Un parangon de l'hypocrisie droit d'lhommiste.

 

Texte tiré de "Réforme" (périodique protestant)

Vous êtes l'avocat de l'humoriste Dieudonné. Comment avez-vous été amené à défendre ce personnage aujourd'hui contesté ?

- François Roux : Dieudonné a pris contact avec moi et m'a demandé de le défendre il y a quelques années alors qu'il était poursuivi par te le leader d'extrême droite Bernard Antony et accusé de racisme anti- Blancs. J'ajoute que si tout homme a évidemment le droit d'être défendu, je ne pourrais défendre quelqu'un qui, par ses actes ou ses déclarations, se situerait à l'opposé de mes convictions et choix éthiques. Comme Voltaire, je dirais, à propos de mon engagement auprès des personnes que je défends, «je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez le dire. » Mais je ne défendrai jamais quelqu'un qui irait contre ma conscience et qui porterait atteinte à la dignité de l'homme. L'antisémitisme est pour moi une atteinte à la dignité humaine.

Sous-entendez-vous par là que les propos de votre client ne seraient pas antisémites ?

Absolument. Je considère que, contrairement à ce que les médias, certains responsables politiques et la vindicte publique assurent, Dieudonné n'est pas antisémite. Ses derniers propos se situent certes sur une frontière très étroite. Il joue avec les limites de l'acceptable, aime la provocation et entretient régulièrement la polémique avec ses contradicteurs. Mais je suis scandalisé par l'actuelle campagne médiatique qui le cloue au pilori sans s'occuper de réellement lui laisser la parole pour se défendre. Tout est parti d'une information diffusée par un journal en ligne privé « Proche-Orient info ». La presse, à l'exemple du Figaro, a repris sans les vérifier ces supposées déclarations. Et jusqu'à aujourd'hui n'a même pas pris la peine de corriger. François Hollande est alors monté au créneau, tandis que pour ne pas être en reste le garde des Sceaux a estimé que ces propos étaient « inqualifiables ». Reste que Dieudonné a évoqué « une pornographie mémorielle » à propos de l'instrumentalisation de l'anniversaire des 60 ans de la libération des camps. Il n'a jamais rattaché ces propos directement à la Shoah. C'est une opinion, une provocation discutable, contestable si l'on veut, mais pas encore un délit.

Dieudonni ne risque-t-il pas cependant aujourd'hui une condamnation pour « contestation de crimes contre l'humanité » ?

J'ai défendu à plusieurs reprises Dieudonné tandis qu'il était accusé par la Licra et d'autres organisations antiracistes de propos antisémites. Il y a eu devant le tribunal un véritable débat contradictoire - ce que les médias ne permettent pas aujourd'hui - et ils se sont tous soldés par la relaxe de mon client. Personne, que je sache, ne penserait à accuser les juges de partialité. Je ne vois pas ce qui, cette fos, comme les autres, pourrait le faire condamner. Le gouvernement et le ministre qui a introduit une action en justice contre Dieudonné risquent bien de se couvrir de ridicule dans cette affaire. J'en veux pour preuve la première démarche de la justice, qui souhaite essentiellement visionner la cassette. On verra bien alors l'inanité des accusations contre Dieudonné. Nous avons d'ailleurs décidé de saisir à notre tour la justice pour « diffusion de fausses nouvelles ». Nous demandons un droit de réponse à tous ces médias qui fonctionnent en miroir et diflusent des informations sans les recouper, ni les vérifier. Et sans juger utile de donner un temps ou un espace de parole à la défense. Quand on attaque un homme sur des questions éthiques et touchant aux droits de l'homme, on se doit d'être irréprochable sur les plans déontologique et-éthique. Il est patent que les médias et le pouvoir ne l'ont pas été dans cette affaire.

Vous n'émettez donc aucune réserve sur les propos de Dieudonné ?

Le fond de sa pensée, je le répète. n'est pas antisémite. Il a titillé le sentiment communautaire juif, comme il l'a fait avec le catholicisme ou l'islam. C'est un homme engagé qui se veut humaniste et combat à ce titre tous les communautarismes. Certes, ses récents propos, quand il oppose les souffrances des Noirs à celles des juifs, vont à l'encontre du but recherché. Il le sait. Et nous le lui faisons savoir : ses provocations ne sont pas toujours du meilleur goût. Mais ce qui m'intéresse, c'est l'homme qui est derrière cette façade de dérision querelleuse. Nous ne nous sommes pas rencontrés par hasard, mon combat auprès de Jean-Marie Tjibaou en Nouvelle Calédonie était aussi le sien.

Vaut êtes aussi l'avocat de José Bové ou de Zacharias Maussaoui, suspecté dans le cadre des attentats du 11 septembre. Quel lien faites-vous entre ces causes et avec votre identité chrétienne et protestante ?

Je suis un avocat engagé dans la défense des droits de l'homme. Je défends avant tout la dignité de l'homme. Je ne pourrais ainsi supporter que l'on porte atteinte à la dignité de mes frères juifs. Je défends la dignité de tout homme parce que chacun demeure fondamentalement pour moi une créature de Dieu. Je fais une seule exception à mes principes éthiques lorsqu'il s'agit de sauver quelqu'un de la peine de mort. Je suis définitivement opposé a la peine de mort, et défends à ce titre ardemment Moussaoui, parce que je crois à une rédemption toujours possible de tout homme. Ma conduite, pour Dieudonné autant que pour d'autres, est dictée par cette idée qu'il faut laisser l'opinion publique à la porte des prétoires. « Cette intruse, elle qui, au pied du Golgotha, criait à mort ! »