France : Les démons de l’islamisme (62)
Deux journalistes français,
Christophe Deloire et Christophe Dubois ont publié,
chez Albin Michel, un livre intitulé «Les islamistes sont déjà là» et qu’ils
présentent comme «une enquête sur une guerre secrète». L’ouvrage vaut la peine
d’être lu ne serait-ce que pour les notes des «services» qui semblent avoir
fortement «inspiré» les deux co-auteurs. Nous en publions les bonnes feuilles,
chapitre par chapitre.
Sarkozy décore son «ami Dahmane»
Bercy, 26 mai 2004
Abderrahmane Dahmane
Conseiller principal d’éducation dans un collège
du 18ème arrondissement de Paris, Abderrahmane Dahmane
a la poignée de main chaleureuse et le tutoiement facile. Pourfendeur des
islamistes, ce «démocrate musulman» se targue de ne pas avoir une seule fille
voilée dans son établissement : «Elles l’enlèvent avant d’entrer.» L’homme
est de tous les combats. Il met son grain de sel dans la vie politique française,
et aussi dans les affaires algériennes. Un jour, il se mobilise contre les
«extrémistes» de l’UOIF. Un soir, il organise un
rassemblement en mémoire des victimes de la «barbarie des intégristes» à Madrid.
Au printemps 2004, il fait campagne en faveur d’Ali Benflis,
candidat aux élections présidentielles en Algérie, qui sera finalement battu
à plate couture. Cette suractivité militante sème le trouble. Avant de défendre
Benflis, Dahmane n’avait-il pas,
pour le scrutin précédent, supervisé un comité de soutien pour Bouteflika, le président sortant opposé cette fois-ci à Benflis? Téléphone vissé à l’oreille, Dahmane
entretient son réseau. Au fil des années, il est devenu une figure incontournable,
et incontrôlable, du microcosme de l’Islam de France. Redouté, moqué ou courtisé,
malin pour ses amis, retors pour ses ennemis, il s’impose avec sa voix puissante.
Il a du coffre. Son parcours révèle une étonannte disposition à se fâcher avec ses «amis» avant de
se réconcilier en fonction de l’opportunité du moment. Une technique de manipulation
érigée en système. Nicolas Sarkozy, qui le tutoie, ne s’y est pas trompé.
Après la mise en place du CFCM, Dahmane n’a de cesse
d’accuser de tous les maux l’instance du «clergé musulman». Avec son vocabulaire
rugueux, il sait mettre les rieurs dans sa poche. En homme politique avisé,
Sarkozy se dit qu’il est de bonne stratégie d’embrasser son ennemi pour mieux
le contenir. Le 18 octobre 2003, le ministre de l’Intérieur honore de sa présnece
le congrès fondateur de la nouvelle association de Dahmane,
le «conseil des démocrates musulmans». Coutumier des tapes amicales, le ministre
de l’Intérieur sait y faire. À la tribune, il prend l’intonation arabe pour
rendre hommage à son «ami Dar’mane», encarté à l’UMP.
Le conseiller principal d’éducation est au comble de la fierté. Il l’est encore
plus, le 26 mai 2004, lorsque Sarkozy, devenu entre-temps ministre de l’Économie,
le décore de la légion d’honneur. Pour remercier son hôte de Bercy, Dahmane
lui offre un sabre «dont il aura bien besoin». Quelques semaines plus tôt,
Dahmane avait organisé un rendez-vous politique
à
Ancien directeur de Radio France Maghreb, Abderrahmane
Dahmane participe en 1983 à l’aventure de
Sens des affaires, politique et services secrets : le cocktail est explosif.
Les RG épinglent aussi l’acolyte de Dahmane, Khadidja Khali. Veuve d’officier,
gaulliste de la première heure, «elle prétend avoir effectué dans le passé
plusieurs missions «confidentielles» pour le compte du gouvernement français.
Elle-même parle de l’affaire des otages du Liban. En tout cas, cette militante
RPR a ses entrées auprès d’Alain Juppé et Jacques Toubon. Ancienne conseillère
au cabinet du secrétaire Robert Pandraud, elle se trague
de fréquenter Bernadette Chirac. «C’est une dame très gentille, un exemple
d’intégration», sourit Nicolas Sarkozy. À l’époque, l’objectif du couple Dahmane-Khali est clair : éliminer Dalil
Boubakeur de
Les services de police soupçonnent cette dernière de jouer un double jeu :
«Tout en se démarquant des responsables de
Voilà un aspect occulté de l’Islam de France : sa cogestion permanente avec
des puissances étrangères. Est-ce la meilleure méthode pour assurer l’indépendance,
qui est, en paroles au moins, l’objectif du gouvernement?
1- Note, RG.
2- Ibid
3- «L’organisation de l’Islam en France», DCRG, juin 1997.
Le 22-2-2005