Présidence de Mme Annie Genevard
1. Organisation des communes nouvelles
Discussion des articles (suite)
Amendement no 80 rectifié
Amendement no 85 rectifié
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales
Amendements nos 61 , 68 , 69 , 70 , 71 , 81, 84 , 2, 3
Amendement no 78
Amendement no 82
Amendements nos 73 , 88, 89 , 75, 74 , 29
Amendements nos 4 , 37 , 9 , 38
Amendements nos 13 , 8 , 39 , 19
Amendements nos 27, 28
Amendement no 63
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 6
Amendements nos 59, 60 , 15 , 21 , 44 , 17
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence
de Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à adopter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires (nos 1491, 2102).
Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 80 portant article additionnel après l’article 2.
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements
identiques, nos 80
rectifié et 85 rectifié.
La parole est à
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission
des lois constitutionnelles, de la législation et de
l’administration générale de la République,
pour soutenir l’amendement no 80
rectifié.
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous avons supprimé l’article 2 car il créait un collège de maires et de délégués disposant de délégations qui dessaisissaient les conseils municipaux. C’est pourquoi nous proposons la création d’une conférence du maire et des maires délégués, instance de coordination réunissant l’ensemble des maires pour débattre de toute question relative à la coordination de l’action publique sur le territoire de la commune nouvelle. Nous proposons d’y associer l’ensemble des maires. Par souci de cohérence, l’amendement modifie également le nom de cette instance.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l’amendement no 85 rectifié.
M.
Rémy Rebeyrotte. Il est identique.
J’ajoute
que l’ensemble des maires délégués
pourront demander une réunion de la conférence du
maire et des maires délégués, ce qui constitue
un nouvel apport.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, la réflexion juridique autour de la question de l’appellation de cette instance a fait l’objet d’un cheminement. On parlait initialement de bureau. Or cette appellation existe déjà dans le CGCT, le code général des collectivités territoriales : il s’agit du bureau communautaire des intercommunalités. Il fallait donc l’appeler autrement. Nous rejoignons ainsi notre volonté d’imaginer des conférences des maires des intercommunalités – cela fera du reste partie des dispositions figurant au projet de loi engagement et proximité. Le Gouvernement est donc favorable à ces deux amendements identiques.
(Les amendements identiques nos 80 rectifié et 85 rectifié sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Nury.
M.
Jérôme Nury. L’article 3 règle le
problème de complétude du conseil municipal de la
commune nouvelle entre la création de cette dernière
et l’élection du maire. S’il s’agit d’une
bonne mesure, nous ne réglons pas pour autant le problème
de la complétude en cas de démission ou de décès
du maire. Nous avons eu à connaître d’une telle
situation dans le département de l’Orne, dans les
communes de Rémalard-en-Perche et de Belforêt-en-Perche,
que Véronique Louwagie connaît bien.
Certes,
avec cette proposition de loi, le nombre de conseillers municipaux
restera le même, ce qui représente une avancée,
mais elle nécessitera d’en repasser par une élection
municipale, avec une liste pléthorique. II aurait été
judicieux de déroger, au cours de la période
transitoire, à la règle stricte de complétude ;
nous aurions ainsi évité des élections
municipales partielles lourdes, qui ne manqueront pas d’être
organisées, à partir de 2021, dans les communes
nouvelles créées. Il est dommage de ne pas être
allé plus loin sur ce sujet ; je le regrette.
Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l’amendement no 12.
Mme Barbara Bessot Ballot. Je le retire
(L’amendement no 12 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 58.
Mme
Danielle Brulebois. Le regroupement des communes dans des
communes nouvelles se poursuit, et cette proposition de loi, qui
apporte une certaine souplesse, est bienvenue. Si elle va lever
certains freins, d’autres persistent cependant. L’un
d’entre eux m’a été signalé par les
maires du Jura et par Mme Sylvie Vermeillet, sénatrice,
qui a longtemps présidé l’Association des maires
du Jura : en cas de fusion de communes en une commune nouvelle
atteignant un certain seuil, la dotation particulière dite
« dotation élu local » n’est pas
maintenue. L’amendement vise à ce que, lors de la
création de la commune nouvelle, le versement de la dotation
élu local soit maintenu au bénéfice des
communes fondatrices, afin qu’elles ne soient pas pénalisées
par leur fusion.
Cette dotation, destinée à
compenser les dépenses obligatoires entraînées
par les dispositions législatives relatives aux autorisations
d’absence, aux frais de formation des élus locaux et à
la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints,
est attribuée aux communes dont la population, au regard des
critères de la dotation globale de fonctionnement, est
inférieure à 1 000 habitants. Or il arrive
que, quand cinq communes, par exemple, fusionnent en une commune
nouvelle, celle-ci perde le bénéfice de la dotation,
ce qui est un peu injuste pour les élus locaux concernés,
élus pour un mandat, alors même que le montant est
inscrit au budget de l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Vous souhaitez, Mme Brulebois, le maintien de la dotation élu
local pour les communes fondatrices d’une commune nouvelle.
Aujourd’hui, cette dotation est versée aux communes de
moins de 1 000 habitants, ce qui représente environ
une dépense d’environ 60 millions d’euros
par an pour quelque 21 000 communes éligibles.
Votre
amendement soulève deux difficultés. Premièrement,
une commune déléguée n’est pas une
commune et n’a donc pas d’existence juridique. Il est
donc logique qu’elle perde le bénéfice d’une
telle dotation. Deuxièmement, on ne peut pas non plus la
verser aux seules communes nouvelles de plus de 1 000 habitants
au prétexte que l’une des communes déléguées
en comptait moins de 1 000 auparavant.
Comme l’ensemble
des concours financiers de l’État – nous en
avons parlé dans la discussion générale et le
ministre a largement répondu sur ce point –, ce
sujet a davantage vocation à être rediscuté dans
le cadre du projet de loi de finances.
L’avis de la
commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Un mot sur le fonctionnement de la DPEL, la dotation particulière
élu local : il s’agit effectivement d’une
dotation que vous votez dans le cadre du projet de loi de finances
et qui représente chaque année une dépense
légèrement supérieure à 60 millions
d’euros, bénéficiant aux communes de moins de
1 000 habitants selon un critère de potentiel
financier, c’est-à-dire de richesse. En clair, une
petite commune qui a les moyens financiers de payer cette indemnité
à ses élus ne bénéficie pas de la DPEL :
il s’agit véritablement d’une aide apportée
aux petites communes qui n’en ont pas la capacité.
Pour
répondre à votre question, une commune nouvelle de
moins de 1 000 habitants ayant un potentiel financier
fragile devient alors une commune comme les autres et reste de ce
fait éligible à la DPEL. Je pense qu’il faut le
dire afin de ne pas laisser à penser que ce ne serait plus le
cas ; tel n’était pas le sens de vos propos,
madame la députée, mais je pense plutôt aux élus
qui vous ont saisie.
Nous revenons à ce que certains
de vos collègues ont indiqué tout à l’heure :
dès lors que la majoration de 5 % de la DGF – la
dotation globale de fonctionnement – est prévue au
bénéfice des communes nouvelles, ce qui représente
tout de même plus de 30 millions d’euros par an,
que nous soustrayons d’ailleurs par écrêtement de
la dotation forfaitaire, un accompagnement financier existe déjà.
Tout à l’heure, nous avons débattu de
l’alternative entre carotte ou bâton, et j’ai
répondu sur ce point. En l’occurrence, il s’agit
typiquement d’un exemple de dépense nouvelle à
laquelle une commune nouvelle doit pouvoir faire face : les 5 %
de majoration de DGF y contribuent amplement.
Enfin, si nous
ouvrions ainsi – j’aurai l’occasion de le
redire cet automne – une brèche dans le
fonctionnement de la DPEL dans ce cas précis des communes
nouvelles, nous serions amenés à l’élargir
dans de nombreuses situations, ce qui ne me semble pas forcément
souhaitable.
Je vous demande donc de retirer l’amendement.
À défaut, même si cela me fend le cœur,
j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Madame Brulebois, retirez-vous l’amendement ?
Mme Danielle Brulebois. Oui.
(L’amendement no 58 est retiré.)
(L’article 3 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme
Véronique Louwagie. À ce jour, la commune nouvelle
issue de la fusion de toutes les communes membres d’un même
EPCI – établissement public de coopération
intercommunale – a l’obligation de se rattacher à
un autre EPCI à fiscalité propre. Or force est de
constater que cette contrainte constitue, dans certains cas, un
frein à la formation de communes nouvelles.
Pour
autant, dans un EPCI, les élus ont l’habitude de
travailler ensemble et disposent de ce fait de toutes les libertés
et de tous les atouts pour organiser une commune nouvelle. Obliger
cette dernière à une telle adhésion, alors que,
par définition, elle possède la taille suffisante pour
assumer elle-même les compétences intercommunales,
mérite d’être modifié. Dans ce sens, je
salue l’article 4, qui n’obligera plus la commune
nouvelle issue de la fusion de toutes les communes d’un même
EPCI à adhérer à un autre EPCI. Cette réponse
pleinement justifiée à une situation concrète
était attendue.
Au demeurant, monsieur le ministre, je
vous rejoins sur les deux garanties que vous avez apportées
dans votre propos à propos de la création de la
nouvelle entité, la commune-communauté :
l’absence de remise en cause des EPCI ; la légitimité
démocratique, qui, selon moi, est essentielle. Une telle
situation doit résulter d’un choix, d’une volonté
des élus.
Vous nous avez apporté un début
de réponse s’agissant de l’étude d’impact
sur les conséquences financières. Je pense néanmoins
qu’il faut considérer avec précision l’ensemble
de ces éléments : le coefficient d’intégration
fiscal, la situation du SPIC – le service public
industriel et commercial – et l’ensemble des
dotations, qu’il s’agisse de la DGF, de la DNP – la
dotation nationale de péréquation – ou des
dotations de solidarité. Je crois qu’il est très
important, entre l’examen de ce texte et celui du projet de
loi de finances pour 2020, qu’un certain nombre d’informations
puissent nous être communiquées concernant les effets
financiers de ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilie Guerel.
Mme
Émilie Guerel. Cet article est au cœur de la
proposition de loi : il prévoit qu’une commune
nouvelle, appelée « commune-communauté »,
issue de la fusion de l’ensemble des communes d’un même
EPCI, puisse décider de ne pas rejoindre un autre
établissement.
Je tiens à souligner que la
création de communes-communautés reposera sur le
volontariat et ne constituera en aucun cas une obligation. Nous
estimons, d’une part, que la commune nouvelle issue de cette
fusion dispose de la taille suffisante pour assurer elle-même
les compétences habituellement transférées au
niveau intercommunal et, d’autre part, que l’obligation
d’adhérer à un nouvel EPCI pourrait avoir un
effet dissuasif sur la fusion des communes, alors même que
l’objectif de faire baisser le nombre de communes est rempli
par la création de la commune-communauté.
Puisque
cet article tend à permettre à ces communes d’évoluer
sans les contraindre dans un cadre excessivement rigide, je voterai
en sa faveur.
Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M.
Joaquim Pueyo. Cet article va dans le bon sens. Je retiendrai
les mêmes arguments que Véronique Louwagie concernant
la possibilité de transformer une CDC – communauté
de communes – en commune nouvelle, comme le prévoit
déjà actuellement la législation en
vigueur.
Toutefois, obliger une commune nouvelle à
adhérer à une CDC soulevait beaucoup de difficultés
et créait de nombreux freins, notamment sur les territoires
où nous avons encore des CDC à dimension humaine,
regroupant entre 5 000 et 10 000 habitants. Celles-ci
peuvent facilement se transformer en commune nouvelle en reprenant
la compétence de la CDC, qui a intégré
notamment des compétences optionnelles importantes tout en
laissant aux communes déléguées des compétences
de proximité.
Je crois qu’il s’agit d’une
très bonne disposition, que j’appelais de mes vœux
depuis très longtemps et que nous n’avions pas pu faire
passer dans la dernière loi sur ce sujet. Je trouve qu’il
est intelligent d’offrir une telle possibilité.
II
restera effectivement à régler la fiscalité et
les dotations, comme Mme Louwagie l’a indiqué,
afin que l’opération ne se solde pas par une
moins-value pour la commune nouvelle.
Les communes concernées
pourront évidemment toujours adhérer à une
autre intercommunalité mais, quand je vois les difficultés
qu’une telle adhésion pose en matière de lissage
des impôts, je trouve que cette évolution va simplifier
le dispositif. En outre, comme vous l’avez dit en
introduction, elle va renforcer la notion de commune. Je suis par
conséquent très favorable à l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Leclerc.
M.
Sébastien Leclerc. Mon propos sera un peu en décalage
avec l’article 4, qui a pour but d’inciter à
la création de communes nouvelles et de faciliter le bon
fonctionnement de celles qui existent déjà.
Je
voudrais vous alerter sur la situation d’une commune
historique qui avait un mode différencié de gestion de
son assainissement : la commune nouvelle ne peut donc fusionner
les différents budgets annexes afférents aux réseaux
d’assainissement. La situation de ces budgets est pourtant
très disparate, et une fusion permettrait d’équilibrer
un budget déficitaire par un budget excédentaire.
En
outre, il convient de noter que la simplification administrative qui
doit découler de la création d’une commune
nouvelle n’est pas au rendez-vous et que le maintien de
plusieurs budgets annexes parallèle génère,
pour les services de l’État comme pour les services
municipaux, un surcroît de travail administratif inutile.
Je
pense que ce sujet pourrait être traité par voie
réglementaire et je serais heureux, monsieur le ministre, que
vous puissiez apporter une réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 61, qui tend à supprimer l’article 4.
Mme Bénédicte Taurine. Nous demandons en effet la suppression de cet article.
M. Bruno Millienne. Cela ne va pas être possible…
Mme Bénédicte Taurine. Nous considérons en effet qu’une commune nouvelle issue de la fusion de l’ensemble des communes d’un EPCI prendrait une taille beaucoup trop importante, qui limiterait la proximité et les échanges démocratiques. C’est exactement l’argument que nous avons avancé tout à l’heure pour nous opposer à la proposition de loi.
M. Stéphane Baudu. Justement, nous avons déjà tranché sur ce point !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Nous avons eu ce débat en commission. Je ne comprends pas très bien les raisons de votre opposition à cet article.
M. Bruno Millienne. Il n’y en a pas, ne cherchez pas !
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. La création d’une commune-communauté résulterait d’une démarche volontaire des communes, encadrée par une délibération. Il ne s’agit nullement d’amplifier le mouvement de remise en question des communes nouvelles au profit des EPCI, contrairement à ce que vous écrivez dans votre exposé sommaire, mais simplement de permettre à une commune nouvelle disposant d’une taille suffisante parce qu’elle inclut toutes les communes d’un EPCI, de ne pas en rejoindre un autre. J’y vois plutôt une plus grande simplicité d’organisation et davantage de démocratie locale.
M. Stéphane Baudu. Très bien !
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est défavorable, pour les mêmes raisons. Je me suis exprimé très longuement, tout à l’heure, sur le fonctionnement de la commune-communauté. Il faut d’ailleurs retenir, une fois de plus, que cette dernière est davantage commune que communauté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme
Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés
ne votera pas en faveur de cet amendement.
Je comprends
néanmoins les préoccupations exprimées par
Mme Taurine, notamment s’agissant de la démocratie,
qui est son souci principal. Je rejoins une inquiétude de mon
groupe : un texte décidant de l’organisation d’un
territoire doit associer les habitants d’une manière ou
d’une autre, non pas en opposant démocratie
représentative et consultation citoyenne, mais en créant
une alchimie qui permette aux élus et aux habitants de se
rencontrer, à un moment ou à un autre.
Je le
dis d’autant plus aisément que j’ai connaissance,
sur mon territoire, d’expériences dans lesquelles
certains élus ont blessé des habitants, sans doute par
maladresse plus que par volonté de les ignorer. C’est
pourquoi, me semble-t-il, nous devons aider les élus à
s’engager sur la voie de la démocratie participative ;
celle-ci ne nie pas leur responsabilité et leur pouvoir,
lesquels découlent de leur élection, mais les aide à
s’inscrire dans une démarche responsable vis-à-vis
d’un dispositif qui, rappelons-le, s’adresse d’abord
à la population.
(L’amendement no 61 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 68.
M. Paul Molac. Dans le respect de la libre administration des collectivités locales, cet amendement tend à préciser que la création de la commune-communauté est de droit lorsque les conditions requises ont été atteintes, et qu’elle n’est ainsi pas soumise à la volonté du préfet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Nous sommes tous attachés à la libre administration
des collectivités territoriales, mais le préfet,
représentant de l’État, est également le
garant de l’ordre territorial, du fait du regard extérieur
qu’il porte sur l’aménagement du territoire. Pour
la création d’un EPCI, il lui appartient par exemple
d’apprécier la cohérence spatiale, économique
et sociale du périmètre envisagé.
C’est
la même chose pour les communes nouvelles. Il n’est donc
pas question de supprimer le pouvoir d’appréciation du
préfet : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Dans les faits, nulle part en France, je ne connais un cas de
commune nouvelle dont la création aurait été
refusée par le préfet, qui expliquerait aux conseils
municipaux s’étant exprimés favorablement qu’il
refuse de prendre l’arrêté. Si un préfet
devait agir ainsi, j’imagine d’ailleurs que, dans la
minute même, les membres du Gouvernement chargés de ces
questions seraient saisis par les parlementaires des départements
concernés.
Par ailleurs, un principe ancien – j’en
ai parlé dans ma réponse assez longue au président
Mélenchon – veut, depuis les lois du
11 novembre 1789 et de décembre 1789, et même,
par certains aspects, depuis l’adoption de la Constitution de
la Ve République,
que l’État, en France, soit le garant de la carte
administrative et territoriale. Au demeurant, lors de l’examen
de la loi de finances, nous définissons des critères
de péréquation entre les collectivités, en
fonction de leur niveau de richesse ; il n’est donc pas
anormal que l’État puisse parfois regarder de près
ce qui se passe dans ces collectivités.
Imaginons un
cas d’école : dans un département,
n’interviendraient que des fusions de communes à fort
potentiel fiscal et financier, qui laisseraient de côté
des communes très défavorisées. Le Parlement,
même en mobilisant tous les critères de péréquation
du monde, ne pourrait pas rattraper le coup. Il est donc bel et bon,
je le crois, de conserver l’avis du préfet, qui, je le
rappelle, se matérialise par un arrêté,
c’est-à-dire par un acte de droit, qui fait grief et
peut être attaqué, pour des raisons de forme comme de
fond, devant le juge administratif.
Je vous demande donc,
monsieur Molac, de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Le retirez-vous, monsieur Molac ?
M.
Paul Molac. Non.
Je conçois très bien que
la plupart des préfets soient des gens intelligents, au
contact des élus locaux et de la base, et qui essaient de
faire en sorte que la mayonnaise prenne.
Je crois cependant
que nous divergeons sur la question de la légitimité.
J’ai tendance à penser qu’elle est du ressort des
élus : la démocratie, selon moi, passe avant
l’État. C’est une question importante, dont je
sais qu’elle reste toujours relativement délicate en
France. J’estime que le dernier mot revient aux élus
locaux, non au préfet.
En revanche, je vous rejoins
totalement s’agissant de la péréquation. Le
fédéraliste que je suis estime effectivement que
celle-ci relève du rôle de l’État. C’est
d’ailleurs le cas dans tous les États fédéraux.
Pour
autant, on ne doit pas empêcher les élus qui le
désirent de constituer une collectivité. S’ils
créent une collectivité riche, rien n’empêche
de les ponctionner et de reverser le montant correspondant aux
collectivités pauvres. Cette idée était
d’ailleurs à l’œuvre au moment de la
constitution des grandes régions. Je crois cependant que ce
n’est pas ainsi que nous parviendrons à mettre de la
cohérence dans nos collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M.
Aurélien Pradié. Je rejoins totalement
l’argumentation de notre collègue Molac et je remarque,
monsieur le ministre, que votre réponse était
légèrement hors sujet. L’amendement ne porte pas
sur l’hypothèse selon laquelle un préfet
pourrait s’opposer à la création d’une
commune nouvelle ; il traite de l’hypothèse selon
laquelle un préfet pourrait s’opposer à la
création d’une nouvelle intercommunalité du fait
de cette commune nouvelle.
Nous sommes d’accord sur un
point : je ne pense pas que, jusqu’à présent,
un préfet se soit opposé à la création
d’une commune nouvelle. Nous pouvons toutefois considérer
comme problématique le fait qu’il possède ce
pouvoir, même si vous parlez pratiquement de salubrité
publique en évoquant cette compétence d’organisation
du territoire. On ne peut pas, d’un côté,
souhaiter la création des communes nouvelles, affirmer que
les élus locaux ont toute compétence, légitimité
et intelligence pour les constituer, et, de l’autre côté,
faire peser sur eux le verrouillage éventuel du préfet.
Si le problème ne se pose pas aujourd’hui, lorsque la
dynamique sera plus grande, il n’est pas à exclure que
ce verrou commence à fonctionner, et donc que la volonté
légitime des élus municipaux ne soit pas
respectée.
L’article sur lequel porte
l’amendement de notre collègue Molac est non pas celui
qui crée les communes nouvelles, mais celui qui créé
une nouvelle intercommunalité. Si un préfet ne peut
pas s’opposer à la création d’une commune
nouvelle, il pourrait tout à fait s’opposer à
une intercommunalité et, dans ce cas, revenir à la
base, c’est-à-dire à la création d’une
commune nouvelle, puisque cette dernière aurait été
voulue sur le périmètre intercommunal. L’amendement
proposé par Paul Molac relève donc du bon sens.
Je
terminerai d’un mot, monsieur le ministre : vous avez
raison, tout cela est l’héritage d’une époque
où l’État arbitrait l’organisation
territoriale. À cette époque, toutefois, il n’y
avait ni commune nouvelle ni intercommunalité : les
collectivités intercommunales n’existaient pas et,
surtout, elles ne détenaient donc pas la compétence
essentielle de la puissance publique, à savoir
l’investissement local. Vous conviendrez que les temps ont
quelque peu changé en matière de décentralisation ;
il serait temps que la littérature juridique évolue
elle aussi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
On l’a dit pendant les échanges de près d’une
demi-heure qui ont précédé la fin de la séance
précédente : la commune-communauté n’est
pas un EPCI ; c’est une commune sans affiliation à
un EPCI. Tel est le droit. Mon explication est donc exacte : un
préfet ne s’oppose pas, en refusant de prendre un
arrêté, à la création d’une
commune-communauté, car, dans l’expression
« commune-communauté », vous devez
entendre seulement « commune », et pas
« EPCI ».
Ensuite, s’agissant du
rôle de l’État dans la carte territoriale, je
suis ouvert à toutes formes de réflexions et de
débats. Monsieur Pradié, vous avez vous-même été
confronté, dans votre circonscription, à une situation
de désaccord entre des élus locaux, certains maires
défendant une option de regroupement intercommunal tandis que
d’autres, tout aussi légitimes, en défendaient
une autre – ils le faisaient d’ailleurs pour des
raisons tenant à des temps plus anciens, pour lesquels vous
n’aviez pas d’intérêt particulier, je le
redis ici publiquement. Or que se passe-t-il en cas de difficultés
de ce type ? Chacun se retourne vers l’État, tout
simplement. Il faut donc bien que ce dernier puisse jouer un rôle
d’arbitre.
Je crois beaucoup à la
décentralisation et suis fondamentalement girondin, pour
reprendre une autre conversation que nous avons eue tout à
l’heure. Je crois à la responsabilité des élus
locaux. Toutefois, quand il arrive que des majorités aient du
mal à se créer, il faut bien que quelqu’un
décide. Le nombre de fois où des parlementaires
interviennent auprès des membres du Gouvernement, aujourd’hui
comme hier, pour tenter de trouver des solutions de médiation,
illustre bien ce besoin d’un État médiateur. Ce
n’est pas être dogmatique que de le dire.
(L’amendement no 68 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 69.
M.
Paul Molac. J’ai déposé plusieurs
amendements s’inscrivant dans la même veine.
Il
s’agit, en l’occurrence, de préciser que, lorsque
la moitié des conseils municipaux des communes incluses dans
le périmètre de la commune nouvelle, représentant
au moins la moitié de sa population, ont délibéré
en faveur du rattachement à un même EPCI à
fiscalité propre, le représentant de l’État
dans le département ne peut s’opposer à cette
demande lors de la création de la commune nouvelle, après
accord de l’organe délibérant de l’établissement
de rattachement envisagé et après avis des communes
qui en sont membres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Je vous donnerai la même réponse qu’à l’amendement précédent : l’appréciation du préfet est nécessaire, ce dernier étant le représentant de l’État et le garant de l’organisation territoriale. L’avis est défavorable.
(L’amendement no 69, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 70.
M. Paul Molac. Il vise à rendre impossible l’opposition du préfet au souhait exprimé par les communes constitutives de la future commune-communauté quant à leur rattachement à un EPCI. En effet, il est difficilement compréhensible qu’une autorité administrative puisse bénéficier d’un tel pouvoir de veto sur les modalités d’organisation politique d’assemblées élues au suffrage universel direct.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Je vous donne la même réponse : nous conservons l’appréciation du préfet, en raison de la garantie qu’il représente en matière d’aménagement du territoire. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié. J’ai besoin d’un éclaircissement. Dans le cas d’un ensemble de communes formant une communauté de communes et décidant de former une commune nouvelle, si je comprends bien, l’intercommunalité tomberait de fait, mais l’avis du préfet serait-il requis ? Je crois comprendre que oui, ce qui signifierait qu’indirectement, le préfet voulant empêcher une question intercommunale pourrait purement et simplement empêcher la création de la commune nouvelle. Ma question, si j’essaie de la résumer, est la suivante : dans le cas où un ensemble de communes situées dans le périmètre d’une intercommunalité décident de former une commune nouvelle et que cela pose problème dans le schéma intercommunal tel qu’il a été fixé par le préfet, celui-ci peut-il s’opposer à leur décision ? D’après ce que je comprends, oui.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Votre question nous ramène à une étape
antérieure du débat, monsieur Pradié, mais,
pour vous, je rembobine bien volontiers.
Aucun problème
ne se posera à propos du schéma intercommunal du
département en question. Si l’ensemble des communes
adhérant à un EPCI, ayant plus de 15 000 habitants
et répondant à tous les critères que vous
connaissez très bien, décident de former une seule
commune nouvelle épousant le périmètre de cette
intercommunalité, l’ensemble des dispositions de droit
commun que vous connaissez tout autant, qui permettent de créer
une commune nouvelle, s’appliquent : délibération
à l’unanimité dans toutes les communes et, à
défaut d’unanimité, système de
consultations à la majorité des deux tiers – bref,
vous connaissez tout cela. Une fois obtenue l’unanimité,
il faut en plus – nous allons en parler lorsque nous
examinerons certains amendements à venir – que
l’ensemble des communes déclarent ne pas vouloir
s’affilier à un EPCI existant, nous en avons déjà
débattu avec vos collègues Louwagie et Nury avant la
pause du dîner. Dès lors que ces conditions sont
remplies, l’ensemble de la commune exerce l’intégralité
des compétences du bloc communal, telles qu’elles
existent dans la loi, ainsi que celles qui auraient été
déléguées à l’intercommunalité
si elle avait existé.
Ce modèle existe déjà
en droit et s’applique dans certaines îles, certes
éloignées de Cahors, par exemple dans le golfe du
Morbihan, en Vendée ou en Charente-Maritime : les
communes n’y sont pas affiliées à un EPCI, et
cela marche très bien. Le système fiscal et celui des
dotations y fonctionnent de manière traditionnelle – j’ai
répondu tout à l’heure à cette
interrogation concernant le FPIC, le fonds national de péréquation
des ressources intercommunales et communales, par exemple.
Évidemment, ces communes ne bénéficient pas de
toutes les dotations de l’intercommunalité,
puisqu’elles ne sont pas intégrées, mais forment
un seul bloc communal. En clair, elles forment une commune nouvelle
qui n’est affiliée à aucun EPCI.
Quant au
préfet, enfin, il faut effectivement qu’il prenne
l’arrêté. Mais, comme vous êtes bon en
droit, monsieur Pradié, vous savez très bien que si,
toutes les conditions légales – les conditions
inscrites dans la loi, celle que vous votez – étant
remplies, le préfet refusait de prendre un arrêté,
sa décision ferait grief et le juge administratif pourrait
bien sûr en être saisi, comme d’habitude.
Donc,
là encore, n’allons pas chercher de loup là où
il n’y en a pas. Ce modèle, assez simple, permet de
répondre à des cas très précis et très
résiduels, je le disais tout à l’heure : si
des communes veulent, de bonne volonté, former un ensemble
nouveau, on ne va pas les en empêcher en leur objectant
qu’elles doivent s’affilier à un EPCI plus
important voisin de la commune nouvelle. C’est le but de cet
article conçu par le Sénat, notamment par l’auteure
de la proposition de loi, Mme Gatel.
M. Thierry Benoit. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Voilà, monsieur Pradié, ce que nous avons dit tout à l’heure, et que j’ai eu plaisir à répéter devant vous.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Je tenais à intervenir dans cette partie du débat pour conforter le Gouvernement – et je me tourne vers mon collègue breton Paul Molac – dans l’idée que les préfets doivent être garants de ces réorganisations. Je vais vous expliquer pourquoi je tiens à le dire à ce moment du débat : l’histoire jugera très sévèrement les lois territoriales de M. Hollande et de ses premiers ministres, que ce soit la loi MAPTAM, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la carte des régions, la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou le redécoupage des intercommunalités.
Mme Cécile Untermaier. Cela n’a rien à voir avec le texte !
M.
Thierry Benoit. Si : nous sommes en plein dans le débat,
il y a bien un rapport, et je vais prendre le temps de le
démontrer.
Certains redécoupages
d’intercommunalités, madame Untermaier, se sont faits
autour de la carrière politique de certains élus.
Mme Cécile Untermaier. Et surtout de préfets…
M.
Thierry Benoit. Les préfets, eux, doivent être
garants de réalités historiques, économiques et
sociales. Ainsi, dans le département d’Ille-et-Vilaine,
où je vis et dont je suis l’un des élus, en pays
de Fougères, on a fragilisé un territoire pour
satisfaire des considérations d’ordre politique !
Si, à l’époque, le préfet Patrick
Strzoda, désormais directeur de cabinet d’Emmanuel
Macron, avait eu cette possibilité, cette force, cette
légitimité confortée, le territoire dans lequel
je vis n’aurait pas été fragilisé comme
il l’a été !
C’est pour cette
raison, monsieur le ministre, que je vous soutiens totalement dans
l’idée que certains des articles de cette loi ne
doivent pas être destinés à permettre des petits
arrangements locaux. Je m’en tiens là pour
l’instant.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury. Je partage tout à fait votre argumentation sur la commune-communauté, monsieur le ministre. Néanmoins, vous nous avez indiqué que, finalement, la commune-communauté ne recevrait que les DGF, non les dotations d’intercommunalité. Or une commune nouvelle qui se crée à partir d’une intercommunalité va recevoir, pendant trois ans, non seulement sa DGF mais aussi sa dotation d’intercommunalité, qui viendra dans sa base de DGF. Je voudrais donc que vous nous confirmiez que cela ne changera pas pour une commune-communauté.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. J’ai bien entendu les propos de notre collègue Benoît, qui a raison : dans certains cas, les choses peuvent se passer comme il l’a dit. Mais les préfets eux-mêmes ne sont pas toujours à l’abri des pressions. Je connais des situations où le préfet a finalement pris fait et cause pour le président du département, alors que d’autres solutions étaient possibles – j’en avais, pour ma part, retenu une différente, qui me semblait meilleure. Vous comprenez bien que, dans ces cas, le préfet n’incarne pas toujours l’alpha et l’oméga de l’impartialité, au-dessus de la mêlée. Il peut aussi être influencé, en particulier par les grands élus. C’est pourquoi je préfère, pour ma part, donner directement aux élus locaux.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. En un mot, rien ne changera. Comme je vous le disais tout à l’heure – mais nous ferons bien sûr comme vous voudrez –, vous aurez tout loisir, lors de l’examen du projet de loi de finances, précisément de la mission RCT – « Relations avec les collectivités territoriales » –, de nous interroger à nouveau sur tout le système de dotations pour l’ensemble des EPCI, des communes nouvelles, et pour l’ensemble du dispositif. Je renvoie la suite de la discussion sur ces sujets aux débats sur le projet de loi de finances, mais, je vous le répète, il n’est pas prévu de changer les choses que vous avez évoquées.
(L’amendement no 70 n’est pas adopté.)
Mme
la présidente. L’amendement no 71
de M. Paul Molac est défendu.
Quel est l’avis
de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Il est défavorable puisque nous conservons la majorité des deux tiers, qui est le principe du droit commun, plutôt que d’instituer un autre processus.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. En un mot, qui me permettra d’être encore plus rapide dans la suite, nous répétons depuis tout à l’heure – et même depuis quinze heures – que les communes nouvelles ont vocation à être des communes comme les autres. Dans ces conditions, commencer à changer des règles comme celles de la majorité qualifiée pour les seules communes nouvelles, ce serait le début de la création d’une autre catégorie de communes.
M. Thierry Benoit. Il a raison !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
J’essaie donc simplement d’être cohérent
avec ce que nous faisons et avec ce que j’ai entendu dire,
dans la discussion générale, par les représentants
de chaque groupe.
Je vous demande donc de retirer cet
amendement, parce que, si l’on commençait à
partir dans cette direction, on se lancerait, je crois, dans une
autre œuvre législative.
M. Bruno Millienne. Excellente réponse, monsieur le ministre !
M. Paul Molac. Je retire mon amendement !
(L’amendement no 71 est retiré.)
Mme la présidente. Les amendements nos 81 et 84 de Mme Nicole Dubré-Chirat sont rédactionnels.
(Les amendements nos 81 et 84, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 2
et 3, qui peuvent faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à Mme Catherine
Kamowski, pour les soutenir.
Mme
Catherine Kamowski. La seule zone d’interrogations, voire
d’incertitudes, concernant l’institution de la
commune-communauté, porte, selon nous, sur les conditions du
retour à une situation dans laquelle une commune nouvelle
exerce elle-même l’intégralité de ses
compétences. C’est d’ailleurs la définition
même de commune-communauté, puisqu’une
intercommunalité – qui n’est pas une
collectivité territoriale, comme vous l’avez rappelé,
monsieur le ministre – agit en lieu et place des
communes.
Reste donc, selon nous, la question de la façon
dont seront traitées les problématiques de coefficient
d’intégration fiscale, par exemple, ou encore de
dotation de compensation, ou de dotation de solidarité, pour
m’en tenir là. Nous pensons qu’elles doivent être
examinées précisément.
C’est
pourquoi nous proposons de supprimer le troisième paragraphe
de l’article 4, qui, en se contentant de renvoyer les
questions financières soulevées par la
commune-communauté à la prochaine loi de finances,
apparaît relativement inutile, dans la mesure où, même
en son absence, la loi de finances pourrait tout à fait
définir ces incidences ; inutile, aussi et surtout, dans
la mesure où l’adoption de ce paragraphe ne saurait
contraindre la prochaine loi de finances à comporter des
dispositions sur ces questions.
Nous proposons donc de
supprimer ce paragraphe pour le remplacer par la demande d’un
rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences
financières et fiscales de l’institution de la
commune-communauté, ce rapport devant être présenté
dans un délai de trois mois suivant la publication de la loi,
donc avant la constitution de la commune-communauté, afin de
permettre au législateur d’adopter en toute
connaissance de cause et en temps utile les dispositions
législatives ou réglementaires éventuellement
nécessaires à l’établissement de la
commune-communauté.
Ces éléments
s’appliqueront donc en dû temps aux communes qui, lors
du prochain mandat – puisque c’est de cela qu’il
s’agit, non de l’année prochaine – se
lanceront dans ce que j’espère, pour eux, être
une très belle aventure ensemble, mais eux aussi le feront en
connaissance de cause.
Je me permets, monsieur le ministre,
de terminer en rappelant ce que vous avez dit : une
collectivité territoriale avisée en vaut deux.
(M. Stéphane
Baudu applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
J’aurais aimé émettre un avis favorable pour
être aimable, mais je dois être honnête devant la
représentation nationale : malheureusement, je pense que
ce rapport est inutile – je le dis comme je le pense –,
pour plusieurs raisons.
Premièrement, rendre un
rapport trois mois après la promulgation de cette loi, alors
qu’aucune situation concrète n’existera avant le
lendemain des élections municipales de l’année
prochaine, c’est, à mon avis, un objet conceptuel.
La
deuxième raison porte sur l’objet conceptuel,
justement. Je viens de le dire, et j’en ai, je crois, fait la
démonstration longuement, les critères de visibilité
seront donnés non par un rapport du Gouvernement, mais par ce
que vous allez voter, dans la loi de finances, sur les critères
de majoration de dotations ou encore de péréquation :
ce sont des outils, comme tous les outils de péréquation
et de dotation, que vous votez chaque année, et qui peuvent
d’ailleurs changer d’une année à l’autre,
moyennant les recommandations du CFL – le Comité
des finances locales.
Pour la commune-communauté, je
ne peux pas mieux vous dire. Je vais recommencer pour la commune
nouvelle en général : l’impact est connu
– droit commun, tout le droit commun, rien que le droit
commun –, avec la bonification de 5 % en plus sur la
DGF, dispositif dont le prolongement a rallié ici une belle
unanimité, comme au Sénat d’ailleurs.
Sur
la commune-communauté, je me suis déjà exprimé
à l’instant, comme déjà avant la pause du
dîner : sa situation sera la même que celle qui
existe actuellement sur l’île de Sein ou l’île
d’Yeu, par exemple. Dans ce cas de figure, c’est le
droit commun qui s’applique. Un homme averti en vaut deux, une
collectivité territoriale avertie en vaut deux.
À
cet égard, il peut être plus efficace d’obliger
les élus, au moment où ils créeront une
commune-communauté, de formaliser, avec la DDFIP – la
direction départementale des finances publiques –,
un rapport sur mesure pour celles et ceux qui sont concernés.
Mais il ne me semble pas nécessaire d’inscrire cette
obligation dans la loi ; une instruction aux préfets
suffira.
En revanche, un rapport global, conceptuel,
théorique, que la DGCL – la direction générale
des collectivités locales –, commettrait, avec son
talent, qui n’est plus à saluer, simplement pour vous
écrire ce que je viens de vous dire et qui sera publié
au Journal officiel,
cela, honnêtement, me semble-t-il, n’a pas de sens. Cela
dit, une fois de plus, je m’en remettrai à la sagesse
de l’Assemblée nationale, puisque je suis à sa
disposition.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Les retirez-vous, madame Kamowski ?
Mme Catherine Kamowski. Je suis satisfaite de la promesse du ministre de donner des instructions. Ces amendements avaient pour but de s’assurer de la bonne information des communes qui s’engagent dans le processus. En effet, certaines communes se plaignent du manque d’information dont les conséquences peuvent être défavorables. Je retire donc les amendements.
(Les amendements nos 2 et 3 sont retirés.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 78.
M. Paul Molac. Il s’agit d’un amendement de cohérence sur un sujet dont nous avons déjà débattu. Nous pouvons donc passer au vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Défavorable, toujours pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Défavorable, par cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M.
Aurélien Pradié. Quelque chose m’échappe.
Je comprends la démarche et n’y suis pas hostile :
je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’un
ensemble de communes formant commune nouvelle puisse devenir une
intercommunalité – c’est même plutôt
ce que j’ai défendu en proposant la création
d’une commune nouvelle il y a quelques années. En
revanche, je ne comprends pas la place que cette espèce de
bestiole nouvelle qu’est la commune-communauté occupera
dans le dispositif.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit
que le fait qu’une commune-communauté ne soit pas une
intercommunalité n’est pas un problème. Mais je
vous assure que si, et je vais vous donner quelques exemples des
difficultés qui peuvent naître de l’appartenance
à aucune intercommunalité.
Prenons le cas des
fonds du programme européen LEADER. Vous ne pouvez pas
accéder à ces fonds si vous n’appartenez pas à
une intercommunalité, si vous n’êtes pas une
intercommunalité ou si vous ne disposez pas d’un fonds
de concours d’une intercommunalité. Les
communes-communautés ne seront donc plus éligibles au
programme LEADER, c’est un véritable
problème.
Deuxième exemple, seule une
intercommunalité peut élaborer un SCOT – schéma
de cohérence territoriale –, qui régit de
nombreux dispositifs en matière d’urbanisme. La
commune-communauté n’existe pas dans le droit des
SCOT.
Autre exemple, les PETR – pôles
d’équilibre territoriaux et ruraux –
absorbent une part significative des fonds régionaux ;
en Occitanie, ce sont les trois quarts. Si vous n’êtes
pas une communauté de communes ou une communauté
d’agglomération, vous ne pouvez pas adhérer à
un PETR, donc vous ne pourrez pas bénéficier de ces
fonds. Ce n’est pas négligeable ; c’est
absolument colossal.
Plus largement, le code général
des collectivités territoriales n’est pas pour autant
dépoussiéré. Demain, la commune-communauté
sera considérée comme une commune isolée, et
nous connaissons le sort que lui réserve le CGCT : le
préfet dispose d’un pouvoir renforcé pour la
rattacher de force à une intercommunalité.
Répondez-moi
précisément sur le programme LEADER : si, demain,
les communes-communautés sont privées de ces fonds,
nous en entendrons parler ! Et répondez-moi aussi à
propos du PETR !
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Aurélien Pradié. Je termine. Les mains des préfets ne sont pas plus propres que celles des élus ; nous pourrions vous citer de très nombreux exemples de préfets qui ont été largement soumis aux pressions politiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur le dernier point, monsieur Pradié, je vous laisse assumer la responsabilité de vos propos. Pour ma part, j’aime l’État et je le respecte, ainsi que celles et ceux qui le représentent. Les mots ont un sens. Le seul fait de parler de mains propres, qu’il s’agisse de celles des élus locaux ou des préfets, me heurte. Il n’y a pas, d’un côté, des gagnants et, de l’autre, des perdants ; il y a des gens qui ont parfois des visions différentes de l’aménagement du territoire ; il n’y a pas, d’un côté, des préfets aux ordres d’un pouvoir politique et, de l’autre, des élus qui ne feraient pas de politique.
M. Aurélien Pradié. C’est pareil pour les élus et les préfets !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je ne partage pas votre vision pour le moins guerrière de la
vie locale. En tant qu’ancien maire et ancien élu
local, j’ai toujours privilégié le consensus
plutôt que ce genre d’attitude. En tant que législateur,
vous pouvez encadrer et lier les mains des préfets, parce
qu’ils ne font que respecter la loi. Parler de mains propres,
de mains plus ou moins propres que celles des élus locaux, je
ne le conçois pas.
Quant aux communes-communautés,
j’ai déjà répondu avant le dîner
et, en commission, les échanges ont été riches.
J’ai indiqué que ce qui ne figurait pas dans le texte
serait traité dans le projet de loi de finances. Ainsi, le
programme LEADER ou la DETR – la dotation d’équipement
des territoires ruraux –, que vous n’avez pas
évoquée, pourront trouver leur place en loi de
finances.
M. Aurélien Pradié. Pas LEADER !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Si ! C’est tout à fait possible !
Pour
le reste – vous avez un peu mélangé les
objets –, en matière d’urbanisme, il est dit
clairement que la commune-communauté dispose des mêmes
prérogatives et est soumise aux mêmes obligations que
les EPCI. En d’autres termes, ce qu’un EPCI peut faire,
une commune-communauté pourra le faire. En un mot, nous
aplatissons le bloc communal, je l’ai déjà
expliqué précédemment.
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leclabart.
M.
Jean-Claude Leclabart. Mon intervention porte également
sur l’article 4 ter.
L’article 4 bis
a pour objet d’assurer l’information des conseillers
municipaux des communes concernées par la création
d’une commune nouvelle, en prévoyant la présentation
d’un rapport financier sur chacune desdites communes.
La
création d’une commune nouvelle fait apparaître
dans le paysage un outil supplémentaire et suscite diverses
interrogations, notamment sur les incidences financières.
Ainsi,
la disposition, issue de l’amendement de notre collègue
Jean-Pierre Grand, est bienvenue. En effet, elle éclairera
les conseillers municipaux des autres communes en annexant aux
délibérations portant création d’une
commune nouvelle un « rapport financier présentant
les taux d’imposition ainsi que la structure et l’évolution
des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble
des communes concernées ».
Compte tenu des
fusions des EPCI imposées par la loi NOTRe, il serait
judicieux, à mon sens, que ce rapport expose également
la situation financière de l’EPCI voué à
disparaître.
Les communes et EPCI reçoivent
chaque année de la DGFIP – la direction générale
des finances publiques – un état 1259 et une
fiche récapitulative de tous les ratios liés à
la situation financière et fiscale de leur structure,
auxquels s’ajoutant les réseaux d’alerte.
La
plus grande transparence s’impose donc à mes yeux. Tous
les éléments permettant d’éclairer les
élus et les électeurs seront les bienvenus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Nombre de communes – 1 900
pour être précise – souhaitent se regrouper
pour se développer et apporter des réponses efficaces
à leurs habitants, je peux le comprendre.
Mais, comme
vous, je sais à quel point nos communes sont intrinsèquement
liées à notre identité, nos origines et nos
racines. Elles ont une histoire et elles sont notre histoire, que
nous y vivions ou pas d’ailleurs. Si la France des
36 000 communes n’est déjà plus que du
passé, il faut, comme toujours, rester dans la mesure pour ne
pas effacer ce qui fait notre identité.
Ce mouvement,
qu’illustre le nombre croissant de communes nouvelles créées,
doit être en dernier ressort validé par les habitants
des communes concernées. Au lendemain de la crise des gilets
jaunes et à l’heure où les Français
réclament toujours plus de proximité et de
consultation pour une politique du réel, il me semble
d’ailleurs qu’une politique qui colle à leurs
besoins, c’est bien la moindre des choses.
J’ai
donc proposé que la création des communes nouvelles
soit conditionnée à l’organisation d’un
référendum dans les communes concernées. Mon
amendement n’a pas été accepté, et je le
regrette. J’insiste pour que le référendum soit
organisé dans toutes les communes concernées car une
telle fusion ne peut pas être menée paisiblement si
l’ensemble des populations ne sont pas d’accord. Je
proposais donc une mesure de bon sens puisqu’elle permettait
de faire sereinement un pas vers une transformation profonde d’une
partie de notre territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Leclerc.
M.
Sébastien Leclerc. Toujours dans le souci d’inciter
à la création de communes nouvelles, je regrette qu’il
ne soit pas possible d’instaurer un zonage fiscal tel qu’il
existe, par exemple, pour la TEOM, la taxe d’enlèvement
des ordures ménagères.
Il existe des écarts
de fiscalité très importants entre les communes qui
ont eu à supporter des charges de centralité avant la
création des communautés de communes et celles qui
sont plus éloignées des bourgs centres. J’aurais
aimé que le recours à la notion de quartier ou
d’arrondissement permette d’instaurer une fiscalité
différenciée entre ces anciennes communes devenues
quartier ou arrondissement de la commune nouvelle.
Mme la présidente. L’amendement no 82 de Mme Nicole Dubré-Chirat est de coordination.
(L’amendement no 82, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 4 bis, amendé, est adopté.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de trois amendements
identiques, nos 18,
42 et 72, portant article additionnel après
l’article 4 bis.
La parole est à
Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement
no 18.
Mme
Christine Pires Beaune. J’insiste, moi aussi, sur la
nécessité de sécuriser le processus de
regroupement. Deux arrêts de la cour administrative d’appel
de Douai remettent en question la création de communes
nouvelles, au motif d’un manque d’information voire de
la présentation de chiffres erronés sur la DGF. Voir
un jugement annuler la création d’une commune nouvelle
alors que celle-ci fonctionne depuis plusieurs années est
pour le moins problématique.
J’en viens à
l’amendement, qui est tout simple. Le 4o
de l’article L. 2113-2 du code général
des collectivités territoriales prévoit qu’une
commune nouvelle peut être créée à
l’initiative du préfet. Puisqu’une commune
nouvelle ne fonctionne que si les élus en sont à
l’origine, il est proposé de supprimer cet alinéa,
qui, à ma connaissance, n’est pas utilisé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 42.
Mme
Emmanuelle Ménard. La légitimité du maire
tient à ce que les habitants le connaissent et votent pour
une personne à laquelle ils sont attachés. En créant
des entités territoriales plus grandes, même si ce sont
souvent des petites entités qui fusionnent, on éloigne
la prise de décision des habitants. Lors d’une fusion
avec une entité plus grande, le risque est aussi celui d’une
perte de légitimité.
Les fusions doivent
intervenir à la demande des habitants et non pas être
imposées par des préfets de département. Les
départements ont beau être plus proches des Français
que les régions ou l’État lui-même, si le
représentant de l’État se prononce à la
place des communes, cela reste une décision imposée
par des personnes qui ne sont pas forcément enracinées
dans cette terre. Les Français qui vivront dans ces communes
nouvelles doivent pleinement participer aux fusions ; c’est
eux qui doivent être sollicités en priorité.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 72.
M. Paul Molac. Mon argumentation sera identique. Je ne vois pas comment un préfet pourrait d’autorité créer une commune nouvelle. Les préfets sont, pour la plupart, des gens très bien. On a néanmoins quelques exemples de préfets un peu bizarres, en particulier un certain M. Bonnet – vous voyez de quoi je veux parler –, dont les frasques rejaillissent malheureusement sur un corps d’ordinaire très vertueux…
M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Les préfets, nous les aimons !
M. Paul Molac. Il me paraît un peu excessif de donner au préfet la possibilité de créer une commune nouvelle sans que les élus en aient pris l’initiative. Le cas d’un préfet qui demanderait à des communes de se rassembler ne manquerait pas de se retrouver très rapidement sur le bureau du ministre de l’intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Même si le préfet peut y inciter, parfois avec force – je l’ai vécu sur mon propre territoire –, il ne décide pas tout seul de la création d’une commune nouvelle. Il incite les communes mais ce sont les conseillers municipaux qui se prononcent à la majorité des deux tiers : rien ne se fait donc sans les conseils municipaux. Le préfet peut, au mieux, être sollicité et, au pire, donner un avis, mais il ne décide pas en lieu et place des communes. Il faut l’accord de ces dernières. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
En effet, des arrêts de la cour administrative d’appel
de Douai annulent la création de plusieurs communes nouvelles
– une dans mon département, Le Val-d’Hazey,
comprenant l’ancienne commune d’Aubevoye, et une autre
en Seine-Maritime, dont la sénatrice Agnès Canayer me
parlait tout à l’heure, Rives-en-Seine, comprenant
l’ancienne commune de Saint-Wandrille-Rançon. Nous
sommes en train d’étudier les attendus. Un défaut
de consultation du comité technique des communes concernées
a été relevé – il est encore
question du devoir d’information.
Nos échanges à
ce sujet sont importants : de nombreux députés
– Mme Untermaier notamment – ont insisté,
à juste titre, sur le devoir d’information et la
nécessité de prendre le temps d’informer la
population, mais aussi les agents des communes concernées,
dont nous avons moins parlé. En l’espèce, le
juge a noté un défaut de consultation en interne – je
ne me prononce pas, cette décision n’étant pas
que mauvaise.
Que va faire l’État désormais ?
Dès lors qu’une procédure de création
d’une commune nouvelle sera engagée, les services de la
préfecture s’assureront que les consultations
mentionnées dans les arrêts de la cour d’appel de
Douai, notamment celle des comités techniques, sont bien
réalisées. Concernant les communes nouvelles dont la
création a été annulée, nous essayons
actuellement de trouver une solution respectueuse de la loi, ce qui
n’est pas évident – nous aurons peut-être
l’occasion d’y revenir.
S’agissant des
trois amendements identiques en question, je souhaite apporter
quelques précisions. Monsieur Molac, le préfet ne peut
pas obliger à la création d’une commune
nouvelle. Si jamais il prenait l’initiative d’en créer
une, le projet devrait recueillir l’unanimité des
conseils municipaux ; dans ce cas, le préfet ne ferait
que donner une impulsion. Dans le cas où le projet
recueillerait seulement l’accord des deux tiers des conseils
municipaux, il devrait être soumis à une consultation
de la population – cela rejoint une préoccupation
exprimée précédemment.
En d’autres
termes, lorsqu’un préfet prend l’initiative de
créer une commune nouvelle, soit le projet emporte
immédiatement l’adhésion de la démocratie
représentative, et tous les conseils municipaux marquent leur
accord avec le préfet, soit ce n’est pas le cas, et il
y a alors une consultation locale ou, pour le dire plus directement,
un référendum local. Bref, lorsque l’initiative
vient du préfet, les règles sont beaucoup plus
contraignantes – ou beaucoup plus démocratiques,
si l’on se place d’un autre point de vue –
que lorsque la décision est prise par les conseils
municipaux. Je vous ai rappelé le droit existant pour éviter
toute méprise.
Si l’on s’en tient aux
motifs énoncés dans les exposés sommaires, les
amendements sont satisfaits. Je demande donc leur retrait ; à
défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M.
Philippe Vigier. Vous vous êtes trahi, monsieur le
ministre. « Si jamais le préfet prenait
l’initiative de créer une nouvelle commune »,
avez-vous dit. Or ce n’est pas son boulot ! Le travail du
préfet, comme vous l’avez très bien dit,
consiste à vérifier si la loi est respectée ou
non, notamment les règles relatives à l’organisation
des collectivités territoriales.
Vous ne pourrez pas
me faire le procès de ne pas aimer les communes nouvelles,
car j’en ai créé une qui regroupe neuf communes.
C’est une histoire qui s’écrit à plusieurs
conseils municipaux : on réfléchit, on se jauge,
on voit si le parcours est possible, si l’on partage ou non
une communauté de destin. Or j’ai connu un préfet
quelque peu proactif dans un département proche du vôtre
et que vous connaissez bien, et Mme la rapporteure a reconnu
que l’incitation du préfet avait pu être assez
forte dans le sien…
Pourquoi ces amendements ont-ils
un sens particulier, monsieur le ministre ? Parce que, dans
l’esprit des élus locaux – tout le monde le
sait, et vous le premier –, le dispositif des communes
nouvelles a été élaboré pour faire
disparaître les communes. En réalité, ces
amendements permettraient de retirer définitivement cette
idée de la tête des élus locaux. Il ne revient
pas à l’État de prendre l’initiative de
créer une commune nouvelle. Son travail doit être
d’accompagner les collectivités territoriales, non de
décider à leur place.
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié. Je souscris entièrement à l’argumentaire de M. Vigier. Précisons qu’il s’agit de remettre en question non l’avis du préfet, mais son initiative.
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Elle existe dans les textes !
M.
Aurélien Pradié. Certes, mais il y a une
différence fondamentale entre une initiative et un
avis.
Laisser la possibilité au préfet de
prendre une telle initiative, c’est laisser planer le doute
selon lequel l’incitation à créer des communes
nouvelles aurait vocation à réorganiser la carte
territoriale contre l’avis des élus locaux et des
populations. Comme cette prérogative ne sert pas et n’a
jamais servi, éliminons ce doute dans l’esprit
collectif.
Pour lever un autre doute, qui a pu s’installer
dans votre esprit, monsieur le ministre, je tiens à préciser
que vous vous êtes offusqué de propos que je n’ai
pas tenus. J’ai affirmé tout à l’heure que
les mains des préfets n’étaient pas plus propres
que celle des élus. En disant cela, je considère
– c’est du langage français simple –
que les mains des uns et des autres sont propres.
Il y a
quelques mois, ici même, les parlementaires ont été
lourdement accusés, voire déconsidérés,
parce qu’ils distribuaient la réserve parlementaire. Or
on a basculé cette réserve dans les mains prétendument
plus propres – nous l’avons entendu ici –
des préfets. Ce discours, dont nous constatons les résultats,
est néfaste. Je considère que les élus locaux
et les préfets ont, les uns comme les autres, toute la
légitimité et toutes les qualités nécessaires,
parfois aussi tous les défauts que la démocratie peut
produire. Ils n’en ont ni plus ni moins d’un côté
que de l’autre. Vous le savez d’ailleurs très
bien.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Monsieur le président Vigier, il se trouve que, dans certains
départements – cela ne s’est jamais produit
en Eure-et-Loir, j’imagine –, des élus ont
demandé au corps préfectoral de jouer un rôle de
médiateur et de prendre l’initiative de créer
une commune nouvelle. Ensuite, les choses ont repris le cours de la
procédure classique. Je peux citer des exemples très
précis, notamment dans l’Est de la France – des
conflits territoriaux étaient passés par là,
car on sait ce qu’est la démocratie locale, avec des
situations très humaines et très concrètes.
Parler
du seul préfet est d’ailleurs un abus de langage. Dans
certains cas, c’est le sous-préfet, haut fonctionnaire
de proximité, généralement populaire parmi les
élus de l’arrondissement concerné, qui a pris la
main, dans une certaine mesure, mais jamais pour contraindre les
élus. J’en ai été témoin dans
l’arrondissement de Bernay, dans mon département,
l’Eure : un jeune sous-préfet talentueux a réussi
à créer un consensus local avec les maires.
Le
débat que nous avons est donc un peu conceptuel et théorique,
une fois de plus. La loi reconnaît au représentant de
l’État la possibilité de prendre une initiative.
Cela ne me semble pas bien méchant. En tout cas, cela ne me
semble pas remettre en cause le principe selon lequel la création
d’une commune nouvelle relève de la liberté et
d’une volonté d’action locale. Je maintiens donc
mon avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M.
Thierry Benoit. Je soutiens les amendements car la création
d’une commune nouvelle est, selon moi, un projet politique,
qui doit être porté par les élus. Sur le
territoire où je vis, j’encourage la création de
communes nouvelles, notamment pour les communes de moins de
500 habitants, dont le devenir est un sujet important dans
notre pays.
Dans tous les cas, comme l’ont dit Philippe
Vigier, Aurélien Pradié et d’autres collègues,
la création de communes nouvelles doit être fondée
sur un territoire vécu et des réalités :
la vie associative, les écoles, les coopérations qui
se sont instaurées au cours du temps. Dès lors, les
choses se font naturellement. Le préfet ou le sous-préfet
d’arrondissement, quant à lui, doit créer les
conditions propices. En la matière, l’État
accompagne, mais ne doit en aucun cas être à la
manœuvre.
Je vais même plus loin : je milite
pour que les intercommunalités, en Bretagne, s’appuient
sur des territoires vécus, des bassins de vie s’articulant
autour d’une ville moyenne. Je les appellerais des
« communautés de pays ». Ainsi en
va-t-il de Ploërmel, Saint-Malo, Fougères, Vitré,
Redon, Guingamp ou Loudéac.
M. Paul Molac. Très bien !
M. Thierry Benoit. Nous n’avons pas besoin d’un texte supplémentaire – la présente proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires – pour encourager la réorganisation territoriale, à l’initiative exclusive des élus locaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M.
Rémy Rebeyrotte. Pardonnez-moi, mais nous sommes en train
d’enfoncer des portes ouvertes ! En réalité,
il n’y a aucun problème, et aucune association d’élus
ne demande de modifier les règles de création des
communes nouvelles. Il semble que vous ne voulez surtout pas entrer
dans la discussion de ce texte relatif au fonctionnement et aux
équilibres des communes nouvelles. Personne d’autre que
vous ne soulève la question que vous évoquez ici, de
manière théorique, puisqu’il n’y a
apparemment aucun problème sur le terrain. Qui plus est, nous
ne souhaitons pas que la discussion de ce texte soit l’occasion
de faire le procès des communes nouvelles ou de dresser des
bilans qui n’ont pas de raison d’être ; ce
n’est pas le lieu. Il vise simplement à améliorer
et à faciliter le fonctionnement de ces communes.
Nous
suivrons donc évidemment l’avis du ministre…
M. Thierry Benoit. Quelle erreur !
M. Rémy Rebeyrotte. …et refuserons ces amendements qui – comment vous le dire ? – ne reposent sur rien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Thierry Benoit. Tout le monde ne vous suivra pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Je ne retirerai pas mon amendement.
M. Thierry Benoit. Très bien !
Mme Christine Pires Beaune. Ces amendements visent seulement à supprimer une prérogative qui n’est pas utilisée. Un préfet ou un sous-préfet peut très bien faire de la médiation entre élus – pour reprendre le mot que vous avez employé, monsieur le ministre – sans être lui-même à l’initiative de la création de la commune nouvelle. De toute façon, une commune nouvelle ne peut fonctionner que si les élus ont décidé de la créer.
M. Thierry Benoit. Très bien !
M. Philippe Vigier. Voilà !
Mme Christine Pires Beaune. Une commune nouvelle qui serait créée au forceps est vouée à l’échec ! Il s’agit simplement de tirer les conséquences de l’expérience des dernières années : les communes nouvelles ont été créées uniquement à l’initiative des élus.
(Les amendements identiques nos 18, 42 et 72 ne sont pas adoptés.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements
identiques, nos 7
et 36, tendant à supprimer l’article 4 ter.
La
parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir
l’amendement no 7.
M.
Jérôme Nury. Il vise effectivement à
supprimer l’article 4 ter, qui impose la rédaction
d’un rapport financier. En effet, celui-ci risque d’engager
la responsabilité juridique ou morale des communes, qui ne le
suivront pas nécessairement. Rappelons que ce rapport doit
présenter l’évolution de la fiscalité.
Lorsqu’on a participé à la création d’une
commune nouvelle, on sait combien les prévisions des DDFIP et
des préfectures sont approximatives.
L’article 4 ter
créera des contraintes importantes pour les communes. Selon
moi, si les communes nouvelles ont réussi, c’est parce
qu’on a laissé la liberté aux élus de
s’organiser et prévu une certaine souplesse. De toute
façon, on ne crée pas une commune nouvelle à
l’aveugle ! On est bien obligé de réaliser
des simulations, d’effectuer des calculs avec les uns et les
autres. Il faut laisser aux élus la liberté de
communiquer à ce sujet comme ils le souhaitent.
Mme
la présidente. L’amendement no 36
de M. Patrice Verchère est défendu.
Quel
est l’avis de la commission sur ces deux amendements de
suppression ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Nous avons évoqué tout à l’heure l’information qu’il est nécessaire de donner aux citoyens avant de créer une commune nouvelle, ainsi que la consultation des mêmes citoyens. Il me semble nécessaire qu’un rapport financier soit présenté. D’une part, chaque commune doit produire un bilan financier annuel, indépendamment de tout projet de commune nouvelle. D’autre part, il me semble intéressant de connaître l’état des finances de chacune des communes concernées avant de décider de leur association au sein d’une commune nouvelle. L’expérience montre que certaines communes connaissent une situation financière difficile, alors que d’autres disposent d’une trésorerie. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je ne connais pas en détail le département de
M. Verchère. En revanche, je suis au fait de l’histoire
que vous avez vécue, monsieur Nury, lorsque vous avez créé,
dans l’Orne, la commune nouvelle dont vous avez ensuite été
le maire.
Je vous fais part d’une conviction
personnelle. Des quatre-vingt-seize heures de discussion entre le
Président de la République et les maires dans le cadre
du grand débat et de mon expérience dans le
département de l’Eure, il ressort que, dans quelques
endroits, il faut savoir le reconnaître, les fondamentaux
n’ont pas été respectés lorsqu’il
s’est agi de créer soit une intercommunalité…
M. Thierry Benoit. C’est vrai !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
…– sur ce point, je peux donner raison à
M. Benoit ou M. Pradié –, soit une
commune nouvelle. De toute évidence, certaines fusions de
communes n’ont pas été précédées
de la demi-heure de discussion idoine au conseil municipal pour
évoquer le coefficient d’intégration fiscale, le
potentiel financier ou les effets de seuil, tous ces éléments
techniques sur lesquels vous votez de bonne foi en tant que
parlementaires.
Je vous donne un exemple très concret.
Une petite commune rurale de 300 habitants qui a toujours reçu
de la DSR – dotation de solidarité rurale –
fusionne avec une autre commune de même taille pour créer
une commune nouvelle de 600 habitants. Or elle n’a pas
fait attention au fait que sa partenaire disposait d’un
potentiel financier plus important. Elle perdra donc sa DSR. C’est
notamment pour traiter des cas de cette nature que nous avons été
amenés, nuitamment dans cet hémicycle, à
l’occasion de l’examen du PLF, à instaurer, pour
toutes les communes, des garanties de sortie de la DSR !
Rien
de tel ne se serait passé si le conseil municipal avait
examiné le rapport financier prévu par ce texte
– notez bien qu’il s’agit plutôt d’une
petite notice que d’un dossier épais, alors que, quand
on parle d’étude d’impact, on pense aux études
d’impact environnemental comme celle relative à la loi
sur l’eau… Les élus peuvent faire appel, à
leur guise, à la DDFIP ou à un cabinet privé.
En tout cas, il s’agit de poser les fondamentaux, afin de
mesurer l’impact concret de la fusion. Nous rendons ce rapport
financier systématique pour éviter que ne se
reproduisent les quelques cas problématiques dont nous avons
entendu parler au cours du grand débat ou dont nous avons été
témoins dans certains départements – je
sais que, dans votre cas, les choses se sont passées de
manière plus vertueuse.
Je pense que ces aventures de
communes nouvelles sont fabuleuses et formidables mais, pour
reprendre une image de droit civil, il peut parfois y avoir dol. Pas
par la faute de l’État, monsieur Vigier, mais parce que
le mariage s’est fait rapidement et sans contrat notarié,
pour filer la métaphore ; l’amour alors en prend
un sérieux coup et la situation s’enkyste.
Plutôt
que d’imaginer un tas de procédures très
complexes pour se démarier, l’esprit de cette mesure
était d’obliger à soumettre une information
initiale. Certes, cela représente une petite contrainte
supplémentaire, et il aurait été très
bien de pouvoir s’en passer dans la loi.
Mme Cécile Untermaier. C’est une très bonne mesure !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis sûr qu’à Morteau aussi on fait les choses très bien, madame la présidente,…
Mme la présidente. Je vous le confirme, monsieur le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. …mais je demande le retrait de l’amendement, pour celles et ceux qui n’ont pas eu cette chance.
(Les amendements identiques nos 7 et 36 sont retirés.)
(L’article 4 ter est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 73.
M.
Paul Molac. Il vise à prévoir la consultation du
conseil régional pour le choix du nom des communes nouvelles.
Pourquoi ?
D’abord, depuis l’entrée
en vigueur de la loi NOTRe, le conseil régional est chef de
file en matière de culture et de langues régionales.
Ensuite, la toponymie révèle l’histoire des
peuples – ainsi peut-on se souvenir que certains peuples
ont occupé l’Europe à un moment
donné.
Aujourd’hui, on fait appel aux
départements, mais ceux-ci ne possèdent pas de service
de toponymie, et ne sont donc pas capables d’expliquer en quoi
il est intéressant de garder tel ou tel nom. Ces services se
trouvent au conseil régional, dans les offices des langues,
comme l’Office public de la langue bretonne, l’OPLB,
auquel l’État, la région et les départements
participent. On peut citer aussi l’Office public de la langue
basque, l’Office pour la langue et les cultures d’Alsace
et de Moselle ou l’Office public de la langue occitane
– l’OPLB, l’OLCA et l’OPLO.
Il
me paraît important que ceux-ci puissent fournir un
argumentaire aux élus, afin d’éviter que ne se
reproduise l’exemple, dont nous nous souvenons tous, de la
fusion, en Bretagne, de Plémet et de La Ferrière,
qui sont devenus Les Moulins. Malheureusement, il y a des
moulins partout en Bretagne, puisqu’au XVIIIe siècle,
je vous le rappelle, la farine y était moulue. La population
a fini par s’en agacer et demander au conseil municipal de
revenir au nom de Plémet. Sauf que ce n’était
pas possible ; Plémet a dû engager une procédure
auprès du Conseil d’État pour retrouver son nom.
Un avis éclairé du service de toponymie de l’Office
public de la langue bretonne aurait pu éviter cette
erreur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Il est défavorable. Le nom des communes nouvelles est le plus souvent soumis à une consultation citoyenne, afin de s’entendre sur un nom, à partir de trois ou quatre propositions. Le conseil départemental donne ensuite son avis après avoir vérifié que le nom demeurait acceptable. Il me semble ennuyeux, alors même que nous cherchons à conserver une proximité des décisions, d’avoir recours au conseil régional pour établir le nom de la commune,…
M. Aurélien Pradié. Ça, c’est sûr !
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. …même si certaines propositions sont parfois surprenantes. D’autant que le nom initial demeure affiché sur les panneaux d’entrée et de sortie de l’agglomération.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Il est défavorable. D’abord, votre amendement concerne
la procédure relative à toutes les communes de France,
et non spécifiquement les changements de noms consécutifs
à la création d’une commune nouvelle. Je suis
toujours attentif à ce que nous examinons tard dans la nuit ;
or je suppose que ce point n’a fait l’objet d’aucune
concertation.
Comme ancien président de conseil
départemental, mon opinion est suspecte ; néanmoins,
décider que le conseil régional donnera son avis à
la place du conseil départemental me semble discutable. Vous
avez très bien présenté la situation en
Bretagne mais, dans l’Eure, ce travail est assuré par
les archives départementales, placées sous l’autorité
du préfet et du conseil départemental.
Je vous
demande de retirer votre amendement, monsieur Molac, car il me
paraît inutile d’inscrire dans ce texte la modification
d’une règle concernant toutes les communes de
France.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Je le maintiens. En effet la consultation citoyenne suppose une bonne information sur la signification du nom. Cela n’a rien d’évident et on a connu des exemples curieux. Vous dites que le nom ne changera pas…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je n’ai jamais dit ça !
M. Paul Molac. …mais tous les documents de la commune porteront le nom nouveau. C’est ainsi que ça se passe dans la réalité.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais pourquoi la région à la place du département ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Les propos de notre collègue Paul Molac revêtent une dimension territoriale, historique et culturelle. Néanmoins, avec le désordre territorial créé par la grave erreur des grandes régions de François Hollande, la région Grand Est, y compris nos amis de Troyes dans l’Aube, devrait donner son avis sur l’avenir des jolies communes d’Alsace de Ribeauvillé ou d’Obernai.
M. Rémy Rebeyrotte. Chiche !
M. Thierry Benoit. Cet amendement a donc du sens en Bretagne seulement, peut-être en Centre-Val de Loire, et encore, comme le montre la réorganisation envisagée avec Angers, Le Mans, Tours et Orléans – qui permettrait de réunifier les cinq départements bretons, Nantes étant bretonne, comme chacun sait.
Mme Stella Dupont. Ah !
M. Thierry Benoit. S’il fallait proposer un sous-amendement, il devrait inclure la région et/ou le département – peut-être y a-t-il là matière à réflexion.
(L’amendement no 73 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir les amendements nos 88 et 89, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M.
Bruno Millienne. Je vais en effet présenter les deux
successivement puisqu’ils traitent du même sujet, l’un
intégrant davantage d’EPCI que l’autre.
Pour
favoriser la création de communes nouvelles, le code général
des collectivités territoriales comporte une disposition
permettant aux communes de se rattacher à l’intercommunalité
de leur choix, sauf si l’une des communes rejoignant la
communauté de communes fait partie d’une CU – une
communauté urbaine – ou d’une métropole,
auquel cas, si elles le souhaitent, le rattachement s’y
opère.
L’amendement no 88
vise à abroger le III de l’article L. 2113-5
du code général des collectivités territoriales
afin que les nouvelles communes-communautés puissent choisir,
à l’instar de n’importe quelle autre commune,
d’intégrer une communauté de communes, une CA
– communauté d’agglomération –,
une CU ou une métropole, sans qu’on leur impose la CU
ou la métropole.
L’amendement no 89
est identique, sauf la mention – je suis sympa –
aux métropoles ; c’est un amendement de repli.
M. Stéphane Baudu. C’est stratégique !
M. Bruno Millienne. C’est un vrai problème, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Vous souhaitez faciliter le retrait des communes nouvelles des CU et métropoles. Or ces intercommunalités représentent le modèle de coopération le plus intégré, et le législateur n’a pas prévu de voie de sortie.
M. Bruno Millienne. C’est pourquoi j’en prévois une.
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Il n’est donc pas question de permettre aux communes nouvelles de sortir de ces établissements, au risque de remettre en cause le modèle et la carte intercommunale, et ainsi de détricoter le modèle d’intégration que nous souhaitons encourager.
Mme Cécile Untermaier. N’importe quoi.
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Je demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Votre question, monsieur Millienne, est plus large que la simple sortie d’une communauté urbaine pour une commune nouvelle, à GPSEO – Grand Paris Seine et Oise – dans les Yvelines, ou ailleurs, si j’ai bien tout compris…
M. Bruno Millienne. Je suis démasqué !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
L’avantage des sujets territoriaux, c’est que les
amendements permettent de déceler des réalités
plus locales…
Le sujet est délicat parce que
des promesses ont été faites, à un moment
donné, pour l’intégration dans les métropoles
et les communautés urbaines, et des moyens financiers ont été
accordés, même si, aujourd’hui, on voit ce qui ne
fonctionne pas. Avant de commencer à désintégrer
les intercommunalités, par la forme, en modifiant le
périmètre, ou par le contenu, en redéfinissant
les compétences, il faut bien examiner les conséquences.
Je
m’écarte bien volontiers des communes nouvelles en vous
disant cela, parce que des communes extérieures à
GPSEO affirment qu’elles ne peuvent plus fonctionner sous ce
format – si j’ai bien tout écouté et
si j’ai bien lu la presse des Yvelines. Cela pose la question
des procédures dérogatoires, déjà connue
dans les communautés de communes ; le projet de loi à
venir, relatif à l’engagement dans la vie locale et à
la proximité de l’action publique, évoquera les
procédures dérogatoires ouvertes aux communautés
d’agglomération.
Je vous propose donc de
consulter les associations spécialisées sur ces
questions – je pense très fort à l’ADCF,
l’Assemblée des communautés de France, à
France urbaine, mais aussi à l’AMF, l’Association
des maires de France et des présidents d’intercommunalité,
en lien peut-être avec les parlementaires des commissions des
lois et des délégations aux collectivités
territoriales, afin de faire un tour de piste d’ici à
fin septembre. Ces échanges permettraient de trouver une
solution consensuelle sur cette question pour l’inscrire dans
le projet de loi engagement et proximité.
Je ne crois
pas à une technique par à-coups pour régler la
question des sorties de communautés urbaines. Je demande donc
le retrait de vos amendements, mais avec peut-être
l’engagement que les délégations de chacune des
deux chambres – le Sénat et l’Assemblée –
se saisissent du sujet, en lien avec les associations d’élus.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno Millienne. Je vais retirer mes amendements, dont vous avez bien compris qu’ils étaient des d’appel. Mais il faut dire que les contours de ces communautés urbaines, dont certaines sont XXL, posent problème ; ils n’ont pas été tracés comme les bassins de vie l’exigeaient. Si nous corrigeons les points irritants des lois NOTRe et MAPTAM, nous devons aussi nous attaquer aux communautés urbaines.
(Les amendements nos 88 et 89 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir les amendements nos 75 et 74, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M.
Paul Molac. Je vais défendre le no 75
et je laisserai mon collègue Castellani défendre le
no 74.
C’est
un amendement de repli, qui vise à ce que les conseils
municipaux consultent pour avis le conseil régional lors de
la détermination du nom des communes nouvelles, toujours,
évidemment, dans l’idée de la protection de la
toponymie.
Je prendrai l’exemple de la très
belle commune d’Angles-sur-l’Anglin, dans la Vienne. Le
nom vient d’une tribu germanique, les Angles, venue
s’installer là à la fin de l’Empire
romain. Changer ce nom reviendrait à perdre l’histoire
de la commune et d’une partie de la population qui l’a
habitée. De la même manière, vous trouverez des
noms bretons sur les rives du Rhin, en Suisse, et vous pourrez vous
demander ce qu’ils y font : tout simplement, à la
fin de l’Empire romain, les Bretons étaient intégrés
à l’armée romaine et se retrouvaient aux
frontières.
Ces noms font partie de notre histoire ;
c’est pourquoi j’y tiens particulièrement. Dans
cet amendement, je n’enlève pas le département ;
j’ajoute seulement la région, pour avis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Il est défavorable, pour les mêmes raisons que sur l’amendement no 73.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est également défavorable. On ne peut pas regretter que trop de contraintes pèsent sur les élus locaux et en ajouter, au moment où nous tâchons justement de les alléger. Faisons confiance aux élus municipaux lorsqu’ils délimitent et dénomment une commune nouvelle,…
M. Sébastien Leclerc. Il a raison !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …ou rédigeons des amendements sur les critères linguistiques à prendre en compte, de sorte que la loi explique aux élus locaux les règles du jeu sur la manière de nommer leur commune. Si le groupe « Libertés et territoires » est bien nommé,…
Mme Danielle Brulebois. Excellent !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …je vous propose de retirer votre amendement, sans quoi il y aura toujours une bonne raison d’imposer des normes supplémentaires aux collectivités territoriales !
M. Rémy Rebeyrotte. Très bien !
Mme Danielle Brulebois. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M.
Aurélien Pradié. Ayant été trop dans
le sens de M. Molac auparavant, je tiens à dire que je
suis en désaccord avec lui sur cet amendement.
(Sourires.)
Le
principe de libre administration des collectivités vaut, sur
le plan constitutionnel, autant pour s’assurer qu’elles
ne sont pas soumises à une autre autorité que la leur,
qui est légitime – je vous renvoie à la
décision que nous avons prise concernant les préfets –,
que pour protéger chacune de l’autorité des
autres. Il ne faudrait pas substituer à la volonté
d’un préfet, que l’on pourrait juger malvenue,
celle d’un conseil régional qui, pour ce qui regarde la
création d’une commune nouvelle et la fixation de sa
dénomination, laquelle est très liée à
l’acte de création, serait tout aussi malvenue. La
liberté vaut à tous les égards.
(Les amendements nos 75 et 74, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Michel Castellani. Madame la présidente, j’aurais souhaité défendre l’amendent no 74.
Mme la présidente. L’amendement no 74 a été présenté par M. Molac.
M. Paul Molac. J’avais précisé, en soutenant l’amendement no 75, que mon collègue défendrait le no 74.
Mme
la présidente. Vous aviez accepté le principe
d’une présentation commune des deux amendements. Je
regrette, monsieur Castellani, mais l’amendement no
74 a été mis aux voix.
Nous écoutons
M. Sébastien Leclerc soutenir l’amendement no
29.
M.
Sébastien Leclerc. L’objet de cet amendement est de
faciliter l’intégration des communes isolées
dans des communes nouvelles existantes, en permettant, suivant la
volonté locale, soit la création d’une nouvelle
commune nouvelle, comme la loi le prévoit pour l’instant,
soit l’extension de la commune nouvelle initiale.
Le
processus de création d’une commune nouvelle est en
effet assez lourd à conduire du point de vue administratif :
installation du conseil municipal, élection de l’exécutif,
désignation des représentants dans les organismes
extérieurs, délégations de signature, avenants
aux contrats établis… À tel point que les
retours d’expérience des pionniers des communes
nouvelles témoignent que la volonté de mutualisation
et de simplification, qui est un des objectifs des communes
nouvelles, passe d’abord par une phase de démarches
multiples et, parfois, de difficultés administratives.
L’intérêt d’étendre une commune
nouvelle existante plutôt que de créer une commune
nouvelle est de ne pas avoir à réitérer ces
démarches.
La ou les communes isolées qui
feraient le choix de rejoindre une commune nouvelle existante se
calqueraient sur le mode de fonctionnement déjà
établi. La commune entrante ou les communes entrantes
seraient représentées au conseil municipal selon les
mêmes critères que les communes fondatrices. Elles
verraient leurs taux de fiscalité rejoindre, sur la période
de lissage prévue pour les communes fondatrices, le taux
moyen pondéré calculé à la création
de la commune nouvelle. Enfin, les communes entrantes seraient
rattachées directement à l’EPCI de la commune
nouvelle initiale.
L’objet de l’amendement est
donc de permettre de poursuivre les regroupements déjà
commencés, sans que les communes nouvelles déjà
existantes se sentent entravées dans leur fonctionnement
établi.
A contrario, la situation actuelle engendre
des blocages, et les communes déjà regroupées
peuvent de ce fait être réfractaires à de
nouveaux regroupements les concernant, ce qui retire toute
perspective aux communes isolées qui leur sont contiguës.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Avis défavorable. Je comprends votre souhait de faciliter le
rattachement de communes isolées, mais, tel qu’il est
rédigé, l’amendement ne prend pas en
considération le critère d’isolement ni celui de
taille, de sorte que le dispositif envisagé s’appliquerait
à toutes les communes. Dans ce cas, je ne vois pas l’utilité
de créer une procédure simplifiée. Il est plus
sécurisant d’appliquer le droit commun.
La
procédure est sans doute un peu lourde, mais, compte tenu de
ses conséquences, elle ne semble pas superflue. L’adoption
de l’amendement risquerait de conduire peu à peu à
un détricotage de la carte intercommunale par adjonctions
successives de communes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je comprends moi aussi votre objectif, monsieur le député.
J’imagine que des communes extérieures doivent frapper
à la porte d’une commune nouvelle que vous connaissez
bien. Vous cherchez donc à avancer le plus rapidement
possible. Le problème, c’est que, lorsqu’on
légifère, on le fait pour l’ensemble des
communes du pays.
Nous avons plaidé pour un droit qui
protège le droit communal, afin qu’il y ait non
absorption ou extension de communes, mais fusion entre des communes,
là où l’on peut par ailleurs étendre un
EPCI.
Or, si la solution que vous proposez peut régler
ici ou là des situations locales par voie de consensus et de
manière fluide, elle nous ferait basculer vers une autre
logique : la procédure dérogatoire permettant
d’étendre la commune nouvelle principale vers d’autres
communes créerait inévitablement une rupture d’égalité
entre les communes nouvelles, voire entre toutes les communes. Cette
solution pouvant faire peur à beaucoup d’élus,
j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements
portant article additionnel après l’article 5.
Nous
commençons par deux amendements identiques, nos 4
et 37.
La parole est à M. Jérôme
Nury, pour soutenir l’amendement no 4.
M.
Jérôme Nury. Cet amendement essentiel relève
non d’une forme de politique politicienne, mais du simple bon
sens. Il est issu de notre expérience personnelle et de celle
que nous avons acquise dans notre département. Nous l’avons
dit : depuis cinq ans, dans l’Orne, plus de 150 communes
se sont rassemblées en trente communes nouvelles. Nous
disposons donc d’une certaine visibilité sur les
problèmes que posent ces situations.
Si, durant la
période transitoire, un maire délégué
peut être maire de la commune nouvelle – cette situation
est très courante pour les maires fondateurs –, le code
général des collectivités territoriales
interdit le cumul de ces fonctions au-delà de cette période.
Nous commençons à voir autour de nous des cas où,
à la suite de municipales partielles, on a dû mettre
deux têtes sur un même territoire, ce qui entraîne
des conflits de légitimité.
Nous souhaitons
donc pérenniser la double fonction afin de garantir la
cohérence des décisions et éviter d’affaiblir
la fonction de maire. Quand il y a deux têtes, en effet, nos
concitoyens savent fort bien aller de l’une à l’autre.
Bref, il n’est jamais simple d’avoir deux maires pour un
même territoire. La possibilité de cumuler dans le
temps les fonctions de maire délégué et de
maire de la commune nouvelle éviterait de tels conflits et
légitimerait davantage les maires des communes nouvelles. Je
précise que, pas plus qu’aujourd’hui, les deux
indemnités ne seraient cumulables.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement no 37.
M.
Patrice Verchère. Cet amendement, identique au précédent,
est inspiré par l’expérience. Si nous voulons
que les communes nouvelles perdurent et se développent, il
faut de la liberté. L’amendement, qui n’impose
rien, vise seulement à leur donner plus de liberté,
plus de choix.
Comme l’a rappelé M. Nury,
à l’heure actuelle, le maire d’une commune
nouvelle peut également exercer, lors de la création
de celle-ci, et sans possibilité de cumul des indemnités,
les fonctions de maire délégué. Cela ne sera
plus possible demain.
Je citerai un cas pratique que
j’ai rencontré dans la commune que j’ai créée
quand j’étais maire. Celle-ci se situe dans le
département de Rhône, sur le premier territoire qui ait
vu naître des communes nouvelles, à l’époque
où Michel Mercier, lui-même créateur d’une
commune nouvelle, était ministre. Mais le cas peut se
produire ailleurs.
Que, quand une commune nouvelle réunit
des petites communes et une commune importante en nombre
d’habitants, les maires de petites communes deviennent maires
délégués, afin de conserver l’identité
du lieu et constituer des relais, cela semble aller de soi. En
revanche, des tensions peuvent naître si le maire délégué
de la commune qui réunit 60 % à 70 % des
habitants ne peut pas être maire de la commune nouvelle.
Nous
souhaitons que, si tel est le choix local – nous ne
proposons que de créer une liberté –, la
même personne puisse cumuler les fonctions de maire délégué
de la commune la plus importante et de maire de la commune nouvelle.
Il me semble essentiel, si nous voulons que les communes nouvelles
continuent à se développer – pour d’autres
raisons que l’avantage résultant d’une
augmentation de 5 % de la DGF, la dotation globale de
fonctionnement, avantage qui existait déjà –,
de leur offrir davantage de souplesse et de liberté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Avis défavorable : pour garantir la cohérence du
fonctionnement de la commune nouvelle, il importe de distinguer les
deux fonctions. Leur cumul créerait le risque d’un
conflit d’intérêts, le maire de la commune
nouvelle pouvant privilégier sa commune d’origine.
Mon
expérience est l’inverse de la vôtre. J’ai
vu des maires délégués provenant de toutes les
communes et des maires de communes nouvelles qui n’étaient
pas forcément rattachés à une commune
d’origine. En outre, dans un souci de proximité, il
importe que deux élus assument les deux fonctions. L’objectif
de la proposition de loi est de faciliter la création des
communes, non de créer un mode de fonctionnement identique à
celui des EPCI.
Mme Véronique Louwagie. Les EPCI fonctionnent différemment !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’entends l’avis défavorable de Mme la rapporteure. Néanmoins, l’argument massue de M. Nury et de M. Verchère – celui de la souplesse, de la simplification – m’interpelle. Avec l’autorisation de Mme la rapporteure, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée. Les situations varient beaucoup d’un territoire à l’autre et nous cherchons à proposer un système plus souple. J’insiste toutefois sur l’importance qu’il n’y ait aucun cumul d’indemnités.
M. Jérôme Nury et M. Patrice Verchère. Cela va de soi !
Mme Cécile Untermaier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.
M.
Arnaud Viala. Merci pour cet avis, monsieur le ministre. Nous
demandons en effet de la souplesse, ainsi que l’application du
bon sens local.
J’adresserai trois observations à
Mme la rapporteure.
Aujourd’hui, pendant la
période transitoire, la même personne peut occuper les
deux fonctions. Or nous n’avons jamais eu vent d’aucune
incongruité nécessitant que l’on empêche
la période transitoire devenir la règle de droit
commun.
D’autre part, il n’y a aucun parallèle
à établir entre le fonctionnement d’une commune
nouvelle et celui d’un EPCI. Votre argument pourrait même
jouer en sens inverse : le conseiller départemental qui
devient président de l’exécutif départemental
reste conseiller départemental de son territoire ; de
même, le conseiller régional qui devient président
de l’exécutif régional reste conseiller
régional, élu certes sur un scrutin de liste, mais
souvent attaché à un territoire.
J’ajoute
qu’aux termes de l’article 4, que nous avons un peu
de mal à accepter, mais qu’on finit par nous faire
avaler à doses homéopathiques – si je puis
me permettre cette allusion (Sourires) –,
les maires des communes nouvelles concentreront les compétences
de maire et celles de président de la communauté de
communes. Et l’on refuserait l’idée que le maire
de la commune nouvelle soit également maire délégué ?
C’est absurde !
Je pense que nos collègues
iront dans le sens proposé par M. Nury et M. Verchère.
Il faut absolument retenir leur proposition.
M. Stéphane Baudu. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M.
Philippe Gosselin. Nous sommes plusieurs à vouloir
défendre les amendements de nos collègues.
La
position ouverte du ministre a le mérite de la clarté.
Le mouvement de regroupement des communes sur la base du
volontariat, qui est en train de s’opérer, démontre
que l’union fait la force et qu’aujourd’hui, les
élus ont conscience qu’il est délicat de rester
isolé. Ce mouvement ne pourra que se renforcer si l’on
apporte un peu de souplesse au dispositif.
Ces amendements
vont dans le bon sens. Un proverbe populaire assure qu’il est
difficile de faire cohabiter deux crocodiles dans le même
marigot. L’un risque en effet de se sentir oppressé par
l’autre. Grâce à ces amendements, par suite de ce
que l’on pourrait appeler un « dédoublement
fonctionnel », une même personne pourrait assurer
les deux fonctions. Dans la majorité des cas – je
l’ai constaté en Basse-Normandie, championne des
communes nouvelles durant ces dernières années –,
cela marche plutôt bien, même s’il existe sans
doute quelques exceptions.
Cette souplesse, puisqu’il
ne s’agit que de créer une faculté, permettrait
de convaincre un plus grand nombre d’élus et, après
le renouvellement municipal de 2020, de renforcer les communes
nouvelles. Je remercie encore M. le ministre de son attention
et de son écoute.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme
Véronique Louwagie. Je vous remercie à mon tour
pour votre esprit d’ouverture, monsieur le ministre.
Je
souhaiterais toutefois réagir à l’intervention
de Mme la rapporteure. Comme l’ont indiqué M. Nury
et M. Verchère, nous pouvons aujourd’hui évaluer
notre expérience en matière de constitution de
communes nouvelles. Or nous constatons que le système
transitoire fonctionne très bien. Ce que nous proposons,
c’est de pérenniser ce dispositif, sur la base du
volontariat – il faut en effet laisser aux élus la
faculté de choisir.
Il faut faire confiance aux élus ;
il y a de leur part une demande de liberté dans
l’administration de leurs collectivités. Leur situation
n’est pas facile aujourd’hui, et les élections
municipales de 2020 feront peut-être apparaître une
crise de vocation dans certaines communes. Il faut donc, je le
répète, faire confiance aux élus et leur donner
beaucoup de latitude. L’expérience montre que cela
marche très bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M.
Joaquim Pueyo. Je soutiens moi aussi les amendements présentés
par M. Nury et M. Verchère.
Madame la
rapporteure, vous avez parlé de conflit d’intérêts,
mais le maire d’une commune nouvelle qui sera en même
temps maire délégué devra défendre les
intérêts de l’ensemble du territoire, sous peine
de ne pas rester longtemps à la tête de la
commune,...
M. Philippe Gosselin. Absolument !
M.
Joaquim Pueyo. ...y compris à celle de sa propre commune,
dont il est maire délégué. S’il a été
choisi comme maire d’une commune nouvelle, cela signifie que
l’ensemble des élus et la population lui portent de la
considération.
Dans l’Orne, certaines communes
nouvelles n’ont pas opté pour le système des
communes déléguées ; c’est leur
droit, et cela fonctionne très bien. D’autres ont
préféré, pour des raisons historiques, élire
des maires délégués : cela fonctionne
aussi. Actuellement, dans mon territoire, situé autour
d’Alençon, le maire de la commune nouvelle est maire
délégué, et cela ne pose aucun
problème.
Monsieur le ministre, je suis convaincu
que votre appel à la sagesse inspirera l’Assemblée,
et que celle-ci votera en faveur de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy Rebeyrotte. Si nous suivrons pour notre part l’avis de Mme la rapporteure, ce n’est pas pour être désagréable avec M. le ministre – bien au contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Philippe Gosselin. Un peu, quand même !
M. Rémy Rebeyrotte. C’est que nous pensons, monsieur Gosselin, c’est que non seulement il ne faut pas qu’il y ait deux crocodiles, mais qu’il n’en faut aucun. Nous ne voulons rien faire qui puisse décourager certains élus, qui se pourraient se dire que le maire de la commune nouvelle étant aussi maire délégué de la commune principale, il ne sera le défenseur des intérêts que d’une partie de la commune nouvelle.
M. Aurélien Pradié. C’est déjà le cas à titre provisoire !
M. Rémy Rebeyrotte. Certains cas ne posent pas de problème,...
M. Philippe Gosselin. C’est la majorité !
M. Rémy Rebeyrotte. ...pour des raisons liées à la personne concernée, mais d’autres soulèvent des difficultés. Or nous ne voulons rien faire qui puisse fragiliser le développement des communes nouvelles.
M. Aurélien Pradié. Au contraire, cela les renforcera !
M. Rémy Rebeyrotte. Voilà pourquoi nous voterons contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens ces amendements, dans la mesure où, aujourd’hui, le cumul est d’ores et déjà possible durant la période transitoire – et, sur le terrain, cela se passe bien !
M. Rémy Rebeyrotte. Pas partout !
Mme Christine Pires Beaune. Les inquiétudes naissent au contraire de la perspective de la fin de la période transitoire, et du risque que l’on se retrouve avec deux têtes. Il convient donc d’apporter de la souplesse au dispositif.
Mme Véronique Louwagie. Faisons confiance aux élus !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M.
Philippe Vigier. Sous votre avis de sagesse point, monsieur le
ministre, la bonne connaissance des collectivités
territoriales qu’a acquis le fin tacticien que vous êtes
– puisque vous avez exercé par le passé des
responsabilités de ce type.
Je fais partie de ceux
– peut-être ne sommes-nous pas nombreux ici dans ce
cas – qui étaient députés-maires,
maires d’une commune nouvelle et maires de la commune
principale de la commune nouvelle. J’ai vécu tout ce
dont il est question, et je puis vous dire que lorsque vous êtes
le maire de la commune la plus importante, ce qui était mon
cas, vous accordez une attention particulière à faire
en sorte que chacun s’y retrouve et que l’on puisse
bâtir un projet commun.
M. Rémy Rebeyrotte. Cela dépend !
M.
Philippe Vigier. Il n’y a pas de conflit d’intérêts,
il n’y a pas de volonté de « privilégier
sa commune », comme vous l’avez affirmé,
madame la rapporteure : si vous êtes dans cet état
d’esprit, vous vous éloignez complètement du
concept de commune nouvelle.
Dernier argument : si le
maire de la commune la plus petite devient le maire de la commune
nouvelle et cesse d’être le maire délégué
de la commune qui l’avait initialement choisi, les habitants
de sa commune d’origine pourraient le vivre comme un abandon.
Si l’on veut faire vivre les communes nouvelles, il faut
laisser aux communes qui ont choisi d’emprunter le même
chemin leur identité.
M. Rémy Rebeyrotte. Ces amendements créent un frein !
M. Philippe Vigier. La souplesse est le gage de la réussite : gageons que cette idée sera largement défendue sur ces bancs dans un instant ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Baudu.
M. Stéphane Baudu. Entre souplesse et sagesse, on doit pouvoir trouver la voie vers un dispositif qui accompagne les communes nouvelles. Ce dispositif existe déjà, il fonctionne, il est optionnel. Je pense qu’en le généralisant, nous irions dans le sens des besoins et des intérêts locaux.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.
M. Patrice Verchère. Un dernier mot. Si l’on écoute bien les différents orateurs et l’avis de sagesse donné par M. le ministre – qui a l’expérience de ces choses-là –, on s’aperçoit que nous sommes tous d’accord. En effet, ce qui est proposé à travers ces amendements, c’est le choix entre l’option défendue par Mme la rapporteure et M. Rebeyrotte et la nôtre. Ce que nous souhaitons, c’est donner de la liberté.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Voilà !
M. Patrice Verchère. À travers son avis de sagesse, M. le ministre promeut la souplesse. Nous espérons avoir réussi à vous convaincre qu’il n’y avait rien de politique ni de polémique dans nos amendements, simplement le désir, que nous partageons tous, de laisser de la liberté aux élus en fonction des circonstances locales.
M. Rémy Rebeyrotte. Drôle de liberté…
(Les amendements identiques nos 4
et 37 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs
du groupe LR.– M. Stéphane
Baudu applaudit aussi.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements
identiques, nos 9
et 38.
La parole est à M. Jérôme
Nury, pour soutenir l’amendement no 9.
M.
Jérôme Nury. Auparavant, je tiens à vous
remercier, monsieur le ministre, d’avoir permis
l’adoption des deux précédents
amendements.
Certaines communes nouvelles se sont organisées
autour de communes déléguées – elles
sont au nombre d’une dizaine, voire une quinzaine dans le
département de l’Orne. Or nous craignons qu’en
2020, à l’occasion des élections municipales,
nous ayons du mal à trouver un maire délégué
pour chacune des communes déléguées de ces
communes nouvelles qui rassemblent plusieurs territoires.
L’objet
du présent amendement est donc de permettre à une
seule personne d’être maire délégué
de plusieurs communes, dès lors que la population de
celles-ci ne dépasse pas 500 habitants. De ce fait, on
n’aurait pas à se poser la question de savoir si les
listes comprennent bien des personnes issues de chaque commune. Une
seule pourrait s’occuper de trois communes déléguées,
sans que l’on ait à supprimer celles-ci. Ce serait fort
utile, notamment pour les communes qui ne comptent que quelques
dizaines d’habitants.
Mme
la présidente. L’amendement no 38
de M. Patrice Verchère est défendu.
Quel
est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Je partage votre constat : c’est précisément
pour cela que l’article 10 laisse au conseil municipal la
liberté de supprimer une ou plusieurs communes déléguées.
Ce système me semble plus simple que d’élire un
seul maire délégué pour plusieurs
communes.
Votre proposition ferait en outre courir le risque
de créer, face au maire de la commune nouvelle, un
« super-maire » délégué
pour plusieurs communes, ce qui n’est pas souhaitable. Avis
défavorable.
Mme Cécile Untermaier. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. L’avis du Gouvernement est, cette fois, défavorable. Si mon avis de sagesse sur vos amendements précédents était sincère, car l’identité et la culture d’une commune ancienne demeurent, en revanche, jamais trois communes n’ont eu le même maire en même temps. Ces amendements marquent donc une rupture d’égalité. L’honnêteté commanderait de les retirer !
(Les amendements identiques nos 9 et 38 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Brulebois, inscrite sur l’article.
Mme
Danielle Brulebois. L’article 6 prévoit que,
pendant une période de trois ans suivant leur création,
les communes nouvelles ne seront pas soumises à certaines des
obligations qui sont prévues par la loi et qui leur incombent
en raison de l’augmentation de leur taille. L’objectif
est, là encore, de donner de la souplesse au dispositif, de
laisser aux communes nouvelles du temps pour s’adapter et de
lisser les effets de seuil.
En effet, en raison du
regroupement de la population de l’ensemble des communes
fusionnées, une commune nouvelle franchit plusieurs seuils à
partir desquels de nouvelles obligations lui sont imposées.
Par conséquent, le Sénat a proposé de reporter
de trois ans l’application de sept obligations légales
soumises à un seuil de population.
S’il est tout
à fait acceptable de reporter de trois ans l’application
de certaines obligations qui nécessitent la mobilisation de
moyens et de ressources humaines importants, afin de laisser le
temps aux communes nouvelles de s’y préparer, nous
proposons en revanche de sortir quatre types d’obligations du
champ des dérogations : les obligations en matière
de logement, qui sont régies par la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, et par
la loi portant évolution du logement, de l’aménagement
et du numérique, la loi ELAN ; les obligations relatives
aux places d’hébergement ; celles liées au
schéma d’accueil des gens du voyage pour les communes
nouvelles de plus de 5 000 habitants ; et
l’obligation de créer un conseil local de sécurité
et de prévention de la délinquance. Ces obligations
répondent en effet à des politiques sociales ou de
prévention volontaristes de l’État, qui
accompagne les communes dans ces domaines et leur donne des aides
suffisantes pour qu’elles puissent y faire face. (M. Alain
Perea applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme
Barbara Bessot Ballot. L’article 6 prévoit une
période d’adaptation pour que la commune nouvelle
puisse faire face de manière échelonnée à
ses nouvelles obligations. Toutefois, la liste des obligations
retenues au titre du dispositif dérogatoire, par exemple
l’établissement obligatoire d’un bilan des
émissions de gaz à effet de serre dans les communes de
plus de 50 000 habitants, est arbitraire et ne repose sur
aucune étude d’impact préalable.
L’objet
du présent amendement est de demander au Gouvernement de
remettre au Parlement un rapport portant sur les compétences
qui pourraient être soumises au dispositif initialement prévu
par l’article 6.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Ces mesures sont attendues par les maires des communes nouvelles.
Plusieurs d’entre eux nous l’ont dit : si la taille
de la commune change sur le papier, dans les faits, il n’y a
pas plus d’habitants dans le territoire au lendemain de la
création de la commune nouvelle. Il semble donc normal de
laisser à ces communes un délai avant de leur
appliquer le droit commun.
En outre, le champ des dérogations
a été restreint par la commission des lois, qui n’a
conservé que trois dérogations : l’ouverture
d’un centre médico-social scolaire dans les communes de
plus de 5 000 habitants ; l’aménagement
obligatoire d’un site cinéraire dans les communes de
2 000 habitants et plus ; l’établissement
obligatoire d’un bilan des émissions de gaz à
effet de serre dans les communes de plus de 50 000 habitants.
Avis
défavorable.
(L’amendement no 13, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements
identiques, nos 8
et 39.
La parole est à M. Jérôme
Nury, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Jérôme Nury. Il s’agit d’accorder plus de temps pour le lissage des effets de seuil. La rédaction actuelle du texte prévoit trois ans, ce qui est trop court. Nous proposons de fixer ce délai à six ans, soit la durée d’un mandat municipal, ce qui permettrait aux communes nouvelles de respecter progressivement les normes qu’elles sont tenues d’appliquer.
Mme
la présidente. L’amendement no 39
de M. Patrice Verchère est défendu.
Quel
est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat en commission. Eu égard à la nature des dérogations subsistant dans le texte, le délai de trois ans est loin d’être irréaliste. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je demande le retrait des amendements ; à défaut,
l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Lors
du précédent quinquennat, le législateur – je
parle sous le contrôle de Mme Pires Beaune – a
imaginé des mesures transitoires destinées à
aider les communes nouvelles à faire face aux obligations
découlant du passage de seuils. Si l’on commence à
faire des entailles dans ce dispositif, en allongeant la durée
de ces mesures, par exemple en portant, comme le proposent les
auteurs de ces amendements, la durée des régimes
dérogatoires de trois à six ans – pourquoi,
dès lors, ne pas retenir une durée encore plus
longue ? – ou, ce qui n’est certes pas ce que
proposez, en prévoyant de nouvelles dérogations aux
communes nouvelles, on ne s’arrêtera jamais !
Accorder un délai de six ans pourrait, suivant la date de
naissance de la commune nouvelle, revenir à enjamber un
mandat municipal. Ce ne serait d’ailleurs pas forcément
bon pour les communes nouvelles, qui doivent aussi grandir. À
un moment donné, il faut savoir leur dire : « Lève-toi
et marche ! » Il faut donc imaginer des dispositifs
qui prévoient un retour au droit commun.
(Les amendements identiques nos 8 et 39 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Christine Pires Beaune. Une période de lissage de trois ans me semble en effet suffisante. Toutefois, la mise en place d’un centre médico-social scolaire ne demande pas autant de temps. Surtout, ce délai paraît trop important eu égard au caractère essentiel de la mission de ces centres en matière de prévention et de santé. C’est pourquoi nous souhaitons exclure cette obligation du champ des dérogations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Si ces centres exercent effectivement des missions essentielles, la
population du bassin de vie concerné ne va pas, comme je
viens de le dire, augmenter brusquement du fait de la fusion. Il me
semble donc raisonnable de laisser aux communes un délai de
trois ans pour se mettre en ordre de marche.
Avis
défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Vous nous mettez en garde contre le risque de donner l’impression
que c’est moins important que le reste – en tout
cas, c’est comme ça que je le comprends –,
mais il est un argument a contrario, madame la députée :
celles et ceux qui veulent aller plus vite pourront toujours le
faire.
Avis défavorable.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
(L’article 6 est adopté.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 27
et 28, portant article additionnel après l’article 6
et pouvant faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à M. Sébastien
Leclerc, pour les soutenir.
M.
Sébastien Leclerc. Les écarts de fiscalité
restent trop souvent un frein à la création d’une
commune nouvelle. S’il est possible actuellement d’envisager
un lissage sur douze ans, il apparaît que cette période
reste trop courte pour faire converger des taux de fiscalité
qui vont du simple au quadruple dans certaines communes nouvelles.
L’amendement no
27 propose de porter à vingt-quatre ans la durée
possible du lissage des taux.
L’amendement
no 28 découle
du précédent. Parmi les communes nouvelles déjà
constituées, certaines pourraient souhaiter allonger cette
durée de lissage, ce qui signifierait revenir sur la durée
préalablement choisie, ce que le code général
des impôts interdit pour le moment. Cet amendement propose de
laisser à ces communes nouvelles la possibilité de
bénéficier de cet allongement de la période de
lissage des taux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission,
monsieur le député. Le délai de douze ans
laissé aux communes pour lisser leurs taux paraît
largement suffisant ; un délai de vingt-quatre ans nous
paraîtrait démesuré et disproportionné.
Nous n’avons pas forcément un recul suffisant par
rapport à la constitution de communes nouvelles, mais il n’y
a pas non plus de remontées suffisantes pour justifier un
délai de lissage aussi long.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous demande de retirer ces amendements au nom d’une conviction personnelle : je suis à peu près certain qu’une telle disposition ne survivrait pas à une question prioritaire de constitutionnalité – auquel cas la sénatrice Gatel nous en voudrait à vie. Une durée de vingt-quatre années pour une telle dérogation serait considérable ; un délai de douze ans est déjà long au regard de nos principes constitutionnels. Je pense qu’une telle disposition risquerait de fragiliser le texte.
(Les amendements nos 27 et 28 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, inscrit sur l’article.
M.
Jean-Claude Leclabart. Le présent article a pour objet de
permettre la suppression d’une partie des annexes de la mairie
dans les communes nouvelles. Il est une alternative au « tout
ou rien » de l’état du droit actuel, qui
permet soit de supprimer toutes les mairies annexes soit de n’en
supprimer aucune.
Cette suppression sera bien encadrée
puisque la décision de supprimer une annexe de la mairie sera
prise par le conseil municipal après accord du maire délégué
et du conseil de la commune déléguée lorsqu’il
existe.
Là où le nombre de communes est
important, la multiplicité des annexes peut occasionner des
surcoûts importants liés au fonctionnement et à
l’entretien des bâtiments. La suppression de certaines
annexes permettra de réduire les dépenses sans
renoncer à la proximité démocratique.
Je
tiens à rappeler aux collègues qui veulent supprimer
cet article qu’il existe des chapelles déclassées
et que des écoles ont d’ores et déjà été
désaffectées par suite de regroupements pédagogiques
concentrés librement consentis. Il n’y a rien de
choquant à vouer des mairies devenues annexes à
d’autres fonctions si cela est conforme à la volonté
locale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 63, tendant à supprimer l’article.
Mme Bénédicte Taurine. Nous demandons en effet la suppression de cet article, qui tend exactement à ce que vous avez dit, cher collègue : fermer des structures de proximité, telles que des écoles, en raison de coûts non financés, ce qui prive les gens des services auxquels ils ont droit. Pour nous, maintenir des mairies physiques, c’est maintenir du personnel, des élus, de l’affichage, tout ce qui permet aux citoyens d’exprimer ce qu’ils ont envie de faire partager à l’ensemble de leurs concitoyens. Vous allez à l’encontre de toutes les évolutions que notre pays connaît actuellement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Le code général des collectivités territoriales
ne prévoit aujourd’hui que deux possibilités :
soit on supprime toutes les communes formant une commune nouvelle,
soit on les conserve toutes. Avec cet article et l’article 10
qui le complète, nous proposons une alternative au « tout
ou rien », en permettant de conserver une ou plusieurs
communes ou mairies annexes. Il s’agit donc, non pas de
supprimer des services publics – aujourd’hui, une
mairie annexe peut accueillir une permanence de la mairie ou une
maison de services au public –, mais de donner aux élus
la possibilité de s’adapter aux exigences de la
population et à leurs contraintes d’organisation.
Alors
que cela fait cinq années qu’une commune nouvelle a été
créée sur mon territoire, c’est la première
fois cette année qu’une commune met à l’étude
la possibilité de transformer en logements une mairie dont
l’activité est insuffisante. C’est une
possibilité qui sera offerte aux maires, non une
obligation.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable. Le texte n’impose pas la suppression de tels lieux – car Mme la rapporteure a raison, c’est bien de lieux qu’il s’agit, et non de services publics. Il permet simplement aux élus d’organiser les services publics communaux comme ils le souhaitent. Ce serait bizarre que les élus d’une commune nouvelle aient moins de droits que les autres élus municipaux en matière d’organisation des bâtiments publics ou des divers services publics sur le territoire de la commune.
M. Philippe Vigier. Absolument !
M. Sébastien Lecornu, ministre. En cela, comme je le disais au président de votre groupe, la commune nouvelle devient une commune comme les autres et s’organise aussi librement qu’elles.
Mme Bénédicte Taurine. Sa taille sera bien supérieure !
M. Sébastien Lecornu, ministre. On parle, madame la députée, de deux ou trois communes de 300 habitants qui n’en formeront plus qu’une seule de 600 ou 900 habitants !
Mme Bénédicte Taurine. Si elles sont situées dans des vallées différentes, cela fera problème !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Faisons confiance aux élus locaux, madame la députée.
Vous verrez : quand vous serez maire, vous voudrez que vos
anciens collègues vous fassent confiance pour organiser les
choses localement. Je rappelle que les communes nouvelles se forment
à partir de trois communes en moyenne et quand elles se
forment à partir d’un plus grand nombre de communes, il
y a une grande vigilance locale.
Puisque la commune nouvelle
est une commune comme les autres, laissons le conseil municipal
l’organiser comme il le fait dans les autres communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Castellani.
M.
Michel Castellani. J’émettrai quand même une
réserve sur cet article. J’entends bien que les
décisions seront prises par les conseils municipaux, mais
c’est la logique même de l’article qui me gêne :
la recherche de l’efficacité par la concentration peut
se faire au détriment de la proximité. Je crains que
le fait de supprimer une mairie annexe ne renforce le centralisme
relatif au détriment des petites communes qui sont appelées
à se regrouper.
J’ai sous les yeux l’exemple
de la Corse, où des dizaines voire des centaines de communes
qui avaient complètement dépéri sur le plan
démographique voient aujourd’hui la situation se
retourner, gagnant deux, trois, une dizaine d’habitants d’un
recensement à l’autre. Je doute que ce retournement
aurait pu avoir lieu si l’on avait fermé entièrement
les mairies. Il faut donc éviter toute précipitation
dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M.
Aurélien Pradié. Notre collègue Leclabart
a quand même indiqué que cet article laissait la
liberté à la commune nouvelle de réduire le
coût des services dans les communes déléguées.
Je voudrais corriger ce que vous avez dit, madame la
rapporteure : il s’agit ici, non pas de la suppression
des communes déléguées, mais de la fermeture
des mairies annexes. Ce n’est pas du tout la même
chose !
Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui
une commune nouvelle de réduire considérablement
l’activité de sa mairie annexe ? Rien ! C’est
ce que nous avons fait progressivement dans ma commune nouvelle. Je
ne vois donc pas en quoi il serait nécessaire de donner par
la loi la possibilité aux communes nouvelles de fermer une
mairie annexe, puisque la loi actuelle n’empêche pas les
communes nouvelles de réorganiser les temps d’ouverture
des mairies annexes. Je ne vois donc pas ce que cette disposition
apporte de plus, sinon qu’elle vient instiller un doute et
ouvrir un débat à mon avis inutile.
Deuxièmement,
je voudrais citer un exemple qui vient contredire vos affirmations,
madame Taurine : celui d’une commune nouvelle
composée à partir d’une commune de mille
habitants et de quatre communes d’une centaine d’habitants.
Dans les communes d’une centaine d’habitants, le
secrétariat de mairie était ouvert deux demi-journées
par semaine alors que depuis la création de la commune
nouvelle, le secrétariat de la mairie « chef-lieu »
est ouvert tous les jours, parfois même entre midi et deux
heures. Le citoyen peut donc y gagner en accédant à un
service plus solide et plus ouvert. La création d’une
commune nouvelle ne se traduit donc pas nécessairement par
une dégradation du service.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M.
Philippe Vigier. Fort de mon expérience de trois ans et
demi de commune nouvelle, je suivrai votre avis, monsieur le
ministre. Le texte est assez simple : il offre une possibilité.
Une possibilité, ce n’est pas une obligation. Il s’agit
de voir comment les choses évoluent. Chez nous, sur les neuf
communes originelles, deux, qui comptent un petit plus de cent
habitants, ne souhaitaient pas garder une mairie annexe, mais cela
s’est traduit finalement par un redéploiement des
services publics et par des investissements, alors que cela faisait
de longues années que ceux-ci n’étaient plus
faits. On ne peut pas dire d’un côté qu’une
commune nouvelle ne doit pas avoir moins de droits que les autres
communes et de l’autre côté chercher à les
embrigader.
Voilà pourquoi je pense qu’il ne
faut pas adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bénédicte Taurine.
Mme
Bénédicte Taurine. Si les élus avaient
vraiment le choix, s’ils n’étaient pas contraints
par des restrictions budgétaires, cela ne poserait aucun
problème ! Mais quand le Président Macron dit
qu’il ne fermera pas d’écoles rurales, ce sont
les maires qui les ferment eux-mêmes parce qu’ils n’ont
plus les moyens de les faire fonctionner. On est en train de faire
en sorte que les élus soient contraints de fermer eux-mêmes
les bâtiments et les services publics, parce qu’on a
décidé par ailleurs de faire des
économies.
Monsieur Pradié, peut-être
la commune nouvelle offrira-t-elle, dans certaines situations, une
plus grande amplitude d’ouverture horaire qu’une commune
annexe, mais allez donc l’expliquer à des personnes qui
ont 80 ans et qui doivent traverser des vallées sans
service de transport !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Je voterai contre cet amendement. Le texte que nous examinons veut en effet donner plus de souplesse, là où s’applique aujourd’hui une politique du « tout ou rien », qui oblige à garder toutes les mairies annexes ou à les supprimer toutes. Dans certains cas, on peut vouloir, pour une raison ou pour une autre, supprimer une seule mairie annexe – ou deux, ou trois – sur cinq.
M. Philippe Vigier. Eh oui ! C’est du pragmatisme !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Monsieur Pradié, votre interprétation était
juste, mais c’est l’article L. 2113-11 du code
général des collectivités territoriales qui
établit une corrélation entre la commune déléguée
et le bâtiment. La disposition que nous proposons permettra de
décorréler les deux – vous aviez semé
le doute dans mon esprit, mais voilà la réponse.
Cette
proposition de loi permet en effet de sortir du « tout ou
rien », car elle donne une souplesse qui permettra de
s’adapter, par exemple, madame Taurine, à la
géographie – vallées, plaines ou cols.
Mme Bénédicte Taurine. Ce que j’ai évoqué, ce sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans les vallées.
M. Sébastien Lecornu, ministre. S’il y a une vallée, il est fort probable qu’il y ait un col…
Mme Bénédicte Taurine. Monsieur le ministre, cela n’a rien à voir. C’est comme l’avenir politique des uns et des autres : ce n’est pas le lieu d’en parler !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Outre la souplesse, le texte fournit aussi la base légale qui permettra à un conseil municipal de prendre une décision. Il convient donc d’adopter cet article.
(L’amendement no 63 n’est pas adopté.)
(L’article 7 est adopté.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme
la présidente. La commission a supprimé
l’article 8.
Je suis saisie de trois amendements,
nos 77,
20 et 79, tendant à le rétablir et pouvant être
soumis à une discussion commune.
Les amendements
nos 20
et 79 sont identiques.
La parole est à M. Paul
Molac, pour soutenir l’amendement no 77.
M.
Paul Molac. Monsieur le ministre, vous avez eu tout à
l’heure des propos peu amènes envers le groupe Libertés
et territoires, lorsque vous avez dit que nous allions empêcher
les collectivités locales de faire ce qu’elles
voulaient. Je rappelle à cet égard que, pour qu’une
commune établie puisse changer son nom, il faut une décision
du Conseil d’État en ce sens. Ainsi, une commune de mon
département, dénommée Guer, voulait ajouter à
son nom celui de Coëtquidan, où se trouve l’école
de l’armée de terre, mais le Conseil d’État
le lui a refusé. Ce que je proposais, c’est simplement
de prévoir la consultation du conseil régional pour le
choix du nom des communes ! Notre histoire et notre toponymie
le valent bien – mais nous y reviendrons une autre
fois.
Le présent amendement vise à rétablir
l’article 8, afin de supprimer la condition d’une
décision prise à la majorité des deux tiers
lorsqu’il est demandé par le préfet à la
commission départementale de coopération
intercommunale, la CDCI, de se prononcer sur une nouvelle carte
intercommunale, à la suite de la création d’une
commune nouvelle, lorsque les communes de cette dernière
n’ont pas réussi à se mettre d’accord
selon les conditions de majorité requises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Cécile Untermaier. Nous avons passé notre temps à dire qu’il fallait que nous fassions confiance aux élus locaux, et nous avons eu raison. Cet amendement répond à cette exigence. Il vise en effet à ce que la décision puisse être prise à la majorité simple, et non pas à la majorité des deux tiers, même si cette dernière est prévue par le code général des collectivités territoriales dans le cadre d’autres dispositifs. La commune nouvelle pourrait précisément, du fait de son caractère novateur, contribuer à lancer une autre dynamique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 79, identique au précédent.
Mme
Béatrice Piron. L’article 8 a été
introduit au Sénat par l’ancien ministre de la cohésion
des territoires, Jacques Mézard, lors de l’examen de la
proposition de loi en séance. Il visait à assouplir
les règles de rattachement d’une commune nouvelle à
un établissement public de coopération intercommunale
dans le cas où les communes regroupées en une commune
nouvelle sont issues de plusieurs EPCI.
Actuellement, les
élus de la commune nouvelle votent pour choisir l’EPCI
auquel ils souhaitent rattacher la commune nouvelle. Toutefois, le
préfet a la possibilité de passer outre cette décision
en saisissant la CDCI, qui doit alors se prononcer sur ce
rattachement par un vote à la majorité des deux tiers.
L’article proposait d’abaisser le seuil de la majorité
nécessaire à une majorité simple, comme le
recommandait le rapport d’information sénatorial sur la
revitalisation de l’échelon communal.
Au Sénat,
monsieur le ministre, le Gouvernement s’était
montré très favorable à cette mesure. Je sais
que vous avez à cœur de défendre l’autonomie
des communes et de simplifier leurs règles de fonctionnement,
qui sont parfois pesantes pour les élus des petites communes.
Comme l’indiquait tout à l’heure M. Millienne,
au cours de la réunion que nous avons eue dans les Yvelines
voilà deux semaines, vous avez évoqué un
assouplissement des règles et appelé à faire
confiance aux élus. Le présent amendement vise le même
objectif : il s’agit de respecter l’autonomie et
les décisions des collectivités, en permettant à
la CDCI, saisie par le préfet, d’exprimer à la
majorité simple un vote favorable au rattachement souhaité
par les communes concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Le préfet étant le garant de l’ordre
territorial, il paraît normal qu’il ait un rôle à
jouer dans les procédures de regroupement de communes, que ce
soit sous la forme d’intercommunalité ou de fusion de
communes.
Nous souhaitons conserver cette majorité des
deux tiers, que l’on retrouve dans de nombreuses autres
dispositions du code général des collectivités
territoriales, de manière harmoniser le dispositif avec le
droit commun.
Avis défavorable sur les trois
amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je suivrai l’avis de la commission des lois dans la mesure où
un argument de poids a été apporté au débat
dans le cadre de la navette, à savoir qu’il n’apparaît
pas opportun de réformer partiellement le fonctionnement la
CDCI s’agissant uniquement de la question des communes
nouvelles.
Demande de retrait ; à défaut,
l’avis du Gouvernement serait défavorable sur les trois
amendements.
(L’amendement no 77 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 20 et 79 ne sont pas adoptés.)
(Les articles 9 et 10 sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 64.
Mme Bénédicte Taurine. L’article 11 prévoyant que le conseil municipal « peut décider qu’une ou plusieurs de ses réunions auront lieu dans une ou plusieurs annexes de la mairie », nous demandons la suppression de la fin de l’alinéa 2. Nous jugeons inutile d’ajouter qu’au moins deux réunions par an se tiendront dans la mairie de la commune nouvelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Il ne s’agit pas de forcer la main aux élus. Bien au
contraire, nous nous proposons de leur donner des marges de manœuvre
supplémentaires. Je vous rappelle en effet qu’en l’état
du droit, aucune réunion ne peut se tenir ailleurs qu’au
siège de la mairie. Nous souhaitons donc que le conseil
municipal puisse se réunir aussi dans les mairies annexes des
communes déléguées. Toutefois, il importe,
l’objectif du dispositif des communes nouvelles étant
d’aller vers plus d’intégration, que le siège
de la commune nouvelle demeure le siège de droit commun, ne
serait-ce que pour des raisons pratiques et de publicité.
Avis
défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable : il n’y a pas de démocratie sans publicité, c’est un principe constitutionnel important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bénédicte Taurine.
Mme Bénédicte Taurine. Ce qui me pose problème, ce n’est pas la publicité, c’est le fait que l’on restreigne cette possibilité en imposant que deux des réunions au moins se tiennent dans l’enceinte de la mairie de la commune nouvelle. Il s’agit d’une réserve, et non de l’octroi de droits supplémentaires.
(L’amendement no 64 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement no 83 de Mme Dubré-Chirat est rédactionnel.
(L’amendement no 83, accepté parle Gouvernement, est adopté.)
(L’article 11, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 6, portant article additionnel après l’article 11.
M.
Jérôme Nury. Cet amendement vise à
harmoniser les modalités de perception de la taxe communale
sur la consommation finale d’électricité, la
TCFE. En effet, si une commune nouvelle intègre à la
fois des communes de plus de 2 000 habitants et des communes de
moins de 2 000 habitants, elle sera soumise un double système,
puisque, pour les communes déléguées de moins
de 2 000 habitants, la TCFE sera perçue par le syndicat
intercommunal, tandis que pour les autres, elle sera perçue
directement par la commune déléguée.
Par
cet amendement, nous proposons d’harmoniser la perception de
cette taxe, en permettant aux communes nouvelles de l’attribuer
entièrement soit au syndicat intercommunal, soit aux communes
qui la composent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
L’amendement tend à instaurer une procédure
dérogatoire de sortie des communes nouvelles des syndicats
d’électricité auxquels les communes
préexistantes adhéraient, et auxquels elles deviennent
membres par substitution. Il vise aussi, si les communes nouvelles
choisissent de rester dans le syndicat, à ce qu’elles
puissent décider d’harmoniser la perception de la taxe
communale sur la consommation finale d’électricité
au niveau du syndicat ou de l’ensemble des communes
membres.
S’agissant du premier point, rien ne justifie
l’instauration d’une procédure dérogatoire
de retrait des syndicats pour les communes nouvelles, a fortiori si
cela ne concerne que les syndicats d’électricité.
C’est l’article L. 5211-19 du code général
des collectivités territoriales qui régit le retrait
de droit commun, lequel requiert l’accord de l’organe
délibérant du syndicat et de ses membres dans les
conditions de majorité requises pour la création de
l’établissement.
Quant au deuxième point,
l’article L. 2333-4 du même code prévoit
déjà des dispositions transitoires : votre
amendement est donc satisfait. Les communes nouvelles de plus de
2 000 habitants regroupant d’anciennes communes de
moins de 2 000 habitants percevront, de droit, la TCFE et
devront harmoniser le tarif applicable sur leur territoire l’année
suivant leur création. Elles pourront, si elles le
souhaitent, transférer le produit de la taxe au syndicat dont
le tarif aura été harmonisé sur l’ensemble
de leur territoire.
Je demande par conséquent le
retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis
de la commission serait défavorable.
(L’amendement no 6, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme
la présidente. La commission a supprimé
l’article 12.
Je suis saisie de deux amendements,
nos 1
et 45, tendant à le rétablir et pouvant être
soumis à une discussion commune.
La parole est à
Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement
no 1.
Mme
Virginie Duby-Muller. Le présent amendement a pour objet
de rattacher le territoire de la commune de Seyssel, dans l’Ain,
au département de la Haute-Savoie. Seyssel, dans l’Ain,
et Seyssel, en Haute-Savoie, sont deux communes géographiquement
limitrophes, mais constituent juridiquement deux communes
distinctes, situées dans deux départements
différents.
Cette modification des limites
territoriales des départements concernés est un
préalable à la fusion des deux communes de Seyssel,
souhaitée par leurs conseils municipaux. Ceux-ci ont
d’ailleurs voté à l’unanimité, et à
deux reprises, en 2015 et en 2018, un accord afin de fusionner. Les
élus de la ville de l’Ain souhaitent rejoindre le
département de la Haute-Savoie, qu’ils considèrent
comme leur bassin de vie.
Ce désir de fusion est le
fruit d’un travail commun entre deux municipalités qui
partagent le même nom mais sont séparées par le
Rhône, qui matérialise la frontière entre les
départements. Une fusion permettrait aux deux communes d’être
plus efficaces sur les plans économique et social et de
mutualiser leurs compétences en vue de maintenir un service
public de qualité et de proximité au service des
habitants. De plus, en fusionnant, les deux communes ne subiraient
plus la baisse des dotations.
Les élus locaux,
massivement favorables à ce projet, rappellent aussi qu’à
l’origine, Seyssel n’était qu’une seule et
même commune. Au-delà de l’identité de
nom, il faut savoir qu’entre le deuxième siècle
avant Jésus-Christ et la création des départements,
les deux communes n’ont été séparées
que pendant une période de soixante-dix ans.
S’agissant
de la vie locale et culturelle, des liens multiples existent déjà
entre ces deux communes, que ce soit sur le plan associatif, festif
– elles partagent de nombreuses fêtes et
commémorations –, commercial ou artisanal. De
même, en ce qui concerne les échanges commerciaux, les
services publics ou le secteur scolaire, on a d’ores et déjà
procédé à des mutualisations.
Il faut
enfin savoir qu’il existe un bassin de vie commun, ainsi
qu’une appellation d’origine contrôlée pour
les vins de Seyssel, appellation qui se rattache aux vins de
Savoie.
Mme la présidente. Merci, chère collègue.
Mme Virginie Duby-Muller. L’attente des élus locaux est très forte sur ce point. Ils espèrent que le rattachement sera effectif dès les élections municipales de mars 2020. Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, madame la rapporteure, pour que le texte de cet amendement soit intégré au texte de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l’amendement no 45.
M.
Raphaël Gérard. Cet amendement vise à
rétablir l’article 12 dans sa rédaction issue du
Sénat.
Cet article est issu d’un amendement qui
avait été déposé par les sénateurs
de Charente-Maritime Daniel Laurent et Bernard Lalande et qui visait
à résoudre une situation de blocage comparable à
celle que vient de décrire Mme Duby-Muller. En effet, depuis
plusieurs années, les communes d’Archiac, en
Charente-Maritime, et de Saint-Palais-du-Né, en Charente,
préparent une fusion en vue de créer une commune
nouvelle. Ce projet a donné lieu à une délibération
des deux conseils municipaux concernés et à une
concertation avec les habitants – j’ai moi-même
participé à la dernière réunion publique
organisée par les deux communes. Le conseil départemental
de Charente-Maritime a émis un avis favorable – je
ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler qui en est le
président, mais il est certain que sa parole a un certain
poids.
Or nous sommes confrontés à une
situation de blocage imputable à la position du conseil
départemental de Charente, qui refuse de modifier les
frontières départementales. Le seul recours qui
s’offre à nous est de passer par la loi pour trancher
ce différend entre le département et les deux communes
concernées. Il faut savoir Saint-Palais-du-Né est une
commune située au croisement de trois EPCI, celui des 4B Sud
Charente, auquel elle est reliée, celui, limitrophe, du Grand
Cognac, auquel elle pourrait tout aussi bien être rattachée,
et celui de la Haute Saintonge, dont dépend Archiac.
On
ne peut reporter indéfiniment la résolution de ce
problème qui se pose depuis nombre d’années.
Manifestement, le cas de Saint-Palais-du-Né et d’Archiac
n’est pas isolé. Il faut donc trouver un moyen de
débloquer la situation.
Mme la présidente. Merci, cher collègue.
M. Raphaël Gérard. On dit que l’on veut respecter les maires et donner plus de poids aux décisions des élus de proximité : il conviendrait maintenant de passer de la parole aux actes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Une commune nouvelle se crée sur la base du volontariat et de
l’entente des communes concernées. L’accord des
deux départements est nécessaire. En l’absence
d’accord, le pouvoir de décision est en effet transféré
au législateur.
Or nous sommes actuellement dans une
période pré-électorale. Par conséquent,
depuis le 31 décembre et jusqu’au deuxième
semestre de l’année 2020, nous ne sommes pas en mesure
de créer des communes nouvelles. D’autre part, à
l’occasion des élections municipales apparaîtront
peut-être des candidats et des élus qui n’auront
pas participé à cette création de communes
nouvelles et qui n’y seront peut-être pas
favorables.
Pour ces différentes raisons, déjà
évoquées en commission des lois, nous ne souhaitons
pas prendre aujourd’hui de décision concernant le
regroupement de ces communes. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je serai concis, mais aussi clair que possible, car il s’agit
d’une question importante.
Mme Duby-Muller, si
vous évoquez ce problème ce soir, c’est parce
qu’aucun accord entre les deux conseils départementaux
n’a été trouvé. Si les élus locaux
avaient été d’accord, le législateur
n’aurait pas eu connaissance de cette question, qui aurait été
réglée par la voie habituelle.
Depuis le début
de la discussion, nous nous sommes dit que nous avions le devoir de
procéder à un vote conforme avec le Sénat, tout
simplement parce que l’article 1er
de la proposition de loi doit rapidement trouver une application
juridique pour toutes les communes nouvelles concernées par
les élections municipales de mars 2020.
Je n’ignore
pas que ces questions recouvrent des enjeux de compétition
territoriale, et qu’elles n’opposent pas différents
groupes politiques. Si les décisions que vous soutenez
étaient prises ce soir, un sénateur ou même un
député d’un département voisin pourrait
dire qu’il n’est pas d’accord.
M. Thomas Mesnier. Tout à fait !
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Je vous propose donc, madame Duby-Muller, monsieur Gérard,
de retirer ces amendements. Dans le cadre du projet de loi
« Engagement et proximité », que je
présenterai au Conseil des ministres la semaine prochaine, je
recenserai en amont, si vous en êtes d’accord,
l’ensemble des problèmes de ce type qui se posent sur
l’ensemble du territoire national – et pas
seulement dans vos départements. J’en tirerai un
amendement gouvernemental que nous déposerons longtemps à
l’avance, ce qui permettra aux députés comme aux
sénateurs d’en connaître le contenu dès
l’examen du texte en commission, et à ceux qui
représentent les départements concernés d’être
présents dans l’hémicycle. Chacun pourra ainsi
s’exprimer dans le cadre de la discussion du projet de loi. Je
ne veux pas qu’à la suite d’une décision
prise nuitamment, un député ou un sénateur de
l’Ain ou de Charente – pour ne citer que ces deux
exemples – vienne ralentir l’adoption de cette
proposition de loi pour une question qui est certes importante, mais
locale.
Je vous demande donc instamment de retirer vos
amendements, afin que nous puissions traiter ces questions dans le
cadre d’une procédure plus lisible et plus
transparente, à l’occasion de l’examen du projet
de loi à venir. Ce sera bien le cas, je vous en donne ma
parole – ce sera consigné au Journal
officiel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Olga Givernet.
Mme
Olga Givernet. Je reconnais, pour en avoir discuté
longuement avec les élus et les habitants, l’intérêt
du bassin de vie né de la fusion des deux Seyssel – Ain
et Haute-Savoie –, ainsi que l’intérêt
d’un travail commun. Toutefois, comme le rappelait M. le
ministre, le département a voté à l’unanimité
contre le rattachement à la Haute-Savoie. Or ce type de
fusion suppose une volonté partagée, car elle exige un
redécoupage départemental.
Nous devons donc,
pour le bien-être même des habitants, remettre ce projet
à plat et en analyser les conséquences
administratives. Les deux communes concernées, je le
rappelle, font partie de la même communauté de
communes, lesquelles peuvent être à cheval sur deux
départements, ce qui simplifie grandement les choses.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Ayant déposé un amendement du même tonneau – si je puis dire –, qui a été recalé au titre de l’article 40 de la Constitution, j’étais prêt à soutenir les deux amendements en discussion. Vous m’excusez, cher collègue Gérard, si, entre Aunis et Saintonge, je suis un peu moins au fait de la géographie, mais je vois en revanche très bien où se trouve Seyssel. D’ailleurs, à Seyssel, dans l’Ain, on produit un vin qui est issu de la roussette et qui est bel et bien réputé comme étant de Savoie. (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Tant qu’on y est, je propose une fusion avec Morteau ! (Sourires.)
M.
Paul Molac. La France est un très beau pays. Le seul
problème, c’est que les Parisiens ne le savent pas ;
les autres Français, eux, le savent.
Après
avoir entendu M. le ministre, je m’en remettrai néanmoins
à la position des auteurs de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller. Je découvre avec stupéfaction le double discours de Mme Givernet, qui, lors des cérémonies de vœux, devant les Seysselans, se déclare publiquement favorable à cette fusion, mais qui, une fois que nous entrons dans le vif du sujet, préfère y renoncer ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Rémy Rebeyrotte. Voilà qui élève le niveau !
Mme
Virginie Duby-Muller. Vous avez rappelé, monsieur le
ministre, les termes de l’article L. 2113-4 du code
général des collectivités territoriales.
J’accepte donc de retirer mon amendement et de vous faire
confiance, tout en vous en remerciant pour cette ouverture. Ce
projet de fusion répond à une très forte
attente locale, les deux communes, précédemment
intégrées au sein d’une même communauté
de communes, l’étant désormais dans celle, plus
grande, d’Usses et Rhône.
Je vous fais donc
confiance, disais-je, pour intégrer les dispositions
proposées dans le futur projet de loi « Engagement
et proximité ». Nous resterons vigilants sur la
possibilité ainsi ouverte, pour le cas où un
département s’oppose à une fusion souhaitée
par deux communes dont les limites territoriales excèdent les
siennes.
(L’amendement no 1 est retiré.)
Mme la présidente. Votre amendement est-il maintenu ou retiré, monsieur Gérard ?
M. Raphaël Gérard. Je le retire également mais vous fais confiance, monsieur le ministre, pour associer les parlementaires à ce dossier, que suit également de près ma collègue Sandra Marsaud, députée de la circonscription charentaise concernée. Nous devons en effet trouver une solution car, si nous ne parlons ce soir que de deux cas, il en existe – ou en existera dans les années à venir – beaucoup d’autres.
(L’amendement no 45
est retiré.)
(M. Rémy Rebeyrotte
applaudit.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements
portant article additionnel après l’article 12.
J’appelle
les deux amendements nos 59
et 60, qui peuvent faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à Mme Danielle
Brulebois, pour les soutenir.
Mme
Danielle Brulebois. Il s’agit de deux amendements d’appel.
Il est dommage que certains effets de la fusion de communes en une
commune nouvelle, qui est souvent un succès, irritent les
habitants. L’un d’eux, dont traite l’amendement no
59, a trait au code postal.
Dans la nouvelle commune peuvent
coexister plusieurs codes postaux, ce qui est source de confusions
et de difficultés. Si l’on veut favoriser l’adhésion
des habitants des communes membres à la commune nouvelle, il
est important de donner à celle-ci une identité et
d’édicter des règles communes.
La raison
invoquée par La Poste est que certaines des rues des
différentes communes membres peuvent avoir le même nom.
Outre que ces cas sont rares, il est, aux dires des maires, il est
bien plus facile de changer le nom d’une rue, qui ne concerne
qu’un nombre limité d’habitants, que le code
postal, qui concerne la totalité des habitants de la commune
nouvelle.
L’amendement no
60 concerne une autre source d’irritation pour les habitants.
Les communes nouvelles de petite taille ne sont pas toujours
rattachées au même canton, ce qui créé
des incompréhensions chez nos concitoyens, qui, bien
qu’habitants de la même commune, n’ont pas tous le
même conseiller départemental et n’appartiennent
pas tous au même canton.
Il faut faire en sorte de
lever tout ce qui est susceptible de freiner la création de
communes nouvelles, dès lors que nous voulons
l’encourager.
À cette fin, monsieur le ministre,
je propose d’unifier le code postal des communes membres de la
commune nouvelle et de rattacher à un même canton, par
arrêté du préfet après consultation du
conseil départemental, les communes membres d’une
commune nouvelle de moins de 3 500 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
L’amendement no
59 ne me semble pas du domaine de la loi : c’est à
La Poste de décider.
Sur le fond, comme vous le
dites vous-même, attribuer le même code postal à
l’ensemble des communes fusionnées conduirait à
des difficultés d’adressage en cas de noms de rues
identiques – ce qui se produit déjà. Et je
ne crois pas que changer les noms de rue soit la meilleure chose à
faire en cas de fusion de communes : les habitants ont, au
contraire, besoin de repères stables. L’avis est donc
défavorable.
Quant à l’amendement no
60, relatif aux communes de moins de 3 500 habitants, il
est satisfait par l’article L. 3113-2 du code général
des collectivités territoriales, qui dispose : « Est
entièrement comprise dans le même canton toute commune
de moins de 3 500 habitants. » Demande de
retrait, donc ; à défaut, l’avis de la
commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Ces deux amendements sont d’appel, je l’ai bien compris.
L’amendement no
59, en particulier, vise à sensibiliser La Poste. S’il
était adopté et que deux communes fusionnées
dans une commune nouvelle avaient toutes deux une « Place
de la Mairie » et une « Rue Grande »
– pour être original –, leurs élus
seraient obligés de les débaptiser. Cela n’est
clairement pas du niveau législatif. Que l’on invite
La Poste à se mettre plus à la portée des
élus locaux, pour les noms de rue, dans le cadre des communes
nouvelles, je ne puis qu’y souscrire, mais je demande le
retrait de l’amendement.
Comme Mme la rapporteure
l’a indiqué, l’amendement no
60, lui, est satisfait. Le recours au décret en Conseil
d’État, je le rappelle, a du bon par rapport à
l’arrêté préfectoral, car toute
modification des périmètres cantonaux modifie aussi la
circonscription électorale. Au regard de certains aspects, le
décret en Conseil d’État est plus protecteur.
Demande de retrait également. À défaut, l’avis
du Gouvernement serait défavorable sur les deux
amendements.
(Les amendements nos 59 et 60 sont retirés.)
Mme
la présidente. Sur l’amendement no 21
à venir, je suis saisie par le groupe Les Républicains
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur
l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le
groupe La République en marche d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
L’amendement
no 15
de Mme Barbara Bessot Ballot est défendu.
(L’amendement no 15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme
la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 21
et 44, pouvant être soumis à une discussion
commune.
La parole est à M. Arnaud Viala, pour
soutenir l’amendement no 21.
M.
Arnaud Viala. Cet amendement est celui dont j’appelais de
mes vœux l’adoption dès la discussion générale.
Il tend à demander au Gouvernement la remise d’un
rapport sur la mise en œuvre de l’article 4,
relatif aux communes-communautés. Nous pourrions ainsi avoir
une évaluation précise de l’impact de cet objet
juridique nouveau dans le paysage administratif français.
En
commission, nous avons débattu des contours d’un tel
rapport et de son délai de remise, eu égard au recul
nécessaire à son élaboration. Je vous le redis
de façon aussi explicite que lors de la discussion générale,
monsieur le ministre : votre position sur cet amendement
conditionnera celle du groupe Les Républicains sur l’ensemble
de la proposition de loi, où subsistent, au terme de cette
soirée, beaucoup de zones d’ombre et d’angles
morts, notamment s’agissant de la commune-communauté.
Mme
la présidente. Sur l’amendement no 44,
je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La
parole est à Mme Véronique Louwagie, pour
soutenir cet amendement.
Mme
Véronique Louwagie. Cet amendement a le même objet
que celui de M. Viala.
Nous avons exprimé un
certain nombre d’inquiétudes, ou en tout cas
d’interrogations, sur cette nouvelle entité qu’est
la commune-communauté. Nous aurons d’ailleurs
l’occasion d’y revenir dans le cadre du projet de loi de
finances pour 2020, pour en fixer certains contours et en déterminer
l’impact financier.
Notre assemblée doit aussi
disposer d’évaluations sur certains des dispositifs
qu’elle adopte : c’est l’objet du rapport ici
demandé au Gouvernement. Ce rapport alimentera notre
réflexion sur le dispositif et, le cas échéant,
nous permettra de l’améliorer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme
Nicole Dubré-Chirat, rapporteure.
Indépendamment de la condition énoncée par
M. Viala, j’émets un avis favorable sur sa demande
de rapport, compte tenu du délai prévu, quatre ans,
qui me paraît suffisant pour analyser les points importants et
dresser un bilan de la création des
communes-communautés.
Quant à l’amendement
de Mme Louwagie, légèrement différent,
j’en suggère le retrait. À défaut, l’avis
serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Le délai de quatre ans me semble tout à fait
pertinent. L’avis est donc favorable sur l’amendement no
21 de M. Viala.
Je suggère en revanche le
retrait de l’amendement de Mme Louwagie, qui ne vise que
deux alinéas de l’article concerné, au bénéfice
de celui de M. Viala, d’ailleurs cosigné par tous
les autres membres du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie. Je retire mon amendement, au bénéfice de celui de M. Viala.
(L’amendement no 44 est retiré.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 21.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme
la présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre
de votants 65
Nombre
de suffrages exprimés 64
Majorité
absolue 33
Pour
l’adoption 64
Contre 0
(L’amendement no 21 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 17.
Mme Marie-Noëlle Battistel. J’espère que vous réserverez à notre amendement un accueil tout aussi favorable qu’à celui qui vient d’être adopté. En effet, cet amendement tend lui aussi à demander au Gouvernement de remettre un rapport recensant le nombre de communes-communautés, détaillant leur situation géographique, démographique et financière et analysant les raisons pour lesquelles la décision a été prise de ne pas les rattacher à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ce rapport, qui devra être remis avant le 31 mars 2023, proposera également des pistes d’amélioration du régime de la commune-communauté à partir des créations qui auront eu lieu en 2021 et en 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Avis défavorable : nous venons d’adopter un dispositif qui prévoit la remise d’un rapport comportant les mêmes éléments que ceux que vous demandez.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Ce ne sont pas les mêmes : si c’était le cas, l’amendement serait tombé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Lecornu, ministre.
Voilà tout le charme des écritures d’amendement :
si le rapport que l’Assemblée vient de demander au
Gouvernement est bien fait – il faudra veiller à
ce que la commande initiale soit bien respectée –,
ce que Mme Battistel vient de proposer se rapproche de ce que
M. Arnaud Viala a réclamé et obtenu, et nous nous
situons dans des délais équivalents à quelques
mois près.
Même si ces amendements n’ont
pas été considérés comme identiques, je
pense que, quelle que soit l’approche retenue, technique,
financière ou politique, le vôtre est satisfait par
l’adoption du précédent.
Mme la présidente. Madame Battistel, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous allons le retirer. Je reconnais que nous étions étonnés qu’il ne soit pas en discussion commune avec les amendements précédents.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Moi aussi !
Mme Marie-Noëlle Battistel. En tout état de cause, nous veillerons à ce que les éléments que nous souhaitions voir dans ce document y figurent bien.
(L’amendement no 17 est retiré.)
Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des amendements.
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Joaquim Pueyo.
M. Joaquim Pueyo. Rassurez-vous, je ne serai pas long. Le groupe Socialistes et apparentés votera pour une proposition de loi qui tient compte des retours d’expérience du terrain et permet d’assouplir le cadre juridique des communes nouvelles. J’exprime un petit regret s’agissant du volet financier et fiscal, mais, comme cela a été dit à juste titre, il sera traité ultérieurement. Nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy Rebeyrotte. Bien sûr, le groupe La République en marche votera pour la proposition de loi. Nous tenons à féliciter chaleureusement Mme Françoise Gatel…
Mme la présidente. Qui suit nos travaux depuis les tribunes !
M. Rémy Rebeyrotte. …pour son initiative. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala. Conformément à ce que le groupe Les Républicains a dit tout au long de la soirée, il votera pour le texte. Je tiens à remercier le ministre pour l’ambiance qui a régné ce soir. (M. Patrice Verchère applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Baudu.
M. Stéphane Baudu. Sans surprise, après tout ce nous avons dit et ce qui a pu être débattu, je confirme que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera avec plaisir et joie en faveur de cette belle proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M.
Philippe Vigier. Le groupe Libertés et territoires votera
lui aussi pour la proposition de loi. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
En
effet, certaines des dispositions qu’il contient pourront
modifier la vie des communes nouvelles, lesquelles bénéficieront
de plus de souplesse.
Une petite chose, toutefois. (« Oh ! »
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ne
vous plaignez pas avant que je me sois exprimé, chers
collègues !
On verra sur la durée ce que
sont les communes-communautés,…
Mme Véronique Louwagie. Nous aurons un rapport pour cela !
M. Philippe Vigier. …et l’on regardera si elles n’ont pas été uniquement « défensives ». Cela apportera un éclairage intéressant pour l’avenir. Ne restons pas entre riches ; il faut partager les richesses !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme
la présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre
de votants 66
Nombre
de suffrages exprimés 65
Majorité
absolue 33
Pour
l’adoption 64
Contre 1
(La proposition de loi est
adoptée.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs.)