ISRAËL
"Nous sommes déjà morts" : Avraham Burg attaque
l'Etat juif,
"ghetto sioniste"
LE MONDE | 09.06.07 JÉRUSALEM
CORRESPONDANT
Avoir défini l'Etat d'Israël comme
un Etat juif est la clef de sa
perte.
Un Etat juif, c'est explosif, c'est de la dynamite."
Ces propos sont
ceux de l'ex-président de la Knesset
de 1999 à 2003 et ex-président
de l'agence juive, Avraham Burg.
M. Burg n'a jamais mâché ses mots, mais, dans un entretien
publié
vendredi 8 juin dans le quotidien Haaretz, ce politicien reconverti
dans les affaires va jusqu'à qualifier Israël, pays qu'il
a quitté pour
vivre en France, de "ghetto sioniste". Il considère qu'il
est temps de
dénoncer la théorie de Théodor Herzl, estimant qu'après
la création
d'Israël, le sionisme aurait dû être aboli. Lorsqu'on
lui demande ce
qu'il pense d'un Etat juif démocratique, il indique : "C'est
confortable, c'est sympa, c'est de la guimauve, c'est rétro. Cela
donne un
sentiment de plénitude, mais c'est de la nitroglycérine."
Auteur d'un livre, Vaincre Hitler, cet ex-pilier
du mouvement pacifiste
La Paix maintenant envisage de remettre en cause la loi du retour
qui permet à tout juif de venir vivre en Israël. Il estime
que cette
loi est "le miroir de l'image d'Hitler" et "je ne veux
pas qu'Hitler
définisse mon identité".
Ce militant du dialogue avec les Palestiniens
qualifie la société
israélienne de "paranoïaque", pense que "la
clôture de séparation
procède de cette paranoïa" et s'insurge contre "la
xénophobie". Il
constate que "de nombreuses lignes rouges ont été franchies
au
cours des dernières années". Il y a, selon lui, "de
bonnes chances
que la prochaine Knesset interdise les relations sexuelles avec les
Arabes. Nous sommes déjà morts mais
nous ne le savons pas
encore. Tout cela ne marche plus".
M. Burg compare l'état de la société
israélienne à l'encontre des
Arabes à celui de l'Allemagne lors de la montée du nazisme,
mettant
en avant "le caractère central du militarisme dans notre identité.
La
place des officiers de réserve dans la société. Le
nombre d'Israéliens
armés dans les rues. Où va cet essaim de gens armés
? Ils disent
publiquement "les Arabes dehors !"".
Se définissant comme un citoyen du monde,
il qualifie l'occupation de
la Cisjordanie "d'Anschluss" et prédit "une explosion
sans fin". Et de
conclure : "La réalité israélienne n'est pas
excitante, mais les gens
ne veulent pas l'admettre. Nous sommes au pied du mur. Demandez
à vos amis s'ils sont sûrs que leurs enfants vont vivre ici.
Au
maximum, 50 % diront oui. Autrement dit, l'élite israélienne
est déjà
partie, et sans élite, il n'y a pas de nation."
Michel Bôle-Richard
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