Une conférence sur les acquis du combat des femmes en 1996, à Tripoli en Libye Huit ans plus tard, nous nous apercevons que peu de choses ont changé. Ginette Hess Skandrani. La condition des femmes s'est largement dégradée en Irak et dans certaines parties du monde. CONFERENCE SUR LE STATUT DE LA FEMME REALITE ET FUTUR TRIPOLI LIBYE 23-24 NOVEMBRE 1996 La Table-ronde sur les droits de la femme, tenue à Tripoli, a réuni dix-huit oratrices venant des quatre coins de la planète, d'une quinzaine de nationalités différentes, femmes du Sud et du Nord, de différentes cultures, pratiquantes ou non, de gauche ou de droite, politiques ou associatives. Malgré les inconvénients et les désagréments causés par l'embargo aérien imposé à la Jamahirya libyenne, malgré les difficultés du voyage, entre plusieurs avions et le bateau Malte-Tripoli, des femmes, venant souvent de contrées très lointaines, se sont déplacées pour cette cinquième table-ronde sur le statut de la femme dans le monde, sur les acquis et sur ce qu'il reste à conquérir ici ou ailleurs. Nous remercions surtout deux femmes âgées de soixante-quinze ans, l'une Italienne, l'autre Néo-Zélandaise, qui ont voulu apporter leurs témoignages sur leurs traversées de ce siècle que certains appellent les lumières, d'autres les ténèbres, tout dépendant de quel côté du colonialisme on se place. La majorité des femmes étaient âgées de quarante à soixante ans, deux Allemandes qui avaient la trentaine et une Canadienne de vingt-cinq ans. Les différentes oratrices sont intervenues sur : la femme et l'emploi, la femme en politique et dans le mouvement social, la femme, la culture et les différentes religions, les moyens de contraception et l'avortement. Les intervenantes se sont exprimées sur les différences culturelles et sociales entre la civilisation occidentale écrasant toutes les autres et la multitude de civilisations existant sur l'ensemble de la planète. Le débat entre toutes ces femmes venues des pays d'Europe, des U.S.A., du Canada, de l'Amérique latine, de Nouvelle-Zélande, du Japon, de différents pays arabes et de Guyane, était d'un haut niveau, surtout qu'elles ont su s'écouter malgré des analyses différentes et souvent contradictoires sur le rôle de la femme dans la famille, la religion, la société , sur l'interdiction ou l'autorisation de l'avortement. PREMIERE TABLE-RONDE : LES DROITS DE LA FEMME DR Khanum Ganhar Aijaz KHAN, ancien ministre pakistanaise, présidente de l'association des femmes Pakistanaises est intervenue sur le droit des femmes dans l'Islam. Elle a rappelé que beaucoup de femmes ont contribué aux luttes et combats pour l'Islam, qu'elles se sont engagées à côté des hommes pour faire reconnaître l'Islam en tant que religion et en tant que civilisation. Elle a comparé les différentes religions et la place des femmes dans d'autres religions et a donné quelques exemples sur les droits des femmes dans la religion juive où elles portent la responsabilité de la perte de l'Éden ou dans la religion catholique où elles étaient jusqu'au dix-neuvième siècle considérées comme n'ayant pas d'âme au même titre que les noirs ou les différents esclaves. Dans l'hindouisme, la femme n'a d'autre place qu'esclave de l'homme. "L'Islam a donné les moyens aux femmes pour se faire respecter et avoir confiance en elle même" Judith ALLEN U.S.A de l'Association de Défense de l'Emploi pour les Femmes, est intervenue sur la discrimination envers les femmes dans le monde du travail. La majorité des femmes travaillent aux U.S.A., même si leur salaire est bien en dessous de celui des hommes. Même si elles ont accès à tous les postes politiques, leur condition n'est pas idéale. Elles ont créé une association de défense de l'emploi des femmes, dont elle est représentante dans cette table-ronde. Beaucoup de femmes voudraient rester à la maison pour élever les enfants, si elles en avaient les moyens, car le niveau des impôts est très élevé aux U.S.A. Le mouvement des femmes aux U.S.A a refusé de soutenir les femmes immigrées, c'est aussi pour les défendre qu'elles ont créé l'association de défense de l'emploi. Les femmes immigrées ne sont soutenues par aucune organisation ou syndicat, donc elles sont très isolées dans la société déjà masculine et de plus raciste. La lutte d'émancipation des femmes a changé de nature, avant elle était offensive, maintenant elle est devenue défensive à cause du chômage et de la pauvreté. Souad ELNAAS, Libye, du Congrès des Femmes de la Jamahirya , est intervenue sur le droit des femmes et les droits humains dans la Jamahirya. En Libye, les femmes sont présentes dans tous les actes de la société. Elles ont les mêmes droits que les hommes en politique ou dans les administrations. Elles sont largement présentes et représentées dans les différents congrès populaires. La société libyenne doit fournir les moyens à toute la population de se réaliser sans distinction de sexe ou d'âge, travail ou pas travail n'est qu'un problème matérialiste. La femme a le droit de choisir, si elle veut travailler ou si elle préfère élever ses enfants, ou continuer ses études, elle est libre et émancipée. "C'est notre guide Qadhafi qui nous a donné l'occasion de nous libérer" Par contre, contrairement à l'occident, dans la société Libyenne l'avortement est considéré comme un crime abominable, car l'enfant est un don de Dieu, et la femme qui ne procrée pas ne joue pas son rôle naturel et si elle s'avorte, elle se donne la mort. Dorothea SCHENDEL Allemagne, Mouvement des Femmes est intervenue sur les droits humains, les droits de la femme et les problèmes des filles et des femmes dans le Tiers-Monde. "L'UNICEF dénonce la mort de 1,5 % d'enfants dans le monde, qui meurent parce que leurs parents ne les ont pas voulu et les laissent à l'abandon". Elle est pour le droit à l'avortement pour éviter que viennent au monde des enfants non désirés, ceci pour répondre à l'intervenante précédente. Elle fait un exposé sur le travail des petites filles dès l'âge de dix ans, qui au lieu d'aller à l'école comme tous les enfants de leur âge, sont exploitées, au Pakistan, aux Philippines ou ailleurs en Asie ou en Afrique. Plus de 65 % de filles travaillent ou se marient à un âge précoce. Souvent elles meurent à cause de la procréation trop précoce. L'éducation des filles est nécessaire pour la santé de la société. Dans les pays du Nord, les filles font des études et en Asie ou en Afrique, il y a quatre-vingt-dix millions d'analphabètes dont 2/3 sont des filles. C'est d'une injustice flagrante. Il faut souvent y ajouter la prostitution obligatoire. En Thaïlande ou aux Philippines les parents obligent leurs filles à se prostituer pour nourrir la famille. Cela est intolérable. DR. Mithal Sabri JASIM Iraq, présidente de la Fédération Générale des Femmes Arabes est intervenue sur le statut de la femme en terre d'Islam. L'Islam représentant la majorité de la population dans le monde arabe, il est logique que cette population tire sa législation de l'Islam, ainsi que les droits et les devoirs en tant qu'individu. L'Islam donne sa place à la femme arabe selon la juridiction qui régit la société. Avant l'Islam, la loi qui gérait la société arabe était issue des traditions et déconsidérait la femme qui était considérée comme inférieure à l'homme. C'est l'Islam qui a apporté le droit de l'individu, homme et femme et a contribué à l'émancipation de la femme. L'individu est jugé sur son comportement vis-à-vis de Dieu et de la société, et ceci qu'il soit homme ou femme. L'Islam considère que la Femme participe au combat en conservant le patrimoine historique. La femme dans l'Islam joue un rôle primordial. Il ne faut pas juger sur la période de la décadence islamique. Le Coran s'est intéressé à la femme dès le quatorzième siècle. Le droit à l'héritage, le droit de posséder, il n'y a pas de différence entre les sexes, la femme a le droit de jouir de ses droits en toute indépendance. Avant l'Islam, la femme était condamnée pour adultère, maintenant les deux peuvent être condamnés et en plus il faut quatre témoins donc c'est moins facile à juger. Il y a aussi l'égalité dans le mariage avec la liberté de choix des deux époux. L'accord de la femme est maintenant obligatoire. Ce sont les Oulémas qui ont mal interprété les textes du Coran pour les adapter au droit des hommes uniquement. Ils ont instauré un fait accompli. Ils ont donné le droit d'épouser quatre femmes, à condition qu'il y ait l'égalité, la justice et le respect envers les quatre femmes, ce qui est pratiquement irréalisable. Cette loi a été instaurée au début de la création de l'ère musulmane quand l'Islam était combattu et perdait beaucoup de combattants, pour conserver la situation démographique des Musulmans. Mais les Musulmans ont conservé cette loi pour continuer à opprimer la femme. Béatrix PIRCHNER Autriche, de l'Institut International sur la Recherche Soufiste. a fait une intervention sur la nature du monde et le monde dans la nature. Quand on parle de droit de l'homme, est-ce que la situation reflète la règle humaine? Ce monde continue à être commandé pour arriver à sa disparition. Il faut redonner un aspect spirituel à l'humanité, entre hommes et femmes de toute la planète, car nous avons tué beaucoup de valeurs et instaurés une angoisse permanente : peur de la guerre, peur des fléaux et un comportement de consommation qui reflète cette angoisse et amène l'homme à dominer la femme à cause de la peur du naturel. L'univers subit une destruction de l'environnement au même titre que de la spiritualité et l'on s'engage de plus en plus dans un monde matérialiste en fabriquant de plus en plus un côté artificiel qu'on appelle progrès. L'homme, tombé dans ce piège a écarté la femme pour pouvoir jouer un rôle plus important. Si nous portons un jugement sur tous les systèmes politiques depuis cinq siècles, en y incluant l'esclavage dont l'humanité a tant souffert, on se rend compte que les tares et les maladies de la société capitaliste font des ravages sur la vie de toutes les espèces vivantes. Il ne faut surtout pas opposer l'homme et la femme, comme il ne faut pas opposer spiritualisme et matérialisme, pour créer un nouvel ordre social. Le symbole soufiste est être avec le monde et non contre lui. Le soufiste aime Dieu, aime l'humanité. Fin de la première partie
|