TROISIEME TABLE-RONDE : LA PLACE DE LA FEMME DANS LA SOCIETE CONTEMPORAINE Ornella SANGIOVANI, Italie, journaliste, est intervenue sur les femmes, l'Islam et le mensonge des médias occidentaux . "Lors de la conférence mondiale de Pékin, les femmes ont exigé des mesures pour améliorer l'image de la femme dans les médias occidentaux". Les médias occidentaux donnent surtout une mauvaise image de la femme musulmane par ignorance de cette religion. La seule image qu'a l'Occident sur l'Islam c'est : le désert, les chameaux, le harem. L'image de la femme musulmane est donc liée à cette image : elle est soumise, elle est l'esclave de l'homme, elle est un jouet sexuel. Beaucoup de romans ont paru en occident sur les harems, les femmes voilées et violentées, le fantasme a fait le reste. Certaines femmes maghrébines en Europe, plus occidentalisées que les occidentales, et se disant toujours progressistes sont intervenues dans les médias pour dénoncer le hidjab, l'esclavage du voile, ce qui n'a pas arrangé l'image de la femme musulmane. Tout le monde semble oublier aujourd'hui l'énorme progrès qu'il y a eu concernant la condition des femmes en Irak, longtemps avant la guerre. Nos médias montrent la Libye comme un pays traditionaliste, alors que nous savons qu'il y a l'égalité entre l'homme et la femme. La femme occidentale souffre aussi, comme partout, d'injustices, mais ce sont toujours les drames vécus par les femmes dans le monde musulman qui sont gonflés pour desservir l'Islam. Pourtant, le Coran est traduit dans toutes les langues, il suffirait d'étudier l'Islam avec plus d'objectivité, pour s'instruire. Les médias insistent sur la polygamie, fabulent sur l'homme et ses quatre femmes et ne comprennent même pas que c'est très exceptionnel et que ce n'est pas une règle car peu d'homme peuvent entretenir quatre femmes en gardant la vie propre à chaque femme. Et ce n'est pas un fondement religieux. La circoncision ou l'excision, le prophète n'en a jamais parlé. L'occident exploite la pratique de l'excision qui a existé avant l'Islam pour dénigrer cette religion. Marcelle PERREIRA Guyane, du Mouvement Révolutionnaire, est intervenue sur la place des femmes dans le monde contemporain et les problèmes liés au monde contemporain. Les problèmes de la femme ne sont pas les mêmes selon qu'on est d'un côté de la planète ou de l'autre. La femme arabe a d'autres problèmes que la femme des U.S.A, ou d'Europe. Il y a le problème de la religion dans certains pays, il faut donc les traiter d'une autre manière. Il y a la liberté de choix de l'individu, dans ou en dehors de la société. "Islam ne veut pas dire liberté de choix de l'individu, mais le choix que fait l'individu par rapport à la société". En ce qui concerne l'avortement, en Occident, la femme prend sa décision, chez les musulmans, l'enfant est voulu par Dieu, il faut respecter l'enfant. La liberté a différentes facettes, nos idées sont différentes. L'être humain obéit à des lois naturelles, mais il n'est pas tout seul, donc il faut aussi des lois sociales. Selon la troisième théorie universelle, Qadhafi insiste sur le côté naturel, nous sommes des êtres humains créés par Dieu, nous obéissons à des lois divines. Les hommes et les femmes sont tous les deux des êtres humains, il ne doit pas y avoir de différences. Il y a des phénomènes naturels qui ont été dénaturés à cause de l'intervention des hommes. Nous devons veiller à comprendre nos différences, les étudier puis les dépasser. La mentalité occidentale n'a jamais fait d'effort pour comprendre les autres cultures. Elle a toujours voulu les façonner à son image. Si nous voulons comprendre notre époque nous devons réhabiliter toutes les cultures. Le monde actuel est très pauvre, non seulement au niveau culturel, mais surtout au niveau économique. Les 3/4 de l'humanité subissent une pauvreté extrême et la domination du F.M.I, beaucoup de pays sont soumis à l'embargo décrété par les U.S.A., sur les peuples qui ne leur plaisent pas. Nous devons lutter contre l'impérialisme, car les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Il faut plus de compréhension et plus d'entente entre les peuples opprimés. Thérésa ASSENCIO BRUGIATTELLE Italie, Présidente de l'Association Internationale des Femmes Juristes est intervenue sur la femme au seuil du troisième millénaire : bilan et perspectives. Les femmes luttent déjà depuis deux cents ans pour leurs droits. En réalité cette lutte n'a été qu'une façade du patriarcat, qui a réduit la maternité à une simple reproduction, ce qui a fait que même certaines femmes étaient persuadées de la supériorité masculine. Le travail des femmes dont on nous parle, a toujours été un double travail sans rétribution. Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que les femmes ont commencé à sortir de la maison, la parité des femmes passant par le travail à l'extérieur, bien qu'elles doivent aussi assumer celui de l'intérieur. Les femmes ont commencé à se réunir, à créer des associations, à produire des textes, à se mobiliser après la guerre. En 1975, les réformes ont apporté la reconnaissance parentale qui a remplacé la reconnaissance paternelle. Il y a eu beaucoup d'améliorations par rapport à l'éducation des petites filles en Europe. En même temps la maternité a été reconnue comme une fonction sociale d'où l'obtention du congé parental. Les femmes participent largement à la création des richesses et des savoirs, mais la conquête des droits et de la parité en politique reste encore largement déficitaire. La Déclaration Universelles des Droits de l'Homme, du 8 décembre 1948, qui comprend un chapitre contre les discriminations, reste à appliquer au niveau politique. Heike STRUCK Allemagne, étudiante, est intervenue sur le rôle de la femme en Europe de l'Ouest. En Europe, les femmes n'ont toujours pas le même statut social que les hommes, car le travail des femmes n'est pas adapté à la spécificité féminine. Nous devons continuer à lutter pour acquérir nos droits. L'état a théoriquement ouvert tous les domaines aux femmes, mais la vie économique et sociale s'oppose à ce que les femmes prennent des places de décision. La société Ouest-Européenne reste très masculine, d'ailleurs la Déclaration des Droits de l'Homme Française de 1789 à laquelle se réfère toute l'Europe a été écrite par un homme qui n'a même pas pensé à consulter les femmes. Les femmes ont donc été oubliées. Nous devons avoir les mêmes droits, nous sommes la moitié de l'humanité. La femme doit être inclue dans la Déclaration des Droits de l'Homme qui doit donner la liberté à tout le monde. Il y a actuellement en Allemagne une campagne pour la réécriture de la Déclaration. Les femmes luttent depuis de nombreuses années pour la reconnaissance de leurs droits. Nous avons déjà obtenu quelques acquis, il faut continuer, car rien n'est définitif. Les femmes détiennent le droit de vote depuis 1908 en Allemagne, près d'un demi-siècle avant les Françaises. Nous intervenons aussi pour faire punir plus sévèrement les viols qui sont des crimes intolérables commis contre les femmes. Les différents colloques et tables-rondes, auxquelles nous participons sont toujours des activités importantes pour échanger mutuellement et nous remonter le moral. Les hommes veulent toujours d'avantage de libertés et la plupart du temps au détriment des femmes. Il serait temps de définir des principes fondamentaux pour élaborer des rapports respectueux des deux sexes, entre l'homme et la femme. QUATRIEME TABLE-RONDE : QUEL AVENIR POUR LES FEMMES ? Princesse KAORU NAKAMARU Japon, Présidente de l'Institut International de Recherche pour la Paix dans le Monde est intervenue sur la paix dans le monde, actuelle et sa renaissance. " J'ai visité plus de cent cinquante villes du monde entier, j'ai voyagé partout, sur les cinq continents". Les femmes rencontrent les mêmes problèmes partout, même si les cultures, la couleur de peau ou les réalités sont différentes. Pendant la guerre Iran-Iraq, des milliers d'enfants ont été tués. Ils pourraient aujourd'hui être des hommes et sont devenus des chairs à canon. Des enfants, au lieu d'aller à l'école allaient se battre avec dans leurs jolies petites mains, une clef : la clef du paradis, quelle monstruosité et pour quel objectif. C'est révoltant pour des femmes. Toutes les guerre qui ont eu lieu depuis deux cents ans ont été un complot de certaines forces du gouvernement de l'ombre : les multinationales. Et ceci selon un plan bien déterminé : concentrer les richesses du monde et les médias pour leurs objectifs. La paix mondiale et le nouvel ordre mondial sont des concepts utilisés par Georges Bush en s'appuyant sur les forces monopolistes et multinationales pour écraser l'Iraq. C'est vingt-quatre familles qui détiennent les banques américaines et qui ont constitué des lobbies et sont donc très puissantes. La richesse des U.S.A s'est créée par les différents impôts qui ont été prélevés pour combattre le communisme, mais en réalité cette richesse accumulée n'a servi qu'à enrichir certains banquiers et à imposer leur ordre au monde. Je suis étonnée de l'hypocrisie de tous les pays qui sont au courant. Seul Qadhafi a osé le dénoncer. Il faut une renaissance de la spiritualité pour sauver l'humanité car les humains se sont déviés de la vie spirituelle. Les Chrétiens sont devenus matérialistes, il faut retrouver l'esprit du début du christianisme. Le XXe siècle sera religieux ou ne sera pas. Dr. Zaynab ZOHRY, Libye est intervenue sur l'avenir de la femme. L'exploitation des femmes est universelle, elle prend des formes différentes selon les pays, les cultures, les traditions. Il nous faut aujourd'hui prévoir l'avenir et voir comment nous pouvons lutter pour planifier d'autres relations entre les hommes et les femmes, tout en respectant nos différences et nos spécificités. Nous vivons aujourd'hui dans une société planétaire avec beaucoup de conflits sociaux, politiques, culturels, philosophiques, raciaux, la femme est présente dans chacun de ces conflits. L'égalité entre les hommes et les femmes passe par l'enseignement et surtout par le type d'enseignement que la femme peut réaliser. "J'ai dû rompre mon mariage, car mon mari ne voulait pas que je fasse de très hautes études et que je sois plus instruite que lui. Une autre dame a voulu faire comme moi, mais elle avait une petite fille de huit ans et leur famille a été détruite. Vous voyez bien que ce n'est pas évident de devoir choisir". Le droit de la femme est une notion relative selon les sociétés. Le capitalisme donne une certaine égalité entre l'homme et la femme dans l'éducation, car il profite des connaissances acquises pour mieux exploiter les intellectuels. Mais n'importe comment, l'enseignement joue un rôle dans l'épanouissement de la personnalité. Les tentatives de certains scientifiques, pour accaparer toutes les données doivent être démontées, pour voir comment créer un enseignement adéquat à la vie et apporter à la société de meilleures connaissances. Les économistes doivent juste donner les moyens pour gérer l'économie, il ne faut surtout pas qu'ils deviennent des maîtres à penser. Il ne faut laisser le pouvoir ni aux scientifiques ni aux économistes. Toutes les pensées doivent être complétées et améliorées aujourd'hui. Chez les communistes, l'homme est l'élément principal et central, chez les capitalistes, l'enseignement se contente de former des cadres pour la société, capables d'élaborer les besoins pour les marchés et non selon la personne humaine. Les deux idéologies ont tort. Il faut revoir tous ces concepts. Pamella SAFFER, U.S.A, Ligue des Femmes pour la Paix et la Liberté, est intervenue sur les femmes dans le monde : un instrument pour la paix. "J'ai travaillé dans les affaires sociales et dans le textile, j'ai donc eu l'occasion d'observer les différences sociales. J'ai eu l'occasion de travailler au Nicaragua comme observatrice. J'ai vu dans de nombreux pays du nord au sud de l'Amérique la terre et l'environnement détruits par les sociétés pétrolières et l'exploitation massive des forêts et des champs, plus la violence envers les populations indigènes et la pauvreté". Pour mettre un terme à toutes ces violences, il faut en rechercher les causes, et faire un inventaire des besoins prioritaires. L'armement n'est déjà pas une priorité, ni un besoin car les gens meurent par milliers à cause des guerres et à cause des budgets investis dans les armes et les armées. Il y a deux poids, deux mesures, car l'O.N.U. essaie d'imposer ses points de vue par la force, ce n'est pas admissible. Les cinq membres du Conseil de sécurité qui jouissent du droit de veto sont des marchands d'armes et des massacreurs. Ils sont responsables de la mort de nos enfants. En Iraq, beaucoup d'enfants sont morts et continuent à mourir, au Rwanda, 80 % des enfants sont cachés et en danger de mort. Les femmes travaillent depuis de nombreuses années pour la paix et la résolution des conflits par la non-violence. Il faut inverser les concepts : la culture de la guerre doit devenir une culture de la paix. Il faut travailler avec les hommes pour les empêcher de mettre en pratique leur culture guerrière. Margaret JONES, Nouvelle-Zélande est intervenue sur le statut des femmes : réalité et idéal. "Je suis née en 1920, j'ai cinq enfants et huit petits-enfants, je suis membre de trente associations allant du sport à la nourriture saine, des droits humanitaires à la santé, je ne peux tout énumérer". Il n'y aura jamais de démocratie nulle part si la femme n'a pas sa place en politique, car la réussite politique est basée sur la participation. Nous devons étudier ensemble tous les problèmes. Avant tout la santé, notre manière de nous habiller, de manger, car les produits chimiques qui sont déversés partout, les textiles qu'on fabrique, tout cela donne le cancer. En tant que femmes, responsables de la santé de nos enfants, nous devons dénoncer tout cela. Les maladies dues à la pollution, à la voiture, aux insecticides, aux pesticides, si nous ne prenons garde il n'y aura plus d'avenir. Imaginez les pays pauvres qui subissent tout cela, nous venons nous à peine de prendre conscience du drame crée par l'humanité. J'encourage toutes les femmes à mener ce combat urgent Deborah Anne FRANKEL Canada, étudiante en cybernétique et technologie moderne, est intervenue, sur l'implication des femmes dans les technologies modernes. Le gouvernement Canadien est comme un thermostat qui concentre tout le pouvoir. Tantôt il penche à gauche, tantôt il penche à droite, mais c'est toujours lui et lui seul qui diffuse la température et la température reste aux mains des hommes. Il faut que les femmes arrivent à mieux analyser les informations et pour cela il faut déjà avoir accès aux différentes informations à travers Internet. Il y a déjà un effort de fait par rapport à l'infomatique, car peu de femmes savaient encore l'année dernière se servir d'un ordinateur et connaissaient toutes les ficelles de la programmation. Si nous laissons la maîtrise des technologies nouvelles aux hommes, c'est comme si le mouvement des femmes n'avait jamais existé. Il faut combler notre retard et nous emparer de tous les moyens informatiques et surtout nous servir d'Internet pour avoir accès aux nouvelles et pour diffuser des informations. J'encourage toutes les associations de femmes à s'emparer des moyens que la modernité met à notre disposition. Toutes les conférencières présentes ont signé un Appel traduit dans toutes les langues représentées, adressé aux Nations Unies et au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant la levée immédiate de cet embargo honteux qui pénalise injustement le peuple Libyen et spécifiquement les femmes et les enfants. Cet Appel sera diffusé dans nos pays respectifs pour inciter les femmes à le signer largement. Notre congrès s'est terminé vers vingt heures, après un débat très animé et très ouvert, car pour arriver à un consensus et à une résolution finale prenant en compte toutes les sensibilités, à la fois sur l'égalité entre les hommes et les femmes, le droit à l'autodétermination des femmes, les droits féminins, le droit à un enseignement non sélectif, le droit des femmes dans le monde islamique ou dans d'autres régions du monde, la réécriture des différentes civilisations, le rejet des stéréotypes, le combat pour la paix, le désarmement et la justice, la réécriture de la Déclaration des droits de l'homme… nous savons qu'il nous reste un long chemin à parcourir. Nous savons aussi que c'est ensemble, femmes du Sud et du Nord, en prenant en compte toutes nos différences, nos faiblesses et nos forces que nous y arriverons. Un dîner offert par la JamAhirya a réuni l'ensemble des conférencières, les étudiantes, les femmes libyennes, les traducteurs et tous ceux et celles qui ont permis que cette table-ronde se passe dans les meilleures conditions. Le lendemain, lundi, avant notre embarquement, nous avons visité Tripoli, le centre, les souks et la Médina. Nous avons visité les fouilles romaines, phéniciennes ou puniques de Shébrata, au bord d'une Méditerranée si bleue à en faire rêver, nous avons discuté et plaisanté avec de nombreux Libyens ou Libyennes, qui contrairement à tous les stéréotypes d'ici sont très ouverts et très accueillants . Ginette SKANDRANI Décembre 1996
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