sujet. En effet ce ne sont pas que la France et les Pays-Bas qui sont soucieux. Je ressens des réserves massives en Grande Bretagne et même dans les pays scandinaves qu¹il va falloir surmonter. »
Spiegel : « Mais comment faire ? »
Merkel : « En écoutant, en parlant, en convainquant et par le biais du succès économique. En Europe, nous avons besoin d¹une plus grande vitalité économique, de plus d¹emplois, de plus d¹innovations et de plus de confiance. »
Spiegel : « Serait-ce erroné de croire que vous ayez fait de la politique étrangère une priorité absolue et ce peut-être afin de faire oublier des problèmes du pays-même ? »
Merkel : « Effectivement, votre impression est erronée. Les événements nous ont forcé de mettre un plus fort accent sur la politique étrangère. Souvenez-vous donc du marathon de négociation à l¹occasion du sommet européen. Le fait que le budget financier fasse partie de l¹ordre du jour a donné plus d¹importance à cette réunion et a amélioré la perception de la politique étrangère. Au mois de mars j¹aurai été 100 jours en poste. Je suis sure que si vous regardiez en arrière à ce moment-là vous verrez que la balance entre les succès au niveau intérieur sera rétablie. »
Ceci est la première partie d¹un entretien en deux parties avec Merkel.
13/01/06 - Le gouvernement fédéral allemand exige la libération de Murat Kurnaz
Le gouvernement fédéral allemand veut, en collaboration avec la Turquie, obtenir la libération du Germano-turc Murat Kurnaz, détenu actuellement à Guantanamo. Des diplomates allemands à Ankara se sont réunis avec des représentants du gouvernement turc afin de délibérer d¹une demande commune auprès des Américains. Kunaz a certes grandi à Brème mais il est cependant à ce jour un citoyen turc. Le gouvernement à Ankara déclare dans un premier communiqué que Kurnaz pourrait éventuellement déjà être libéré en mars. Jusqu¹à ce jour, les tentatives du gouvernement allemand de libérer ce fils d¹immigrés d¹une détention qui dure depuis quatre ans sont restées sans succès. Les États-Unis d¹Amérique n¹ont réagi ni à une demande de Bernd Mützelburg, l¹ancien conseiller en matière de sécurité de Gerhard Schröder, ni à une démarche de l¹ambassade allemande à Washington entreprise vis-à-vis de la Maison Blanche. Ils étaient d¹avis que seule la Turquie étaient en droit de s¹investir pour Kurnaz par voie diplomatique. Si Kurnaz était libéré, les autorités de sécurité ne souhaitent pas qu¹il puisse retourner en Allemagne. En mai 2004 le ministère de l¹intérieur a décrété une interdiction d¹entrée pour tout l¹espace Schengen avec la justification qu¹il était « un danger pour la sécurité et l¹ordre publics ». Les autorités craignent que Kurnaz ait été radicalisé par son long séjour à Guantanamo et qu¹il puisse faire la tournée des mosquées allemandes en tant que martyr. Cette interdiction d¹entrée est valide jusqu¹à 2007.
Source : der Spiegel, n°1, janvier 2006. Traduit de l¹allemand par Eva, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (Transtlaxcala@yahoo;com). Cette traduction est en Copyleft.
13/01/06 - GITMO - The New Rules of War : un documentaire suédois sur Guantanamo
Réalisé par deux jeunes et talentueux réalisateurs suédois, Erik Gandini et Tarek Saleh, le documentaire GITMO - The New Rules of War (GITMO - les nouvelles règles de la guerre) comence sa carrière publique. d¹abod diffusé par la télévision publiqu suédoise, il aura sa première en salles au Festival de Göteborg le 28 janvier (samedi 17 30 à Chalmers, dimanche 20 h à Puestrvik et lundi à 15 h à Draken), puis tournera dans le réseau des salles Folkets Bio (Cinémas du peuple) à Stockholm, Göteborg, Malmö, Lund, Uppsala, Umeå et Västerås à partir du 10 février. Une enquête qui conduit le spectateur de Portorico à Guantanamo, de Washington à Stockholm, à la découverte d¹un monde dans lequel les vieilles règles, les accords internationaux, les visions de la civilisation moderne sur les droits de chaque être humain sont en train de disparaître. Le film, qui a pris deux ans pour être réalisé, avait été sélectionné pour la compétition en vue du prix Joris Ivens au Festival international du Film documentaire d¹Amsterdam en novembre dernier. Cette coproduction scandinave (Danemark-Suède-Funlande) est distribuée à l¹échelle mondiale par la compagnie canadienne Films Transit, basée à Toronto.
09/01/06 - Omar Khadr devant un tribunal militaire cette semaine
Un Canadien de 19 ans, arrêté en Afghanistan il y a quatre ans et détenu depuis à la base militaire américaine de Guantanamo, comparaîtra en cour la semaine prochaine à l'occasion d'une audience préliminaire. S'il est reconnu coupable, il risque la prison à vie.
Omar Khadr, accusé notamment du meurtre d'un infirmier militaire américain, doit comparaître devant un tribunal militaire, où il sera représenté par un juge-avocat de l'armée américaine. Deux professeurs de droit américains doivent aussi assister à l'audience en tant que consultants.
C'est en novembre dernier qu'Omar Khadr a officiellement été accusé de meurtre et d'autres délits liés à une attaque à la grenade qui a tué l'infirmier Christopher Speer, en Afghanistan, pendant la lutte américaine contre le régime des talibans.
L'avocat de Khadr blâme Ottawa
Dennis Edney, l'avocat canadien de M. Khadr, affirme que le Canada n'a pas fait ce qu'il fallait pour s'assurer qu'il puisse être aux côtés de son client lors de cette audience.
« Le Canada devrait s'assurer que je puisse monter à bord de ce foutu avion », a déclaré l'avocat, ajoutant que les autorités canadiennes avaient « intérêt à ce qu'un avocat canadien soit là. »
Le ministère canadien des Affaires étrangères affirme négocier à ce propos avec les autorités américaines. « Nous travaillons encore là-dessus », a dit un porte-parole du ministère, ajoutant que le Canada avait toujours été favorable à la présence d'un avocat canadien à l'audience.
Légitimité contestée en Cour suprême américaine
Bien que Washington assure qu'il garantit des procès justes et équitables, le tribunal militaire qui entendra la cause d'Omar Khadr est contesté devant la Cour suprême des États-Unis.
Cette dernière devrait statuer en juin sur le bien-fondé du recours à pareilles commissions militaires, par l'administration Bush, pour juger des terroristes présumés.
Le plus haut tribunal américain devra aussi décider si les protections accordées aux prisonniers de guerre dans la Convention de Genève s'appliquent à des détenus comme Omar Khadr.
Les avocats américains de Khadr ont demandé un délai en attendant la décision de la Cour suprême.
Portrait de famille
Ce ne sont là que les plus récents événements impliquant la famille Khadr, réputée proche du réseau terroriste Al-Qaïda et de son chef Oussama ben Laden.
Le frère aîné d'Omar, Abdullah, est actuellement détenu à Toronto en attendant son audition pour une éventuelle extradition vers les États-Unis. Washington, qui l'accuse d'avoir acheté des armes pour le compte d'Al-Qaïda, souhaite lui faire un procès aux États-Unis, où il serait passible d'un minimum de 30 ans de prison.
Karim Khadr, le cadet de la famille, est pour sa part handicapé depuis une fusillade, en 2003, contre les autorités pakistanaises.
Leur père, Ahmed Saïd Khadr, l'un des financiers présumés d'Al-Qaïda, a été tué lors de cette même fusillade.
La soeur d'Omar Khadr, Zaynab, est aussi soupçonnée par les autorités canadiennes d'avoir commis des actes terroristes.
Source : http://www.radio-canada.ca, 5 janvier 2006
09/01/2006 - Guantanamo Bay, devenue partie émergée de l¹iceberg
p ar Michel Porcheron, Granma International, La Havane, 22 décembre 2005
Il est vraisemblable que ce qui s¹est passé et se passe réellement dans l¹enceinte de la base américaine de Guantanamo Bay depuis un certain nombre d¹années restera longtemps encore inconnu de toute mission autorisée à y « enquêter ». De cet enfer, on ne connaît que certes, un certain nombre de révélations, de tragiques découvertes ont braqué les projecteurs sur ce qui se fait de mieux, dans le monde entier, en matière de tortures, d¹humiliations de prisonniers, de châtiments d¹innocents ou d¹exactions en tout genre.
Non seulement aucune instance aujourd¹hui n¹est en mesure de faire fermer les prisons de Guantanamo, aucun tribunal ne siègera pour dire que toutes les formes de justice y ont été bafouées en toute impunité par les autorités américaines, mais on a assisté ces semaines dernières à une nouvelle escalade dans l¹inconcevable : il est maintenant avéré que les Etats-Unis et la CIA ont utilisé le territoire européen pour créer clandestinement au moins huit prisons Guantanamo bis (dits « centres de détention ») et violé un espace aérien qui va de la Suède à Djibouti en passant par les Baléares, les Iles Canaries, l¹Egypte, la Roumanie ou la Thaïlande, effectuant selon der Spiegel quelque 600 vols de transports de prisonniers et leurs tortionnaires. Dans un premier temps, Amnesty International en avait répertorié 427.
Depuis leur décision unilatérale d¹envahir et occuper militairement l¹Irak, Washington, bafouant au passage l¹ONU, puis les conventions de Genève, s¹est placé, avec une sérénité et une arrogance incomparables, au dessus des lois internationales. La chasse aux terroristes supposés, dès les lendemains des sauvages attentats du Word Trade Center, a provoqué un embouteillage de détenus pour lesquels les autorités américaines ont mis au point un nouveau dispositif, toujours aussi illégal : l¹externalisation. « Dès le début, Guantanamo avait été placé hors de la juridiction américaine. Il fallait surtout que le crime soit commis ailleurs, là où les lois des Etats-Unis sur le sort des prisonniers politiques ne pouvaient formellement s¹appliquer », a écrit le journaliste français Jacques Coubard ( L¹Humanité Hebdo , 10 décembre 2005).
La base américaine de Guantanamo est et restera une zone de non droit, même si les Américains font semblant de temps à autre de tenir compte d¹opinions outragées de leurs « amis » européens. Abou Ghraïb, de triste mémoire, n¹est plus celle qu¹elle était, mais d¹autres Abou- Ghraïb fonctionnent à plein régime. Loin de l¹élégante Boston, loin de la douce Californie, loin du Texas et du ranch présidentiel.
Guantanamo n¹étant plus « opérationnel » comme à ses débuts, quelques secrets ayant été éventés, George W. Bush décida une délocalisation d¹envergure pour poursuivre d¹autres basses besognes, où c¹est juré, on ne « torture pas », mais où on pratique « l¹interrogatoire agressif », pour reprendre un terme euphémique de Condolezza Rice dont la dernière tournée en Europe a été une manipulation de haute voltige.
La journaliste américaine Dana Priest qui révéla la première l¹existence de ce réseau mondial de « sites noirs » pour le Washington Post , a fait savoir qu¹on lui a demandé de ne pas citer les noms des pays européens impliqués. Selon Human Right Watch (HRW), la Pologne et la Roumanie (qui ont démenti, sans convaincre) et un état balte abriteraient ces camps up to date .
Les prisonniers étaient envoyés en Egypte, en Syrie (?). Selon Jacques Coubard, les avions de la CIA (très vraisemblablement camouflés en avions privés, avec donc des plans de vols autorisés) « livraient aussi les corps à mutiler en Thaïlande, au Maroc (ils démentent également) en Indonésie, en Afghanistan, dans les Emirats, en Arabie Saoudite et en Grande Bretagne ».
Il est généralement admis que quelques unes de ces prisons d¹un autre type ont été quelque peu nettoyées peu avant l¹arrivée de l¹envoyée très spéciale de M. Bush. Leurs locataires auraient été concentrés dans le désert d¹un pays d¹Afrique du nord. HRW avance le chiffre d¹au moins 26 « prisonniers fantômes » ainsi déplacés. Des « desaparecidos » dont on n¹a aucune nouvelle.
Toujours est-il que le « charme » de la secrétaire d¹Etat aussi sémillante que psycho- rigide, a joué sur ses interlocuteurs européens. Au point que les 25 ont semblé passé l¹éponge, alors que des parlementaires ont exigé des commissions d¹enquête, qui ont toutes les chances de ne pas aboutir.
Tout cela n¹est que péripéties, ont estimé la Commission de Bruxelles et le Conseil européen, ménageons nos amis américains, on ne va tout de même pas sacrifier la sacro-sainte Alliance Atlantique sur l¹autel de quelques principes moraux.
Mme Rice qui n¹a rien cédé, qui n¹avait pas l¹intention de dissiper le moindre malaise européen, a même été félicitée, lors d¹une réunion de l¹OTAN, le 7 décembre, par le ministre néerlandais des affaires étrangères, M. Bernard Bot, « très satisfait des explications » (!) de son ami Condi. Quant à M. Frank Steinmeier, son collègue allemand, il a tout bonnement été impressionné par « la bonne déclaration » de son homologue américaine.
Mais il faudra bien un jour faire la lumière sur au moins dix escales « suspectes » en Espagne (Baléares et Canaries) jusqu¹en janvier 2005. En France le titulaire actuel du Quai d¹Orsay, M. Douste-Blazy a confirmé que « deux plans de vols » avaient été déposés mais qu¹il ne possédait « aucune information » sur la nature de ces vols. On sait que ces deux avions ont fait escale l¹un à Brest (ouest de la France) venant d¹Islande et l¹autre à Paris- Le-Bourget, venant d¹Oslo. Au Portugal, le Diario de Noticias vient de révéler que depuis 2002, près de 60 avions de la CIA ont fait escale dans le pays, le dernierŠle 28 novembre dernier.
Il était logique que la Grande Bretagne serve de plateforme pour ces avions fantômes. Plus de 200 depuis septembre 2001 ou ont survolé le pays ou fait escale, selon des sources concordantes.
Selon le Washington Post, dans ce réseau de prisons secrètes, une centaine ou plus de terroristes présumés ont « disparu », « comme s¹ils avaient été engloutis par une dictature du tiers-monde ». Une trentaine de prisonniers parmi les plus importants sont gardés dans des lieux de détention clandestins « établis dans plusieurs pays d¹Europe de l¹Est ».
Mais il faut revenir à la maison mère, Guantanamo, même si selon l¹_expression de l¹avocat britannique Clive Stafford Smith « Guantanamo n¹est que la partie émergée de l¹iceberg ». Fin novembre, la journaliste Sara Daniel ( Le Nouvel Observateur , n°2142), a raconté la tragédie vécue à Guantanamo par Bader Zaman, où il a été détenu durant deux ans et quatre mois, avant d¹être totalement blanchi. Pour cet ancien journaliste pakistanais de 35 ans, qui vit aujourd¹hui à Peshawar, « livré et vendu » aux Américains par les services secrets de son pays, « moins de 20% des détenus qui se trouvent actuellement dans la prison américaine de Guantanamo Bay sont de véritables « bad guys » ou des responsables talibans, comme le mollah Fazel » . Lorsqu'il est arrivé à Guantanamo, en mai 2002, Bader a été placé en isolement pendant plus d'un an. Bader Zaman a un seul bon souvenir de Guantanamo : c'est l'arrivée dans la cellule voisine de la sienne de son ennemi mortel, celui qui avait servi d'intermédiaire auprès des services secrets pakistanais pour le vendre aux Américains, qui était bien, lui, un proche d'Al-Qaida. « Ce jour-là, j'ai compris qu'on m'avait cru. Que je pouvais espérer quitter cet enfer ».
Le centre de détention de Guantanamo compte 500 détenus qui ont été pour la plupart capturés en Afghanistan à l'automne 2001. Les sept Français ont tous été relâchés et cinq d'entre eux ont été incarcérés à leur arrivée en France. Le « goulag de notre époque » , selon la formule choc utilisée par Amnesty dans son rapport à propos de Guantanamo, est la honte du gouvernement de M. George W. Bush.
Un autre détenu de Guantanamo n¹a pas eu la chance de Bader Zaman. Il s¹appelle Mohammed El Gharani, il est d¹origine tchadienne. Quand il fut arrête sans raison et toujours au Pakistan, où il était venu chercher du travail, il avait 14 ansŠQuatre ans plus tard, il croupit toujours à Guantanamo. C¹est Annick Cojean ( Le Monde 2 , 19 novembre) qui a recueilli sur lui le témoignage de Me Stafford Smith, 46 ans, qui a pris la décision de défendre une quarantaine de prisonniers, en particulier les plus jeunes. Elle consacre sept pages à son emprisonnement, sa mise au secret et tout ce qui va avec, c'est-à-dire coups, humiliations, tortures. Aujourd¹hui Mohammed a juste 19 ans. Il avait été transféré de Kandahar, en Afghanistan à Guantanamo, « enchaîné, bâillonné, cagoulé et drogué ».
Enfin au moins deux interrogations sont troublantes. Pourquoi le ministre de la Défense américain, Donald H. Rumsfeld, refuse-t-il de laisser les enquêteurs de la Commission des droits de l¹homme de l¹ONU rencontrer les prisonniers du camp de Guantanamo Bay ? A-t-il peur que de nouvelles révélations sur le traitement des prisonniers étrangers hors de tout cadre juridique aggravent l¹énorme discrédit déjà jeté sur les Etats-Unis ?
Et puis, pourquoi les militants d¹Al-Qaida n¹ont-ils pas été interrogés et jugés soit par des tribunaux américains, soit par une cour martiale ? Mais il est vrai qu¹alors les accords de Genève les auraient sauvés de la torture et d¹autres traitements cruels, comme l¹expose le Washington Post. « Si M. Bush avait pris cette option, les scandales qui ont éclaté à la suite des abus à Guantanamo Bay comme en Afghanistan et en Irak auraient pu être évités ».
Alors que Oussama Ben Laden court toujours, les principaux acteurs des attentats du 11 septembre 2001, comme Khalild Cheik Mohammed et Ramzi Binalshibh, auraient pu être jugés et leurs crimes dénoncés à la face du monde. Au lieu de quoi, depuis quatre ans, pas un seul dirigeant d¹Al-Qaida n¹a été traduit en justice. Pourquoi ?
Source : http://www.granma.cu, 6 janvier 2006
06/01/06 - Quand le nouveau goulag retrouve l¹ancien : les USA envisagent le transfert de prisonniers de guantanamo à Pul-i-Charki, une ancienne geôle soviétique en Afghanistan, rénovée avec l¹argent de l¹UE !
Les USA envisagent d'aménager une prison de haute sécurité en Afghanistan pour des personnes suspectées de s'être livrées à des actes terroristes, dont des prisonniers de guantanamo, rapporte jeudi le Financial Times.
Le quotidien des milieux d'affaires britanniques indique que les USA ont choisi comme lieu de détention, la prison de Pul-i-Charki, près de Kaboul, la capitale afghane, et qui date de l'occupation soviétique dans les années 80.
Certaines parties de la prison ont été récemment réaménagées dans le cadre d'un programme financé par l'Union européenne.
Le journal, citant des diplomates occidentaux, relève que les Nations unies, ainsi que l'UE, se sont opposées à ce que les États-Unis transforment le complexe en prison de haute sécurité pour des suspects afghans.
Le transfert des prisonniers de guantanamo vers l'Afghanistan, ajoute le quotidien, a pour but de réduire la pression sur le gouvernement US au sujet de la base de guantanamo, où se trouvent encore environ 500 détenus pour la plupart capturés en Afghanistan à l'automne 2001.
Source : AFP, 5 janvier 2006
05/01/06 - Le procès de cinq ex-détenus marocains de guantanamo reporté au 3 février
Le procès des cinq Marocains ex-détenus à la base américaine de guantanamo a été reporté vendredi au 3 février prochain. La Chambre criminelle (1er degré ) de l¹annexe de la cour d¹appel à Salé a pris cette décision suite à une requête de la défense. Les mis en cause Tbarek A (50 ans), Chkouri R (33 ans) , Benchekroun I. (26 ans), Mazouz M. (32 ans) et Ouzar M. (26 ans) sont poursuivis, chacun en ce qui le concerne, pour appartenance à une bande criminelle, non dénonciation de crimes d¹atteinte à la sûreté de lEtat , soutien à un groupe criminel à travers le transfert de fonds remis à des Marocains formant une bande criminelle pour porter atteinte aux intérêts marocains et participation à la falsification de passeports. Les prévenus Tbarek, Ouzar, et Chkouri ont comparu en état de liberté provisoire. A ce sujet, la défense a demandé à la cour de dissocier leur dossier de celui de Mazouz M. et Benchekroun I., impliqués dans une autre affaire dans laquelle une vingtaine de prévenus sont poursuivis par la justice pour de présumés liens avec des organisations terroristes à l¹étranger.
Source : www.albayane.ma, 4 janvier 2005
04/01/06 - «Extraordinary renditions » («Transferts spéciaux ») : « La CIA a le droit d¹enfreindre toutes les lois »
Une interview de Michael Scheuer par Thomas Kleine-Brockhoff, Die Zeit, Hambourg, 29 décembre 2005, N° 1. Original : http://www.zeit.de/2006/01/M__Scheuer?page=all .
Traduit de l¹allemand par Eva, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique ( transtlaxcala@yahoo.com ). Cette traduction est en Copyleft.
Michael Scheuer est un vétéran de la CIA qui a participé au programme de ³transferts spéciaux² de la CIA, lancé par Clinton en 1995. Dans cette interview, il se livre à une exercice virtuose de désinformation, mêlant le vrai et le faux. Aux lecteurs de se faire leur propre religion.
Voici comment l¹hebdomadaire allemand Die Zeit présente le personnage :
« Michael Scheuer a quitté la CIA en novembre 2006 après 22 ans de service. Entre 1995 et 1999 il dirigeait l¹unité qui était chargée de poursuivre Ousama Ben Laden. Depuis 2000 il était l¹un des principaux agents de la lutte anti-terroriste au sein de la CIA. Pendant qu¹il était encore en service, il rédigeait déjà une critique de la politique américaine contre le terrorisme (« Imperial Hubris »). Michael Scheuer est considéré au sein de la CIA comme un traître. Il vit avec sa famille en Virginie. »
Est-ce que les services secrets américains ont le droit d¹enlever des terroristes présumés ? Michael Scheuer, l¹un des principaux responsables, donne pour la première fois des réponses au quotidien allemand Die Zeit .
Die Zeit : Vous avez participé au sein de la CIA au développement du système des « renditions » ce qui comprenait l¹enlèvement de terroristes présumés à l¹étranger et leur extradition vers des pays tiers. Du point de vue de la CIA, est-ce que ces « transferts spéciaux » étaient une réussite ?
Michael Scheuer : Absolument. Pendant une décennie c¹était le programme d¹anti-terrorisme le plus réussi des Etats-Unis d¹Amérique.
Die Zeit : Pourquoi ?
Michael Scheuer : Parce que ces objectifs étaient clairement définis. Premièrement nous voulions identifier et mettre sous les verrous des membres et personnes de contact du groupe terroriste Al Qaida, notamment ceux qui ont participé à une attaque visant les Etats-Unis d¹Amérique ou un État allié ou bien qui pourraient planifier une telle attaque. Le deuxième objectif était de confisquer des documents et des composants électroniques. Les médias affirment que nous avions arrêté et enlevé des personnes sur la base d¹une quelconque supposition pour les interroger. Mais ça ne correspond pas à la réalité.
Die Zeit : Vous ne vouliez donc pas les interroger ?
Michael Scheuer : Si l¹occasion de les interroger se présentait, c¹était la cerise sur le gâteau. A la base, nous ne voulions qu¹arrêter la personne et confisquer ses documents.
Die Zeit : Pourquoi ?
Michael Scheuer : Notre expérience nous a montré que des interrogatoires musclés qui frisent la torture ne donnent pas de résultat. Les personnes disent tout ce que l¹agent qui les interroge veut entendre. Soit les personnes mentaient, soit elles nous donnaient des informations précises mais obsolètes.
Die Zeit : Qui a inventé le système des « transferts spéciaux » ?
Michael Scheuer : Le président Clinton, son conseiller de sécurité Sandy Berger et son conseiller dans le domaine du terrorisme Richard Clarke ont chargé la CIA en automne 1995 de détruire Al-Qaida. Nous avons posé la question au président : Que devons-nous faire des personnes que nous arrêtons ? Clinton nous a répondu : C¹est votre problème. La CIA répliquait : Mais nous ne sommes pas des gardiens de prison. Puis, on nous a suggéré une deuxième fois de trouver une solution quelconque à ce problème. Nous avons donc élaboré une procédure et moi, je faisais partie de ce groupe de travail. Nous nous sommes concentrés sur les membres d¹Al-Qaida qui étaient recherchés dans leur pays d¹origine respectif ou bien qui avaient déjà été jugés en leur absence.
Die Zeit : Comment avez-vous décidé qui devait être arrêté ?
Michael Scheuer : Nous devions présenter beaucoup de matériel accusatoire à un groupe d¹avocats.
Die Zeit : Des avocats ? Au sein des services secrets ?
Michael Scheuer : Oui, il y a des avocats partout. Au sein de la CIA, du ministère de la Justice, du Conseil national de sécurité. Nous avons élaboré une liste de cibles sous leur surveillance. Puis nous devions trouver la personne et ce dans un pays qui était prêt à collaborer avec nous. Ensuite, la personne devait venir d¹un pays qui était prêt à la reprendre. C¹est une procédure très pénible visant un groupe cible très restreint.
Die Zeit : Pourquoi est-ce qu¹il y a des pays qui veulent collaborer avec vous sur leur propre territoire ? Ils auraient pu faire ce travail eux-mêmes ?
Michael Scheuer : Ils croyaient que seuls les Etats-Unis d¹Amérique étaient menacés. Et qu¹ils ne deviendraient la cible d¹actes terroristes que lorsqu¹ils arrêteraient des suspects. Si nous n¹avions pas amorcé le processus, personne ne l¹aurait fait.
Die Zeit : Vos pays partenaires voulaient donc se décharger de ce travail auprès de la CIA ?
Michael Scheuer : Oui, mais ils ne voulaient pas garder ces personnes dans leurs pays. La CIA n¹a pas arrêté ou emprisonné quelqu¹un elle-même.
Die Zeit : Je vous demande pardon ?
Michael Scheuer : C¹était la police locale ou bien des services secrets sur place qui s¹en chargeaient. Nous nous tenions toujours à l¹écart. Le gouvernement américain est rempli de lâches. Il ne permet pas à la CIA de travailler indépendamment.
Die Zeit : Les interrogatoires avaient-ils lieu dans le pays cible ?
Michael Scheuer : Nous avons toujours soumis nos questions par écrit.
Die Zeit : La CIA n¹a jamais réellement assisté aux interrogatoires ?
Michael Scheuer : Je n¹en ai jamais entendu parler. Les avocats nous interdisaient cette pratique.
Die Zeit : N¹aviez-vous pas des doutes quant à la torture dans ces pays ?
Michael Scheuer : Non, c¹était mon boulot de protéger des citoyens américains en arrêtant des membres d¹Al-Qaida. Le pouvoir exécutif de notre gouvernement doit décider s¹il considère ça comme hypocrite ou non. Cette opération était un succès à 90% et on n¹en peut qualifier de désastre que 10%.
Die Zeit : Qu¹entendez-vous par désastre ?
Michael Scheuer : Tout a été rendu public. Les Européens vont désormais réduire leur assistance car ils craignent que tout soit révélé par le Washington Post . Et puis il y a cette machine à vent au Sénat, le Sénateur John McCain, qui a quasiment avoué que la CIA appliquait la torture. À tort bien évidemment. Mais c¹est ainsi que tout le programme sera détruit.
Die Zeit : Pourquoi avez-vous ramené les gens dans leur pays d¹origine au lieu de les transférer aux Etats-Unis d¹Amérique ? N¹auriez-vous pas pu les mettre sous les verrous de façon plus sécurisée ?
Michael Scheuer : Il s¹agissait toujours de crimes violents. Nous n¹avions aucun doute que ces gens seraient relâchés par leurs pays. Et le président Clinton ne souhaitait pas que ces gens soient transférés aux Etats-Unis d¹Amérique.
Die Zeit : Pourquoi pas ?
Michael Scheuer : Nos leaders ne souhaitaient pas les traiter comme des prisonniers de guerre mais plutôt comme des criminels. Parallèlement, on craignait ne jamais pouvoir rassembler assez de preuves pour résister devant nos cours pénales.
Die Zeit : Est-ce si difficile ?
Michael Scheuer : Pour obtenir un jugement contre quelqu¹un aux USA, il faut qu¹un agent de justice américain lui ait lu ses droits à l¹occasion de son arrestation. Ceci est impossible à l¹étranger. Deuxièmement, les investigateurs doivent confirmer l¹authenticité des documents à la cour. Si personne ne peut jurer cela, la cour suppose automatiquement que les documents ne sont pas authentiques. Ainsi, il devient presque impossible d¹obtenir un jugement.
Die Zeit : Comment ne peut-on pourtant pas disposer d¹assez de preuves présentables à la cour mais être assez sûr de soi-même pour pouvoir arrêter quelqu¹un à l¹étranger ? Ceci ne rend-il pas d¹office l¹opération illégale et illégitime ?
Michael Scheuer : Non, car la plupart de ces gens faisaient déjà l¹objet d¹un mandat d¹arrêt dans leurs pays d¹origine. Même si nous n¹apprécions pas le système de juridiction égyptien ou jordanien, il reste un système de juridiction. Nous aidons tout simplement à transférer ces personnes dans leur pays d¹origine pour qu¹elles puissent être punies pour des crimes commis à l¹étranger.
Die Zeit : La CIA se voyait donc comme une police planétaire ?
Michael Scheuer : Non, nous sommes une agence gouvernementale américaine dont l¹objet est de protéger des citoyens américains. Nous aurions préféré transférer ces personnes en tant que prisonniers de guerre aux Etats-Unis d¹Amérique. Enfin, Ousama Ben Laden nous a déclaré deux fois la guerre, une fois en 1996, puis en 1998. Mais le président Clinton ne le souhaitait pas. Et le président Bush non plus. Les deux étaient d¹avis qu¹on donnerait une certaine légitimité aux membres d¹Al-Qaida en les traitant comme des prisonniers de guerre. Mais ce n¹est pas vrai. Ben Laden et ses agents sont des héros dans le monde islamique. Rien de ce que nous faisons ne pourrait les légitimer plus qu¹ils ne le sont déjà. En outre c¹est plus facile de laisser faire le sale boulot par les Jordaniens ou les Egyptiens .
Die Zeit : Les droits de l¹homme ne jouaient donc pas un rôle pour le gouvernement Clinton ?
Michael Scheuer : La CIA a posé cette question. C¹est un fait qu¹au Caire les gens ne sont pas traités comme à Milwaukee. Le gouvernement Clinton nous a demandé : Pensez-vous que les prisonniers y sont traités selon les dispositions de la juridiction en vigueur sur place ? Et nous avons répondu : Oui, nous en sommes assez convaincus.
Die Zeit : Le gouvernement Clinton ne s¹intéressait donc pas trop aux pratiques employées sur place ?
Michael Scheuer : Exactement. Les membres responsables de la CIA étaient dès le départ convaincus que nous serions à la fin désignés comme les coupables. Et vous pouvez le constater vous-même : Bill Clinton, Sandy Berger ou Richard Clarke ne se sont pas encore prononcés à ce sujet.
Die Zeit : Quelles lois ont été enfreintes ?
Michael Scheuer : Je ne le sais vraiment pas. En tout cas aucune loi américaine. La CIA a le droit d¹enfreindre toute loi, sauf la loi américaine comme d¹ailleurs tout service secret. Et à l¹étranger nous avons toujours agi avec le consentement des autorités locales.
Die Zeit : Le chef de la section anti-terroriste de la CIA Cofer Black disait après les attentats du 11 septembre qu¹on allait maintenant arrêter « de mettre des gants ». Qu¹est-ce que cela signifie au sein de la CIA ?
Michael Scheuer : Beaucoup plus de pression. Et nous avons commencé à caser les gens dans des institutions spécialisés en Afghanistan, en Iraq et à Guantanamo. Le gouvernement Bush voulait arrêter les gens soi-même mais il a commis la même erreur que le gouvernement Clinton en ne les traitant pas comme des prisonniers de guerre.
Die Zeit : Combien de personnes avez-vous arrêté ?
Michael Scheuer : Je ne sais pas exactement. Juste après les attentats de septembre 2001, le directeur de la CIA George Tenet disait au congrès qu¹il s¹agissait d¹environ 100 personnes jusque-là. Les opérations dont j¹étais moi-même responsable concernaient à l¹époque environ 40 personnes. Le chiffre 100 me semble beaucoup trop élevé.
Die Zeit : Et depuis ?
Michael Scheuer : La plupart des pays ne veulent plus accueillir ce genre de personnages. C¹est pourquoi la plupart sont entre les mains des Américains. C¹est la raison pour laquelle le nombre a augmenté et ils se chiffrent aujourd¹hui à des centaines mais pas à des milliers.
Die Zeit : L¹un de vos anciens collègues a considéré ces « transferts spéciaux » comme étant une « atrocité ».
Michael Scheuer : Si la défense des Etats-Unis d¹Amérique est une « atrocité », ce critique se sentirait à l¹aise au sein de l¹aile gauche du parti démocratique. Je pense qu¹il ne s¹agit là que d¹un manque de courage pour faire le sale boulot soi-même.
Die Zeit : Des critiques au sein de l¹agence affirment que la CIA a perdu le contrôle du programme après 2001.
Michael Scheuer : Obtenir le consentement des avocats pour une opération reste une procédure pénible jusqu¹à aujourd¹hui. Les Européens ne devraient pas sous-estimer la nature paralysante du système d¹administration américain.
Die Zeit : Qu¹est-ce qui a changé au niveau législatif depuis 2001 ?
Michael Scheuer : Puisque nous enfermons les gens nous-mêmes nous ne sommes plus de tels pharisiens. Du moins on peut doner acte au gouvernement Bush qu¹il se comporte de façon un peu plus virile et qu¹il fait le sale boulot soi-même. Et j¹ai lu dans la presse qu¹il existe maintenant des « techniques d¹interrogation améliorées ». On dirait qu¹on peut employer un peu plus de force qu¹avant.
Die Zeit : Comment vous expliquez-vous que des personnes sont mortes pendant leur période de détention par la CIA ?
Michael Scheuer : Je ne suis pas au courant. Je l¹ai seulement lu dans la presse.
Die Zeit : Il y a des rapports de personnes gravement maltraitées, il y a même des photos à l¹appuiŠ
Michael Scheuer : Ma compréhension des nouvelles méthodes d¹interrogation est qu¹aucune ne doit être fatale. S¹il y a eu des morts, je présume qu¹il y a eu des excès. Et ceci n¹est bien évidemment pas acceptable.
Die Zeit : Apparemment il y a eu des centaines de vols de la CIA à travers l¹Europe. A quoi servaient-ils ?
Michael Scheuer (rit) : C¹est quelque peu surréaliste, c¹est tout. La CIA agit dans le monde entier. Nous effectuons des transports de personnes, d¹équipement et d¹argent au niveau planétaire. Si l¹on veut approvisionner la CIA en Iraq, il faut traverser l¹Europe et y approvisionner également l¹avion en carburant. Cela ne veut pas dire que chacun de ces avions transporte un « méchant ».
Die Zeit : Est-ce que vous trouvez cette excitation en Europe amusante ?
Michael Scheuer : Tout à fait amusante.
Die Zeit : Pourquoi avez-vous besoin de prisons en Europe de l¹Est ?
Michael Scheuer : Je ne suis pas sûr qu¹il y en avait là-bas réellement. Cela m¹étonnerait.
Die Zeit : J¹avais espéré que vous allez me dire où elles se trouvent.
Michael Scheuer (rit) : Je vais citer Franklin D. Roosevelt et dire : Je pense qu¹elles se trouvent à Shangrila. Bref, je ne sais pas pourquoi nous aurions besoin de telles prisons. Nous avons assez de capacités ailleurs, particulièrement en Iraq et à Cuba. Je ne savais rien de ces prisons en Europe de l¹Est lorsque j¹étais en poste. Ceci ne signifie pourtant rien. Peut-être que je n¹avais pas besoin de le savoir. Et si elles existaient, je ne peux que supposer que nos alliés européens étaient convaincus de soutenir une opération qui les protégeait autant que nous.
Die Zeit : Comment se passait la coopération avec les alliés européens, particulièrement avec l¹Allemagne ?
Michael Scheuer : Avant 2001 elle était changeante dans le meilleur des cas. Je ne pense pas que l¹Allemagne compte parmi nos meilleurs alliés. Les Italiens ont toujours été de bons alliés et les Britanniques à peu près. Le problème principal en Europe est de nature plus essentielle : La législation sur l¹immigration et le droit à l¹asile a rendu possible l¹établissement d¹un noyau dur de terroristes jugés ailleurs et qui sont désormais des citoyens d¹États européens. En outre, personne ne peut être déporté dans un pays qui pratique la peine de mort.
Die Zeit : La position concernant la peine de mort présente donc un obstacle à la coopération ?
Michael Scheuer : Elle n¹est pas seulement qu¹un obstacle. C¹est comme un barrage routier. Nous n¹avons en principe pas travaillé en Europe. Il y a des accords conclus pendant la Guerre Froide selon lesquels nous ne menons pas d¹opérations nous-mêmes en Europe. De nos jours, la CIA doit toujours respecter ces accords. Nous sommes donc partis là où cela fonctionne. Ce serait insensé de taper la tête contre un mur.
Die Zeit : Pourquoi est-ce que la collaboration a été de qualité changeante outre la question de la peine de mort ?
Michael Scheuer : Churchill disait à la fin des années 30 : Les Européens espèrent toujours que l¹alligator va les manger en dernier. Tant que les Etats-Unis d¹Amérique étaient la cible des terroristes beaucoup de monde se demandait en Europe pour quelle raison ils devraient s¹exposer au danger aux côtés des Américains.
Die Zeit : Comment avez-vous essayé d¹obtenir des informations en cas de besoin, disons de vos collègues allemands?
Michael Scheuer : Parfois il n¹y avait tout simplement pas de réponse, parfois la réponse n¹était que partielle. Parfois on nous disait : nous n¹avons pas beaucoup d¹informations mais voici le peu dont nous disposons. Tout allait très lentement.
Die Zeit : Est-ce que cela a changé après les attentats de 2001 ?
Michael Scheuer : Oui, tout à fait. Mais en Europe règne toujours cette croyance, même après les attentats de New York, de Madrid et de Londres, selon laquelle il ne faut surtout pas trop se mêler. Cette croyance selon laquelle on n¹est en danger que si l¹on soutient les Américains.
Die Zeit : Le nombre de supporters de cette thèse a augmenté après l¹invasion en Iraq.
Michael Scheuer : L¹invasion en Iraq nous a sans aucun doute brisé la nuque ainsi qu¹à toute notre opération anti-terrorisme. Et à long terme la guerre va sûrement entraîner le retour en Europe d¹une deuxième génération de combattants bien entraînés, de musulmans européens et de convertis européens. La première génération était venue dans les années 90 des Balkans et de la Tchétchénie.
Die Zeit : Je cite le cas de l¹Allemand/Syrien Mohammed Haydar Zammar qui était en relation avec la section dite « cellule de Hambourg » qui a préparé les attentats contre le World Trade Center. La justice allemande ne pouvait pas prouver qu¹il avait commis un crime quelconque. La CIA a arrêté l¹homme au Maroc et l¹a transféré en Syrie. Comment dois-je imaginer dans un tel cas la collaboration avec les Allemands ?
Michael Scheuer : Cela m¹étonnerait que personne au sein des services secrets allemands n¹ait été au courant mais peut-être ont-ils été mis au courant après coup. À Washington on a très peur de la critique de la part des Européens. Cela peut étonner surtout vu notre président mais cela reste néanmoins bien réel.
Die Zeit : Le contraire ne pourrait-il pas être le cas ? Notamment que les services secrets allemands vous ont informé de la destination de l¹homme lorsqu¹il a quitté l¹Allemagne ?
Michael Scheuer : Rien n¹est impossible mais je n¹ai pas de raison de supposer une telle chose.
Die Zeit : Le nouveau ministre de l¹intérieur Wolfgang Schäuble a fait savoir que les interrogatoires de Zammar en Syrie avaient donné des résultats satisfaisants. Est-ce vrai ?
Michael Scheuer : C¹est vrai quant au « programme de transfert spécial ». Je trouve qu¹il est malhonnête de la part des Européens de critiquer aussi vivement cette opération. Car nous avons transmis toutes les informations obtenues au cours des interrogatoires les concernant aux services espagnols, italiens, allemands, français et anglais. Et si l¹on demandait à ses services, ils vous diront : Les informations obtenues grâce au « programme de transferts spéciaux » de la CIA nous ont été utiles.
Die Zeit : Les Allemands ont donc profité de vos méthodes?
Michael Scheuer : Bien sûr.
Die Zeit : Le ministre allemand de l¹intérieur a rapporté au parlement trois cas où des agents allemands se trouvaient dans des prisons à l¹étranger auprès des citoyens allemands. Serait-ce exagéré de dire que la CIA faisait le sale boulot pour nous autres Allemands ?
Michael Scheuer : Comme je l¹ai déjà dit : parfois la critique me semble hypocrite.
Die Zeit : Pouvez-vous exclure qu¹il y ait eu des erreurs et que ce soit les mauvaises personnes qui aient été enlevées ?
Michael Scheuer : Je suis sûr qu¹il y a eu des erreurs. Clausewitz a parlé des brouillards de la guerre. Nous sommes en plein milieu de ce brouillard. Si erreur il y a eu, un dédommagement financier s¹impose.
Die Zeit : L¹un de ces cas semble être celui du citoyen allemand Khaled El-Masri qui a été arrêté dans les Balkans, puis transféré en Afghanistan et relâché plusieurs mois après dans les Balkans.
Michael Scheuer : C¹est justement un symbole pour la confusion qui règne en temps de guerre. Il n¹aurait sûrement pas été arrêté s¹il n¹y avait pas eu des informations alarmantes à son encontre.
Die Zeit : Ce cas semble plutôt être un symbole qui démontre qu¹il vaut mieux confier ce genre de cas aux procureurs, aux cours de justice et à la police et non à la CIA.
Michael Scheuer : Si vous voulez qu¹Al-Qaida fasse l¹objet de poursuites pénales et attendre jusqu¹à ce que nous ayons perdu, vous avez sûrement raison. Nous nous trouvons pourtant en période de guerre. Et plus vite nous réussissons à faire sortir ce genre de choses du cadre de la poursuite pénale et à les traiter selon les règles de la convention de Genève, mieux ce sera pour les Etats-Unis d¹Amérique, l¹Europe et aussi pour l¹Allemagne. Si ces gens sont des prisonniers de guerre, il n¹y a pas de voie légale.
Die Zeit : Monsieur El-Masri indique qu¹il a été torturé. Il se trouvait dans une prison de la CIA en Afghanistan.
Michael Scheuer : S¹il a été détenu dans une prison de la CIA, il n¹a pas été torturé. Point final.
Die Zeit : Mais c¹est ce qu¹il affirme.
Michael Scheuer : Cela ne m¹étonne pas. Peut-être qu¹il veut obtenir de l¹argent. Tout le monde veut ça.
Die Zeit : Il affirme en outre avoir été interrogé en Afghanistan par un Allemand. Comment est-ce possible ?
Michael Scheuer : Je ne sais pas si cela est vrai mais c¹est possible. Notre gouvernement et nos services secrets essayent justement d¹aider les alliés de l¹OTAN. Si les Allemands l¹ont interrogé, cela veut dire qu¹ils espéraient eux aussi obtenir des informations de sa part.
Die Zeit : Combien de tels cas impliquant des musulmans européens existent-ils ?
Michael Scheuer : Pas beaucoup car dans la plupart des cas les Européens ne coopèrent pas. Ainsi, nous essayions d¹attraper ces gens lorsqu¹ils ne se trouvaient pas sur territoire européen.
Die Zeit : El-Masri était étonné que les agents américains qui l¹interrogeaient connaissaient des détails de sa vie quotidienne. Ces détails ne peuvent provenir que des services secrets allemands. Ou bien est-ce que la CIA effectue de l¹espionnage en Allemagne ?
Michael Scheuer : Je suis sûr que ce genre d¹informations ne provient pas de nous. Si nous disposions d¹informations sur les activités d¹El-Masri en Allemagnes, celles-ci provenaient de l¹un des services allemands. Et ce fait suggère également que c¹était plus qu¹une simple rumeur ou qu¹une supposition qui a mené à son arrestation.
Die Zeit : Quel est l¹avenir des « transferts spéciaux » ?
Michael Scheuer : Ce programme est probablement mort. A cause des fuites, des publications et des critiques. Et l¹effet est désillusionnant pour ceux qui portent la responsabilité au sein des services secrets : Aucun de ceux qui nous ont ordonné d¹agir ainsi ne reconnaît aujourd¹hui l¹avoir fait.
« Ici, c¹est un goulag ! » : le combat des détenus de guantanamo à travers les lettres de Sami Al Hajj
Nous poursuivons la publication de lettres du détenu de guantanamo Sami Muhydine Al Hajj, caméraman d¹Al Jazeera, à son avocat britannique Clive Stafford- Smith, en date du 9 août et du 20 octobre 2005.
Traduit de l¹arabe par Ahmed Manaï, membre de Tlaxcala , le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com). Ces traductions sont en Copyleft.
9 Août 2005
Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391-A73AE742F133.htm/
Mon cher Clive,
Je te livre ces quelques impressions sur la grève de la faim.
J¹ai commencé la grève de la faim le 12 Juillet dernier au camp N°4 et plus exactement au Bloc ³Whisky². 190 détenus y ont participé.
Nos revendications tenaient en deux points :
-L¹arrêt de la main de fer à laquelle étaient soumis les détenus, surtout au camp N°5.
-La garantie de soins médicaux et l¹arrêt des pratiques arbitraires systématiques qui consistaient notamment à droguer les détenus et à se jouer de leur santé mentale.
Le 15 juillet, de nombreux visiteurs sont arrivés au camp Delta. Je crois que c¹étaient des membres du Congrès US. Pour des raisons connues des seules autorités du camp, les visiteurs ont été empêchés de rendre une visite normale au camp 4. C¹est peut-être en raison de la tension qui y régnait. Il y a eu quand même une visite de l¹hôpital proche du Bloc ³Whisky².
Abattus et désespérés, les détenus ont commencé aussitôt à hausser la voix et à crier pour attirer l¹attention des visiteurs, dans l¹espoir de pouvoir leur expliquer leur situation. Certains criaient des slogans « Liberté », d¹autres « Bush= Hitler », ici c¹est un Goulag , c¹est un scandale, c¹est l¹esclavage ! ».
A ce moment-là, certains visiteurs ont tenté de s¹approcher du Bloc ³Whisky² pour mieux entendre les cris, passant outre les consignes des gardiens. Certains visiteurs se sont intéressés à nous alors que d¹autres nous regardaient avec mépris.
Le 15 juillet à 17 heures, les autorités du camp Delta ont entrepris de faire évacuer les détenus du Bloc ³Whisky² contre leur volonté (je crois que c¹était le résultat de la visite des membres du Congrès). Ainsi, ils ont ramené 18 détenus aux camps 2 et 3, où les conditions de détention sont extrêmes. Parmi ces détenus, il y avait un de tes clients, Jamel El Bannas. Bien qu¹il n¹y avait aucune résistance de la part des détenus, on a fait appel aux forces de maintien de l¹ordre, connues sous le nom de ERF.
À la fin de cette opération, ce sont 18 détenus qui ont été transférés aux blocs 2 et 3.et les autres détenus du Bloc ³Whisky² ont demandé aussitôt à rejoindre leurs amis aux blocs 2 et 3.
Entretemps, les conditions s¹étaient dégradées au bloc 4. Ses détenus ont eux aussi demandé à être transférés aux blocs 2 et 3, connus pour leurs très mauvaises conditions. En fin de compte ce sont 40 détenus qui ont été transférés en suivant la procédure pour évacuer le bloc 4 : ils ont abandonné tous leurs biens et se sont avancés devant le bloc, afin que les autorités les prennent au sérieux.
Le 18 juillet à 15 heures, les autorités ont commencé le transfert des détenus aux camps 2 et 3.
Au fil des jours de la grève, un autre slogan est apparu : Pourquoi sommes-nous des ennemis ? Scandé par tous les détenus. Le général nous a dit qu¹il n¹avait pas le pouvoir de changer cette situation. On nous raconté que Donald Rumsfield, le ministre de la Défense, avait envoyé une lettre de Washington demandant au général d¹appliquer la convention de Genève aux détenus.
Le plus important pour nous était de faire fermer le bloc 5 parce que les conditions y étaient vraiment extrêmes.
Des officiers sont venus nous voir et nous ont promis qu¹ils allaient ouvrir une cantine où nous pourrions nous approvisionner. Ils nous ont fait savoir que nos familles pouvaient nous envoyer de l¹argent et qu¹ils allaient donner 3 dollars par semaine à chaque détenu qui n¹a pas d¹argent.
Il y avait un conseil de détenus pour leur permettre de débattre de leurs problèmes, de définir leurs positions et de négocier avec les autorités. Les détenus étaient autorisés à tenir leur conseil mais non pas à débattre dans la confidentialité. Aussi, ils ont été obligés de faire passer entre eux des bouts de papier dans lesquels étaient consignées leurs observations, qu¹ils avalaient après leur échange. Cela a provoqué la colère des autorités.
Le 5 août, l¹affaire Hicham Sliti provoqua de graves problèmes. Ce dernier était battu pendant son interrogatoire. Le Coran était aussi profané. Il y avait beaucoup de problèmes concernant le Coran : ainsi par exemple : la police militaire a demandé quelque chose à Chamrani- originaire du Yémen- alors qu¹il faisait sa prière. Il a répondu qu¹il allait accomplir ce qui était demandé après avoir fini sa prière. C¹est alors que la police militaire s¹est ruée sur lui et l¹a battu. Son visage était ensanglanté. Puis ils ont commencé à profaner et à piétiner le Coran.
Ce n¹était pas la première fois que cela se produisait. On a dit à Hakim- lui aussi originaire du Yémen- qu¹il constituait une grave danger pour les Américains parce qu¹il apprenait par c†ur tout le Coran. C¹est une véritable humiliation pour la foi musulmane.
Il y avait aussi le cas de Sâad, originaire du Koweit, qui a été emmené par la force à l¹interrogatoire. Une autre fois, il a été contraint de rester cinq heures avec une femme qui le harcelait sexuellement. Le cas aussi du jeune Omar Khadr, du Canada, lui aussi traîné de force à l¹interrogatoire.
Au bloc 3, les détenus étaient emmenés dans un lieu dit Romeo, où leur dignité était bafouée et où on les obligeait à porter des shorts.
Les autorités ont coupé l¹eau pendant 24 heures et ont privé les détenus de nourriture.
Le 8 août, le général a interdit les réunions du conseil des détenus. Les blocs 2 et 3 ont commencé leur grève de la faim le 7 août et le bloc 1, deux jours plus tard.
Dès la reprise de la grève, un colonel est venu avec un mégaphone demander à parler aux chefs des blocs, mais nous avons refusé.
Nous avons été contraints de reprendre cette grève quoique personnellement elle ne m¹enchante pas, mais c¹est le devoir de solidarité. Nous sommes obligés d¹être solidaires entre nous et surtout avec les détenus du bloc 5.
Mon grand espoir est de rester en vie et je te prie de transmettre à mon épouse et à mon fils que je les aime beaucoup.
Ton ami et client.
Sami Muhydine Al Hajj
Jeudi 17/09/1426H-20/10/2005 J.C.
Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/B23124B3-E716-4F1D-8DBE-C934AB849556.htm/
Mon Cher Clive, bonjour.
Je voudrais te dire encore une fois qu¹au cas où je serais libéré, je décide de rentrer dans ma chère patrie le Soudan et je ne veux aller nulle part ailleurs.
Je souhaite retourner au Soudan pour y mener ma vie normale avec ma chère famille et continuer à assumer mes devoirs envers mes petits frères et s†urs, d¹autant qu¹ils sont sous ma responsabilité maintenant que mes chers et regrettés parents ont été rappelés à Dieu.
Je souhaite aussi que mon fils bien aimé, Mohamed El Habib, rejoigne l¹école soudanaise qui le préparera, par la Grâce de Dieu, j¹en suis sûr, à un avenir radieux.
Je te remercie et je t¹exprime toute ma considération et tout mon respect pour ce que tu as fait pour moi.
En fidèle amitié
Sami Mohydine Mohamed Al Hajj
Liberté pour Sami Al Arian !
Le Conseil national des Américains arabes (NCA) vint de lancer un appel exigeant que les autorités respectent le vrdict du jury de Floride qui a acquitté le professeur Sami Al Arian de 8 des principaux chefs d¹inculpation et le remettent en liberté. Il a été emprisonné pndant trois ans et risque la déportation, bien qu¹il soit citoyen US. les procureurs et le ministère de la Justice sont en train de chercher les voies légales pour le fair soit condamner soit expulser après l¹avoir dépouillé de sa citoyenneté.
Le NCA lance donc une campagne en direction des autorités. On peut écrire à AskDOJ@usdoj.gov en demandant : Free Sami Al-Arian now ! On peut aussi écrire au procureur en chef Paul Perez en adressant un courriel à steve.cole@usdoj.gov en écrivant : ³Please forward to Mr. Paul Perez - Drop all charges against Dr. Sami Al-Arian and free him !²
Source : http://www.arab-american.net. Courriel : nationaloffice@arab-american.net
04/01/06 - Puni pour trois grains de riz et quatre fourmis : lettre de guantanamo de Sami Al Hajj
Nous publions une lettre du détenu de guantanamo Sami Muhydine Al Hajj, caméraman d¹Al Jazzeera, à son avocat britannique Clive Stafford-Smith, en date du 6 novembre 2005. Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391-A73AE742F133.htm/
Traduit de l¹arabe par Ahmed Manaï, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique ( transtlaxcala@yahoo.com ). Cette traduction est en Copyleft.
Dimanche 4/10/1426 H- 6/11/05 J.C.
Mon Cher Clive,
Permets-moi de te faire cette confidence : je suis taraudé par cette question : pourquoi suis-je puni ? Cette question obsède mon esprit et tourne en boucle dans ma tête.
Mon histoire avec les sanctions a commencé à la prison de Bagram. On ne nous autorisait à aller aux toilettes que deux fois par jour : la première juste après l¹aube et la seconde avant le crépus cule et tu ne peux y aller que lorsque son tour arrive.
Je me souviens d¹une fois où j¹étais vraiment pressé. J¹ai chuchoté alors à l¹oreille de la personne qui était devant moi, de me laisser passer avant elle. C¹est alors que le soldat en colère me crie au visage : ne parle pas, et il m¹ordonne d¹aller à la porte. Là, il m¹accroche les mains à un fil de fer et je suis demeuré debout toute la journée à trembler de froid, si bien que j¹ai pissé dans mon pantalon ce qui a provoqué les rires moqueurs des soldats et des putains.
Puis à Kandahar :
En plein été, sous un soleil de plomb et sur un solbrûlant, un soldat crie : toi, arrête, le deuxième, le troisième et le quatrième aussi ! Pourquoi vous parlez ? Mettez-vous à genoux, les mains sur la tête. Nous nous exécutons et il nous laisse ainsi sous une chaleur torride, les genoux sur une caillasse chauffée à blancŠjusqu¹à ce que l¹un d¹entre nous s¹évanouisse et que les autres viennent à son secours.
Une semaine après notre arrivée à Guantanamo, les soldats sont venus de très bonne heure et ont ordonné aux détenus de sortir le bras par le guichet de la porte par laquelle on nous sert d¹habitude la nourriture et ce pour nous faire vacciner contre le tétanos, disaient-ils.
Quand mon tour est venu, je les ai informés qu¹avant de quitter Doha, je m¹étais fait vacciner contre le tétanos, la fièvre jaune, le choléra et autres maladies et que selon le médecin, ces vaccins étaient valides durant cinq ans. Je n¹avais donc pas à les refaire.
L¹officier me cria au nez et m¹ordonna de ne pas discuter : « sors ton bras pour le vaccin, sinon on va te faire sortir de force », me dit-il. J¹ai refusé.
Ils m¹ont laissé puis sont revenus me voir après avoir terminé avec le bloc. Mais j¹ai persisté à ne pas accepter de me refaire vacciner. Alors ils m¹ont confisqué toutes mes affaires, du matelas à la brosse à dents et m¹ont laissé coucher à même le sommier en fer durant trois jours et trois nuits.
Et c¹est toujours la même question qui me revient et me tourmente: pourquoi suis-je puni ?
Les soins sont-ils obligatoires ? Sommes-nous devenus un troupeau de moutons qu¹on conduit et parque ? Devrons-nous accepter tout sans discuter, sans émettre la moindre objection et sans même nous informer ?
Il m¹est arrivé pire encore. Une nuit, je m¹étais couché très tôt. J¹étais exténué après avoir été interrogé à la salle d¹interrogatoire durant des heures. C¹est alors que j¹ai commis l¹erreur de me couvrir la tête et les mains. J¹étais plongé dans le sommeil quand j¹entendis les cris et les ordres d¹un soldat : sors ta tête et les mains de sous la couverture. J e me suis réveillé en sursaut et j¹ai aussitôt obéi aux ordres. Il nous était interdit en effet de dormir la tête ou les mains sous la couverture.
A peine je me rendors que le soldat est venu frapper violemment à la porte de ma cage et me crier très fort : pourquoi tu as mis la pâte dentifrice à la place de la brosse ? Il m¹accusa de désobéir délibérément aux lois et règlements militaires et m¹ordonna de ramasser mes affaires. Ma punition dura une semaine entière.
Et la sempiternelle question me revient : pourquoi suis-je puni ? Est-ce que cela constitue une raison suffisante pour me punir en me retirant toutes mes affaires et en me laissant dormir toute une semaine à même le fer, sans matelas ni couverture ?
Une autre fois, j¹étais en train de prendre mon déjeuner qui consistait en un repas froid en boîte. Après avoir fini de manger, un soldat est venu ramasser les restes du repas et les sachets d¹emballage. Il s¹est arrêté à la porte de ma cage et a commencé à co mpter les morceaux du sac d¹emballage et à les assembler. Aussitôt il me cria à la figure : où est l¹autre morceau ? je commençais aussitôt à fouiller dans mes affaires, vainement. C¹est alors qu¹il prit contact avec son administration et revint avec la sentence : je méritais une sanction exemplaire pour dissuader d¹autres détenus d¹un tel écart.
Alors on me confisque mes affaires pendant 3 jours pendant lesquels je me suis creusé la tête par cette question lancinante : pourquoi suis-je puni et qu¹aurai-je fait avec ce morceau d¹emballage de plastique introuvable ?
Une autre fois, la providence m¹a réuni dans le même bloc avec Jamel l¹Ougandais, Mohamed le Tchadien et Jamel Blama le Britannique. Nous étions réunis ensemble mais aussi unis par la même couleur noire de peau et la même couleur détestable de notre tenue orange. Notre peau noire suffisait à elle seule à exciter nos gardiens blancs contre nous pour nous harceler et nous coller des sanctions avec ou sans motif.
Ils nous réveillaient souvent en pleine nuit au motif de fouiller la geôle. Une certaine nuit, ils m¹ont réveillé pour une fouille. Ils n¹ont rien trouvé de suspectŠà part 3 grains de riz par terre qui avaient attiré quelques fourmis. Alors ils me collèrent une sanction de 7 jours. Encore une fois, je les ai mis à profit pour creuser cette obsédante question : pourquoi suis-je puni ? Il me paraissait débile en effet que je le sois à cause de 3 grains de riz et de quatre fourmis.
Une autre nuit, deux soldats s¹arrêtèrent à la porte de ma cage. Ils avaient des chaînes et des menottes. Ils frappèrent violemment à la porte ce qui me réveilla terrorisé. Ils me menottèrent et me conduisirent au bloc Romeo où ils m¹ont mis dans une cage après m¹avoir déshabillé entièrement sauf du caleçon et du tricot de peau. Rien d¹autre, ni même savon ou brosse à dents.
J¹ai eu beau demander une explication à cette sanction, sans réponse jusqu¹au lendemain, quand sur mon insistance, un responsable est venu me dire que j¹étais puni à passer deux semaines en cage, parce qu¹un soldat a trouvé un clou sur le bord extérieur de l¹ouverture d¹aération de ma cage !
J¹ai alors dit au responsable : comment aurai-je eu ce clou, d¹où me viendrait-il et comment aurai-je pu le mettre sur le bord extérieur de cette ouverture et dans quel but ? Mais il me tourna le dos et partit, ignorant mes questions.
Ainsi, je suis resté pendant 14 jours en position assise évitant, par pudeur, de faire mes prières les fesses en l¹air, et j¹ai dormi pendant 14 nuits froides d¹hiver, à même le fer, sans couverture ni matelas.
Les harcèlements et les provocations des soldats se multiplièrent et se diversifièrent.
Une fois, nous avons appris qu¹un soldat avait piétiné le Saint Coran, y imprimant les traces de ses chaussures. Tous les détenus se révoltèrent et décidèrent de rendre les exemplaires du livre Saint à l¹administration américaine pour éviter qu¹ils ne soient profanés sous nos yeux, surtou t que le général s¹était engagé précédemment que ce genre de provocation ne se renouvellerait pas. Mais ils faillirent à leur promesse.
Suite à cela, les détenus décidèrent de ne pas quitter leurs cages, pas même pour aller en promenade et la douche dont ils avaient tant besoin, et cela pour obtenir le ramassage des exemplaires du Coran.
Comme à leur habitude, les responsables sont aussitôt venus pour donner des ordres et proférer des menaces. Au bout d¹un moment, ils lâchèrent les valeureuses forces anti-émeutes qui forcèrent les geôles et se mirent à battre les détenus avant de les enchaîner et de les menotter. Ils leurs coupèrent les cheveux, les barbes et les moustaches et les jetèrent dans des cages individuelles.
Comme tout détenu, mon tour arriva. Ils m¹aspergèrent les yeux d¹un gaz, puis 5 soldats se mirent à me battre, me conduisirent à l¹aire de promenade et me jetèrent au sol. Alors que j¹étais par terre, l¹un d¹eux me prit la tête et la frappa contre le sol en ciment. Un autre me frappa sur l¹arcade sourcilière et l¹entailla. Le sang gicla et me couvrit le visage. Tout cela, alors que j¹étais au sol, menotté et enchaîné. Ils me coupèrent cheveux, moustaches et barbe et me jetèrent dans une cage individuelle, baignant dans le sang.
Au bout d¹une heure, un soldat est venu me demander, à travers l¹ouverture, si je voulais des soins médicaux. Je refusais l¹offre et plaçais ma confiance en Dieu auprès duquel je dénonçais l¹injustice de mes geôliers. A un certain moment, j¹ai senti que je perdais connaissance à cause de la perte de sang, je demandais alors des soins. Ils sont venus et m¹ont fait trois points de suture à l¹arcade sourcilière, un pansement à la tête et ils m¹ont donné des somnifères, des antibiotiques disaient-ils. Tout cela à travers une lucarne de quelques centimètres de côté.
Je me suis endormi, écrasé par l¹injustice criarde des hommes.
Le lendemain matin, à peine ai-je ouvert les yeux, que je me suis retrouv é confronté de nouveau à l¹obsédante question : pourquoi je suis puni ?
Est-ce que la défense de ma foi et de ma religion, serait un crime puni de prison ? Nos demandes de ramasser les exemplaires du Coran afin qu¹ils ne soient pas profanés devant nos yeux serait aussi un crime ? Pourquoi suis-je ici ? Est-ce que le départ en Afghanistan pour quatre semaines avec une caméra d¹Aljazeera après la guerre d¹agression contre un peuple afghan désarmé,, est aussi un crime pour lequel je dois être puni de prison pour plus de quatre ans ? Et même de me faire accuser de terrorisme ?
De nombreuses questions fourmillent dans ma tête, me tourmentent l¹esprit et viennent toutes buter contre le fatras de slogans racoleurs dont se targuent les promoteurs de la liberté, les défenseurs de la démocratie et les protecteurs de la paix, sur toute l¹étendue de la planète. |