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Paradise Mombassa Peur et mépris dans les jardins kényans
Traduit de l¹hébreu en anglais et présenté par Gilad Atzmon. Traduit de l¹anglais en français par Yves Lecrique, membre de Talxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique ( tlaxcala@yahoo.com ). Cette traduction est en copyleft.
Gilad Atzmon est un ancien Israélien, musicien de jazz, écrivain politique et romancier. Il est citoyen britannqiue et réside à Londres. Ceci est sa première traduction, d¹un article auparavant disponible uniquement en hébreu. Voici la présentation qu¹il a fait du reportage de Maariv. Version originale anglaise parue sur http://peacepalestine.blogspot.com/2005/10/paradise-mombassa-translated-and.html
Le 22 novembre 2002, l¹hôtel ŒParadise Mombassa¹, un hôtel israélien sis au Kenya, fut attaqué par un groupe terroriste. L¹article du Maariv qui suit ne s¹intéresse pas à Al Qaïda, mais se soucie plutôt de la dévastation laissée par les Israéliens derrière eux.Ce qui suit est l¹histoire d¹un bel hôtel israélien installé sur la côte africaine. C¹est l¹histoire d¹une station de vacances sous propriété israélienne à Mombassa, Kénya, planifiée et construite uniquement pour le marché du tourisme israélien. C¹est aussi l¹histoire de l¹outrage total d¹une population locale paupérisée. C¹est le récit de l¹humiliation, de la cruauté, et du viol continu et quotidien de femmes africaines en lutte. C¹est l¹habituelle histoire horripilante d¹Israéliens infligeant des peines aux autres, mais très drôle dans le même temps, un dépit d¹elle-même.Par exemple, une fois par semaine, quand les groupes d¹Israéliens montaient dans les cars du départ pour retourner à l¹aérogare de Mombassa, la direction locale ordonnait au personnel africain de poursuivre les bus en larmes, à grandes effusions, et de répéter « Ne nous quittez pas ! nous vous aimons ! s¹il vous plait, revenez ! » Cette instruction étonnante était donnée au personnel local par la direction israélienne de l¹hôtel, comme partie intégrante de la formule touristique, dernière impression, pour la ramener après des vacances inoubliables.
Je me permets de conjecturer que les gestionnaires israéliens avaient détecté quelque manque d¹amour parmi leur clientèle israélienne. On peut légitimement s¹interroger sur ce qu¹il y a derrière ces soudaines envies de déclarations d¹amour. Considérant le fait indéniable que ces touristes israéliens occupaient leur séjour à transformer Mombassa en enfer sur terre, pourquoi un tel besoin certifié d¹être aimés après cela ? Je me demande pourquoi le persécuteur israélien insiste à être aimé de sa victime ? Après tout, les êtres humains ordinaires n¹attendent pas des éruptions d¹amour de la part de leur réceptionnistes ou de leurs femmes de chambre. Mais, après tout, les êtres humains ordinaires n¹ont pas tendance à humilier, insulter et violer le personnel de l¹hôtel.
Ils peuvent passer quelque temps à l¹hôtel, peuvent apprécier ses services, puis ils paient et quittent les lieux poliment et sans fanfare. Pour les touristes israéliens, comme vous allez le lire, le séjour à l¹hôtel s¹entend comme un évident Œlaisser aller.¹ C¹est l¹environnement idéal pour manifester ses propres pulsions libidinales les plus sombres, et pratiquer l¹abaissement moral le plus complet. Pour le touriste israélien, les vacances sont la matérialisation et l¹incarnation de son zèle du contrôle. Pour les Israéliens, aller en vacances en Afrique, c¹est expérimenter les manières variées de virer à l¹animal sauvage.
La pièce journalistique suivante est un observatoire, une ouverture dans la condition pathologique psychiatrique israélienne. C¹est l¹histoire étrange d¹une identité criminelle absurde qui réclame de l¹affection de la part de ses victimes. Elle n¹a pas été écrite par moi-même, je l¹ai juste traduite en anglais. Elle a été publiée à l¹origine en hébreu dans le Maariv, le deuxième quotidien israélien en importance. J¹ai dédié beaucoup de mon temps à la traduire parce que je pense qu¹il devient crucial pour les gens hors d¹Israël de pouvoir comprendre le caractère israélien et ses caractéristiques.
Apparemment, certains parmi nous ont tendance à croire que l¹approche israélienne envers les Palestiniens est une affaire de circonstances coloniales particulières. Apparemment, ils ont tort. L¹¹israélitude¹, ou l¹¹israélité¹, est une forme radicale de cruauté aveugle et les Israéliens n¹ont aucun problème à l¹emporter avec eux, là où ils vont. En Palestine ce seraient les Palestiniens qui en souffrent, à Goa ce sont les Indiens pauvres. Dans l¹article qui suit ce sont les classes laborieuses et démunies de Mombassa, Kénya, qui sont confrontées au sadisme israélien. Il y a un vieux et fameux slogan : ³Vous pouvez faire sortir un homme d¹Israël mais vous ne pouvez pas faire sortir Israël d¹un homme.² Il est peut-être temps de prendre une grande et belle respiration avant de lire ce dont les hommes d¹Israël sont porteurs.
Peur et mépris au Paradis
par Omri Hasenheim, Kénya, Maariv,14 Octobre 2005. Original : http://www.nrg.co.il/online/1/ART/995/971.html
A l¹hôtel Paradise Mombassa, les membres du personnel étaient humiliés par les touristes israéliens; ce n¹est pas une surprise si, même après les attaques terroristes sur l¹hôtel, ils refusent de pardonner, non pas Al Qaïda, mais nous (les Israéliens.)
Un hôtel posé sur un sable blanc, apparemment plus beau que jamais. Les bâtiments luxueux vous invitent à une Œpause de rêve¹, les chambres et les suites sont chargées de mobiliers exceptionnels et faits-main. Entre les bâtiments restaurés vous trouverez un ruisseau avec des poissons dorés. Au bar vous pouvez entendre les échos de quelques rythmes africains lascifs et relaxants. Tout autour de la piscine géante vous pouvez voir de nombreux singes qui bondissent. De la salle à manger, vous avez une vue splendide sur la mer. Chemin faisant vers cette salle à manger, vous pourriez souhaiter voir le bassin de l¹alligator; visiblement, depuis cette horrible journée de terreur l¹alligator a grossi un peu.
Bienvenue au paradis, l¹hôtel Paradise Mombassa
A juste un kilomètre de là, dans un village appelé Msomrini, deux petites orphelines se font des dreadlocks. A proximité derrière elles, il y a un abris de terre misérable, aux alentours des gamins pauvrement habillés qui jouent. Ils sont sales, leurs nez coulent. Quelques tabourets cassés gisent ça et là... Sur l¹un d¹eux est assise Dama Safaria. Avant qu¹Al Qaïda fasse exploser le peu qu¹elle avait, elle travaillait à l¹hôtel comme danseuse. Pendant deux années, elle pratiquait des danses populaires traditionnelles africaines, chose qui lui permettait d¹oublier un peu la misère dont elle était issue. A Msomrini, tout le monde était heureux de pouvoir danser pour juste 2 dollars par jour. Au début Dama était plutôt contente, mais alors, au fil du temps, les employeurs israéliens réalisèrent qu¹ils pouvaient probablement s¹en tirer sans payer. Après les spectacles, son mari avait pris pour habitude d¹aller parcourir la distance du village à l¹hôtel pour quémander sa paie. « On aimait bien danser pour les Israéliens, » dit Dama, « mais quand le jour de la paie arrivait, nos sourires s¹effaçaient. »
Le matin du 22 novembre 2002, les terroristes d¹Al Qaïda attaquèrent l¹hôtel. Après l¹explosion, il ne fallut pas beaucoup de temps à Dama pour se rendre compte que son mari était manquant, et elle était horrifiée, et quelques minutes ensuite on lui dit qu¹il avait été tué. Depuis lors, elle et ses neufs orphelins luttent pour se maintenir. Son plus jeune fils a tout juste quatre ans. De la direction de l¹hôtel par contre, elle n¹a rien entendu; personne ne lui a rendu visite ou simplement offert ses condoléances. Ni le gouvernement israélien ni les officiels kényans ne lui ont montré le moindre égard, le moindre intérêt. « On nous doit à nous, la compagnie de danse, encore 120 dollars pour nos quatre derniers spectacles devant ces touristes israéliens, », déclare-t-elle en désespoir de cause.
« Après l¹attaque terroriste ma vie est devenue impossible. L¹hiver je supplie les fermiers de cultiver notre terre pour quelques malheureux centimes, » l¹été elle ne comprend pas elle-même comment elle sŒen sort.
Il y a deux mois, le Paradise Mombassa fut réouvert sous une nouvelle direction comprenant un Israélien, un Français et un Américain. Ils essaient de minimiser leur visibilité, tout comme le précédent propriétaire, Yeuda Sulami, qui nie jusqu¹à ce jour sa participation dans la précédente direction. La nouvelle direction fait de son mieux pour changer l¹image de l¹hôtel, ils essaient de laisser de côté le marché israélien. Ils se tournent plutôt vers les marchés européens et américains.
Mais pour de nombreux résidents locaux, ce lifting de façade des affaires ne fera pas grande différence; le souvenir de toutes ces années de mauvais traitements de la part des touristes et de la direction israéliens ne risque pas de s¹effacer. Ils n¹oublieront pas les clients israéliens qui les ont assaillis sexuellement ou étaient simplement grossiers et arrogants. Il n¹oublieront pas la direction israélienne et ses exigences professionnelles étranges, qui oubliait de payer les salaires mensuels à temps, puis arrêta de payer tout court. A présent, tout espoir perdu, ou peut-être par désir d¹ouvrir leurs c¦urs, ils donnent leurs versions personnelles du ŒParadise Mombassa¹.
L¹idée de bâtir un hôtel israélien sur le front de mer kényan à la fin des années 90 s¹est révélée bien ingénieuse. Jusqu¹alors, le Kénya tenait sa réputation de ses safaris sauvages pleins d¹aventures. Yeuda Sulami et son partenaire en entreprise Itzik Mamman ont produit l¹idée d¹utiliser le Kénya comme station de vacances israélienne. Ils ont monté une compagnie et ont commencé à vendre des formules complètes avec les vols, la résidence et les aventures locales pour touristes. Au début, ils négociaient les services de logement avec des entreprises locales. Mais l¹appétit israélien ne connaît pas de limites. « Pourquoi ne pas rafler le vrai argent nous-même ? » se demandaient les deux, « On devrait construire notre propre hôtel sur la plage. » Rapidement, ils trouvèrent à associer des investisseurs locaux et fondèrent une entreprise de Œlocations partagées¹ de lieux de vacances pour Israéliens. La clientèle israélienne réagit avec enthousiasme, et à la fin de l¹histoire il y avait un attrayant hôtel offrant ses plages ensoleillées pendant l¹hiver israélien, complet avec une industrie du sexe à bon marché florissante à juste quatre heures et demie de vol de Tel Aviv.
Le leitmotiv qui guidait Sulami et Mamman était que le client israélien qui pouvait se rendre au Kénya pouvait donc y retourner. Les formules-promotion étaient vendues à des prix ridicules. L¹affaire s¹enclencha parfaitement bien. De nombreux Israéliens sont revenus et investirent dans les logements de vacances (un Israélien acheta 52 unités d¹habitation pour la somme de 1,5 millions de dollars.) Chaque semaine 250 Israéliens atterrissaient à l¹aéroport de Mombassa, ils trouvaient là un hôtel israélien, entièrement casher, avec même sa propre synagogue.
Le complexe entra en fonction pendant l¹année 2000 et fut officiellement lancé un an plus tard. Le personnel local était recruté des hôtels alentours. La plupart des employés admettent qu¹au début ils étaient plutôt heureux, mais les choses se sont détériorées rapidement peu après l¹ouverture officielle. Plutôt rapidement, il devint clair que quelqu¹un devait payer pour les extravagances israéliennes.
L¹homme ne devrait jamais être seul
Trois ans plus tard, l¹humiliante pratique reste comme une blessure ouverte dans la mémoire du personnel féminin de l¹hôtel. Une fois par semaine, quand les Israéliens faisaient leurs préparatifs de départ pour rejoindre l¹aéroport, une alarme sonnait. « Préparez-vous, les clients s¹en vont, » clamait le chef d¹équipe des animations, fébrilement à la poursuite du personnel féminin. Elles avaient ordre de s¹attrouper vers l¹entrée du domaine et de poursuivre les cars en partance en pleurant désespérément sous les yeux des Israéliens. Une fois qu¹elles avaient rejoint les bus il leur fallait frapper sur les tôles avec des larmes dans les yeux.
« C¹était un ordre bizarre, » sourie Saline Aching, la masseuse en chef. « On nous demandait de poursuivre les bus, de chanter et de pleurer pour que les clients sachent que nous les aimions et que nous voulions qu¹ils reviennent. Je me revois courant dans un état frénétique, et je frappais le car avec mes poings en criant aux Œinvités¹, « Pourquoi vous nous abandonnez ? », « Vous nous manquez !», « Nous vous aimons ! » Les Israéliens nous contemplaient derrière les vitres, certains croyaient en notre sincérité, d¹autres nous filmaient. »
Rahima Josef Katan : « Si vous ne pleuriez, pas vous pouviez vous trouver en danger de perdre votre emploi. On nous demandait de penser à quelque chose de vraiment triste qui nous était arrivé, pour qu¹on pleure pour de vrai. Je ne pleurais pas.» « Je ne pleurais pas, » confesse Catherine Khaa, masseuse. « Comment aurais-je pu, je ne les aimais pas du tout. En fait, je les haïssais. »
La course hebdomadaire derrière les bus était juste un exemple de ce qu¹il était exigé du personnel pour bien traiter les clients israéliens. Les principes étaient évidents : humiliation, oubli de la dignité, travail dur. Les lignes de conduites étaient claires : le client a toujours raison, le client doit être heureux, le client doit revenir. Celle qui portaient le plus lourd fardeau étaient les femmes de l¹équipe des animations. Dorothy Maly se souvient qu¹une fois par semaine, le jour de l¹arrivée, cinq d¹entre elles étaient emmenées à l¹aéroport de Mombassa. « On leur chantait Jambo Jambo (bonjour bonjour), et Evenu Shalom Aleichem. Les Kényans d¹ici étaient sûr qu¹on était devenues maboul mais les Israéliens étaient sur la lune. Ils aimaient le bruit, et une fois arrivés à l¹hôtel, on se remettait à chanter bien fort. La nuit nous avions l¹instruction de crier jusqu¹à ce que le dernier Israélien ait quitté la piste de danse. Si un client décidait de ne pas dormir, nous avions ordre de rester auprès de lui jusqu¹à ce qu¹il quitte la salle pour sa chambre. On nous demandait de produire du bruit, pratiquement 24 heures par jour. Quand on prenait une pause, le manager arrivait et se mettait à gueuler : Œ Qu¹est-ce qu¹il vous arrive, vous dormez ? Je vais couper votre salaire, dépêchez vousŠ¹ »
Le plan professionnel était qu¹un client qui s¹ennuie ne reviendrait jamais. Rahima Raymond, masseuse : « Nous étions condamnées à rester assises avec les clients jusqu¹aux petites heures de la matinée, de traîner avec eux. Sulami s¹était bien fait comprendre qu¹on devait garder les clients heureux. On dansait avec les hommes dans les night-clubs simplement pour s¹assurer qu¹ils ne restaient jamais seuls. Au cas où nous refusions d¹agir de la sorte, ils se plaignaient auprès de la direction : ŒPourquoi elles ne sortent pas avec nous ?¹ ŒOn veut voir la nuit africaine¹. Evidemment ils ne se souciaient pas de nos engagements et de notre vie familiale. Evidemment, on ne percevait aucun Œextra¹ pour ses services. Le jour suivant, alors qu¹ils étaient encore au lit nous devions nous lever et recommencer à huit heures du matin. La maxime ŒLe client a toujours raison¹ pris le pas sur tout. Josef Katan : « Ils nous apprirent un code de comportement; si un homme était près de sa femme, on était supposés tenir sa main d¹une façon particulière, si sa femme était ailleurs, alors nous devions nous comporter de façon toute différente. »
« Il y avait les Juifs religieux qui ne pouvaient pas signer leurs notes de chambre le jour du Shabbat. On gardait alors une note avec leur numéro de chambre attachée à leur facture. Une fois le Shabbat écoulé, certains refusaient simplement de payer. Ils débattaient et argumentaient que nous avions tout inventé, Œvous avez falsifié nos signatures¹ disaient-ils. La direction les croyait toujours, et nous obligeait à régler ces notes. Je ne croyais tout simplement pas que des être humains pouvaient se comporter de cette façon. »
Etre vu comme un Africain
La demande sans cesse croissante de distractions des clients Israéliens amena à une maximisation de l¹utilisation de la force de travail locale. Le personnel était mobilisé des différents départements vers l¹équipe des animations. « Ils pouvaient me tirer de la cuisine, me disant que les clients voulaient avoir du bon temps et que je devais y aller et rester auprès d¹eux, » dit Josef Katan. « Alors je demandais, comment pourrais-je cuire des cookies et danser simultanément ? L¹hôtel entier était une escadre du divertissement. Le personnel de cuisine étaient des amuseurs, les réceptionnistes étaient des amuseurs, les jardiniers étaient des amuseurs. » Mali, une danseuse : « Saline, la masseuse en chef, nous criait quelque chose quand trop d¹Israéliens voulaient un massage au même moment. A l¹époque, je n¹y connaissais rien en massage. Il y avait une femme que le rabbin de l¹hôtel avait amené, et qui était supposée nous apprendre. Après une courte instruction de cinq minutes, j¹étais apparemment prête pour l¹essai. »
Afin de maintenir un Œauthentique esprit africain¹, le personnel était obligé de porter des tenues très courtes. A l¹inverse des autres hôtels de la régions, où des hommes servent en uniforme, au Paradise Mombassa le personnel masculin se promenait à demi-nu et pieds nus. Les femmes avaient pour toute autorisation une étoffe minimale sur leurs poitrines et sur leurs pubis. « Même quand la température tombait nous n¹avions pas le droit de nous couvrir. » Marci Mawagambo Aching nous dit : « Sulami voulait que nous ayons l¹air Œauthentiques¹ pour que quand vous marchiez autours d¹eux, les client puissent vous remarquer pour la soirée. Vous deviez avoir l¹air attrayante, pour qu¹ils réservent de nouvelles vacances. C¹était horrible, mais que pouvions-nous faire ? J¹avais besoin de l¹argent. Une des directrices féminines israéliennes nous dit que nous ferions mieux de suivre les ordres de Sulami ; s¹il veut que nous ayons l¹air d¹Africaines, il valait mieux paraître comme telles. »
Même les commodités les plus élémentaires manquaient. ŒParadise Mombassa¹ est situé à 8 kilomètres de la route principale. Le chemin de terre vers l¹hôtel traverse une savane sauvage infestée de hors-la-loi. Cependant une solution a été trouvée, un camion de transport d¹animaux fut converti pour transporter quarante humains. Un employé israélien dit : « C¹était un camion fermé et il n¹y avait pas de bancs. Les gens étaient tellement serrés là dedans qu¹il fallait laisser la porte arrière ouverte.² Josef Katan : On avait l¹impression d¹être des animaux. Parfois on manquait d¹oxygène, mais on savait que si on se plaignait, alors il nous faudrait rester à demeure à l¹hôtel. Ce qui voudrait dire évidemment qu¹on ne pourrait plus voir nos familles. Alors on se taisait. » Une fois un directeur nouvellement embauché demanda ce que les Kényans pensaient de la façon dont ils étaient transportés. La réponse fut assez claire, « pour eux peu importe, tant qu¹ils arrivent à leur lieu de travail ils sont contents. »
Même pour les repas au travail, ils devaient se débrouiller. Mais là aussi une solution créative fut trouvée. Achting : « Des fois Sulami était sympa et on pouvait manger les restes des clients. On avait de la chance parce que les Israéliens sont avides et gourmands ; ils allaient au buffet et prenaient dans leurs assiettes bien plus que leurs corps ne pouvaient accepter. Ils prenaient des piles de salades, d¹énormes pièces de viande, et ensuite, ils les touchaient à peine et en laissaient la plus grande part derrière eux. » Mali : « Pour vous dire la vérité, on se rendait compte que la nourriture était déjà passée par l¹assiette de quelqu¹un d¹autre, mais certains parmi nous devaient la manger, parce que simplement ils n¹avaient pas les moyens d¹en acheter ailleurs. Ils avaient faim, que faire d¹autre ? »
Mais cela va plus loin. Il ne fallut pas longtemps avant que les employés indigènes se rendent compte qu¹ils n¹étaient pas assurés. Cela se révéla de façon éclatante quand un vigile fut assassiné et son collègue blessé durant un cambriolage; à ce jour, ni la famille éplorée ni l¹homme blessé n¹ont reçu la moindre compensation. Des contrats de travail n¹étaient accordés qu¹aux plus hauts responsables. Les subalternes ne recevaient qu¹un papier sans valeur avec le chiffre convenu dessus. Ce document n¹a jamais été respecté par ceux qui ll¹avaient émis.
Bonne machine, bonne machine
Saline Achling était curieuse d¹apprendre certains termes hébreux, et c¹est cet intérêt pour la langue hébraïque qui lui permit de comprendre le sens de ŒAkol Kalul¹, Œtout compris¹. Personne parmi le personnel de l¹hôtel ne pouvait d¹ailleurs ignorer la signification de l¹idiome hébreu qui devint la philosophie de travail de l¹établissement. Tous les services d¹hôtellerie étaient inclus dans la formule-vacance achetée là bas en Israël. Rapidement les employés apprirent ce que cet idiome précis voulait dire pour des Israéliens.
« Toute la journée j¹entendais les clients s¹écrier Akol Kalul,» dit Josef Katan. « Certains me tenaient par le bras et me criaient Akol Kalul. Même à la plage ils criaient aux passant Akol Kalul, Akol Kalul. Je leur demandais alors ce que Akol Kalul voulait dire. Ils répondaient « tout, même toi. » Ils fallait que je leur disent que je n¹était pas la propriété de Sulami. Il possède l¹hôtel mais pas moi. Et je pensais en moi même, ³Mon, Dieu, se comportent-ils de cette façon dans leur propre pays ? »
Dans le meilleur des scénarios, l¹Akol Kalul était pratiqué au buffet gratuit sous la forme de gigantesques pièces de viande posées dans une seule assiette. Dans les pires, il trouvait le chemin du salon de massage. Inutile de le préciser, pas un seul des clients n¹oublia son droit à être massé. Achting dit : « La première chose que les hommes faisaient dès leur arrivée, avant même d¹avoir déballé leurs bagages dans leurs chambres, c¹était de foncer à la salle de massage. Ils entraient dans l¹hôtel les yeux grands ouverts en demandant, Œoù est le salon de massage ?¹ J¹avais pris l¹habitude de planifier son accès à la journée, il y avait une telle compétition entre eux pour être là-bas les premiers. »
Mali : « Mon rôle était de leur dire : ŒJe suis Dorothy et je suis masseuse à l¹hôtel¹. Dès que j¹avais prononcé ces mots ils se mettaient à crier Œmassage ! massage !¹ La plupart d¹entre eux ne parlait pas l¹anglais. Ils disaient juste ŒI come now¹. [ŒJ¹arrive¹, NDT] Un touriste d¹un autre pays aurait attendu deux semaines mais au Paradise, ils le réclamaient immédiatement, sur place. Parfois avant même le petit déjeuner. Vous aviez quelqu¹un qui se présentait à vous et vous disait ŒJe viens pour un massage akol kalul, si vous ne faite pas akol kalul, je prends une autre masseuse¹. »
« Ils disaient : ŒJe veux Harpaya, (éjaculation¹), je demandais alors ce que ce Harpaya voulait dire et ils répondaient, Œpas seulement Harpaya, mais on veut Œtout inclus¹, Œfull sex¹, un rapport sexuel complet.¹ Je leur disais qu¹on avait pas l¹habitude de faire ça et alors ils répondaient, ŒLis bien sur mes lèvres, ŒLes femmes sont tout-inclus¹, le vendeur à Tel Aviv nous a promis que c¹est Akol Kalul !¹ Parfois, une des managers féminins nous suggérait d¹acquiescer aux caprices des clients, pour une garantie justement qu¹ils reviennent. »
Katherine Kaha, masseuse, confesse qu¹il lui fallait suivre ces demandesŠ « Je commençais un massage, et alors l¹homme me disait, Œfait le partout, tu dois le faire¹. Au cas où je ne le faisais pas ils se seraient plaints à la direction. Je n¹aimais pas ça du tout mais je l¹ai fait. Ils me donnaient un dollar, des fois deux, je me sentais horrible.²
Un client israélien régulier: « Il y avait toujours ce problème avec le massage, les Israéliens prenaient l¹habitude d¹abuser des filles à l¹extrême limite. C¹était affligeant et donnait à Israël une mauvaise réputation. Il y avait certains groupes qui me faisaient honte, et que j¹évitais. Ils étaient si directifs, si arrogants, ils faisaient tout ce dont ils avaient envie, ce qui leur passait par le tête, pour prendre du bon temps, tout simplement. »
« Un des Israéliens me dit, », confie Rahima, « Tu sais Rahima, la nuit dernière ils m¹ont fourni une petite chérie, de treize ans seulement, je l¹ai baisée et lui ai donné juste 5 dollars parce qu¹elle était sans argent. » Alors je lui est demandé, ŒQuel est l¹âge de ta petite fille ?¹ Il n¹a pas répondu. Il aurait très bien pu revenir à l¹hôtel, le même soir, en criant, ŒLes femmes africaines ont le meilleur rapport qualité/prix !¹. Laissez-moi vous dire ; ici, en Afrique, il n¹est pas si courant, après avoir couché avec une femme, de s¹en targuer et d¹en informer le monde entier. Mais les Israéliens étaient très ouverts pour cela, et avaient l¹habitude de dire à propos de nous : Mechona Tova, Mechona Tova (bonne machine, bonne machine.) »
Le pouvoir de la baise
La passion pour le sexe n¹était pas confinée aux salons de massage et n¹était pas réservée aux hommes célibataires. Il était plutôt interdit de laisser pénétrer des filles du coin dans l¹hôtel. Mais une solution fut trouvée, juste de l¹autre côté de la rue, en partenariat israélien là aussi, un motel dit Calypso fut monté. C¹était là où les Israéliens traînaient la nuit. « Les hommes débarquaient dans nos chambres et nous demandaient de sortir avec eux,² dit Josef Kaplan, ³mais le pire était le lendemain matin quand ils faisaient partager à la salle de restaurant entière les détails de leurs affaires de la nuit. Ils péroraient, avec des choses comme Œha, j¹ai été avec elle, et je l¹ai baisée et baisée et baisée toute la nuit et pour moins d¹un dollar¹. On comprenait parfaitement ce qu¹ils étaient en train de dire. Quand le premier groupe est arrivé, je me suis dit que sûrement le deuxième groupe serait meilleur. Mais non c¹était exactement pareil. De temps en temps il demandaient un service de chambre, et quand la femme de chambre se présentait, ils essayaient de la toucher. Les serveuses étaient horrifiées, elles ne voulaient jamais aller porter la nourriture dans les chambres, mais avec moi c¹était différent parce que j¹étais de fer avec eux. Alors ils m¹appelaient Œgros cul¹. Ok pour moi, cela vaut mieux d¹être une Œgros cul¹ que d¹être une esclave sexuelle. »
Même les hommes mariés arrivaient à trouver le chemin des chambres des filles. Par exemple l¹un dit à sa femme, ŒVa à la salle de restaurant, je te rejoins là-bas.¹ Et apparemment il disparu jusqu¹au matin suivant. Et le matin nous avons vu la femme crier après son mari pendant le petit déjeuner. Une fois un homme répondit à sa femme, Œles femmes au Kénya sont merveilleuses, elles ont un petit trou, alors que toi tu as ce gros trou idiot¹. Tout cela au petit déjeuner, dans la salle de restaurant, en public. Quand l¹animosité devenait sauvage, on se dépêchait d¹aller trouver le rabbin pour l¹emmener faire de son mieux pour restaurer la paix. Parfois, les hommes étaient assis dans la salle à manger pendant que des ânes se montaient à l¹extérieur. Dès que les Israéliens les remarquaient ils se levaient et les encourageaient bruyamment : Œbien, bon, bon, en avant, en arrière, bien, bon¹. »
« A l¹occasion, l¹un deux se présentait à moi en disant devant tous les autres: ŒJe vais prendre du viagra et après j¹aurai la patate pour baiser. Au fait, quel est ton nom ?¹ Et je répondais ŒRahima¹. ŒBien, Rahima. Je veux te baiser aujourd¹hui !¹ Je me demandais ce qu¹il se passait. Un client me demanda, ŒTu connais Charlie ? J¹ai été avec elle à la disco, je l¹ai baisée mais elle n¹était pas bonne, du tout. Au début j¹avais l¹intention de lui donner 10 dollars mais finalement je ne lui en ai donné qu¹un.¹ Il éructait comme un fou et alors Charlie est entrée dans la pièce. Il a pointé son doigt vers elle et cria Œlà voilà, c¹était elle.¹»
Karen Tiglo, une femme de chambre: « On n¹arrivait pas à se décider si les Israéliens étaient des bêtes ou des êtres humains. Ils m¹offraient 10 dollars à la moindre occasion. Je me sentais humiliée. Au bout d¹un certain temps ils avaient repéré lesquelles parmi nous, le personnel féminin, étaient accrochées à l¹argent et simplement allaient au devant de celles-ci. » Stela Matawa, une serveuse : « De temps en temps un homme m¹approchait et faisait ses avances abusives, et au cas où je refuse, cet homme allait à la salle de restaurant et criait, ŒLaissez la tomber celle-là, c¹est de la daube, je l¹ai emmenée dans la chambre et elle était incapable¹. »
Katherine Kaa eut à endurer une expérience particulièrement traumatisante quand un homme de soixante-dix ans décida qu¹il était tombé amoureux d¹elle. « Je ne l¹aimais pas du tout, » dit elle. « Nous sommes sortis en boîte, j¹étais sûre que je ne l¹escortais que pour l¹aider à tuer son ennui. Sur le retour, lui et le chauffeur de taxi m¹ont piégée ; au lieu de nous ramener à l¹hôtel, nous sommes arrivée à un endroit qui loue des chambres pour la nuit. Violemment, il essaya de me forcer à coucher avec lui. Mais je ne pouvais pas. Quand nous sommes retournés à l¹hôtel il me dit qu¹il ne voulait plus jamais me revoir. Et qu¹il rapporterait à la direction que je lui avais fait perdre son argent sans rien en retour. Après après eu connaissance de mon refus, le patron de l¹hôtel m¹a mise à pied pour deux semaines. »
Si l¹on se fie à certains membres du personnel, non seulement la direction israélienne fauta en ne dénonçant pas, mais en fait certains des dirigeants se joignirent à l¹équipée (leurs noms sont connus de la rédaction du journal). D¹après Raymond, « A l¹époque l¹un des directeurs apprit à apprécier les massages. Il se mit à demander, Œfais-le là, là, et aussi là¹, comme un client. Un autre des responsables attrapait des filles de l¹équipe des animations, et disait : ŒAprès tout, je suis un manager, personne ne te demanderas où tu es allée.¹ Il fallait que j¹accepte bien que ce soit plutôt horrible. Le jour suivant il passait devant moi, et me reconnaissait à peine. Chaque fois, après nos spectacles, une danseuse disparaissait dans un des bureaux de la direction. Les filles avaient peur qu¹il y ait eu un problème professionnel avec leurs performances mais, une fois à l¹intérieur du bureau du manager, elle comprenaient ce qui n¹allait pas. » |