http://www.aredam.net/andre-hebert-ancien-volontaire-du-rojava-repond.html lundimatin
En 2015, André Hébert s’est rendu en Syrie pour rejoindre les forces kurdes du YPG (« Unités de Défense du Peuple »). Dans Jusqu’à Raqqa, paru aux Belles Lettres en début d’année, il avait raconté la guerre et le front contre Daesh. [Nous en avions publié les bonnes feuilles ici.] Dans cette tribune, il répond à un article récemment publié sur le site Mediapart qu’il qualifie de "narration anxiogène" derrière laquelle il voit l’influence néfaste des services de renseignement français. [Lire aussi notre article paru hier : Rojava, ultragauche, propagande et terrorisme - Mediapart intoxiqué par la DGSI ?] Étant un ancien volontaire français du YPG,
je n’ai pas d’autre choix que de répondre à
l’article insultant de Mediapart nous concernant. Ce
réquisitoire, qui a écœuré beaucoup
d’entre nous, nous calomnie suivant un schéma
narratif qui, depuis plusieurs années déjà,
est presque mot pour mot celui du ministère de
l’Intérieur. Le terme de « revenants »,
habituellement utilisé pour désigner les vétérans
du djihad, sert à faire passer ceux qui les ont combattus
pour de potentiels terroristes. Les journalistes se rendent
coupables d’innombrables erreurs qui ont déjà
été relevées par certains observateurs
avisés. Il reprennent les méthodes de la DGSI :
accuser sans preuve, citer des « sources »
qui sont en réalité des mythomanes et des parasites
qui ont brillé par leur inutilité quand ils étaient
dans les rangs du YPG, ou exhumer de vidéos faites sur le
coup de l’émotion, qui n’engagent que leurs
auteurs. Le journaliste de Mediapart avait, avant même de
me rencontrer, une idée très précise de ce
qu’il voulait écrire. De mon livre, qu’il cite
à plusieurs reprises, il n’a lu que quelques pages,
comme il me l’a dit dès le début de notre
rencontre. Fin connaisseur de la région, il semblait moins
intéressé par ma version des faits que par celle de
ses mystérieux « témoins »
sur place ou celle de la DGSI. Avant l’écriture de cet article de Mediapart, j’ai proposé à leur journaliste d’avoir accès à ce jugement, ce qu’il a refusé. Le fait qu’un dangereux « revenant d’ultra-gauche » ait été blanchi par la justice ne rentrait visiblement pas dans la narration anxiogène qu’il s’apprêtait à écrire. L’un des auteurs de l’article se complait dans l’idée que « l’inexpérience militaire des recrues françaises, (…) conduisait la direction des milices kurdes YPG (…) à les affecter en priorité à des travaux d’aménagement et de terrassement, ». Cette affirmation est parfaitement fausse. Les volontaires occidentaux du YPG (dont une vingtaine de Français) participèrent activement à toutes les offensives contre les djihadistes. À chacune de ses offensives, des combattants internationalistes étaient tués, d’autres mutilés, certains quelques semaines après leur arrivée au Rojava. 40 de nos camarades européens ou américains (dont trois Français) sont tombés au front, des dizaines d’autres ont été gravement blessés et beaucoup souffrent encore des blessures invisibles qu’ils ont récoltées sur le champ de bataille. Pendant que nous luttions pour libérer les territoires occupés par Daech, les agents de la DGSI nous espionnaient par le trou de la serrure, surveillaient nos conversations, nos fréquentations et, dans certains cas, exerçaient des pressions sur notre entourage. L’officier cité dans l’article, qui a passé « sa carrière à surveiller l’ultra-gauche », et qui nous décrit ironiquement comme tout juste capables de « crever des pneus de Vélib’ » devrait se souvenir que chacun d’entre nous à bien plus contribué à la lutte contre les djihadistes et à la sécurité du monde que lui dans toute sa carrière. Alors qu’il a passé sa vie derrière un bureau, à jouer les espions par écran interposé, nous étions en première ligne contre les commanditaires des attentats de Paris et de Nice. Pour combattre Daech, il nous fallait évidemment une « formation militaire » dont la DGSI semble avoir si peur. Le but de cette formation était de nous préparer aux combats impitoyables qui allaient suivre, pas de nous entraîner à commettre de quelconques « attaques contre les forces de l’ordre françaises » qui sont le cadet de nos soucis. Je connais personnellement la quasi-totalité des anciens volontaires français du YPG. Quand je les regarde aujourd’hui, je vois des hommes qui reprennent le fil de leur vie, qui ont à cœur de défendre les idées qui sont les leurs par un travail politique et non par de prétendues « cellules pré-terroristes » qui n’existent que dans l’esprit d’agents du renseignement accros aux conspirations et de journalistes avides d’histoires visant à susciter la peur. Cet article insultant, plein d’insinuations et de rumeurs, a tout l’air d’une commande de la DGSI aux journalistes de Mediapart. Ces derniers sont visiblement prêts à tout pour rendre service à leurs sources au sein de cette agence de renseignement. Les intérêts des journalistes et des policiers convergent lorsqu’il s’agit de nous caricaturer et de nous calomnier. Cette entreprise de dénigrement vise à discréditer les objectifs pour lesquels nous nous sommes battus : construire un futur basé sur une véritable démocratie et sur le partage des richesses. Ces idées, qui sont au cœur de la révolution du Rojava, sont aussi réclamées de plus en plus ardemment par les Français. C’est cela qui inquiète le pouvoir. Ils ne veulent pas que ce qu’ils appellent notre « radicalité » se répande en France. Ils craignent plus que tout au monde que se diffuse ce « virus » qui crée les révolutionnaires : le fait d’accepter de risquer sa vie pour un avenir meilleur.
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